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27/09/2018 | FRANCE | N°16BX02493

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 27 septembre 2018, 16BX02493


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... G...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté, en date du 17 juin 2015, par lequel le président de la communauté de communes du canton de Blaye a prononcé à son encontre une sanction d'exclusion temporaire de fonctions de douze mois, dont six avec sursis.

Par un jugement n° 1503762 du 24 mai 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés respecti

vement les 22 juillet 2016 et 11 mai 2017, M. G..., représenté par Me B..., demande à la cour ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... G...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté, en date du 17 juin 2015, par lequel le président de la communauté de communes du canton de Blaye a prononcé à son encontre une sanction d'exclusion temporaire de fonctions de douze mois, dont six avec sursis.

Par un jugement n° 1503762 du 24 mai 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés respectivement les 22 juillet 2016 et 11 mai 2017, M. G..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 24 mai 2016 ;

2°) d'annuler l'arrêté, en date du 17 juin 2015, par lequel le président de la communauté de communes du canton de Blaye a prononcé à son encontre une sanction d'exclusion temporaire de fonctions de douze mois, dont six avec sursis ;

3°) d'enjoindre au président de la communauté de communes du canton de Blaye de le réintégrer au poste d'adjoint principal 1 CL au 1er janvier 2016 ainsi que d'élu CT et CHSCT de la communauté de communes du canton de Blaye et d'élu à la CAP du centre de gestion de Gironde ;

4°) de mettre à la charge de la communauté de communes du canton de Blaye la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la communauté de communes du canton de Blaye aurait dû mettre en oeuvre la procédure d'alerte prévue par les dispositions de l'article L. 4133-1 et suivants du code du travail ; en s'abstenant de le faire, elle n'a pas effectué une enquête administrative objective pouvant servir de base à la sanction en litige ;

- l'arrêté en litige est insuffisamment motivé ;

- les faits ayant justifiés la sanction ne sont pas établis ;

- la sanction prononcée est disproportionnée.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 mai 2017, la communauté de communes du canton de Blaye conclut au rejet de la requête ainsi qu'à la condamnation de M. G... à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient qu'aucun des moyens invoqués par le requérant n'est fondé.

Par ordonnance du 6 avril 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 11 mai 2017 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sylvie Cherrier,

- les conclusions de Mme Déborah de Paz, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., représentant M.G..., et de MeD..., représentant la communauté de communes du canton de Blaye.

Considérant ce qui suit :

1. M. G...a été recruté par la communauté de communes du canton de Blaye en qualité d'agent non titulaire permanent pour assurer les fonctions d'agent technique, spécialité cuisine, pour une durée de trois ans, à compter du 20 août 2004. Après avoir été renouvelé dans ses fonctions pour une nouvelle période de trois ans, il a obtenu le concours professionnel d'agent technique de 1ère classe et a été titularisé dans ce cadre d'emplois à compter du 1er avril 2009. Le 7 mai 2015, le conseil de discipline a émis un avis favorable à son exclusion temporaire de fonctions d'une durée de douze mois, assortie d'un sursis de six mois. Cette sanction a été infligée à M. G... par un arrêté du président de la communauté de communes du canton de Blaye en date du 17 juin 2015. M. G... demande à la cour d'annuler le jugement du 24 mai 2016 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de la sanction prononcée le 17 juin 2015 :

2. En premier lieu, M. G... n'établit ni même n'allègue qu'il aurait exercé le droit d'alerte régi par les dispositions des articles L. 4133-1 et suivants du code du travail, dans leur rédaction applicable à la date de l'arrêté en litige. En tout état de cause, les suites données par l'employeur à l'exercice d'un tel droit par un agent sont étrangères aux droits et garanties dont dispose cet agent dans le cadre de la procédure disciplinaire engagée à son encontre et ne sont donc pas de nature à affecter la régularité d'une telle procédure. Par suite, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que la procédure disciplinaire dont il a fait l'objet est entachée d'irrégularité, faute pour la communauté de communes du canton du Blaye d'avoir saisi le CHSCT dans les conditions prévues les articles L. 4133-1 et suivants du code du travail.

