La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/06/2018 | FRANCE | N°18BX00924

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 28 juin 2018, 18BX00924


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision laquelle le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité le 31 mars 2015.

Par un jugement n° 1700667 du 16 janvier 2018, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 mars 2018, MmeA..., représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de P

oitiers du 16 janvier 2018 ;

2°) d'annuler la décision du préfet de la Vienne portant rejet implicite ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision laquelle le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité le 31 mars 2015.

Par un jugement n° 1700667 du 16 janvier 2018, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 mars 2018, MmeA..., représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 16 janvier 2018 ;

2°) d'annuler la décision du préfet de la Vienne portant rejet implicite de sa demande de titre du séjour du 31 mars 2015, la décision expresse de la même autorité en date du 2 août 2016 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et le rejet implicite du recours gracieux présenté contre cette décision ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Vienne de lui délivrer un certificat de résidence dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, d'une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier ; la décision expresse du 2 août 2016 s'est substituée à celle, implicite, portant rejet de sa demande de titre de séjour présentée le 31 mars 2015 ; contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, ses conclusions dirigées contre la décision du 2 aout 2016 et contre le rejet implicite du recours gracieux formé contre cette décision étaient en conséquence recevables ;

- le tribunal a omis de statuer sur les moyens invoqués à l'encontre de la décision du 2 août 2016 ;

- les décisions contestées sont entachées d'incompétence de leur auteur ;

- les décisions contestées sont insuffisamment motivées au regard des exigences prévues par l'article L. 211-5 du code des relations entre l'administration et le public ;

- les décisions attaquées reposent sur une erreur de fait ; contrairement à ce qui est retenu, seuls son frère et l'une de ses filles résident en Algérie ; cette erreur de fait a altéré l'appréciation portée sur sa demande de titre de séjour ;

- les décisions sont entachées d'erreur de droit ; le préfet n'a pas examiné l'opportunité d'une mesure de régularisation ;

- le refus de séjour procède d'une inexacte application des stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien ; seuls son frère, âgé de 81 ans, et l'une de ses filles, avec laquelle les liens se sont distendus, résident en Algérie ; elle a vécu dans un département français jusqu'à l'âge de 22 ans ; son fils et ses petits enfants vivent en France ;

- le refus de séjour a été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu de sa situation familiale et médicale ;

- le refus de séjour repose sur une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle et familiale.

Par un mémoire en défense enregistré le 17 avril 2018, le préfet de la Vienne conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 18 avril 2018, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 18 mai 2018 à 12h00.

Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 mai 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy a été entendu au cours de l'audience publique ainsi que les observations de MmeA....

Considérant ce qui suit :

1. MmeA..., ressortissante algérienne née le 10 janvier 1940, est entrée en France le 6 février 2011 sous couvert d'un visa de court séjour. Elle a bénéficié d'un certificat de résidence valable jusqu'au 16 février 2012, dont le renouvellement lui a été refusé. Un titre de séjour lui a ensuite été délivré en raison de son état de santé ; ce titre, valable du 27 février 2013 au 26 août 2013, n'a pas davantage été renouvelé. L'intéressée a sollicité le 31 mars 2015 la délivrance d'un certificat de résidence sur le fondement des stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien. Il lui a été indiqué le 11 juillet 2016, au guichet de la préfecture de la Vienne, qu'une décision implicite de rejet était née sur cette demande. Mme A... a alors sollicité, par courrier reçu le 27 juillet 2016, la communication des motifs de cette décision implicite. Les motifs lui ont été communiqués par un courrier du 2 août 2016. Mme A...relève appel du jugement du 16 janvier 2018 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté son recours tendant à l'annulation du refus opposé à sa demande de titre de séjour présentée le 31 mars 2015.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Le silence gardé pendant plus de quatre mois sur les demandes de titres de séjour vaut décision implicite de rejet. ". L'article 19 de la loi du 12 avril 2000 alors en vigueur dispose : " Toute demande adressée à une autorité administrative fait l'objet d'un accusé de réception délivré dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) Les délais de recours ne sont pas opposables à l'auteur d'une demande lorsque l'accusé de réception ne lui a pas été transmis ou ne comporte pas les indications prévues par le décret mentionné au premier alinéa (...). ". Aux termes de l'article 5 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs, alors en vigueur : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués. ".

3. En application des dispositions précitées de l'article R. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le silence gardé pendant plus de quatre mois par le préfet de la Vienne sur la demande de titre de séjour présentée le 31 mars 2015 par Mme A... a fait naître, le 31 juillet 2015, une décision implicite de rejet. Il ne ressort pas des pièces du dossier que cette demande ait fait l'objet de l'accusé de réception prévu par les dispositions précitées de l'article 19 du de la loi du 12 avril 2000, de sorte que le délai de recours contentieux à l'encontre de cette décision implicite n'avait pas commencé à courir à la date du 27 juillet 2016, date à laquelle Mme A...a demandé la communication des motifs de cette décision. Le courrier du 2 août 2016 par lequel l'autorité préfectorale s'est bornée à communiquer à Mme A...les motifs de cette décision implicite de rejet ne constitue pas, ainsi que l'ont estimé les premiers juges, une décision susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir, et ne saurait ainsi, ni s'être substituée à ladite décision implicite, ni faire l'objet d'un " recours gracieux ".

