La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/10/2018 | FRANCE | N°16BX02099

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 11 octobre 2018, 16BX02099


Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

La société de participation Pénicaut a demandé au tribunal administratif de Limoges de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre des périodes couvrant respectivement l'année 2010 et l'année 2012, ainsi que des pénalités y afférentes.

Par un jugement n° 1400895 du 4 mai 2016, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 juin 2016, et un mémoire enregistr

é le 26 juin 2017, la société de participation Pénicaut, représentée par MeA..., demande à la cour :...

Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

La société de participation Pénicaut a demandé au tribunal administratif de Limoges de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre des périodes couvrant respectivement l'année 2010 et l'année 2012, ainsi que des pénalités y afférentes.

Par un jugement n° 1400895 du 4 mai 2016, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 juin 2016, et un mémoire enregistré le 26 juin 2017, la société de participation Pénicaut, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 4 mai 2016 ;

2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée litigieux ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- il n'est pas contesté par l'administration que la majorité des fondations de l'immeuble, des éléments de structure et la consistance des façades hors ravalement n'ont fait l'objet d'aucune remise à neuf ; s'agissant du second oeuvre, ont été rendus à l'état neuf dans une proportion des deux tiers les huisseries extérieures, les installations sanitaires et la plomberie, les installations électriques et le système de chauffage ; s'il y a eu un décloisonnement, les planchers non porteurs n'ont fait l'objet d'aucune remise à neuf ; dès lors, en l'absence de remise à neuf des éléments listés à l'article 245 A I de l'annexe II au code général des impôts, les cessions en cause ne pouvaient relever de plein droit du régime de la taxe sur la valeur ajoutée immobilière, conformément à l'article 257 I-2-2° du même code, et ainsi que le prévoit l'instruction administrative 3 C-7-06 § 174 du 8 décembre 2006 et le BOI-TVA-IMM-10-10-10-20 n° 250 ;

- c'est à tort que l'administration considère que les planchers de second oeuvre ont été remis à neuf ; en effet, les travaux ont consisté, sur les trois niveaux, en la dépose des anciens sols souples, l'application d'un ragréage fibré et la pose d'un revêtement résistant ; il n'y a pas eu de démolition et de reconstruction de ces planchers et ils n'ont pas donné lieu à une réfection de la surface maçonnée elle-même, ainsi qu'en attestent les devis et les factures communiqués ; il ne s'agit que de travaux de finition ; ces travaux entrent donc dans le champ des § 159 et 162 de l'instruction 3 C-7-06 et du § 170 du BOI-TVA-IMM-10-10-10-20, § 130 et suivants ;

- la société n'a en conséquence pas procédé à la livraison à soi-même d'un immeuble neuf ;

- à titre subsidiaire, l'amende prévue au 4° de l'article 1788 A du code général des impôts ne peut lui être appliquée dès lors que la taxation d'une livraison à soi-même a été reconnue contraire à la directive européenne TVA/2006/112/CE.

Par des mémoires enregistrés les 2 décembre 2016 et 30 juin 2017, le ministre de l'action et des comptes publics (direction spécialisée de contrôle fiscal Sud-ouest) conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la société s'est placée en 2008 sous le régime de faveur prévu au A de l'article 1594-2 G du code général des impôts ; elle s'était ainsi engagée à réaliser dans l'immeuble des travaux de remise à neuf au sens des dispositions de l'article 257-7° du code général des impôts ;

- en conséquence cette acquisition devait être imposée à la taxe sur la valeur ajoutée immobilière, conformément à l'engagement souscrit ;

- contrairement aux affirmations de la société, il ressort des pièces et notamment des factures produites que l'ensemble des éléments de second oeuvre a été remis à neuf dans une proportion au moins égale aux deux tiers pour chacun d'entre eux ;

- il résulte des devis de la société Bâti-Bat que les travaux portant sur les planches de second oeuvre ont également conduit à remettre à neuf ces éléments ; de plus les cloisons intérieures ont été également remplacées dans une proportion de plus de deux tiers ;

- dès lors, la cession doit être considérée comme portant sur un immeuble neuf et doit être assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée ;

- l'invocation de la doctrine administrative n'est pas pertinente dès lors que l'administration s'est bornée à appliquer la loi fiscale sans l'interpréter ;

- la pénalité visée au 4° de l'article 1788 A du code général des impôts est également due dès lors que la société n'a pas procédé à la déclaration qu'elle était tenue de souscrire.

Par une ordonnance du 29 juin 2017, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 3 août 2017 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Laurent Pouget,

- et les conclusions de Mme Déborah de Paz, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société de participation Pénicaut, qui exerce l'activité de marchand de biens, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les années 2010 et 2011. A cette occasion, le vérificateur a remis en cause le défaut d'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée d'une cession de deux lots d'immeubles, réalisée par acte du 30 décembre 2010. Dans le cadre d'un contrôle sur pièces, le service a également soumis à la taxe la cession d'un troisième lot, constatée par acte du 27 février 2012, et la livraison à soi-même de l'immeuble en cause par la société de participation Pénicaut. Il en est résulté pour celle-ci des rappels en matière de taxe sur la valeur ajoutée pour des montants en droits et pénalités de 58 093 euros au titre de l'année 2010 et de 41 572 euros au titre de l'année 2012. Ayant contesté en vain ces rappels auprès de l'administration, et ayant saisi le tribunal administratif de Limoges d'une demande tendant à leur décharge, la société de participation Pénicaut relève appel du jugement du 4 mai 2016 par lequel le tribunal a rejeté cette demande.