3. En deuxième lieu, l'arrêté en litige indique qu'il est reproché à M. G... " d'avoir enfreint à plusieurs reprises, au cours de l'année 2014, les règles élémentaires en matière d'hygiène et de sécurité alimentaire, malgré les rappels à l'ordre de ses supérieurs hiérarchiques, en ne respectant pas les conditions de stockage des denrées alimentaires et en omettant de noter les dates de congélation des produits ", " de ne pas avoir alerté ses supérieurs hiérarchiques des dysfonctionnements qu'il avait lui-même constatés sur le piano de cuisson dans le courant de l'année 2013, ainsi que de l'odeur de gaz qu'il avait détectée dans la cuisine depuis 2013 ", " de ne pas avoir respecté les règles élémentaires de sécurité qui commandent le fonctionnement d'une cuisine, en ayant recours au quotidien à un nettoyage inadapté (à grande eau et sans séchage) et en procédant, au cours de l'année 2013, sans en référer à ses supérieurs, à un bricolage de fortune dangereux du piano de cuisson ", " d'avoir, par ce nettoyage inadapté et ce bricolage de fortune, exposé le personnel de la crèche et les enfants à un risque grave d'explosion et d'intoxication au gaz " et, enfin, " de se placer régulièrement en position de désobéissance hiérarchique ". Il énonce ainsi avec précision les faits ayant justifié la sanction prononcée à l'encontre de l'intéressé et, par suite, est suffisamment motivé en fait.

4. En troisième lieu, M. G... soutient que la matérialité des faits qui lui sont reprochés n'est pas établie.

5. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des témoignages parfaitement concordants sur ce point de Mme A...et MmeE..., qui l'assistaient en cuisine, que M. G... mettait régulièrement dans le réfrigérateur et le congélateur de la cuisine des aliments entamés ou des restes de repas, en vue de leur utilisation ultérieure, sans que le contenant soit fermé, par l'usage d'un film alimentaire ou de tout autre procédé, et sans que la date de mise au frais soit indiquée. Il lui arrivait également de placer dans le réfrigérateur des cartons contenant des produits alimentaires, sans les avoir déballés au préalable. De tels manquements avaient déjà été constatés dans un courrier adressé au requérant le 29 janvier 2013, par le président de la communauté de communes du canton de Blaye. Par suite, la matérialité du premier grief ayant justifié la sanction en litige doit être regardée comme établie.

6. Pour établir qu'il aurait signalé à son supérieur hiérarchique le dysfonctionnement constaté sur le piano de cuisson, M. G... fait état d'une note manuscrite figurant sur le cahier de correspondance mis à la disposition des personnels de la crèche, aux termes de laquelle : " Tout les plan de travail n'ont pas était nettoyée en respectant le protocole de nettoyage. Non rincer et essuyer. Ainsi gaz. ". Outre qu'il n'est pas établi que cette note aurait été écrite par l'intéressé, elle ne fait pas expressément mention d'un dysfonctionnement du piano de cuisson et, par ailleurs, est datée du mardi 10 juin 2014 alors que M. G... a lui-même admis, lors d'un entretien en date du 14 octobre 2014, qu'il avait constaté ce dysfonctionnement dès l'année 2013 et avait alors tenté d'y remédier en disposant deux piles de ramequins à l'intérieur du piano de cuisson afin de soutenir les tubes d'alimentation de gaz et de les maintenir au droit des pots des brûleurs. Par suite, et alors que comme le reconnaît l'intéressé, une odeur de gaz était persistante dans la cuisine depuis l'année 2012, le deuxième grief ayant justifié la sanction en litige, tenant à l'absence d'alerte de ses supérieurs hiérarchiques des dysfonctionnements qu'il avait constaté sur le piano de cuisson dans le courant de l'année 2013, ainsi que de l'odeur de gaz qu'il avait détectée dans la cuisine depuis 2013, doit être regardé comme établi.

7. S'agissant du grief tenant à ce que M. G... n'aurait pas respecté les règles élémentaires de sécurité qui commandent le fonctionnement d'une cuisine, en ayant recours au quotidien à un nettoyage inadapté (à grande eau et sans séchage) et en procédant, au cours de l'année 2013, sans en référer à ses supérieurs, à un bricolage de fortune dangereux du piano de cuisson, l'intéressé fait valoir qu'il n'a reçu aucune formation quant aux modalités de nettoyage d'une cuisine, que la fiche " plan nettoyage et de désinfection de la zone de cuisson " est rédigée en des termes ambigus et qu'il a par ailleurs toujours respecté la procédure de nettoyage du piano de cuisson.

