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09/10/2018 | FRANCE | N°16BX01388

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre - formation à 3, 09 octobre 2018, 16BX01388


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la délibération du conseil municipal de Lalonquette du 27 février 2014 et l'arrêté du préfet des Pyrénées-Atlantiques du 4 avril 2014 approuvant la carte communale de la commune de Lalonquette en tant qu'elle classe constructible la parcelle cadastrée section ZD n° 25, d'enjoindre au préfet des Pyrénées-Atlantiques et à la commune de Lalonquette de procéder à la modification de la carte communale en classant la parcelle cadastrée sect

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la délibération du conseil municipal de Lalonquette du 27 février 2014 et l'arrêté du préfet des Pyrénées-Atlantiques du 4 avril 2014 approuvant la carte communale de la commune de Lalonquette en tant qu'elle classe constructible la parcelle cadastrée section ZD n° 25, d'enjoindre au préfet des Pyrénées-Atlantiques et à la commune de Lalonquette de procéder à la modification de la carte communale en classant la parcelle cadastrée section ZD n° 25 en zone non constructible et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1401189 du 1er mars 2016, le tribunal administratif de Pau a annulé les décisions attaquées en tant qu'elles concernent le classement en zone constructible de la parcelle cadastrée section ZD n° 25, a enjoint à la commune d'élaborer les nouvelles dispositions applicables à cette parcelle et a mis à la charge de l'Etat le versement à M. B...d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par un recours enregistré le 26 avril 2016 et un mémoire enregistré le 7 septembre 2017, le ministre du logement et de l'habitat durable puis le ministre de la cohésion des territoires demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 1er mars 2016 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif.

Ils soutiennent que :

- le signataire du recours est compétent dès lors qu'il a reçu délégation de signature par décision du 29 janvier 2015 publiée au Journal officiel de la République française du 1er février 2015 ; la fin de non-recevoir tirée de l'absence de production du jugement attaqué doit également être écartée, ce jugement ayant été produit ;

- la carte communale prévoit l'urbanisation autour du centre bourg de Lalonquette et dans les quartiers Tauzias et Sansot ; le classement en zone constructible de la parcelle située en face de la propriété de M. B...et en continuité de parcelles construites répond à l'objectif d'homogénéité spatiale du quartier Sansot avec un développement équilibré du bâti de part et d'autre du chemin, ainsi qu'il est exposé dans le rapport de présentation ;

- la situation du terrain dans un espace agricole ne suffit pas à considérer que le classement est contraire à l'objectif des auteurs de la carte communale, compte tenu des avis favorables de la chambre d'agriculture et de la commission de consommation des espaces agricoles et de la situation du terrain en continuité d'une zone urbanisée ;

- c'est donc à tort que le tribunal a annulé ce classement pour erreur manifeste d'appréciation.

Par des mémoires enregistrés les 18 juillet 2016 et 18 juillet 2017, M.B..., représenté par MeC..., conclut au rejet du recours et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le recours est irrecevable dès lors qu'il est signé par une personne qui n'a pas compétence et n'est accompagné d'aucune pièce et notamment pas du jugement contesté ; il peut être rejeté par voie d'ordonnance en application de l'article R. 222-1 du code de justice administrative ;

- au vu du rapport de présentation et des conclusions du commissaire enquêteur, le jugement devra être confirmé ; le zonage de la parcelle considérée n'est pas cohérent avec les partis pris d'aménagement visant notamment à recentrer l'urbanisation au centre bourg et à éviter le développement de la commune le long des voies de circulation ; l'urbanisation de parcelles situées le long de voies de circulation n'est pas indispensable à la construction d'environ 25 logements sur 10 ans et est contraire à la préservation de l'activité agricole du territoire et au parti d'aménagement retenu par la commune ; eu égard à l'évolution démographique de la commune, il n'est pas pertinent de prévoir une augmentation de 60 habitants de la population communale ; la parcelle concernée est éloignée du bourg et va entraîner la disparition d'une parcelle à vocation agricole ; son classement ne permet pas de combler une dent creuse mais étend l'urbanisation le long du chemin de Bordenave ; elle n'est pas entourée de propriétés bâties ; le classement est donc bien entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- l'arrêté du 4 avril 2014 est entaché d'incompétence dès lors qu'il est signé du secrétaire général et non du préfet conformément aux exigences de l'article L. 124-2 du code de l'urbanisme ;

