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26/04/2018 | FRANCE | N°16BX00212

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), 26 avril 2018, 16BX00212


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 17 février 2014 par lequel le préfet des Landes a déclaré irrémédiablement insalubre l'immeuble qu'il donne à bail, situé au lieudit " Le petit poteau " à Retjons (Landes), ensemble la décision du 30 juin 2014 du ministre des affaires sociales et de la santé rejetant son recours hiérarchique contre cet arrêté.

Par un jugement n° 1401726 du 19 novembre 2015, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.


Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 janvier 2016 et un mémoire ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 17 février 2014 par lequel le préfet des Landes a déclaré irrémédiablement insalubre l'immeuble qu'il donne à bail, situé au lieudit " Le petit poteau " à Retjons (Landes), ensemble la décision du 30 juin 2014 du ministre des affaires sociales et de la santé rejetant son recours hiérarchique contre cet arrêté.

Par un jugement n° 1401726 du 19 novembre 2015, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 janvier 2016 et un mémoire complémentaire enregistré le 13 juin 2016, M.C..., représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 19 novembre 2015 ;

2°) d'annuler l'arrêté contesté et le rejet de son recours hiérarchique ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il appartient au préfet de rapporter la preuve que les membres du conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques (CODERST) ont été dûment convoqués dans le délai de huit jours prévu par l'article R. 1416 du code de la santé publique et qu'ils ont été concomitamment rendus destinataires des documents nécessaires à l'examen du dossier ;

- ses observations n'ont pas été prises en considération, que ce soit au cours de la visite sur les lieux ou lors de la réunion du CODERST du 20 janvier 2014 ; il n'a pas été tenu compte de sa demande de contre-visite ;

- le système d'assainissement autonome et l'installation électrique ont été refaits en 1992 afin que l'établissement, qui recevait alors du public, réponde aux normes d'hygiène et de sécurité en vigueur ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qu'il a déclaré insalubre le bâtiment dont il est propriétaire ; les dispositions de la circulaire n° 2002-36 du 2 mai 2002 relative à l'application des dispositions de la loi SRU concernant l'habitat insalubre, définissent la notion d'insalubrité et précisent ses principaux facteurs ; le logement concerné ne répond pas aux critères fixés par ce texte pour juger de son insalubrité ;

- le caractère irrémédiable de l'insalubrité d'un bâtiment ne peut être retenu que sur la base d'une étude technique et financière particulièrement solide ; or, dans le cas d'espèce, l'estimation du coût des travaux nécessaires pour rendre le logement salubre est non seulement très sommaire mais aussi démesuré et fantaisiste en l'absence d'un devis descriptif détaillé ;

- les dégradations dont le logement a fait l'objet sont l'oeuvre du locataire qui y vit avec ses chiens et refuse de quitter les lieux.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 juillet 2016, le ministre des affaires sociales et de la santé conclut au rejet de la requête de M.C....

Il soutient que :

- l'article 9 du décret n° 2006-672 du 8 juin 2006 relatif à la création, à la composition et au fonctionnement de commissions administratives à caractère consultatif fixe à cinq jours le délai minimum de convocation avant la date de la réunion ; il justifie par les pièces versées au dossier que les membres du CODERST ont été convoqués dans les délais requis et que les documents nécessaires à l'examen de l'affaire concernée étaient joints aux convocations ;

- contrairement à ce qu'il soutient, M. C...a été entendu par les membres du CODERST, ainsi qu'il ressort du procès-verbal de la réunion de cette instance en date du 20 janvier 2014 ;

- quand bien même les dégradations constatées seraient imputables au locataire, le propriétaire d'un immeuble insalubre est seul responsable de cet état de fait au regard du code de la santé publique ;

- l'estimation des travaux nécessaires pour rendre le logement habitable a été estimé à 192 000 euros par le service habitat de la direction départementale des territoires et de la mer des Landes ; les actions de rénovation entreprises antérieurement par le requérant concernaient essentiellement la mise aux normes, l'électricité et l'assainissement ; le coût des travaux envisagés comprend en plus des actions de réhabilitation portant sur la structure, la façade, la couverture, la partie plomberie-chauffage-sanitaire, les revêtements de sol, les peintures et les menuiseries, ce qui conduit à un coût total supérieur au double du prix des travaux déjà entrepris ponctuellement par M.C....

