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27/09/2018 | FRANCE | N°16BX01827

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 27 septembre 2018, 16BX01827


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B...C...ont demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner le syndicat intercommunal des eaux de la Vienne (SIVEER) à leur verser une somme totale de 93 865,31 euros, avec intérêts au taux légal calculés sur la somme de 17 439,89 euros TTC à compter du 15 novembre 2013 au titre des travaux de confortement de la cave et sur la somme de 22 843,30 euros TTC à compter du 19 novembre 2013 au titre des travaux d'assèchement de la cave, en réparation des préjudices que leur a causé le dé

gât des eaux affectant la cave de leur maison occasionné par l'intervention...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B...C...ont demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner le syndicat intercommunal des eaux de la Vienne (SIVEER) à leur verser une somme totale de 93 865,31 euros, avec intérêts au taux légal calculés sur la somme de 17 439,89 euros TTC à compter du 15 novembre 2013 au titre des travaux de confortement de la cave et sur la somme de 22 843,30 euros TTC à compter du 19 novembre 2013 au titre des travaux d'assèchement de la cave, en réparation des préjudices que leur a causé le dégât des eaux affectant la cave de leur maison occasionné par l'intervention du SIVEER sur les canalisations d'adduction d'eau potable de la commune de Châtellerault.

Par un jugement n° 1400766 du 7 avril 2016, le tribunal administratif de Poitiers a fait droit à cette demande à hauteur de 21 641,11 euros, avec intérêts au taux légal calculés sur un montant de 17 641, 11 euros à compter du 10 mars 2014.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires en réplique enregistrés respectivement les 2 juin 2016, 30 juin 2016 et 9 mai 2017, M. et MmeC..., représentés par MeA..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 7 avril 2016 en tant qu'il a limité à 21 641,11 euros la somme due en réparation des préjudices qu'ils ont subis ;

2°) de condamner le SIVEER à leur verser les sommes de 22 981,69 euros au titre des travaux d'assèchement de la cave, 28 393,60 euros, ou, à tout le moins, 22 865 euros, au titre du préjudice de jouissance, 40 000 euros au titre du préjudice moral et 4 093,38 euros au titre de la détérioration des matériels de cirque et des costumes ;

3°) de mettre à la charge du SIVEER une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la responsabilité sans faute du SIVEER est engagée pour les dommages que leur a causé, en leur qualité de tiers, le réseau public d'eau potable, ouvrage public ; ces dommages sont imputables à une fuite, au droit de leur rue, sur une canalisation de ce réseau ;

- ils n'ont commis aucune faute de nature à atténuer la responsabilité pleine et entière du SIVEER ;

- leur préjudice, au titre des travaux de confortement de la cave, s'élève à 17 439,89 euros ; le jugement du tribunal administratif devra donc être confirmé sur ce point ; concernant les travaux d'assèchement de la cave, leur préjudice s'élève à 22 981,69 euros et non, comme l'a jugé le tribunal administratif, à 500 euros ; leur préjudice de jouissance doit être fixé à 28 393,60 euros ou, à tout le moins à 22 865 euros ; les dommages subis par les matériels de cirque et les costumes entreposés dans leur cave doivent être évalués à 4 093,38 euros et non, comme l'a jugé le tribunal administratif, à 2 000 euros ; enfin, leur préjudice moral doit être évalué à 40 000 et non, comme l'a jugé le tribunal administratif, 2 000 euros.

Par deux mémoires en défense enregistrés respectivement les 25 octobre 2016 et 10 novembre 2016, le SIVEER conclut au rejet de la requête ainsi qu'à la condamnation des requérants à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par la voie de l'appel incident, il demande par ailleurs que le jugement soit réformé et que la condamnation prononcée à son encontre soit réduite de moitié.

Il soutient que :

- les requérants ont commis une faute, laquelle est de nature à l'exonérer de sa responsabilité à hauteur de la moitié ;

- concernant l'évaluation des préjudices, il convient de retenir les montants fixés par le tribunal administratif.

Par ordonnance du 15 mai 2017, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 3 juillet 2017 à 12h00.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code de commerce ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n°68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sylvie Cherrier,

- les conclusions de Mme Déborah de Paz, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant M. et MmeC....

