La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/10/2018 | FRANCE | N°18BX01861

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre bis - (formation à 3), 26 octobre 2018, 18BX01861


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler les arrêtés du 23 mars 2018 par lesquels le préfet des Landes a ordonné son transfert aux autorités autrichiennes et l'a assigné à résidence jusqu'à sa réadmission en Autriche devant intervenir au plus tard le 31 mai 2018.

Par un jugement n° 1800731 du 10 avril 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un

mémoire complémentaire, enregistrés le 10 mai 2018 et le 12 août 2018, M. C...B..., représenté pa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler les arrêtés du 23 mars 2018 par lesquels le préfet des Landes a ordonné son transfert aux autorités autrichiennes et l'a assigné à résidence jusqu'à sa réadmission en Autriche devant intervenir au plus tard le 31 mai 2018.

Par un jugement n° 1800731 du 10 avril 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 10 mai 2018 et le 12 août 2018, M. C...B..., représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Pau du 10 avril 2018 ;

2°) d'annuler les arrêtés susmentionnés du 23 mars 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Landes de le placer en procédure d'asile normale sous astreinte de 50 euros par jour de retard, à l'expiration d'un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

S'agissant de la décision portant remise aux autorités autrichiennes :

- elle est entachée du vice d'incompétence, dès lors que l'auteur de l'arrêté ne justifie pas être titulaire d'une délégation de signature de la part du préfet des Landes ;

- l'agent l'ayant notifié ne l'a pas signée et ne justifie pas de sa compétence et de la régularité de la procédure de notification ;

- il n'a pas été informé de son droit d'avertir ou de faire avertir son consulat, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet ne l'a pas informé des conséquences de l'exercice d'un recours contentieux sur le délai d'exécution de la décision de transfert aux autorités autrichiennes ; de ce fait, il n'a pas été mis à même d'apprécier l'opportunité d'exercer un recours ;

- les dispositions de l'article 5 du règlement n°604/2013 dit " Dublin III " ont été méconnues, le préfet n'établissant pas que l'entretien individuel a été mené par une personne qualifiée ; aucune mention ne figure quant à l'identité de l'agent ;

- le préfet n'établit pas que l'interprète, qui est intervenu lors de l'entretien, a reçu l'agrément prévu par les dispositions de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet aurait dû examiner sa demande d'asile au regard des dispositions de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 et n'a pas usé du pouvoir d'appréciation dont il dispose prévu par ces dispositions ; les autorités autrichiennes risquent de le renvoyer en Afghanistan sans prendre en considération les risques qu'il encourrait en cas de retour dans son pays d'origine ;

- le préfet a méconnu les dispositions de l'article 9 du règlement n°604/2013 et a entaché son arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une erreur de fait ; son frère a obtenu l'asile en France et y réside avec sa femme et ses enfants ; le principe d'unité familiale doit dès lors être respecté ;

- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et a entaché son arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que son retour en Afghanistan l'expose à des risques d'atteinte à sa sécurité et à son intégrité physique ; le préfet ne peut ignorer la dégradation sécuritaire et humanitaire de son pays d'origine ;

- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et a entaché son arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation dans la mesure où des membres de sa famille résident en France et sont prêts à l'accueillir ;

S'agissant de la décision portant assignation à résidence :

- elle est irrégulière dès lors qu'elle n'a pas été signée par l'agent l'ayant notifiée ;

- elle est entachée d'illégalité par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de transfert aux autorités autrichiennes.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 21 juin 2018 et le 10 septembre 2018, le préfet des Landes conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B...ne sont pas fondés.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 juillet 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 ;

- le règlement n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné M. Nicolas Normand pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Agnès Bourjol a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., ressortissant afghan né le 5 février 1998, a déclaré être entré irrégulièrement sur le territoire français le 25 août 2017. Il s'est présenté le 9 octobre 2017 à la préfecture du Val d'Oise afin de déposer une demande d'asile. Le relevé de ses empreintes décadactylaires a révélé qu'il avait déjà été identifié en Autriche. Le 14 novembre 2017, une demande de reprise en charge de l'intéressé a été adressée aux autorités autrichiennes. Après leur accord implicite né le 1er décembre 2017, le préfet des Landes, par un arrêté du 23 mars 2018, a décidé de remettre M. B...aux autorités autrichiennes et, par un arrêté du même jour, l'a assigné à résidence. M. B...relève appel du jugement du 10 avril 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision de transfert aux autorités autrichiennes :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. Cette décision est notifiée à l'intéressé. Elle mentionne les voies et délais de recours ainsi que le droit d'avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix. Lorsque l'intéressé n'est pas assisté d'un conseil, les principaux éléments de la décision lui sont communiqués dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend. ".

