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05/11/2018 | FRANCE | N°16BX03041

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre - formation à 3, 05 novembre 2018, 16BX03041


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...C...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler, d'une part, la décision du 18 novembre 2013 par laquelle l'inspectrice du travail de la 3ème section de l'unité territoriale du Tarn l'a déclarée apte à reprendre son travail à temps complet avec restriction ainsi que, d'autre part, les décisions des 28 février et 7 avril 2014 par lesquelles le ministre du travail a implicitement puis explicitement rejeté son recours hiérarchique.

Par un jugement n° 1402048 du 23 juin 2016, l

e tribunal administratif de Toulouse a annulé ces décisions et mis à la charge de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...C...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler, d'une part, la décision du 18 novembre 2013 par laquelle l'inspectrice du travail de la 3ème section de l'unité territoriale du Tarn l'a déclarée apte à reprendre son travail à temps complet avec restriction ainsi que, d'autre part, les décisions des 28 février et 7 avril 2014 par lesquelles le ministre du travail a implicitement puis explicitement rejeté son recours hiérarchique.

Par un jugement n° 1402048 du 23 juin 2016, le tribunal administratif de Toulouse a annulé ces décisions et mis à la charge de L'Etat la somme de 1 200 euros à verser à Me A..., conseil de MmeC..., sur le fondement des dispositions combinées de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 1er septembre 2016, la société Kiplay-Maroquinerie, représentée par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 23 juin 2016 du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) de confirmer la décision de l'inspectrice du travail du 18 novembre 2013 et les deux décisions des 28 février et 7 avril 2014 du ministre du travail susmentionnées ;

3°) de mettre à la charge de Mme C...la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont commis une erreur de droit dès lors qu'ils ont fait application de l'article L. 4624-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 et non dans celle applicable à la date des décisions contestées, à laquelle doit être appréciée leur légalité ;

- en considérant que la décision de l'inspecteur du travail du 18 novembre 2013, saisi par l'employeur d'un recours formé contre de l'avis du médecin du travail, ne peut être prise qu'après que le salarié ait été à même de présenter ses observations, en application de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, compte tenu de la portée que donne l'article L. 4624-1 du code du travail à la procédure en cause, le tribunal a procédé à tort à une application extensive de l'arrêt du Conseil d'Etat du 21 janvier 2015, n° 365124, SNC Lidl ;

- en effet, en l'espèce, la contestation de l'avis du médecin du travail n'a pas été faite à l'initiative du salarié mais de l'employeur ;

- en outre, les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ne trouvent à s'appliquer, d'une part, que lorsque l'inspection du travail a déclaré apte un salarié qui avait été déclaré inapte par le médecin du travail et non à l'hypothèse de la contestation d'un avis du médecin du travail ne faisant que constater l'aptitude d'un salarié à son poste de travail sur la base d'un temps complet et, d'autre part, que lorsqu'est en cause une décision soumise aux règles de motivation prévues par l'article 1er de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 et non aux décisions qui, comme en l'espèce, sont intégralement régies par le code du travail ;

- le tribunal a commis une erreur manifeste en considérant que Mme C...n'avait pas pu présenter d'observations sur l'avis du médecin inspecteur du travail qui ne lui a pas été communiqué avant la décision de l'inspection du travail, dès lors que la procédure de contestation d'un avis émis par le médecin du travail en application du troisième alinéa de l'article L. 4624-1 du code du travail n'est soumise à aucun formalisme particulier sur ce point ;

- au demeurant, alors même qu'il n'y était tenu par aucune des dispositions du code du travail, l'inspecteur du travail a mis en oeuvre une procédure contradictoire, en prenant le soin d'entendre les gérants de la Société, le médecin du travail et MmeC..., qui a été examinée pendant plus d'une heure par le médecin inspecteur du travail accompagné de deux internes ayant eu accès à son dossier médical et a donc été à même de pouvoir formuler ses observations, ce qu'a d'ailleurs indiqué la décision contestée du 18 novembre 2013 ;

- en tout état de cause, dans l'hypothèse où la cour considérerait que l'administration aurait commis un vice de procédure, cela n'impliquerait pas pour autant l'annulation de la décision litigieuse dès lors qu'il n'a pas eu d'influence sur le sens de la décision prise et n'a pas privé l'intéressée d'une garantie, point que le tribunal n'a même pas examiné.

