La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/04/2018 | FRANCE | N°16BX02022

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 25 avril 2018, 16BX02022


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...B...a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler l'arrêté du 13 juillet 2015 par lequel le recteur de l'académie de la Guyane lui a infligé la sanction disciplinaire du déplacement d'office et d'enjoindre à ce recteur de lui communiquer l'avis du conseil de discipline du 24 juin 2015.

Par un jugement n° 1500652 du 12 mai 2016, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 2

1 juin 2016 et 1er juin 2017, Mme B..., représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'an...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...B...a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler l'arrêté du 13 juillet 2015 par lequel le recteur de l'académie de la Guyane lui a infligé la sanction disciplinaire du déplacement d'office et d'enjoindre à ce recteur de lui communiquer l'avis du conseil de discipline du 24 juin 2015.

Par un jugement n° 1500652 du 12 mai 2016, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 juin 2016 et 1er juin 2017, Mme B..., représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guyane du 12 mai 2016 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 13 juillet 2015 ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'avis du conseil de discipline est irrégulier en raison de la partialité dont a fait preuve cette instance ;

- la décision a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière, ainsi, lors de la consultation de son dossier administratif individuel le 15 mai 2015, il manquait sa fiche de notation de l'année 2012 dans ce dossier qui était donc incomplet ;

- la sanction est tardive, car les faits reprochés sont tous datés de mars et septembre 2014 et la procédure n'a pas été engagée dans un délai raisonnable, en méconnaissance d'un principe général du droit et de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision litigieuse est fondée sur des faits qui ne sauraient justifier une sanction et sur des allégations qui ne sont corroborées par aucun élément objectif ;

- la sanction est manifestement disproportionnée ;

- la sanction a des conséquences disproportionnées sur son état de santé.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 12 mai et 12 juin 2017, le ministre de l'éducation nationale conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme B...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 82-451 du 28 mai 1982 ;

- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Éric Rey-Bèthbéder ;

- et les conclusions de M. David Katz, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. MmeB..., née le 2 mars 1968, adjointe administrative de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur, a été affectée en qualité de secrétaire de gestion au collège La Canopée à Matoury à compter de l'année 2009. Par arrêté du 13 juillet 2015, le recteur de l'académie de la Guyane lui a infligé la sanction disciplinaire du déplacement d'office. Mme B... relève appel du jugement du jugement du 12 mai 2016 par lequel le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande dirigée contre cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la légalité externe :

2. Aux termes de l'article 19 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 : " Le pouvoir disciplinaire appartient à l'autorité investie du pouvoir de nomination. / Le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l'assistance de défenseurs de son choix. L'administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier. Aucune sanction disciplinaire autre que celles classées dans le premier groupe par les dispositions statutaires relatives aux fonctions publiques de l'Etat, territoriale et hospitalière ne peut être prononcée sans consultation préalable d'un organisme siégeant en conseil de discipline dans lequel le personnel est représenté. / L'avis de cet organisme de même que la décision prononçant une sanction disciplinaire doivent être motivés ". Aux termes de l'article 2 du décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 : " L'organisme siégeant en Conseil de discipline lorsque sa consultation est nécessaire, en application du second alinéa de l'article 19 de la loi susvisée du 13 juillet 1983, est saisi par un rapport émanant de l'autorité ayant pouvoir disciplinaire ou d'un chef de service déconcentré ayant reçu délégation de compétence à cet effet. / Ce rapport doit indiquer clairement les faits reprochés au fonctionnaire et préciser les circonstances dans lesquels ils se sont produits ". Enfin, aux termes de l'article 5 de ce même décret : " Lorsque le conseil de discipline examine l'affaire au fond, son président porte, en début de séance, à la connaissance des membres du conseil les conditions dans lesquelles le fonctionnaire poursuivi et, le cas échéant, son ou ses défenseurs ont exercé leur droit à recevoir communication intégrale du dossier individuel et des documents annexes. / Le rapport établi par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire ou par un chef de service déconcentré ayant reçu délégation de compétence à cet effet et les observations écrites éventuellement présentées par le fonctionnaire sont lus en séance. (...) Le fonctionnaire et, le cas échéant, son ou ses défenseurs peuvent, à tout moment de la procédure devant le conseil de discipline, demander au président l'autorisation d'intervenir afin de présenter des observations orales. Ils doivent être autorisés à présenter d'ultimes observations avant que le conseil ne commence à délibérer. ".

3. En premier lieu, le conseil de discipline s'est réuni le 24 juin 2015. Quand bien même le président de ce conseil a évoqué en séance l'attitude de l'appelante, il ne ressort ni du procès-verbal du conseil de discipline ni d'aucune autre pièce du dossier que le président aurait manifesté une animosité personnelle ou fait preuve de partialité à l'égard de MmeB....