Par ordonnance du 11 juillet 2016, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 31 août 2016 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le décret n° 2006-672 du 8 juin 2006 relatif à la création, à la composition et au fonctionnement de commissions administratives à caractère consultatif ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Laurent Pouget,

- et les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. C...est titulaire d'un bail commercial sur un immeuble anciennement à usage de restaurant, situé sur le territoire de la commune de Retjons (Landes), au lieudit " Le petit poteau ", en bord de route nationale, qu'il donne en location pour un usage d'habitation. Un rapport établi le 25 novembre 2013 par la délégation territoriale des Landes de l'agence régionale de santé Aquitaine, faisant suite à un signalement par l'assistante sociale chargée du suivi de la situation du locataire du logement, relève l'état d'insalubrité de l'immeuble. Lors de sa séance du 20 janvier 2014, le conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques (CODERST) a émis un avis sur l'insalubrité du bâtiment, constatant la réalité de celle-ci et concluant à l'impossibilité d'y remédier. Par un arrêté du 17 février 2014, le préfet des Landes a en conséquence déclaré l'insalubrité irrémédiable de l'immeuble et a prononcé l'interdiction de l'habiter et de l'utiliser. Le 2 mai 2014, M. C...a formé un recours hiérarchique contre cet arrêté, qui a été rejeté le 30 juin suivant par le ministre des affaires sociales et de la santé. Il relève appel du jugement du 19 novembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté son recours dirigé contre l'arrêté préfectoral du 17 février 2014 et contre la décision du ministre rejetant son recours hiérarchique.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 9 du décret du 8 juin 2006 relatif à la création, à la composition et au fonctionnement des commissions à caractère consultatif : " Sauf urgence, les membres des commissions reçoivent, cinq jours au moins avant la date de la réunion, une convocation comportant l'ordre du jour et, le cas échéant, les documents nécessaires à l'examen des affaires qui y sont inscrites. ". Aux termes de l'article R. 1321-7 du code de la santé publique : " I. - Le préfet soumet un rapport de synthèse et un projet d'arrêté motivé à l'avis du conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques. (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que les membres du CODERST des Landes ont été convoqués par lettres du 13 janvier 2014 pour une réunion prévue le 20 du même mois. Ces convocations indiquaient que l'ordre du jour et les dossiers de présentation relatifs aux affaires devant être étudiées au cours de la séance feraient l'objet d'un envoi par messagerie électronique. M. C...n'apporte aucun élément à l'appui de sa simple allégation selon laquelle les membres du conseil n'auraient pas reçu la convocation et les pièces jointes annoncées cinq jours au moins avant la date de la réunion. Par suite, le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article 9 du décret du 8 juin 2006 auraient été méconnues et que les membres du CODERST des Landes se seraient prononcés à l'issue d'une procédure irrégulière doit être écarté.

4. Aux termes de l'article L. 1331-26 du code de la santé publique : " Lorsqu'un immeuble (...) constitue, soit par lui-même, soit par les conditions dans lesquelles il est occupé ou exploité, un danger pour la santé des occupants ou des voisins, le représentant de l'État dans le département, saisi d'un rapport motivé du directeur général de l'agence régionale de santé (...) concluant à l'insalubrité de l'immeuble concerné, invite la commission départementale compétente en matière d'environnement, de risques sanitaires et technologiques à donner son avis dans le délai de deux mois : 1 Sur la réalité et les causes de l'insalubrité ; 2 Sur les mesures propres à y remédier. L'insalubrité d'un bâtiment doit être qualifiée d'irrémédiable lorsqu'il n'existe aucun moyen technique d'y mettre fin, ou lorsque les travaux nécessaires à sa résorption seraient plus coûteux que la reconstruction. / L'insalubrité d'un bâtiment doit être qualifiée d'irrémédiable lorsqu'il n'existe aucun moyen technique d'y mettre fin, ou lorsque les travaux nécessaires à sa résorption seraient plus coûteux que la reconstruction (...) ". En vertu de l'article L. 1331-28 du même code : " I.-Lorsque la commission ou le haut conseil conclut à l'impossibilité de remédier à l'insalubrité, le représentant de l'Etat dans le département déclare l'immeuble insalubre à titre irrémédiable, prononce l'interdiction définitive d'habiter et, le cas échéant, d'utiliser les lieux et précise, sur avis de la commission, la date d'effet de cette interdiction, qui ne peut être fixée au-delà d'un an. (...) ".

