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10/04/2018 | FRANCE | N°16BX01101

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 10 avril 2018, 16BX01101


Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010, 2011 et 2012, ainsi que des pénalités y afférentes.

Par un jugement n° 1402078 du 2 février 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 1er avril 2016 et un mémoire en réplique enregistré le 23 juin 2017, M.A..., repré

senté par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordea...

Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010, 2011 et 2012, ainsi que des pénalités y afférentes.

Par un jugement n° 1402078 du 2 février 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 1er avril 2016 et un mémoire en réplique enregistré le 23 juin 2017, M.A..., représenté par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) de prononcer la décharge des suppléments d'impôt contestés ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les justificatifs produits permettent de démontrer le lien entre les dépenses et l'activité développée ;

- il n'utilise internet que dans le cadre de sa profession ; il doit être joignable sur son téléphone portable à tout moment ;

- il justifie des emprunts souscrits pour l'achat de son véhicule ;

- les factures de dépenses de correspondance et de réception sont probantes dans la mesure où elles sont antérieures au contrôle et où leurs dates correspondent aux dates et lieux de tournées ; si certaines factures sont éditées en Espagne, c'est parce que le lieu de stockage de son employeur est proche de la frontière ;

- la doctrine administrative n'impose pas aux salariés la tenue d'une comptabilité journalière complète de leurs dépenses professionnelles ;

- ses déplacements sont récapitulés dans le détail ; l'administration avait indiqué admettre la réalité des distances parcourues annuellement ; il n'est pas logique de considérer qu'il a parcouru plus de distance à titre personnel que pour son activité professionnelle, qui l'astreint à des déplacements sur une vaste zone géographique ; compte tenu de l'importance de ces déplacements, les frais d'avertisseur " Coyote " doivent être retenus ;

- il conteste les déductions de 214, 243 et 205 repas pris chez lui au titre des années 2010, 2011 et 2012, alors que ces repas, au nombre de 142, ont déjà été déduits de son revenu global ;

- il a contracté un emprunt avant chaque tournée avant de financer celle-ci, n'étant réglé qu'à la livraison des clients ; il en est justifié.

Par un mémoire en défense enregistré le 8 septembre 2016, le ministre des finances et des comptes publics (direction spécialisé de contrôle fiscal Sud-ouest) conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable en ce qu'elle tend à la décharge des rappels d'impôt résultant de la réintégration de rémunérations perçues en Belgique, qui n'ont jamais été contestées par le requérant ;

- pour le surplus, aucun des moyens de la requête n'est fondé ;

- le requérant ne produit aucun justificatif probant en appel.

Par une ordonnance du 16 mai 2016, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 juin 2016 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Laurent Pouget,

- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., représentant M.A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A...exerce une activité de " VRP multicartes " pour le compte de deux sociétés, dont il est salarié. A l'issue d'un examen sur pièces de son dossier fiscal, l'administration lui a notifié le 15 mai 2014 des rectifications d'impôt sur le revenu au titre des années 2010, 2011 et 2012, correspondant à la réintégration de rémunérations perçues en Belgique et, pour l'essentiel, à la remise en cause de la déductibilité de dépenses déclarées comme frais réels professionnels. M.A..., qui a contesté en vain les rappels d'impôt sur le revenu qui lui ont été assignés de ce dernier chef, ainsi que les pénalités y afférentes, relève appel du jugement en date du 2 février 2016 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande aux fins de décharge des rehaussements de cotisations d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti.

2. Aux termes de l'article 13 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice ou revenu imposable est constitué par l'excédent du produit brut, y compris la valeur des profits et avantages en nature, sur les dépenses effectuées en vue de l' acquisition et de la conservation du revenu (...). Aux termes de l'article 83 du même code: " Le montant net du revenu imposable est déterminé en déduisant du montant brut des sommes payées et des avantages en argent ou en nature accordés : (...) 3° Les frais inhérents à la fonction ou à l'emploi lorsqu'ils ne sont pas couverts par des allocations spéciales. La déduction à effectuer du chef des frais professionnels est calculée forfaitairement en fonction du revenu brut, (...) elle est fixée à 10 % du montant de ce revenu. (...) Les bénéficiaires de traitements et salaires sont également admis à justifier du montant de leurs frais réels, soit dans la déclaration visée à l'article 170, soit sous forme de réclamation adressée au service des impôts dans le délai prévu aux articles R. 196-1 et R. 196-3 du livre des procédures fiscales. (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour pouvoir déduire de son revenu imposable ses frais professionnels réels, le contribuable doit fournir des justifications suffisamment précises pour permettre à l'administration d'en apprécier le montant et de vérifier qu'ils ont été effectivement exposés par lui à l'occasion de l'exercice de sa profession. Il appartient notamment au contribuable de justifier la part professionnelle des dépenses qui ont un caractère mixte, lorsqu'il conteste la ventilation effectuée par l'administration fiscale.

3. Il résulte de l'instruction que M.A..., en vertu des contrats le liant à ses deux employeurs, exerce son activité de représentant de marques de prêt-à porter dans le grand Sud-ouest français. Il a déclaré des revenus professionnels de 31 112 euros en 2010, de 35 315 euros en 2011 et de 35 877 euros en 2012, et, au titre des mêmes années, ses déclarations faisaient état de frais réels à hauteur, respectivement, de 39 565 euros, 41 690 euros et 37 921 euros, correspondant notamment à des frais de transport, d'hôtel, de repas et de show-room, de réception, de correspondance, de téléphone, d'internet et d'emprunts. Par une proposition de rectification du 15 novembre 2013, l'administration a remis en cause la déductibilité de ces sommes à concurrence de 16 938 euros en ce qui concerne 2010, de 14 998 euros pour 2011 et de 17 037 euros pour 2012 au motif qu'il n'était pas justifié, dans cette mesure, de leur réalité ou de leur caractère professionnel.