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme C...sont propriétaires d'une maison située rue de Madame à Châtellerault (Vienne). A la suite du remplacement du branchement en plomb de cette maison sur le réseau public d'eau potable, effectué le 30 mars 2010 par le syndicat intercommunal des eaux de la Vienne (SIVEER), un piquetage sur la conduite principale en PVC, destiné à remplacer le compteur d'eau ancien, situé à l'intérieur de la maison, par un compteur extérieur plus facile d'accès, a été mal rebouché, provoquant ainsi une fuite importante au droit de la maison. Au mois de juin suivant, M. et Mme C...ont constaté un dégât des eaux dans la cave de leur maison. Le 30 juin 2010, les services du SIVEER sont intervenus pour réparer la fuite constatée sur la canalisation principale. Compte tenu des dommages occasionnés par cette fuite, M. et Mme C...ont sollicité une expertise, qui a été diligentée par une ordonnance du juge des référés du tribunal du 5 juin 2013. Sur la base du rapport d'expertise établi le 2 décembre 2013, M. et Mme C...ont demandé au tribunal administratif de Poitiers de mettre à la charge du SIVEER la somme globale de 93 865,31 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis. Par un jugement du 7 avril 2016, le tribunal administratif de Poitiers a condamné le SIVEER à leur verser la somme de 21 641,11 euros, assortie des intérêts au taux légal calculés sur un montant de 17 641,11 euros à compter du 10 mars 2014, et rejeté le surplus de leurs demandes. M. et Mme C... relèvent appel de ce jugement en tant qu'il a limité l'indemnisation de leurs préjudices à cette somme, et demandent à la cour qu'elle soit portée à la somme totale de 112 908,47 euros. Le SIVEER, par la voie de l'appel incident, demande la réduction de la condamnation prononcée à son encontre par le jugement.

Sur les conclusions indemnitaires :

En ce qui concerne la responsabilité du SIVEER et son appel incident :

2. Même sans faute de sa part, le maître de l'ouvrage est intégralement responsable des dommages causés aux tiers par les ouvrages publics dont il a la garde, en raison tant de leur existence que de leur entretien ou de leur fonctionnement. Il n'en va différemment que si ces dommages sont, au moins partiellement, imputables à une faute de la victime ou à un cas de force majeure.

3. Le SIVEER, qui ne conteste pas qu'il est responsable du dommage subi par M. et Mme C...du fait de la fuite constatée sur la canalisation principale du réseau d'eau potable au droit de leur maison, fait toutefois valoir que les intéressés ont commis une faute de nature à atténuer sa responsabilité dès lors, d'une part qu'ils n'auraient pas dû stocker dans une cave laissée sans surveillance des matériels fragiles tels que des costumes de cirque et, d'autre part, qu'ils ne lui ont déclaré le sinistre que trois mois après sa survenance, contribuant ainsi à aggraver les dommages subis par ce matériel de cirque.

4. Néanmoins, et outre que ces arguments ne seraient susceptibles d'exonérer partiellement le SIVEER de sa responsabilité qu'en ce qui concerne les dommages subis par les matériels de cirque et les costumes de scène, que l'expert a évalués à un montant de 3 853,38 euros, la circonstance, évoquée dans le rapport d'expertise, que M. et Mme C...descendaient rarement dans la cave de leur maison, et n'avaient donc constaté le dégât des eaux que trois mois après la réalisation des travaux ayant occasionné la fuite sur la canalisation principale, n'est pas de nature à caractériser une faute de leur part dès lors que, préalablement à cette fuite, la cave était saine et donc adaptée au stockage de matériel et de costumes. Par suite, les conclusions présentées par le SIVEER, par la voie de l'appel incident, tendant à ce que sa responsabilité soit atténuée pour moitié doivent être rejetées.

En ce qui concerne la réparation :

S'agissant des travaux d'assèchement de la cave :

5. Afin de favoriser l'assèchement de la cave, l'expert a préconisé l'installation d'extracteurs sur les deux aérations situées côté rue, pour un montant total de 500 euros TTC. Si les requérants font valoir que " cette solution n'est pas conforme aux normes légales de sécurité imposées en la matière " et indiquent que l'utilisation d'une " VMC " pourrait s'avérer dangereuse dans la mesure où les portes de la cave ne sont pas étanches et que la VMC risquerait d'aspirer le gaz du chauffe-eau, les documents dont ils se prévalent à l'appui de ces allégations, et notamment les devis établis par la société Maxi Loc, ne sont pas de nature à en établir le bien-fondé, et ce d'autant que les requérants ne font état d'aucun élément justifiant la nécessité de recourir pendant six mois à la location de quatre déshumidificateurs. L'expert a d'ailleurs précisé dans son rapport que les extracteurs installés sur les deux bouches d'aération extérieures des caves " auraient pour rôle d'aspirer l'air de la cave pour le pulser vers l'extérieur ", pour en conclure que " le risque d'aspirer le gaz du chauffe-eau est donc inexistant " dès lors que " les VMC ne doivent pas créer un courant d'air important dans la cave ". Dans ces conditions, c'est à bon droit que le tribunal administratif a estimé qu'il convenait d'accorder aux requérants la somme de 500 euros au titre des travaux d'assèchement de la cave.

S'agissant du préjudice matériel :

6. Comme l'a relevé le tribunal administratif, il résulte de l'instruction que la totalité des factures produites sont établies au nom de l'association " Les Professionnels ". La facture du 11 août 2006, correspondant à l'achat d'un costume d'un montant de 1 200 euros, si elle comporte le nom de M.C..., mentionne à la suite " Les Professionnels ", indiquant par là même que M. C... agissait en qualité de représentant de cette association. Si les requérants soutiennent en appel que la présidente de l'association " Les Dérideurs ", nouveau nom de l'association " Les Professionnels " en vertu d'une modification statuaire adoptée le 18 janvier 2015, leur a réclamé, par courrier du 9 juin 2016, " le remboursement intégral de tout le matériel endommagé lors du sinistre du 30 juin 2010 ", ce courrier, qui ne mentionne ni le matériel concerné, ni sa valeur, n'est pas de nature à établir que les intéressés devraient rembourser à l'association la somme de 3 853,38 euros, correspondant à la valeur des matériels de cirque et costumes fixée par l'expert. Dans ces conditions, M. et Mme C...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Poitiers a limité à 2 000 euros la réparation due par le SIVEER à ce titre.