3. A l'appui des moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de la décision, des irrégularités des conditions de sa notification et de l'absence de mention, dans cette décision, de son droit d'avertir son consulat, M.B... ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance et ne critique pas utilement les réponses apportées sur ces points par le tribunal administratif. Il y a donc lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinemment retenus par le premier juge.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 27 du règlement (UE) n° 604/2013 susvisé du 26 juin 2013, relatif aux voies de recours contre les décisions de transfert d'un étranger vers un autre Etat membre : " Voies de recours / 1. Le demandeur ou une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), dispose d'un droit de recours effectif, sous la forme d'un recours contre la décision de transfert ou d'une révision, en fait et en droit, de cette décision devant une juridiction. (...) / 3. Aux fins des recours contre des décisions de transfert ou des demandes de révision de ces décisions, les États membres prévoient les dispositions suivantes dans leur droit national: / a) le recours ou la révision confère à la personne concernée le droit de rester dans l'État membre concerné en attendant l'issue de son recours ou de sa demande de révision; ou / b) le transfert est automatiquement suspendu et une telle suspension expire au terme d'un délai raisonnable, pendant lequel une juridiction, après un examen attentif et rigoureux de la requête, aura décidé s'il y a lieu d'accorder un effet suspensif à un recours ou une demande de révision; ou / c) la personne concernée a la possibilité de demander dans un délai raisonnable à une juridiction de suspendre l'exécution de la décision de transfert en attendant l'issue de son recours ou de sa demande de révision. Les États membres veillent à ce qu'il existe un recours effectif, le transfert étant suspendu jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la première demande de suspension. La décision de suspendre ou non l'exécution de la décision de transfert est prise dans un délai raisonnable, en ménageant la possibilité d'un examen attentif et rigoureux de la demande de suspension. La décision de ne pas suspendre l'exécution de la décision de transfert doit être motivée. / 4. Les États membres peuvent prévoir que les autorités compétentes peuvent décider d'office de suspendre l'exécution de la décision de transfert en attendant l'issue du recours ou de la demande de révision. (...) ". Aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. (...) ".

5. Il ressort de l'article 2 de l'arrêté attaqué que le préfet des Landes a indiqué qu'il pouvait être exécuté d'office et que la décision impliquant le transfert devait avoir lieu dans les six mois suivant la date de l'accord des autorités autrichiennes, ce délai pouvant être porté à douze ou à dix-huit mois, respectivement, en cas d'emprisonnement ou de fuite. Aucune disposition du règlement n°604/2013 ni aucune disposition législative n'imposent, contrairement à ce que soutient le requérant, que cette décision mentionne les conséquences qui s'attachent à l'introduction d'un recours sur les délais d'exécution du transfert, prévus à l'article 29 dudit règlement. De surcroît, ayant introduit une requête aux fins d'annulation de la décision prise à son encontre ordonnant son transfert aux autorités autrichiennes, il n'est pas fondé à soutenir que, du fait de cette omission, il n'a pas été mis en mesure d'apprécier l'opportunité d'exercer un recours contentieux. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure découlant du défaut de mention du caractère suspensif de l'introduction d'un recours sur les délais d'exécution d'un transfert ne peut qu'être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement n°604/2013 susvisé : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 (...) 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national ".

7. Le résumé de l'entretien individuel mené avec le demandeur d'asile et qui selon l'article 5 du règlement précité du 26 juin 2013 peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type, ne saurait être regardé comme une correspondance au sens de l'article L. 111-2 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, et contrairement à ce que soutient le requérant, l'agent qui établit ce résumé n'est pas tenu d'y faire figurer son prénom, son nom, sa qualité et son adresse administrative. Dans ces conditions, si ces mentions ne figuraient pas sur le résumé de l'entretien individuel mené avec M. B..., cette circonstance est sans incidence sur la régularité de la procédure suivie.