8. Il ressort des pièces du dossier, et plus particulièrement des témoignages de Mme A... et MmeE..., ainsi que du requérant lui-même, que pour procéder au nettoyage des murs, portes et équipements de la cuisine, et notamment du piano de cuisson, celui-ci employait un produit nettoyant qu'il laissait agir plusieurs minutes, avant de rincer le tout à grande eau, au moyen du jet destiné au nettoyage des sols. Il est constant que M. G... est titulaire du CAP Cuisine dont il ressort des pièces du dossier qu'il comporte notamment un volet relatif aux locaux, les connaissances acquises dans ce cadre concernant, entre autre, l'entretien des locaux et, plus particulièrement, " les méthodes à mettre en oeuvre et les produits à utiliser en fonction des différents travaux d'entretien ", " l'interprétation du plan de nettoyage et de désinfection des locaux " et " l'identification des procédures de nettoyage ". Par suite, l'intéressé ne pouvait ignorer, ou aurait dû savoir, que le nettoyage au jet d'eau, sans séchage ultérieur, était particulièrement inadapté dans le cas d'un équipement composé pour une large partie de métal et fonctionnant au gaz. La communauté de communes du canton de Blaye fait par ailleurs valoir, sans être contredite, que la notice d'utilisation du piano de cuisson, sur laquelle il est expressément mentionné que " l'utilisation d'un jet ou d'une lance à haute pression est formellement interdite : l'appareil ne doit en aucun cas être lavé au jet d'eau ", était mise à disposition dans la cuisine, le requérant en ayant d'ailleurs lui-même communiqué un extrait à l'appui de sa requête. Enfin, et comme il a été dit, il ressort des pièces du dossier, que le requérant a effectivement procédé au cours de l'année 2013 à une " réparation " de fortune sur le piano de cuisson, en installant à l'intérieur de celui-ci des piles de ramequins destinées à maintenir en place les tuyaux d'arrivée de gaz, dont il avait alors constaté l'état d'oxydation avancé. S'il soutient qu'il a " bricolé " ce montage hasardeux avec l'assentiment d'un technicien de l'entreprise Horis, une telle allégation n'est établie par aucune pièce du dossier, et ce d'autant qu'il est par ailleurs constant qu'aucun technicien de cette entreprise n'est intervenu sur les équipements de la cuisine au cours de l'année 2013. Dans ces conditions, et dès lors que de tels agissements ont mis en danger, non seulement le requérant lui-même, mais également les autres personnels de la crèche ainsi que les enfants qui y sont accueillis, M. G... n'est pas fondé à soutenir que la matérialité de ces griefs ne serait pas établie.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : (...) Troisième groupe : la rétrogradation ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans (...) ". Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

10. M. G...occupe depuis avril 2009 les fonctions de cuisinier au sein de la structure multi-accueil " Les p'tits mousses de l'estuaire ". En tant que responsable de la cuisine au sein de la crèche, et conformément à la fiche de poste réalisée le 11 février 2009, il est notamment chargé, au titre de sa mission de " production et valorisation de préparations culinaires ", de " cuisiner et préparer des plats adaptés aux besoins des enfants ", de " mettre en oeuvre les techniques culinaires dans le respect des règles d'hygiène ", de " repérer les dysfonctionnements et les signaler ", de " respecter les procédures et effectuer les autocontrôles de qualité " et d'" appliquer les règles de sécurité au travail ". Par ailleurs, dans le cadre de sa mission de " maintenance et hygiène des locaux ", il doit notamment " appliquer les procédures du plan de nettoyage et de désinfection ", " vérifier le bon fonctionnement du matériel ", " repérer les dysfonctionnements et les signaler ", " commander ou remplacer le matériel défectueux en accord avec la direction ", " repérer les situations à risques et les signaler ".

11. Les faits reprochés à M. G..., qui constituent en eux-mêmes des fautes de nature à justifier une sanction disciplinaire, revêtent, dans les circonstances de l'espèce une gravité particulière, compte tenu notamment de la durée pendant laquelle ces faits se sont produits, des missions et responsabilités de l'intéressé et de la spécificité de son lieu de travail, qui, dédié à la toute petite enfance, aurait dû susciter chez lui une vigilance accrue. Par suite, et dès lors par ailleurs que M. G... n'avait pas tenu compte de précédents rappels à l'ordre, le président de la communauté de communes du canton de Blaye, en prononçant à son encontre une exclusion temporaire de fonctions de douze mois dont six avec sursis, ne lui a pas infligé une sanction disproportionnée au regard des faits reprochés.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. G... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 17 juin 2015 par lequel le président de la communauté de communes du canton de Blaye a prononcé à son encontre une sanction d'exclusion temporaire de fonctions de douze mois, dont six avec sursis.

13. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par M. G... ne peuvent qu'être rejetées. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font par ailleurs obstacle à ce que la communauté de communes du canton de Blaye, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, soit condamnée à verser à M. G... quelque somme que ce soit au titre des frais non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge du requérant la somme demandée par la communauté de communes du canton de Blaye au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. G... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la communauté de communes du canton de Blaye au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F...G...et à la communauté de communes du canton de Blaye.

Délibéré après l'audience du 30 août 2018 à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. Laurent Pouget, président-assesseur,

Mme Sylvie Cherrier, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 27 septembre 2018.

Le rapporteur,

Sylvie CHERRIER

Le président,

Aymard de MALAFOSSE Le greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 16BX02493


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX02493
Date de la décision : 27/09/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-02-01 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Caractère disciplinaire d'une mesure. Mesure présentant ce caractère.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Sylvie CHERRIER
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : SCP BLAZY ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-09-27;16bx02493 ?
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