4. Par suite, les premiers juges ont à juste titre rejeté comme irrecevables les conclusions de Mme A...dirigées contre ledit courrier du 2 août 2016 et contre le prétendu rejet implicite du " recours gracieux " dirigé contre cet acte non décisoire, et n'étaient nullement tenus de répondre aux moyens soulevés à l'appui de la contestation dudit courrier.

Au fond :

En ce qui concerne les conclusions aux fins d'annulation du refus implicite de titre de séjour :

5. En premier lieu, le refus implicite opposé à la demande de titre de séjour formulée le 31 mars 2015 est réputé avoir été pris par le préfet de la Vienne, auquel était adressée la demande. Le moyen tiré de ce que la décision en litige serait entachée d'incompétence doit dès lors être écarté.

6. En deuxième lieu, conformément aux dispositions citées au point 2, les motifs de droit et de fait fondant le refus implicitement opposé à la demande de Mme A...du 31 mars 2015 de délivrance d'un titre de séjour figurent dans le courrier précité du 2 août 2016, et ont été portés à la connaissance de l'intéressée moins d'un mois après sa demande de communication des motifs du 27 juillet 2016. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation du refus de séjour en litige doit ainsi être écarté.

7. En troisième lieu, il ne ressort nullement des pièces du dossier que le préfet se serait estimé en situation de compétence liée pour refuser d'admettre Mme A...au séjour et n'aurait pas examiné l'opportunité d'une mesure de régularisation en sa faveur.

8. En quatrième lieu, Mme A...soutient que la décision de refus de séjour en litige, en ce qu'elle est fondée sur ce qu'elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales en Algérie où vivent quatre de ses cinq enfants, repose sur une erreur de fait. Toutefois, s'il peut être tenu pour établi que sa fille prénommée Saleha réside aux Etats-Unis, où elle est titulaire d'une carte de résident permanent, les seules pièces versées au dossier ne permettent en revanche nullement de corroborer ses allégations relatives aux pays de résidence de deux autres de ses enfants. Ainsi, d'une part, la seule production d'un permis de conduire canadien valable du 12 novembre 2013 au 15 janvier 2018 et d'une carte, dépourvue de date, d'assurance sociale, ne suffisent pas à démontrer que sa fille prénommée Ouasilia Mounia résidait au Canada à la date du refus de séjour attaqué. D'autre part, les documents relatifs à la prétendue résidence à Dubaï de son fils prénommé Mohamed Nazim sont anciens, datant de 2003 et 2007, et sont contredits par les propres déclarations de la requérante qui a indiqué lors d'une demande de titre de séjour présentée en 2013 que ce dernier résidait en Algérie. Il est enfin constant que son fils prénommé Sid Ali vit en France et que sa fille prénommée Meriem réside en Algérie. Dans ces conditions, la seule erreur de fait établie, relative au pays de résidence de l'une des cinq enfants de MmeA..., est sans incidence sur la légalité de la décision litigieuse.

9. En cinquième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5. Au ressortissant algérien qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". L'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales énonce que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

10. MmeA..., veuve et mère de cinq enfants, entrée en France le 6 février 2011 alors qu'elle était âgée de 71 ans, fait valoir qu'elle est dépourvue d'attache familiale en Algérie, où vivent seulement son frère, âgé de 81 ans, et l'une de ses filles, avec laquelle les liens se sont distendus depuis son mariage, et ajoute que le centre de ses intérêts familiaux se situe en France où résident l'un de ses fils, qui a acquis la nationalité française, ainsi que ses deux petits-fils. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 8, la requérante n'établit pas, par les pièces produites au dossier, que deux autres de ses enfants résideraient en dehors du territoire algérien, et ne démontre ainsi pas qu'elle serait isolée dans son pays d'origine. En outre, elle n'apporte aucun commencement de preuve de la réalité et de l'intensité des liens entretenus avec les membres de sa famille résidant en France. Enfin, s'il ressort du certificat médical versé en appel que l'état de santé de MmeA..., atteinte de troubles cardiaques, requiert un traitement et un suivi médical, il n'est ni établi ni même allégué que ces soins ne pourraient pas lui être dispensés en Algérie. Dans ces conditions, doit être écarté le moyen tiré de ce que la décision de refus de séjour en litige aurait méconnu les stipulations précitées de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien et celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

11. En dernier lieu, pour les motifs exposés au point 10, le refus de séjour attaqué n'est pas entaché d'une erreur manifeste quant à l'appréciation des conséquences qu'il est susceptible de comporter pour la situation personnelle de la requérante.

12. Il résulte de ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation du refus implicite opposé à sa demande de titre de séjour du 31 mars 2015.

En ce qui concerne les autres conclusions :

13. Compte tenu de ce qui vient d'être dit, il y a lieu de rejeter les conclusions de Mme A...aux fins d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Vienne.

Délibéré après l'audience du 7 juin 2018 à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. Laurent Pouget, président-assesseur,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 28 juin 2018.

Le rapporteur,

Marie-Pierre BEUVE DUPUY

Le président,

Aymard de MALAFOSSE

Le greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

6

N° 18BX00924


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18BX00924
Date de la décision : 28/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre BEUVE-DUPUY
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : ALLAIN

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-06-28;18bx00924 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award