Par ordonnance du 29 novembre 2017, la clôture de l'instruction a été fixée au 4 janvier 2018.

Par une lettre en date du 2 octobre 2018, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de relever d'office le moyen tiré de l'irrecevabilité des conclusions, présentées par Mme C... devant le tribunal, aux fins d'annulation de la décision implicite de rejet du ministre du travail, née le 28 février 2014, qui a été implicitement mais nécessairement rapportée par la décision expresse du ministre du 7 avril 2014, antérieurement à l'enregistrement de sa demande de première instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Axel Basset,

- et les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. MmeC..., recrutée depuis 1976 par la SARL Maroquinerie de tradition, devenue Société Kiplay Maroquinerie, en qualité d'ouvrière au sein de l'établissement de Briatexte (Tarn), a été placée en arrêt de travail sur la période d'avril 2011 à février 2013. A l'issue d'une visite médicale de reprise réalisée le 5 mars 2013 à la demande de la salariée, le médecin du travail a conclu à l'aptitude de Mme C... à reprendre son activité sur son poste de travail à temps partiel, à hauteur de 4 heures 42 par jour, moyennant aménagement de celui-ci. Mme C...ayant refusé de reprendre sans délai son travail, en dépit de deux lettres de son employeur en date des 9 avril et 17 avril 2013, la SARL Maroquinerie de tradition a sollicité, le 25 juin 2013, un nouvel avis du médecin du travail, lequel a confirmé, le 22 juillet 2013, ses précédentes conclusions. Estimant que la reprise d'activité de l'intéressée pouvait être effectuée sur la base d'un temps complet, la SARL Maroquinerie de tradition a formé, le 19 septembre 2013, un recours contre ce dernier avis du 22 juillet 2013 devant l'inspecteur du travail, sur le fondement des dispositions de l'article L. 4624-1 du code du travail. Après avoir recueilli l'avis du médecin inspecteur régional du travail, l'inspecteur du travail a, par une décision du 18 novembre 2013, estimé que Mme C... était apte à reprendre son poste de travail à temps complet avec un aménagement mineur de celui-ci. Cette décision a été confirmée par le ministre du travail, d'abord implicitement, le 28 février 2014, puis par une décision explicite en date du 7 avril 2014, à la suite du recours hiérarchique formé par la salariée par lettre du 24 décembre 2013. La Société Kiplay Maroquinerie relève appel du jugement du 23 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a, sur demande de MmeC..., annulé l'ensemble de ces décisions.

Sur les conclusions dirigées contre la décision implicite de rejet du ministre du travail :

2. Ainsi qu'il a été dit au point 1, le ministre du travail a, par une décision du 7 avril 2014 notifiée à Mme C...le 14 avril suivant, rejeté le recours hiérarchique formé par l'intéressée par lettre du 24 décembre 2013. Ce faisant, il a implicitement mais nécessairement rapporté la décision implicite de rejet née le 28 février 2014 du silence gardé par l'administration sur ledit recours hiérarchique. Dans ces conditions, les conclusions de MmeC..., présentées devant le tribunal administratif dans son mémoire complémentaire du 24 février 2016, tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet initiale, étaient irrecevables. Par suite, c'est à tort que le tribunal administratif a statué au fond sur ces conclusions.

3. Il y a lieu, dès lors, d'annuler sur ce point le jugement attaqué et, par la voie de l'évocation, de rejeter ces conclusions comme irrecevables, puis de statuer, dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, sur les conclusions dirigées contre les autres décisions contestées par MmeC....

