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09/10/2018 | FRANCE | N°16BX02870,16BX03043

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre - formation à 3, 09 octobre 2018, 16BX02870,16BX03043


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...B...a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la décision implicite de rejet née le 28 mai 2013 du silence de l'administration à la suite de sa demande de modification du plan de prévention des risques d'inondation formulée le 28 mars 2013 en tant qu'il classe en zone inondable les parcelles cadastrées AI n° 193 et AI n° 316 dont elle est propriétaire sur le territoire de la commune de Bizanos, d'annuler le plan de prévention des risques d'inondation approuvé par arrêté du préfet d

es Pyrénées-Atlantiques du 8 janvier 2004 et d'enjoindre au préfet de procéde...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...B...a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la décision implicite de rejet née le 28 mai 2013 du silence de l'administration à la suite de sa demande de modification du plan de prévention des risques d'inondation formulée le 28 mars 2013 en tant qu'il classe en zone inondable les parcelles cadastrées AI n° 193 et AI n° 316 dont elle est propriétaire sur le territoire de la commune de Bizanos, d'annuler le plan de prévention des risques d'inondation approuvé par arrêté du préfet des Pyrénées-Atlantiques du 8 janvier 2004 et d'enjoindre au préfet de procéder à une nouvelle instruction du zonage des parcelles cadastrées AI n° 193 et AI n° 316.

Par un jugement n° 1301316 du 21 juin 2016, le tribunal administratif de Pau a annulé la décision implicite de rejet née le 28 mai 2013 du silence de l'administration à la suite de sa demande de modification du plan de prévention des risques d'inondation (PPRI), en tant que le préfet a refusé de modifier le classement en zone orange de la parcelle cadastrée AI n° 316, a enjoint au préfet de procéder à une nouvelle instruction du zonage de la parcelle cadastrée AI n° 316, a mis les frais d'expertise d'un montant de 13 509,40 euros à la charge de l'Etat et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour :

I. Par un recours enregistré sous le n° 16BX02870, le 22 août 2016, le ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 21 juin 2016 du tribunal administratif de Pau en tant qu'il a partiellement fait droit à la demande de Mme B...et qu'il a mis à la charge de l'Etat les frais d'expertise ;

2°) de rejeter la requête présentée par MmeB....

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que le mémoire enregistré le 2 février 2016 au greffe du tribunal, présenté par MmeB..., n'a pas été communiqué au préfet alors que le tribunal s'est appuyé sur ce mémoire pour statuer sur la légalité du classement de la parcelle AI n° 316 ;

- le tribunal a commis une erreur de droit en jugeant que la partie basse de la parcelle AI n°316 devait être classée en zone jaune et non en zone orange : cette parcelle constitue une zone d'expansion des crues qui doit être préservée de toute urbanisation en application de l'article L. 562-8 du code de l'environnement dès lors que le niveau des plus hautes eaux sur le secteur peut être supérieur à 50 centimètres quand bien même les vitesses d'écoulement seraient faibles ;

- le tribunal a, à tort, mis à la charge de l'Etat la totalité des frais d'expertise dès lors qu'il n'a fait droit que très partiellement à la demande de Mme B...et que la solution retenue n'a aucune incidence sur la constructibilité de la parcelle de cette dernière ; en effet, les prescriptions applicables aux zones jaune et orange, et notamment leur caractère inconstructible, sont identiques quand bien même les motifs de classement diffèrent.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 février 2017, MmeB..., représentée par MeC..., conclut aux fins de confirmation du jugement attaqué en tant qu'il a fait partiellement droit à sa demande et a mis à la charge de l'Etat les frais d'expertise, au rejet du recours du ministre et à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- le jugement attaqué n'est pas irrégulier dès lors que le mémoire en réplique, présenté par Mme B...et enregistré par le tribunal administratif de Pau le 26 mai 2016 et non le 2 février 2016 ne faisait que maintenir ses conclusions antérieures et n'avait donc pas à être communiqué ;

- l'appréciation du tribunal du classement de la parcelle AI n° 316 en zone jaune est exacte : en effet il ressort du rapport d'expertise de M. D...que la partie basse de cette parcelle classée en zone orange est affectée d'un aléas moyen conditionné par des hauteurs d'eau moyennes comprises entre 50 cm et 1 m et par des vitesses d'écoulement moyennes comprises entre 50 cm et 1 m par seconde ; les hauteurs d'eau de la crue centennale de la partie basse de cette parcelle sont faibles de même que les vitesses d'écoulement ; ainsi, la parcelle est soumise à un aléas faible qui justifie un classement en zone jaune et non en zone orange ; en outre, le rapport d'expertise met en lumière que compte tenu des erreurs dans les relevés altimétriques du fond topographique du plan de prévention des risques d'inondation, la cartographie de l'aléa de ce plan exagère nettement l'extension de la zone inondée sur la parcelle AI n° 316 ;

- les dépens de l'instance ne sauraient être mis à sa charge dès lors qu'aucune circonstance particulière ne le justifie en l'espèce.