8. En quatrième lieu, en vertu de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'il est prévu aux livres II, V et VI et à l'article L. 742-3 du présent code qu'une décision ou qu'une information doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire. En cas de nécessité, l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication. Dans une telle hypothèse, il ne peut être fait appel qu'à un interprète inscrit sur l'une des listes mentionnées à l'article L. 111-9 ou à un organisme d'interprétariat et de traduction agréé par l'administration. Le nom et les coordonnées de l'interprète ainsi que le jour et la langue utilisée sont indiqués par écrit à l'étranger. ". Il ressort des pièces du dossier que M. B...a bénéficié le 9 octobre 2017 lors de son entretien individuel, ainsi que le permettent les dispositions précitées, des services téléphoniques d'un interprète en pachto de la société ISM interprétariat qui bénéficie d'un agrément ministériel aux fins d'interprétariat et de traduction. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.

9. En cinquième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 susvisé : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) 2. L'Etat membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'Etat membre responsable, ou l'Etat membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre Etat membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre Etat membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. Les personnes concernées doivent exprimer leur consentement par écrit ". En vertu de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'autorité administrative estime que l'examen d'une demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat qu'elle entend requérir, l'étranger bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la fin de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat. L'attestation délivrée en application de l'article 741-1 mentionne la procédure dont il fait l'objet. Elle est renouvelable durant la procédure de détermination de l'Etat responsable et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat. Le présent article ne fait pas obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne dont l'examen de la demande relève de la compétence d'un autre Etat ".

10. D'une part, il ressort de la motivation de la décision de transfert que le préfet a examiné, comme il était tenu de le faire, les éléments du dossier de M. B...en exerçant le pouvoir d'appréciation prévu notamment par la clause discrétionnaire mentionnée ci-dessus, sans s'estimer lié par l'accord des autorités autrichiennes. Le moyen tiré de l'erreur de droit ne peut dès lors qu'être écarté.

11. D'autre part, la mise en oeuvre du droit constitutionnel d'asile, qui a pour corollaire le droit de solliciter la qualité de réfugié, implique la possibilité, pour les autorités françaises, d'assurer le traitement d'une demande d'asile même lorsque le droit international ou communautaire leur permet de confier cet examen à un autre Etat. Il appartient en particulier à ces autorités, sous le contrôle du juge, de faire usage de cette possibilité, prévue par le règlement susmentionné, lorsque les règles et les modalités en vertu desquelles un autre Etat examine les demandes d'asile méconnaissent les règles ou principes que le droit international et interne garantit aux demandeurs d'asile et aux réfugiés, en particulier ceux d'être admis au séjour pendant le temps nécessaire à un examen individuel de la demande, de pouvoir présenter un recours suspensif, et, une fois reconnue la qualité de réfugié, d'être effectivement protégé, notamment, comme le prévoit l'article 33 de la convention de Genève relative au statut des réfugiés, sans pouvoir être éloigné vers un pays dans lequel la vie ou la liberté de la personne est menacée.

12. Il est constant que l'Autriche, l'Etat responsable de la demande d'asile de M.B..., est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les autorités autrichiennes auraient pris à son encontre une quelconque mesure d'éloignement. Dans ces conditions, l'intéressé ne peut présumer que ces autorités le renverront automatiquement en Afghanistan en méconnaissance de son droit de demander l'asile. Par suite, en s'abstenant de faire usage du pouvoir discrétionnaire dont il disposait en application de l'article du 17 du règlement précité, le préfet des Landes n'a pas entaché sa décision de transfert aux autorités autrichiennes d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

13. En sixième lieu, aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitement inhumains ou dégradant ".

14. A l'appui du moyen tiré de la méconnaissance par la décision de transfert contestée des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le requérant ne justifie pas qu'il serait exposé, de la part des autorités autrichiennes, à des risques réels, personnels et actuels de traitements inhumains et dégradants, ni que ces autorités seraient inaptes à lui apporter une protection appropriée en cas de perpétration de tels traitements. En tout état de cause, les risques personnels allégués en cas de retour en Afghanistan sont sans incidence sur la légalité de la décision de transfert aux autorités autrichiennes, qui n'a ni pour objet ni pour effet de renvoyer le demandeur dans son pays d'origine. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation, ne peuvent qu'être écartés.