- la décision de prescrire une carte communale est également entachée d'incompétence, seul le conseil municipal ayant compétence pour ce faire ;

- le rapport de présentation est insuffisant au regard de l'article R. 124-2 du code de l'urbanisme dès lors qu'il n'expose pas pour chaque quartier classé constructible les objectifs et principes ayant présidé à ce classement ;

- le classement contesté répond aux seuls intérêts du propriétaire de la parcelle et non à l'intérêt général et va à l'encontre des articles L. 121-1 et L. 110 du code de l'urbanisme ; il est donc entaché de détournement de pouvoir.

Par ordonnance du 29 juin 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 11 septembre 2017 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Elisabeth Jayat,

- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public,

- et les observations de MeD..., représentant MB....

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., propriétaire d'un bien immobilier situé sur le territoire de la commune de Lalonquette, contestant le classement en zone constructible d'une partie de la parcelle cadastrée section ZD n° 25 située en face de sa propriété, de l'autre côté du chemin de Bordenave, a demandé au tribunal administratif de Pau l'annulation de la délibération du conseil municipal de Lalonquette du 27 février 2014 et de l'arrêté du préfet des Pyrénées-Atlantiques du 4 avril 2014 approuvant la carte communale de cette commune en tant que ces actes concernent le classement de cette partie de parcelle. Le tribunal administratif, par jugement du 1er mars 2016, a annulé les décisions attaquées en tant qu'elles concernent le classement de la parcelle cadastrée section ZD n° 25, a enjoint à la commune d'élaborer les nouvelles dispositions applicables à cette parcelle et a mis à la charge de l'Etat le versement à M. B...d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Le ministre du logement et de l'habitat durable puis le ministre de la cohésion des territoires font appel de ce jugement.

2. En application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, il appartient au juge d'appel, saisi d'un jugement par lequel un tribunal administratif a prononcé l'annulation d'un permis de construire, de se prononcer sur le bien-fondé de tous les moyens d'annulation retenus au soutien de leur décision par les premiers juges et d'apprécier si l'un au moins de ces moyens justifie la solution d'annulation. Pour prononcer l'annulation des actes approuvant la carte communale en tant qu'ils concernent la parcelle cadastrée section ZD n° 25, les premiers juges ont estimé que ce classement procédait d'une erreur manifeste d'appréciation. Ils n'ont retenu que ce seul moyen et ont donc implicitement estimé que les autres moyens soulevés n'étaient pas susceptibles de fonder l'annulation en l'état du dossier.

3. En application de l'article L. 124-2 du code de l'urbanisme en vigueur à la date des actes contestés, les cartes communales " délimitent les secteurs où les constructions sont autorisées et les secteurs où les constructions ne sont pas admises, à l'exception de l'adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l'extension des constructions existantes ou des constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs dès lors qu'elles ne sont pas incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière sur le terrain sur lequel elles sont implantées et qu'elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages, à l'exploitation agricole ou forestière et à la mise en valeur des ressources naturelles ". En vertu de ces dispositions, il appartient aux auteurs du document d'urbanisme que constitue la carte communale de déterminer les partis d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par ce document, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage déterminant la constructibilité des terrains sous réserve que l'appréciation à laquelle ils se livrent ne repose pas sur des faits matériellement inexacts ou ne soit pas entachée d'erreur manifeste.