S'agissant du préjudice de jouissance :

7. M. et Mme C...soutiennent également que leur cave ayant été rendue impropre à son usage, ils ont été dans l'obligation de louer un garde-meuble depuis quarante-quatre mois, pour un montant total de 18 393,60 euros. Pour établir la réalité de cette location, ils produisent une " proposition contractuelle " émise par l'entreprise DEMECO le 5 novembre 2013, sur laquelle il est indiqué que " le contrat définitif de garde-meuble sera adressé au client après acceptation de la présente proposition contractuelle ". Il ne résulte pas de l'instruction que cette proposition, qui n'est pas signée par les intéressés, aurait été acceptée par ces derniers et suivie par la signature d'un contrat de garde-meuble entre les parties. Dans ces conditions, les conclusions présentées à ce titre par les requérants ne peuvent être accueillies.

8. Toutefois, et dans la mesure où M. et Mme C...ont été privés de l'usage normal de leur cave pendant les mois qui ont suivis la réalisation du dommage, il sera fait une juste appréciation du préjudice de jouissance subi à ce titre, qui ne peut être évalué, comme ils le demandent, au regard de la valeur locative de ladite cave, en le fixant à la somme de 2 000 euros.

S'agissant des troubles dans les conditions d'existence et du préjudice moral

9. M. et Mme C...se prévalent tout d'abord d'un premier chef de préjudices, constitués par la dégradation de leur état de santé et l'accroissement de leur consommation de gaz, lesquelles seraient dues, selon eux, à l'humidité constatée dans la cave consécutivement au dégât des eaux occasionné par la fuite sur la canalisation principale du réseau d'eau potable. Si les requérants se prévalent à cet égard d'un certificat médical établi le 31 juillet 2013 par le Dr D..., qui atteste que Mme C... " présente un état allergique en rapport avec les pollens et la moisissure ", ce document ne permet pas d'établir que les allergies dont souffre l'intéressée seraient apparues, ou se seraient aggravées, à la suite du dégât des eaux en litige. Le certificat médical en date du 23 août 2013, dans lequel il est indiqué que M. C... présente un état de stress important, ainsi que le certificat du 9 septembre 2014, établi par le même médecin acuponcteur et homéopathe, indiquant que les conjoints sont tous deux traités pour des troubles dépressifs, ne permettent pas davantage d'établir que ces problèmes de santé auraient été causés par le dégât des eaux en litige. Enfin, les nombreuses factures de gaz produites par les requérants, qui sont toutes postérieures au mois de juin 2011, ne permettent pas d'établir que leur consommation de gaz aurait augmenté à la suite dudit dégât des eaux, survenu le 30 mars 2010 et constaté en juin suivant.

10. Par ailleurs, et outre que la présence d'insectes nuisibles dans la cave, ainsi que les odeurs de moisi dont font état les requérants, ne sont pas établies, il ne résulte pas de l'instruction que M. et Mme C...auraient tenté de vendre leur maison préalablement à l'entrée de leur fille au lycée Pierre Bayen de Châlons en Champagne au mois de septembre 2012, et qu'ils en auraient été empêchés compte tenu de l'état de leur cave à la suite du dégât des eaux survenu le 30 mars 2010.

11. Il en résulte que M. et Mme C...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Poitiers a limité l'indemnisation de leur préjudice moral à la somme de 2 000 euros.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C...sont seulement fondés à demander, d'une part, que la somme mise à la charge du SIVEER en réparation de leurs préjudices soit portée de 21 641,11 euros à 23 641,11 euros, assortie des intérêts au taux légal calculés sur un montant de 17 641,11 euros à compter du 10 mars 2014, d'autre part, que le jugement contesté soit, dans cette mesure, réformé.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par les parties au titre de ces dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La somme de 21 641,11 euros que le SIVEER a été condamné à verser à M. et Mme C... en réparation de leur préjudice, par l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Poitiers du 7 avril 2016, est portée à 23 641,11 euros, assortie des intérêts au taux légal calculés sur un montant de 17 641,11 euros à compter du 10 mars 2014.

Article 2 : Le jugement n° 1400766 du tribunal administratif de Poitiers du 7 avril 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. et Mme C...ainsi que par le SIVEER au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B...C...et au syndicat intercommunal des eaux de la Vienne (SIVEER).

Délibéré après l'audience du 30 août 2018 à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. Laurent Pouget, président-assesseur,

Mme Sylvie Cherrier, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 27 septembre 2018.

Le rapporteur,

Sylvie CHERRIER

Le président,

Aymard de MALAFOSSE Le greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 16BX01827


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