Par ordonnance du 28 février 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 29 mai 2017 à 12h00.

II. Par une requête, enregistrée sous le n° 16BX03043, le 1er septembre 2016, Mme B..., représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1301316 du tribunal administratif de Pau du 21 juin 2016 en tant qu'il a partiellement rejeté sa demande ;

2°) d'annuler dans son intégralité la décision implicite de rejet née le 28 mai 2013 du silence de l'administration à la suite de sa demande de modification du plan de prévention des risques d'inondation formulée le 28 mars 2013 en tant qu'il classe en zone inondable les parcelles cadastrées AI n° 193 et AI n° 316, dont elle est propriétaire sur le territoire de la commune de Bizanos ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- ainsi que l'a jugé le tribunal, qui doit être confirmé sur ce point, le classement de zonage en orange et non en jaune, retenu pour la partie basse de la parcelle AI n°316 est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation relative au plan de prévention des risques d'inondations (PPRI) concernant la zone de la parcelle AI n° 316 située au nord de la parcelle n° 291 qui devrait être constructible ;

- le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation du classement en zone jaune de la partie " moyenne " de la parcelle AI n° 316, zone également non sujette à inondation qui devrait être constructible quand bien même elle constitue une zone de stockage lors de fortes crues, compte tenu des erreurs dans la cartographie de l'aléa du PPRI qui exagère nettement l'extension de la zone inondée sur la parcelle AI n° 316 ;

- le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation concernant le classement intégral de cette parcelle AI n° 316 en zone jaune ;

- le classement de la parcelle AI n°193 en zone rouge est entaché d'erreur manifeste d'appréciation eu égard, aux conclusions du rapport d'expertise judiciaire de M. D...qui considère cohérent et justifié de la classer en zone jaune ; en outre, le constat d'huissier du 25 janvier 2014 faisant apparaître que cette parcelle n'a pas été touchée par la crue et l'analyse de l'association Prévirisques indique que la parcelle n'est pas inondable même en cas de forte crue ; le classement de cette parcelle en zone non constructible apparaît ainsi contestable ;

- les parcelles AI n° 316 et AI n° 193 ne sont pas inondables ; les modalités règlementaires de zonage des risques d'inondations actuels introduisent des critères bien plus précis que ceux en vigueur au moment du litige.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 mai 2017, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut aux fins que les requêtes n° 16BX02870 et 16BX03043 soient jointes, à la confirmation du jugement attaqué en tant qu'il rejette partiellement la demande de MmeB..., et au rejet de la requête de cette dernière.

Il fait valoir que :

- le tribunal qui n'avait pas à répondre à l'ensemble des arguments de Mme B...n'a pas omis de statuer sur le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation concernant à la parcelle AI n° 316 ;

- le classement en zone jaune de la parcelle AI n° 193 n'est pas adapté dès lors que cette parcelle est cernée par des secteurs à aléas forts à forte vitesse d'écoulement rendant son accès impossible en cas d'inondation comme en atteste la carte des aléas ; son classement en zone rouge est donc justifié ; au demeurant, lors de la crue du 25 janvier 2014, la parcelle a été inondée sur deux secteurs : d'une part, depuis la rocade, d'autre part, par débordement direct de l'Ousse ainsi que l'indique le compte rendu de réunion d'expertise annexé au rapport de l'expert.

Par ordonnance du 11 juillet 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 1er août 2018 à 12h00.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Caroline Gaillard,

- et les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté en date du 8 janvier 2004, le préfet des Pyrénées-Atlantiques a approuvé le plan de prévention des risques d'inondation de la commune de Bizanos. Par un courrier du 28 mars 2013, Mme B...a demandé au préfet de modifier ce plan en tant qu'il classe les parcelles lui appartenant, cadastrée AI n° 193, en zone rouge, et cadastrée AI n° 316 pour partie en zone orange ou jaune, à l'intérieur desquelles toute construction nouvelle est interdite. Le silence gardé par le préfet sur cette demande a fait naître une décision implicite de rejet. Par un jugement du 21 juin 2016, le tribunal administratif de Pau a annulé la décision implicite de rejet précitée en tant que le préfet a refusé de modifier le classement en zone orange d'une partie de la parcelle cadastrée AI n° 316, a enjoint au préfet de procéder à une nouvelle instruction du zonage de cette parcelle, a mis à la charge de l'Etat les frais d'expertise et a rejeté le surplus des conclusions de MmeB....