Sur les conclusions dirigées contre la décision de l'inspecteur du travail du 18 novembre 2013 et la décision du ministre du travail du 7 avril 2014 :

En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par les premiers juges :

4. D'une part, aux termes de l'article L. 4624-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable à la date des décisions contestées : " Le médecin du travail est habilité à proposer des mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge, à la résistance physique ou à l'état de santé physique et mentale des travailleurs. / L'employeur est tenu de prendre en considération ces propositions et, en cas de refus, de faire connaître les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite. / En cas de difficulté ou de désaccord, l'employeur ou le salarié peut exercer un recours devant l'inspecteur du travail. Ce dernier prend sa décision après avis du médecin inspecteur du travail. ". En vertu de l'article R. 4624-36 de ce code : " La décision de l'inspecteur du travail peut être contestée dans un délai de deux mois devant le ministre chargé du travail. ".

5. D'autre part, aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 susvisée, alors en vigueur : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) subordonnent l'octroi d'une autorisation à des conditions restrictives ou imposent des sujétions (...). ". Aux termes de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 susvisée, aujourd'hui codifié aux articles L. 121-1 et L. 121-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. ".

6. Une décision de l'inspecteur du travail, prise sur recours d'un salarié, infirmant l'avis d'inaptitude émis par le médecin du travail et déclarant ce salarié apte, sous certaines réserves, à occuper son emploi doit, compte tenu de la portée que lui donne l'article L. 4624-1 du code du travail, être regardée comme imposant à l'employeur des sujétions dans l'exécution du contrat de travail, dès lors que celui-ci est alors tenu d'adapter les conditions de travail du salarié ou de procéder à son reclassement. Il s'ensuit que l'employeur doit alors être mis à même de présenter ses observations en application des dispositions précitées de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, alors en vigueur. En revanche, compte tenu de l'obligation, pour l'inspecteur du travail, de statuer au vu d'un avis rendu par le médecin inspecteur du travail à la suite d'un examen médical du salarié concerné, au cours duquel celui-ci peut faire valoir toutes observations utiles, la procédure contradictoire instaurée par lesdites dispositions ne trouve pas à s'appliquer lorsque - comme tel est le cas en l'espèce - le recours formé contre l'avis du médecin du travail émane de l'employeur. Dès lors, et contrairement à ce qu'ont considéré les premiers juges, la décision contestée du 18 novembre 2013 par laquelle l'inspecteur du travail, saisi par la société Kiplay-Maroquinerie, a déclaré Mme C... apte à reprendre son poste de travail à temps complet avec un aménagement mineur de son poste, pouvait légalement intervenir sans que la salariée fût mise à même de présenter ses observations sur le fondement des dispositions susmentionnées. Au demeurant, il ressort des mentions de la décision contestée, qui ne font l'objet d'aucun contredit utile, qu'une enquête contradictoire a été réalisée au préalable le 15 novembre 2013, au cours de laquelle l'inspectrice du travail a entendu tant les co-gérants de la société Kiplay-Maroquinerie que le médecin du travail à l'origine de l'avis du 22 juillet 2013 et Mme C... elle-même, afin d'aborder collectivement les possibilités d'aménagement de son poste de travail et de redéfinition de son rôle au sein de l'entreprise afin de le rendre compatible avec son état de santé. Par ailleurs, aucune disposition législative ou réglementaire, non plus qu'aucun principe, n'impose que l'avis du médecin inspecteur du travail mentionné à l'article L. 4624-1 du code du travail soit communiqué au salarié préalablement à l'intervention de la décision de l'inspecteur du travail, alors même qu'il divergerait de l'avis précédemment émis par le médecin du travail sur l'aptitude ou l'inaptitude de ce salarié à occuper son emploi.

7. Dès lors, et ainsi que le soutient à juste titre l'appelante, le moyen retenu par le tribunal administratif de Toulouse, et tiré de l'irrégularité de la procédure suivie, n'était pas de nature à entraîner l'annulation de la décision contestée du 18 novembre 2013, ainsi que, par voie de conséquence, de la décision du ministre du travail du 7 avril 2014 prise sur recours hiérarchique.

8. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme C...devant le tribunal administratif de Toulouse.