4. Il ressort du rapport de présentation de la carte communale de la commune de Lalonquette dans sa partie réservée à l'exposé des choix communaux, que la municipalité a souhaité notamment, d'une part, conforter la population communale en permettant l'implantation d'environ 25 logements sur les dix années à venir, le besoin correspondant en terrains à bâtir étant de quatre à cinq hectares, et d'autre part, créer une centralité autour du pôle de la mairie, de l'école et de la salle polyvalente permettant de préserver les espaces à vocation agricole. Après avoir exposé ces orientations, le rapport de présentation affirme un choix de limitation du développement urbain ainsi exposé : " Dans un contexte de croissance significative sur les dix dernières années qui a entraîné une urbanisation linéaire fortement consommatrice d'espace, la municipalité a opté pour un recentrage de l'urbanisation autour du pôle mairie/salle polyvalente/école pour constituer un véritable centre villageois. Les choix de développement de la commune de Lalonquette visent ainsi à clarifier les limites du bourg et à renforcer la centralité par un comblement des espaces interstitiels non bâtis situés autour du pôle mairie/école/salle polyvalente ". Sont ensuite identifiées trois zones constructibles constituées par le bourg, le quartier Les Tauzias, maintenu dans ses limites actuelles, et le quartier Sansot dans lequel se situe la parcelle en litige, où est classé un nouveau potentiel constructible de trois terrains représentant 0,48 hectare sur les 3,57 hectares ouverts à la construction, essentiellement pris sur des terrains agricoles situés autour du bourg. Le rapport de présentation identifie le quartier de Sansot comme ayant fait l'objet d'un développement récent à l'est le long du chemin Bordenave. Il indique que l'enjeu de la carte communale est de stopper l'étalement linéaire " en clarifiant les limites " de ce quartier et que la zone délimitée comme constructible, portant sur des terrains en nature de prairies ou de cultures, permet le comblement de trois " dents creuses ".

5. La partie classée en zone constructible de la parcelle cadastrée section ZD n° 25, située à l'extrémité nord du quartier Sansot, en face de la propriété bâtie de M.B..., de l'autre côté de la voie, ne peut être qualifiée de " dent creuse " dès lors qu'elle est située dans un vaste espace agricole et est bordée par un terrain bâti uniquement sur sa limite sud. Si les auteurs du document d'urbanisme ont affirmé vouloir stopper l'étalement linéaire en " clarifiant les limites " du quartier, cette extension de l'urbanisation linéaire du quartier, en contradiction avec les objectifs affichés par la commune de mettre un terme à l'urbanisation linéaire et de développer l'urbanisation en densifiant le centre bourg, n'est justifiée par aucune considération urbanistique. Alors même que le classement de cette partie de parcelle, en nature de prairie, a donné lieu à un avis favorable de la commission de consommation des espaces agricoles et de la chambre d'agriculture, et alors surtout que M. B...soutient sans être contredit que le besoin en espaces constructibles dans la commune peut être satisfait le cas échéant en classant constructibles des terrains supplémentaires situés près du bourg, ainsi que l'a d'ailleurs estimé le commissaire enquêteur, ce classement, eu égard au parti retenu par la commune, est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

6. Il résulte de ce qui précède que le ministre n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a annulé les décisions contestées en tant qu'elles classent en zone constructible une partie de la parcelle cadastrée section ZD n° 25.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. B...d'une somme de 1 500 euros au titre des frais d'instance exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le recours du ministre du logement et de l'habitat durable et du ministre de la cohésion des territoires est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à M. B...la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la cohésion des territoires, à la commune de Lalonquette et à M. A...B....

Délibéré après l'audience du 11 septembre 2018 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

Mme Florence Madelaigue, premier conseiller,

Mme Caroline Gaillard, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 9 octobre 2018.

Le premier assesseur,

Florence Madelaigue

Le président-rapporteur,

Elisabeth Jayat

Le greffier,

Florence Deligey

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 16BX01388


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX01388
Date de la décision : 09/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-01 Urbanisme et aménagement du territoire. Plans d'aménagement et d'urbanisme.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Elisabeth JAYAT
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : SELARL RIVET - DUBES - LOMBARD

Origine de la décision
Date de l'import : 16/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-10-09;16bx01388 ?
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