2. Le ministre de la transition écologique et solidaire relève appel de ce jugement en tant qu'il a partiellement fait droit à la demande de Mme B...et a mis à la charge de l'Etat les frais d'expertise. Mme B...interjette également appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions.

Sur la jonction :

3. Les requêtes n° 16BX02870 et 16BX03043 concernent un même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt.

Sur l'appel du ministre :

En ce qui concerne la légalité du classement en zone orange de la partie de la parcelle cadastrée AI n° 316 :

4. Il ressort des pièces du dossier que la parcelle cadastrée AI n° 316 est classée en trois zones, en amont une zone blanche constructible dont le classement n'est pas contesté, une zone jaune occupant environ les 2/3 de la superficie et affectée par un aléa faible mais dévolue à l'expansion des crues et une zone orange en partie basse affectée par un aléa moyen.

5. Aux termes de l'article L. 562-1 du code de l'environnement, dans sa rédaction alors applicable : " L'Etat élabore et met en application des plans de prévention des risques naturels prévisibles tels que les inondations (...) / II. - Ces plans ont pour objet, en tant que de besoin : / 1° De délimiter les zones exposées aux risques, dites "zones de danger", en tenant compte de la nature et de l'intensité du risque encouru, d'y interdire tout type de construction, d'ouvrage, d'aménagement ou d'exploitation agricole, forestière, artisanale, commerciale ou industrielle ou, dans le cas où des constructions, ouvrages, aménagements ou exploitations agricoles, forestières, artisanales, commerciales ou industrielles pourraient y être autorisés, prescrire les conditions dans lesquelles ils doivent être réalisés, utilisés ou exploités ; / 2° De délimiter les zones, dites "zones de précaution", qui ne sont pas directement exposées aux risques mais où des constructions, des ouvrages, des aménagements ou des exploitations agricoles, forestières, artisanales, commerciales ou industrielles pourraient aggraver des risques ou en provoquer de nouveaux et y prévoir des mesures d'interdiction ou des prescriptions telles que prévues au 1° ; / 3° De définir les mesures de prévention, de protection et de sauvegarde qui doivent être prises, dans les zones mentionnées au 1° et au 2°, par les collectivités publiques dans le cadre de leurs compétences, ainsi que celles qui peuvent incomber aux particuliers ; / 4° De définir, dans les zones mentionnées au 1° et au 2°, les mesures relatives à l'aménagement, l'utilisation ou l'exploitation des constructions, des ouvrages, des espaces mis en culture ou plantés existants à la date de l'approbation du plan qui doivent être prises par les propriétaires, exploitants ou utilisateurs. / (...) ". Aux termes de l'article R. 562-10 du même code : " I. - Un plan de prévention des risques naturels prévisibles peut être modifié selon la procédure décrite aux articles R. 562-1 à R. 562-9. / (...) II. - L'approbation du nouveau plan emporte abrogation des dispositions correspondantes de l'ancien plan. ".

6. Selon les termes du règlement du plan de prévention des risques d'inondation de la commune de Bizanos, la zone orange est une zone estimée exposée à un risque d'inondation moyen, caractérisé par une hauteur d'eau comprise entre 50 centimètres et 1 mètre et par une vitesse d'écoulement comprise entre 50 centimètres et 1 mètre par seconde. En application des dispositions précitées, les auteurs du plan de prévention des risques d'inondation ont la faculté de classer en zone orange un terrain en raison de la dangerosité de son accès pendant la crue et d'exposition à un risque direct d'inondation. Il en résulte qu'en classant une partie de la parcelle cadastrée AI n° 316 en zone orange, le préfet des Pyrénées-Atlantiques n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation. Par suite, c'est à tort que le tribunal a retenu ce moyen pour annuler le refus de modification du plan de prévention des risques d'inondation de la commune de Bizanos en tant qu'il concerne la partie classée orange de la parcelle cadastrée AI n° 316 appartenant à MmeB....

7. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B...devant le tribunal administratif et devant la cour à l'appui de sa demande d'annulation du classement en zone orange de la partie de la parcelle AI n° 316 dont elle est propriétaire.