En ce qui concerne les autres moyens soulevés par Mme C...devant le tribunal administratif de Toulouse :

9. Aux termes de l'article R. 4624-20 du code du travail, dans sa rédaction applicable à la date des décisions contestées : " En vue de favoriser le maintien dans l'emploi des salariés en arrêt de travail d'une durée de plus de trois mois, une visite de préreprise est organisée par le médecin du travail à l'initiative du médecin traitant, du médecin conseil des organismes de sécurité sociale ou du salarié. ". Aux termes de l'article R. 4624-21 de ce code, alors applicable : " Au cours de l'examen de préreprise, le médecin du travail peut recommander : 1° Des aménagements et adaptations du poste de travail ; / 2° Des préconisations de reclassement ; / 3° Des formations professionnelles à organiser en vue de faciliter le reclassement du salarié ou sa réorientation professionnelle. (...) / Sauf opposition du salarié, il informe l'employeur et le médecin conseil de ces recommandations afin que toutes les mesures soient mises en oeuvre en vue de favoriser le maintien dans l'emploi du salarié. ". Aux termes de l'article R. 4624-22 dudit code, alors applicable : " Le salarié bénéficie d'un examen de reprise du travail par le médecin du travail : (...) 3° Après une absence d'au moins trente jours pour cause d'accident du travail, de maladie ou d'accident non professionnel. ". L'article R. 4624-23 de ce même code dispose : " L'examen de reprise a pour objet : 1° De délivrer l'avis d'aptitude médicale du salarié à reprendre son poste ; / 2° De préconiser l'aménagement, l'adaptation du poste ou le reclassement du salarié ; / 3° D'examiner les propositions d'aménagement, d'adaptation du poste ou de reclassement faites par l'employeur à la suite des préconisations émises par le médecin du travail lors de la visite de préreprise. (...) ". Aux termes de l'article R. 4624-34 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable : " L'avis médical d'aptitude ou d'inaptitude mentionne les délais et voies de recours. ". En vertu de l'article R. 4624-35 dudit code : " En cas de contestation de cet avis médical par le salarié ou l'employeur, le recours est adressé dans un délai de deux mois, par lettre recommandée avec avis de réception, à l'inspecteur du travail dont relève l'entreprise. La demande énonce les motifs de la contestation. ".

10. En premier lieu, Mme C...soutient que dès lors que son employeur n'a pas contesté le premier avis du médecin du travail du 5 mars 2013 dans le délai de deux mois prévu par les dispositions précitées de l'article R. 4624-35 du code du travail, il ne pouvait, afin de contourner cette forclusion et se soustraire à son obligation de la licencier compte tenu de la modification substantielle de son contrat de travail impliquée par un avis d'aptitude à son poste de travail à temps partiel, solliciter de nouveau celui-ci afin d'obtenir un avis comportant la mention des voies et délais de recours. Toutefois, il résulte des dispositions des articles L. 4624-1 et R. 4624-31 du code du travail qu'en cas de difficulté ou de désaccord sur les propositions formulées par le médecin du travail concernant l'aptitude d'un salarié à occuper son poste de travail, il appartient à l'inspecteur du travail, saisi par l'une des parties, de se prononcer définitivement sur cette aptitude. Son appréciation, qu'elle soit confirmative ou infirmative de l'avis du médecin du travail, se substitue à cet avis et seule la décision rendue par l'inspecteur du travail est susceptible de faire l'objet d'un recours devant le juge de l'excès de pouvoir. Les moyens critiquant la procédure au terme de laquelle le médecin du travail avait donné son avis sont donc sans incidence sur la légalité de la décision rendue par l'inspecteur du travail (CE, n° 377001, B, 22 mai 2015, Société Sbart). Il s'ensuit que le moyen, soulevé par MmeC..., tiré du détournement de la procédure suivie préalablement à l'avis du médecin du travail du 22 juillet 2013 est inopérant. Au demeurant, il ressort des pièces du dossier que cette nouvelle saisine du médecin du travail a fait suite au refus de MmeC..., opposé par lettre du 8 mars 2013, de rejoindre son poste de travail à la suite du premier avis rendu le 5 mars 2013, en dépit de la mise en oeuvre, par la société Kiplay-Maroquinerie, des mesures d'aménagement préconisées, donnant naissance à une situation de difficulté et de désaccord au sens des dispositions, précitées au point 4, de l'article L. 4624-1 du code du travail.