15. En septième lieu, aux termes de l'article 9 du règlement n°604/2013 du 26 juin 2013 : " Si un membre de la famille du demandeur, que la famille ait été ou non préalablement formée dans le pays d'origine, a été admis à résider en tant que bénéficiaire d'une protection internationale dans un État membre, cet État membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale, à condition que les intéressés en aient exprimé le souhait par écrit. ". Aux termes de l'article 2 de ce règlement : " Aux fins du présent règlement, on entend par : (...) g) " membres de la famille ", dans la mesure où la famille existait déjà dans le pays d'origine, les membres suivants de la famille du demandeur présents sur le territoire des États membres: - le conjoint du demandeur, ou son ou sa partenaire non marié(e) engagé(e) dans une relation stable, lorsque le droit ou la pratique de l'État membre concerné réserve aux couples non mariés un traitement comparable à celui réservé aux couples mariés, en vertu de sa législation relative aux ressortissants de pays tiers, - les enfants mineurs des couples visés au premier tiret ou du demandeur, à condition qu'ils soient non mariés et qu'ils soient nés du mariage, hors mariage ou qu'ils aient été adoptés au sens du droit national, - lorsque le demandeur est mineur et non marié, le père, la mère ou un autre adulte qui est responsable du demandeur de par le droit ou la pratique de l'État membre dans lequel cet adulte se trouve, - lorsque le bénéficiaire d'une protection internationale est mineur et non marié, le père, la mère ou un autre adulte qui est responsable du bénéficiaire de par le droit ou la pratique de l'État membre dans lequel le bénéficiaire se trouve ".

16. M. B...fait valoir que son frère, qui est titulaire d'un titre de séjour et bénéficiaire de la protection internationale, doit être regardé comme un membre de la famille au sens des dispositions de l'article 9 précitées du règlement n°604/2013. Toutefois, les frères et soeurs ne sont pas au nombre des membres de la famille au sens de ces dispositions. En tout état de cause, ces dispositions, qui créent seulement des obligations entre Etats sans ouvrir de droits aux intéressés, est inopérant. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 9 du règlement n°604/2013 doit être écarté.

17. En huitième lieu, si le requérant, qui est entré récemment en France à l'âge de 19 ans, célibataire et sans enfant à charge, soutient que son frère et ses neveux et nièces résident en France, le requérant n'apporte aucun élément de nature à justifier une vie privée et familiale stable en France. Dans ces conditions, la décision de transfert contestée n'a pu porter une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :

18. En neuvième lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que la décision de transfert aux autorités autrichiennes n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision portant assignation à résidence serait dépourvue de base légale ne peut qu'être écarté.

19. En dixième et dernier lieu, à l'appui du moyen tiré du défaut de signature de la décision par l'agent la notifiant, M. B...ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance et ne critique pas utilement les réponses apportées sur ce point par le tribunal administratif. Il y a donc lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinemment retenus par le premier juge.

20. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

21. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par le requérant, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ne peuvent être accueillies.

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative :

22. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C...B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...et au ministre d'état, ministre de l'intérieur. Copie sera adressée au préfet des Landes.

Délibéré après l'audience du 4 octobre 2018 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Pouget, président,

M. Paul-André Braud, premier-conseiller,

Mme Agnès Bourjol, conseiller.

Lu en audience publique, le 26 octobre 2018.

Le rapporteur,

Agnès Bourjol

Le président,

Marianne Pouget

La greffière,

Florence Faure

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

9

18BX01861


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre bis - (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 18BX01861
Date de la décision : 26/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03


Composition du Tribunal
Président : Mme POUGET M.
Rapporteur ?: Mme Agnès BOURJOL
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : BORDES

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-10-26;18bx01861 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award