8. Pour contester le classement en zone orange de la parcelle cadastrée AI n° 316, Mme B... soutient également que le déroulement de l'enquête publique et le contenu de la note de présentation du plan de prévention des risques d'inondation sont entachés d'illégalité. Toutefois, les vices de forme ou de procédure dont pourrait être entaché le plan de prévention des risques ne peuvent être utilement invoqués que dans le cadre d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre ce plan et introduit avant l'expiration du délai de recours contentieux soit, en l'espèce, deux mois suivant la publication du plan de prévention des risques d'inondation au recueil des actes administratifs de la préfecture des Pyrénées-Atlantiques le 29 janvier 2004. Il s'ensuit que ces moyens doivent être écartés.

9. Par suite, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Pau a annulé la décision implicite de refus du préfet des Pyrénées-Atlantiques de modifier le plan de prévention des risques d'inondation en tant qu'il classe en zone orange la partie de la parcelle cadastrée section AI n° 316, appartenant à Mme B...et a enjoint au préfet de procéder au réexamen de ce classement.

En ce qui concerne la part des frais d'expertise mise à la charge de l'Etat :

10. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. (...) ".

11. Il est constant que l'expertise en cause a été ordonnée à l'initiative des premiers juges sans qu'aucune des parties n'aient présenté de conclusions en ce sens. Les dispositions précitées de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ne font pas obstacle à ce que les frais en soient, dans ces circonstances particulières, mis à la charge de chacune des parties à hauteur de 50 pour cent. Par suite, le ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a mis à la charge de l'Etat la totalité des frais de l'expertise soit 13 509,40 euros.

Sur les conclusions d'appel principal de Mme B...et son appel incident :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

12. Devant les premiers juges, à l'appui de sa demande d'annulation de la décision implicite de rejet du préfet, Mme B...soutenait notamment que le classement en zone jaune de la partie haute de sa parcelle cadastrée AI n° 316 située au nord de la parcelle n° 291, était entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et que le classement de la partie moyenne de cette même parcelle en zone jaune était également entaché d'erreur manifeste d'appréciation. Le tribunal ne s'est pas prononcé sur ces moyens qui n'étaient pas inopérants. Par suite, le jugement du tribunal administratif doit être annulé en tant qu'il rejette le surplus des conclusions de MmeB....

13. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur le surplus des conclusions de la demande présentée par MmeB....

En ce qui concerne la légalité du classement en zone rouge de la parcelle AI n° 193 :

14. En premier lieu, il est constant que la parcelle AI n° 193 de Mme B...est limitée au nord par l'Ousse, affluent du gave de Pau, au sud par la route départementale 213 et à l'est par la Rocade. Ces dernières apparaissent sur la carte des aléas, sur laquelle s'est notamment fondée l'administration pour établir le plan de prévention des risques d'inondation en cause, comme une zone d'aléa fort d'inondation, où la hauteur de l'eau et/ou la vitesse d'écoulement sont susceptibles, en cas de crue centennale, d'être respectivement supérieures à 1 mètre et 1 mètre par seconde. Si Mme B...fait valoir en se prévalant d'un rapport d'expertise judiciaire, d'une étude réalisée par l'association Prévirisques et d'un constat d'huissier, de ce que la parcelle n'est pas inondable même en cas de crue, et de ce que son accès reste possible en cas de montée des eaux, ces affirmations sont contredites par ce rapport d'expertise judiciaire ainsi que par le rapport d'expertise de la société Elément, qui rappellent que la parcelle AI n° 193 traversée par un chenal permettant l'écoulement des eaux, est inondable en cas de crue exceptionnelle et qu'elle a d'ailleurs été submergée par les eaux sur deux versants lors de la crue de 2014. Dès lors, ces affirmations ne sont pas de nature à remettre en cause le caractère inondable de cette parcelle et, en cas d'inondation, eu égard notamment à la rapidité de l'écoulement des eaux de la Rocade au niveau du rond point, sa dangerosité d'accès. Ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier, qu'en cas de crue centennale, la parcelle en cause, qui se retrouverait en partie submergée par les eaux, pourrait être accessible sans danger. Le maintien de la sécurité des personnes justifie que puissent être déclarées inconstructibles ou enserrées dans des règles de constructibilité limitée, des zones ne présentant pas un niveau d'aléa fort d'inondation mais qui constitueraient, comme en l'espèce, en cas de crue centennale, des îlots isolés. Par suite, le moyen tiré de ce que le classement en zone rouge de la parcelle AI n° 193 serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

15. En second lieu, il est de la nature même du plan de prévention des risques naturels de distinguer et de délimiter, en fonction du degré d'exposition auxdits risques, des zones à l'intérieur desquelles s'appliquent des contraintes d'urbanisme importantes et des zones ne nécessitant pas l'application de telles contraintes. Dès lors que le classement en zone rouge de la parcelle AI n° 193 appartenant à Mme B...ne repose pas, ainsi qu'il a été jugé au point précédent, sur une appréciation manifestement erronée, la requérante ne peut utilement faire valoir que des parcelles voisines, situées dans la même zone, mais ne se trouvant pas dans la même situation, auraient été classées en zone constructible. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité des citoyens devant la loi ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la légalité du classement en zone jaune de la parcelle AI n° 316 :