4. Ainsi, alors que M.A..., sur la base du barème kilométrique forfaitaire publié par l'administration, a porté en déduction sur ses déclarations de revenus des années considérées, des sommes correspondant à des distances annuelles parcourues de respectivement 57 606 kilomètres, 52 800 kilomètres et 59 700 kilomètres, le service n'a admis de prendre en considération que des distances annuelles de 28 000, 30 000 et 26 000 kilomètres et, pour le surplus, a regardé les frais de déplacement déclarés comme insuffisamment justifiés. M.A..., qui persiste à soutenir en appel qu'il a droit à la déduction de l'intégralité des frais déclarés, ne saurait s'exonérer de la charge d'apporter des justificatifs précis en invoquant les instructions administratives nº 5 F-254 du 10 février 1999 et BOI-RSA-BASE 30-50-30-40 n° 230 du 12 septembre 2012, lesquelles ne comportent aucune interprétation de la loi fiscale invocable sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales. Le requérant produit néanmoins pour la première fois devant la cour, outre les copies d'agendas déjà transmises en première instance, le compte-rendu détaillé de ses déplacements professionnels au cours des trois années concernées, en indiquant l'identité et l'adresse des clients ou l'objet et le lieu du déplacement, ainsi que le nombre de kilomètres parcourus dans chaque cas. Au regard de ces comptes-rendus, qui sont corroborés par les annotations des agendas du requérant, et auxquels sont joints des factures de sociétés autoroutières permettant certains recoupements, M. A... doit être regardé comme justifiant en l'espèce avoir parcouru au titre de son activité professionnelle les distances annuelles relevées par lesdits comptes-rendus, soit au total 35 515 kilomètres en 2010, 34 752 kilomètres en 2011 et 26 104 kilomètres en 2012. Compte tenu des coefficients successifs de 0,46, 0,478 et 0,396 prévus par le barème administratif forfaitaire pour les années considérées, le requérant est par suite fondé à demander la réduction des impositions en litige dans la mesure résultant de la prise en considération de montants de frais de déplacements portés à 16 337 euros en 2010, à 16 611 euros en 2011 et à 10 337 euros en 2012, en lieu et place des 12 880 euros, 14 340 euros et 10 296 euros admis respectivement par le service.

5. Pour le surplus, les documents produit en cause d'appel par M.A..., consistant en des copies des bons de commandes enregistrés pour le compte de ses employeurs et en des tableaux récapitulatifs généraux des divers frais prétendument exposés au cours des années 2011 et 2012, qui ne sont détaillés que pour ce qui concerne quelques invitations de clients et qui ne sont assortis d'aucune pièce justificative probante, ne sont pas de nature à attester davantage que ceux produits devant le tribunal de la réalité et du caractère professionnel des autres dépenses en litige, au-delà des montants admis en déduction par l'administration.

6. Dans ces conditions, et dès lors que le requérant ne développe par ailleurs devant la cour aucun argument nouveau ni aucune critique particulière du jugement attaqué concernant la déductibilité des frais exposés pour l'achat et la détention d'un avertisseur " Coyote ", des intérêts d'emprunts souscrits pour l'acquisition d'un véhicule et pour le financement de ses tournées, des frais de repas et de réception, ainsi que de dépenses de téléphone, d'internet et de correspondance, il convient d'écarter les moyens y afférents par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.

7. M. A...ne conteste pas le bien-fondé des redressements auxquels il a été assujetti au titre des années 2011 et 2012 à raison de la réintégration dans la base imposable à l'impôt sur le revenu, au titre des traitements et salaires, de rémunérations perçues en Belgique.

8. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir partielle opposée par l'administration, que M. A...est seulement fondé à soutenir que c'est tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande en ce qu'elle tend à la décharge des rappels d'impôt sur le revenu procédant de la prise en compte de montants de frais de déplacement supplémentaires de 3 457 euros en 2010, de 2 271 euros en 2011 et de 41 euros en 2012.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante pour l'essentiel, verse une somme quelconque à M. A...au titre de ses frais d'instance.

DECIDE :

Article 1er : M. A...est déchargé des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010, 2011 et 2012, ainsi que des pénalités y afférentes, dans la mesure résultant de la prise en compte de frais de déplacements professionnels supplémentaires de 3 457 euros, 2 271 euros et 41 euros.

Article 2 : Le jugement n° 1402078 du tribunal administratif de Bordeaux du 2 février 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 15 mars 2018, à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. Laurent Pouget, président-assesseur,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 10 avril 2018.

Le rapporteur,

Laurent POUGETLe président,

Aymard de MALAFOSSE Le greffier,

Christophe PELLETIER La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

3

N° 16BX01101


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX01101
Date de la décision : 10/04/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux fiscal

Analyses

19-04-02-07-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Traitements, salaires et rentes viagères. Déductions pour frais professionnels.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: M. Laurent POUGET L.
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : SCP MAXWELL -BERTIN-BARTHELEMY-MAXWELL

Origine de la décision
Date de l'import : 17/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-04-10;16bx01101 ?
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