11. En deuxième lieu, la seconde décision litigieuse du ministre du travail du 7 avril 2014 mentionne que " la salariée a été examinée le 15 novembre 2013 par le médecin inspecteur du travail accompagné de deux internes en médecine, durant approximativement une heure dans les locaux de la médecine du travail de Lavaur ". En se bornant à procéder par de simples affirmations, Mme C...n'apporte aucun commencement de preuve de nature à établir que tel n'aurait pas été le cas. Dès lors, la procédure suivie préalablement à l'édiction des décisions contestées ne peut être regardée comme entachée d'irrégularité sur ce point.

12. En troisième lieu, Mme C...soutient qu'elle souffre de pathologies multiples consistant en une arthrose du poignet avec atteinte du ligament luno-triquetral, une discopathie dégénérative associée à une hernie discale, une ostéopathie au niveau fémoral, une ostéoporose lombaire et un syndrome dépressif, en considération desquelles la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Tarn lui a alloué une pension d'invalidité de catégorie 1 en raison d'une incapacité de travail évaluée à 66,66 %, au vu des conclusions du médecin conseil de ladite caisse, qui a estimé que son état de santé général n'était pas compatible avec la poursuite de son activité professionnelle. Toutefois, il ressort de l'examen de la première décision contestée du 18 novembre 2013 que pour estimer que Mme C...était apte à la reprise de son poste de travail à temps complet, l'inspecteur du travail, qui a tenu compte de son handicap, s'est fondé, d'une part, sur l'avis rendu par le médecin inspecteur du travail à la suite d'un examen médical de l'intéressée le 15 novembre précédent et, d'autre part, sur l'enquête contradictoire menée au sein de l'entreprise le même jour, qui a mis en évidence des possibilités d'aménagement de son poste de travail et de son rôle au sein de l'entreprise compatible avec son état de santé et relevé que tous les moyens ont été mis en oeuvre par l'entreprise pour que le retour de la salariée se fasse dans de bonnes conditions, en proscrivant le port de charges lourdes sur son poste et en lui assignant pour missions la gestion des accessoires, la mise en place des modèles, le tri et de la manutention de pièces de maroquinerie ne dépassant pas une centaine de grammes et l'approvisionnement des postes de travail. Si Mme C...se prévaut de ce que l'ensemble des spécialistes qui l'ont examinée l'ont déclarée inapte à toute reprise du travail, les pièces qu'elle produit, qui n'émanent pas de médecins ayant procédé à une étude objective du poste de travail qui lui était proposé et de ses conditions de travail, ne suffisent pas à établir que l'inspecteur du travail puis le ministre du travail auraient commis une erreur manifeste dans l'appréciation de son aptitude en considérant que les tâches pour lesquelles elle a été déclarée apte à temps plein ne se heurtaient pas aux contre-indications définies par le médecin du travail.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la société Kiplay-Maroquinerie est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 18 novembre 2013 ainsi que la décision du 7 avril 2014 par laquelle le ministre du travail a rejeté le recours hiérarchique de Mme C... formé contre ladite décision.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme C... la somme de 1 500 euros à verser à la société Kiplay-Maroquinerie au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1402048 du 23 juin 2016 du tribunal administratif de Toulouse est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme C...devant le tribunal administratif de Toulouse est rejetée.

Article 3 : Mme C...versera la somme de 1 500 euros à la société Kiplay-Maroquinerie sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Kiplay-Maroquinerie, à Mme B...C...et au ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 8 octobre 2018, à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

M. Pierre Bentolila, président assesseur,

M. Axel Basset, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 novembre 2018.

Le rapporteur,

Axel BassetLe président,

Pierre LarroumecLe greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre du travail, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Cindy Virin

2

N° 16BX03041


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX03041
Date de la décision : 05/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Validité des actes administratifs - Forme et procédure - Procédure contradictoire - Caractère obligatoire.

Travail et emploi - Conditions de travail - Médecine du travail.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: M. Axel BASSET
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : SELARL MORVILLIERS SENTENAC

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-11-05;16bx03041 ?
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