16. En premier lieu, Mme B...conteste le classement en zone jaune inconstructible de la partie haute de sa parcelle située au nord de la parcelle n° 291. Il ressort des différents rapports d'expertise que des erreurs topographiques ont été commises concernant les aléas et notamment que la cartographie de l'aléa de cette parcelle est trop étendue du fait de la sous-estimation des altitudes dans le référentiel topographique utilisé dans le plan de prévention des risques d'inondation. Si l'expert judiciaire conclut qu'en respectant la cote de constructibilité de 198,90 mA..., la bande de terrain située au nord de la parcelle n° 291 qui est située au dessus de la cote de référence en continuité de la zone blanche existante pourrait être classée en zone blanche, constructible, il recommande néanmoins de construire dans sa partie sud, déjà en zone constructible et d'éviter de creuser un sous-sol. Dans ces conditions, alors que le périmètre de superficie concernée, au demeurant très modeste et vaguement délimité, jouxte une parcelle inondable et qu'ainsi qu'il a été dit, son classement en zone jaune, n'a pas été formellement contredit par l'expert judiciaire, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en s'abstenant de modifier le classement en zone jaune de ce périmètre de la parcelle AI n° 316.

17. En second lieu, Mme B...conteste le classement en zone jaune de la partie " moyenne " de la parcelle qui jouxte le périmètre classé en zone orange de cette même parcelle. A cet égard il résulte du rapport d'expertise judiciaire de M. D...que cette zone constitue une zone de stockage en cas de fortes crues, ce qui justifie son classement en zone d'expansion des crues, inconstructible. La circonstance que cette parcelle n'a pas été entièrement inondée et que des erreurs topographiques ont été commises dans l'élaboration du plan de prévention des risques d'inondation ne suffit pas à contredire le caractère de zone de stockage en cas de fortes crues de la partie de la parcelle en cause. Par suite, en s'abstenant de modifier le classement en zone jaune de ce périmètre de la parcelle AI n° 316, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.

18. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux rappelés précédemment, dès lors, que le classement en zone jaune de la parcelle AI n° 316 appartenant à Mme B...ne repose pas, ainsi qu'il a été jugé aux points 16 et 17, sur une appréciation manifestement erronée, la requérante ne peut utilement faire valoir que des parcelles voisines, situées dans la même zone mais ne se trouvant pas dans la même situation, auraient été classées en zone constructible. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité des citoyens devant la loi ne peut qu'être écarté.

19. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que le classement des parcelles AI n° 193 et AI n° 316 serait manifestement erroné et à demander l'annulation de la décision implicite de refus du préfet des Pyrénées-Atlantiques de les modifier.

En ce qui concerne les frais d'expertise :

20. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. L'Etat peut être condamné aux dépens. ". Ainsi qu'il a été dit au point 11, dans les circonstances particulières de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de chacune des parties les frais de l'expertise à hauteur de 50 pourcent.

En ce qui concerne les conclusions à fin d'injonction :

21. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation de Mme B...n'implique aucune mesure d'exécution.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des requêtes n° 16BX02870 et 16BX03043 :

22. Ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas la partie perdante, verse à Mme B...une quelconque somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1301316 du tribunal administratif de Pau du 21 juin 2016 est annulé.

Article 2 : La demande de Mme B...présentée devant le tribunal administratif de Pau ainsi que le surplus de ses conclusions devant la cour sont rejetés.

Article 3 : Les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme de 13 509,40 euros (treize mille cinq cent neuf euros et quarante centimes) sont mis à la charge définitive de chacune des parties à hauteur de 50 pourcent.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire et à Mme E...B.... Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Atlantiques.

Délibéré après l'audience du 11 septembre 2018 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

Mme Florence Madelaigue, premier conseiller,

Mme Caroline Gaillard, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 9 octobre 2018.

Le rapporteur,

Caroline GaillardLe président,

Elisabeth JayatLe greffier,

Florence Deligey

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 16BX02870, 16BX03043


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX02870,16BX03043
Date de la décision : 09/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

44-05-08 Nature et environnement. Divers régimes protecteurs de l`environnement. Prévention des crues, des risques majeurs et des risques sismiques.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Caroline GAILLARD
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : BARNECHE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-10-09;16bx02870.16bx03043 ?
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