Sur le bien-fondé des rappels :

2. En premier lieu, l'article 257 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable, dispose : " I. - Les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée dans les conditions qui suivent (...) 2. Sont considérés : (...) 2° Comme immeubles neufs, les immeubles qui ne sont pas achevés depuis plus de cinq années, qu'ils résultent d'une construction nouvelle ou de travaux portant sur des immeubles existants qui ont consisté en une surélévation ou qui ont rendu à l'état neuf : a) Soit (...) d) Soit l'ensemble des éléments de second oeuvre tels qu'énumérés par décret en Conseil d'Etat, dans une proportion fixée par ce décret qui ne peut être inférieure à la moitié pour chacun d'entre eux. 3. Sont également soumises à la taxe sur la valeur ajoutée : 1° Lorsqu'elles sont réalisées par des personnes assujetties au sens de l'article 256 A : a) Sans préjudice des dispositions du II, les livraisons à soi-même d'immeubles neufs lorsque ceux-ci ne sont pas vendus dans les deux ans qui suivent leur achèvement (...) ". Aux termes de l'article 245 A de l'annexe II audit code : " I. (...) les éléments de second oeuvre à prendre en compte sont les suivants : / a. les planchers ne déterminant pas la résistance ou la rigidité de l'ouvrage ; / b. les huisseries extérieures ; / c. les cloisons intérieures ; / d. les installations sanitaires et de plomberie ; / e. les installations électriques ; / f. et, pour les opérations réalisées en métropole, le système de chauffage. / II. La proportion prévue au 4° du c du 1 du 7° de l'article 257 du code général des impôts est fixée à deux tiers pour chacun des éléments mentionnés au I. ".

3. La société requérante, qui ne conteste pas que l'immeuble dont la cession fait l'objet du litige, achevé depuis moins de cinq années, n'a pas été vendu dans les deux années suivant son achèvement, admet également devant la cour qu'il a fait l'objet de travaux ayant rendu à l'état neuf plus des deux tiers des huisseries extérieures, des installations sanitaires et de la plomberie, des installations électriques, du système de chauffage et des cloisons intérieures. Elle soutient, en revanche, que les planchers ne déterminant pas la résistance ou la rigidité de l'ouvrage n'ont pas fait l'objet d'une véritable remise à neuf.

4. Il résulte de l'instruction que les planchers non porteurs de l'immeuble ont seulement fait l'objet de travaux ayant consisté à déposer les revêtements de sol souples existants, à appliquer un ragréage fibré, puis à poser de nouveaux revêtements de même type. De tels travaux, qui n'ont porté que sur le revêtement et n'ont eu ni pour objet ni pour effet de consolider ou de réparer la structure même des planchers, ne peuvent, contrairement à ce que soutient le ministre et à ce qu'a jugé le tribunal, être regardés comme ayant abouti à une remise à neuf de ces planchers, au sens des dispositions précitées. Si le ministre fait valoir que la société appelante a elle-même déclaré, dans l'acte notarié du 1er février 2008, que l'immeuble en cause était destiné à la réalisation d'une opération de reconstruction soumise à la taxe sur la valeur ajoutée au taux de 19,6 %, cette circonstance ne faisait pas obstacle à ce qu'il soit ultérieurement constaté que les conditions de cet assujettissement n'ont pas été remplies, l'opération relevant alors alternativement de plein droit du régime des droits d'enregistrement. Par suite, le service ne pouvait remettre en cause le défaut d'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée des cessions immobilières réalisées les 30 décembre 2010 et 27 février 2012 par la société de participation Pénicaut, ainsi que de la livraison à soi-même de l'immeuble en cause, ni lui infliger l'amende fiscale visée à l'article 1788 A du code général des impôts.

5. Il résulte de ce qui précède que la société de participation Pénicaut est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à la société de participation Pénicaut au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1400895 du 4 mai 2016 du tribunal administratif de Limoges est annulé.

Article 2 : La société de participation Pénicaut est déchargée des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre des années 2010 et 2012, ainsi que des pénalités y afférentes.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à la société de participation Penicaut en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société de participation Pénicaut et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 13 septembre 2018, à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. Laurent Pouget, président-assesseur,

M. David Katz, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 11 octobre 2018.

Le rapporteur,

Laurent POUGET Le président,

Aymard de MALAFOSSE Le greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 16BX02099


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX02099
Date de la décision : 11/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-01-01 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Personnes et opérations taxables. Opérations taxables.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: M. Laurent POUGET L.
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : FIDAL LIMOGES

Origine de la décision
Date de l'import : 16/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-10-11;16bx02099 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award