5. Il résulte de ces dispositions que l'insalubrité ne peut être qualifiée d'irrémédiable que lorsqu'il n'existe aucun moyen technique d'y mettre fin ou que les travaux nécessaires à sa résorption seraient plus coûteux que la reconstruction. Lorsque le CODERST conclut à l'impossibilité de remédier à l'insalubrité d'un immeuble, le préfet est tenu de le déclarer insalubre à titre irrémédiable.

6. Il résulte d'une part de l'instruction, et notamment du rapport de la délégation territoriale des Landes de l'agence régionale de santé du 25 novembre 2013, établi à la suite de la visite contradictoire des lieux qui s'est déroulée le 6 septembre 2013, que l'immeuble donné à bail par M. C...souffre d'un état général dégradé préjudiciable à la santé, à la sécurité de l'occupant et à l'état du bien en question. En particulier, l'isolation et le système de chauffage apparaissent insuffisants, les murs extérieurs comportent des ouvertures non colmatées et les plafonds sont partiellement absents, la salle d'eau est extérieure à l'immeuble, il existe des risques relatifs à la sécurité incendie ou à une intoxication par le monoxyde de carbone, les installations électriques ne sont pas conformes aux normes et le contrôle de l'assainissement autonome n'a pu être réalisé. La présence d'amiante et d'insectes xylophages dans la charpente est également suspectée. M. C...tente de minimiser les désordres ainsi constatés et fait valoir que des travaux de rénovation ont été effectués à plusieurs reprises dans le passé. Ces observations ne sont toutefois pas de nature à remettre en cause la matérialité des constats opérés par l'administration, alors notamment que les seuls travaux de structure invoqués, dont l'importance n'est pas avérée, ont porté sur la charpente en 2009, que les travaux d'électricité dont se prévaut le requérant remontent à 1992, et qu'il n'est plus généralement pas fait état devant la cour de travaux récents de remise en état de l'immeuble.

7. D'autre part, aux termes du rapport d'insalubrité de la délégation territoriale des Landes en date du 25 novembre 2013, rédigé par un ingénieur d'études sanitaires et un technicien sanitaire relevant de cette administration, le coût total des travaux indispensables à la réhabilitation de l'immeuble peut être évalué à 192 000 euros. Ces travaux de réhabilitation doivent porter, en particulier, sur la structure même du bâtiment, la toiture, les façades, l'isolation générale, les menuiseries intérieures et extérieures, le système électrique, la plomberie-chauffage-sanitaire, la ventilation, l'assainissement individuel, les peintures intérieures et les revêtements de sol. M.C..., en se bornant à rappeler, ainsi qu'il a été dit, les actions de rénovation menées plusieurs années auparavant et qui, en tout état de cause, ne couvrent pas l'ensemble des vices affectant désormais l'immeuble, ne conteste pas ainsi sérieusement l'évaluation faite par les services techniques du coût de remise en état des principaux désordres considérés. A supposer même que la charpente n'ait pas besoin d'être entièrement reprise, comme le soutient le requérant, il ne résulte pas de l'instruction, en tout état de cause, que les travaux indispensables à la réhabilitation d'ensemble du logement pourraient être d'un coût inférieur à celui de sa reconstruction.

8. Dans ces conditions, M. C...qui, ainsi que l'a indiqué le tribunal administratif, ne peut utilement se prévaloir ni des mentions non réglementaires de la circulaire n° 2002-36 du 2 mai 2002 relative à l'application des dispositions de la loi dite " SRU " du 13 décembre 2000, ni de ce que le désordre affectant l'immeuble serait partiellement imputable au locataire, ne démontre pas que le CODERST, par son avis du 20 janvier 2014, aurait méconnu les dispositions précitées de l'article L. 1331-26 du code de la santé publique en estimant ledit immeuble irrémédiablement insalubre. Le préfet des Landes était donc tenu de déclarer cet immeuble insalubre à titre irrémédiable, et le ministre des affaires sociale et de la santé de confirmer cette déclaration.

9. Il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par M. C...ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C...et au ministre des solidarités et de la santé.

Délibéré après l'audience du 29 mars 2018 à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. Laurent Pouget, président-assesseur

Mme Sylvie Cherrier, premier conseiller,

Lu en audience publique le 26 avril 2018.

Le rapporteur,

Laurent POUGET Le président,

Aymard de MALAFOSSE Le greffier,

Christophe PELLETIER La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

6

N° 16BX00212


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 16BX00212
Date de la décision : 26/04/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-05-002 Police. Polices spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: M. Laurent POUGET L.
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : SCP VIDALIES - DUCAMP - DARZACQ

Origine de la décision
Date de l'import : 01/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-04-26;16bx00212 ?
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