4. En deuxième lieu, il n'est pas contesté que Mme B...a eu connaissance des pièces de son dossier relatives aux faits qui lui étaient reprochés. À cet égard, la circonstance, à la supposer établie, que la fiche de notation individuelle de l'année 2012 ne lui aurait pas été communiquée est sans incidence sur la régularité de la procédure, dès lors que la décision contestée a été prise au vu des pièces dont l'intéressée a eu connaissance.

5. En troisième et dernier lieu et ainsi que l'ont retenu les premiers juges, aucun texte ni aucun principe général du droit n'enfermait dans un délai déterminé, à la date de la décision litigieuse, l'exercice de l'action disciplinaire à l'égard d'un fonctionnaire. Dans ces conditions, c'est à bon droit qu'ils ont écarté le moyen tiré de ce que l'administration aurait engagé tardivement la procédure disciplinaire eu égard à l'ancienneté des faits reprochés, en méconnaissance du délai raisonnable qui s'imposerait à elle. De plus, la procédure au terme de laquelle l'autorité administrative compétente exerce son pouvoir disciplinaire n'entre pas dans le champ d'application de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ainsi, et en tout état de cause, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de cet article est inopérant.

En ce qui concerne la légalité interne :

6. Aux termes de l'article 28 de la loi précitée du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires: " Tout fonctionnaire, quel que soit son rang dans la hiérarchie, est responsable de l'exécution des tâches qui lui sont confiées. Il doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique, sauf dans le cas où l'ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public.(...) ". Aux termes de l'article 29 de la même loi : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ". Enfin, aux termes de l'article 66 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. (...) Deuxième groupe : (...) - le déplacement d'office. (...) ".

7. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

8. Pour prononcer à l'encontre de Mme B...la sanction du deuxième groupe du déplacement d'office, le recteur de l'académie de la Guyane s'est fondé sur les motifs tirés de ce que l'intéressée avait manifesté un comportement excessif et irrespectueux à l'égard de sa hiérarchie, une attitude parfois violente verbalement à l'encontre de son supérieur direct et des refus d'obéissance répétés.

9. Il ressort des pièces du dossier et notamment du procès-verbal du conseil de discipline du 24 juin 2015 ainsi que de plusieurs rapports précis et circonstanciés établis tant par le gestionnaire que la principale du collège dans lequel l'appelante était affectée, qu'en dépit des entretiens au cours desquels la principale lui a demandé de revoir son attitude et ses prises de position, Mme B...a persisté dans son attitude d'opposition et ses refus d'obéissance à l'encontre de ses supérieurs hiérarchiques. Mme B...n'établit pas, par la production d'attestations de sa mère et de deux collègues de travail ainsi que de documents médicaux, l'inexactitude matérielle des faits qui lui sont reprochés et il ressort de ses propres écritures qu'elle a effectivement refusé d'effectuer 39 heures hebdomadaires comme il lui était demandé. Par ailleurs, si l'appelante prétend que sa hiérarchie lui aurait fait subir un véritable harcèlement moral, elle n'apporte à l'appui de cette allégation aucun élément de fait précis et de nature à en faire présumer l'existence. Par conséquent le moyen tiré de ce que les faits qui lui sont reprochés ne seraient pas établis ne peut qu'être écarté.

10. Les manquements en cause constituent des fautes et sont de nature à justifier une sanction disciplinaire. En prononçant le déplacement d'office critiqué, sanction du deuxième groupe, le recteur de l'académie de la Guyane n'a pas, dans les circonstances de l'affaire, eu égard notamment à la persistance de l'attitude d'opposition et des refus d'obéissance de Mme B... et en dépit de son ancienneté et de ses états de service, pris une sanction disproportionnée.

11. Les conséquences que peut avoir une sanction disciplinaire sur la situation personnelle de l'agent sont sans incidence sur sa légalité. Par conséquent, Mme B...ne peut utilement faire valoir que la sanction en litige a des conséquences disproportionnées sur son état de santé.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par MmeB..., au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...B...et au ministre de l'éducation nationale.

Délibéré après l'audience du 20 mars 2018 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme Aurélie Chauvin, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 25 avril 2018

Le président assesseur,

Didier Salvi Le président,

Éric Rey-BèthbéderLe greffier,

Vanessa BeuzelinLa République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16BX02022


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX02022
Date de la décision : 25/04/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09 Fonctionnaires et agents publics. Discipline.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: M. Eric REY-BETHBEDER
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : PAGE JULIE

Origine de la décision
Date de l'import : 22/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-04-25;16bx02022 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award