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15/11/2018 | FRANCE | N°16BX03115

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 15 novembre 2018, 16BX03115


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D...B...ont demandé au tribunal administratif de Poitiers, d'une part, de prononcer la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2009 et des pénalités correspondantes, d'autre part, de prononcer la décharge de la cotisation de taxe d'habitation à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2010 et des pénalités correspondantes. Ils ont également demandé au tribunal de mettre une somme à la char

ge de l'État au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D...B...ont demandé au tribunal administratif de Poitiers, d'une part, de prononcer la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2009 et des pénalités correspondantes, d'autre part, de prononcer la décharge de la cotisation de taxe d'habitation à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2010 et des pénalités correspondantes. Ils ont également demandé au tribunal de mettre une somme à la charge de l'État au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1400136-1400334 du 19 mai 2016, le tribunal administratif de Poitiers, après avoir, en son article 1er, prononcé un non-lieu partiel, a fait droit à leurs demandes à fin de décharge et a mis à la charge de l'État la somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par un recours et un mémoire enregistrés le 7 septembre 2016 et le 30 janvier 2018, le ministre des finances et des comptes publics demande à la cour :

1°) d'annuler les articles 2 à 4 de ce jugement du 19 mai 2016 ;

2°) de remettre à la charge de M. et Mme B...les impositions dont la décharge a été accordée par le jugement attaqué.

Il soutient que c'est à tort que, pour prononcer la décharge contestée, le tribunal administratif a considéré que M. B...n'avait pas eu à disposition, au sens de l'article 12 du code général des impôts, une somme de 200 000 euros au cours de l'année 2009. Il ajoute que l'appréciation portée par le tribunal administratif est contredite par les procès-verbaux rédigés lors de la procédure pénale qui a été diligentée contre M. B...et par les éléments relevés par l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux statuant le 4 juillet 2012 en matière correctionnelle.

Par un mémoire en défense enregistré le 31 octobre 2016, M. et Mme D...B..., représenté par MeA..., concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'État au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- M. B...a été reconnu coupable et condamné pour blanchiment et ce, pour avoir reçu une somme en espèces de M.E..., qui a été condamné pour trafic de stupéfiants, et avoir remis cette somme à M.C... ; la notion de " blanchiment " suppose que M. B...est intervenu en tant que simple intermédiaire, sur des fonds qui ne lui appartenaient pas ; les fonds qu'il a reçus de la part de M. E...ont été intégralement remis à M.C..., de sorte qu'il n'a jamais eu à disposition la somme de 200 000 euros ayant servi de base aux impositions en litige ; le montant des fonds qui lui ont été remis n'a jamais été déterminé avec certitude par le juge pénal, ce qui fait que le vérificateur ne pouvait asseoir l'imposition sur une somme dont le montant est inconnu ;

- l'opération de blanchiment pour laquelle a été condamné M. B...s'est réalisée au cours de l'année 2008 selon un premier jugement ; les suppléments d'imposition et pénalités en litige ne pouvaient donc être établis sur l'année 2009 ;

- c'est à l'administration de prouver l'existence et le montant du revenu supposé d'origine indéterminée ; en l'espèce, cette preuve n'est pas rapportée par le service ;

- la demande de justifications qui leur a été adressée en vertu de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales n'avait pas lieu d'être puisqu'il n'a pas été démontré au préalable par l'administration que M. B...a disposé de la somme de 200 000 euros ;

- la majoration pour absence de bonne foi n'est pas fondée en l'espèce.

Par ordonnance du 8 décembre 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 31 janvier 2018 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts ;

- le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. David Katz,

- et les conclusions de Mme Déborah de Paz, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M et Mme B...ont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle au titre des années 2008 et 2009. A cette occasion, le service vérificateur a exercé son droit de communication auprès des autorités judiciaires. Par un arrêt du 4 juillet 2012, la cour d'appel de Bordeaux a confirmé la qualification des faits et la déclaration de culpabilité prononcée par le tribunal correctionnel de Bordeaux à l'encontre de M. B...relative à son concours à une opération de placement, dissimulation ou conversion du produit d'un délit de trafic de stupéfiants commis du 1er janvier 2008 au 23 avril 2009. Au vu des éléments de la procédure pénale, l'administration a estimé que M. B...avait eu en 2009 la disposition d'une somme de 200 000 euros en espèces et, après avoir recueilli les observations du contribuable, a taxé cette somme, avec d'autres sommes regardées comme injustifiées, en matière d'impôt sur le revenu et prélèvements sociaux en tant que revenus d'origine indéterminée. Les suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales résultant de ce contrôle ont été mis en recouvrement, respectivement, les 30 septembre 2012 et 31 décembre 2012. Par décision du 21 novembre 2013, l'administration a partiellement admis les réclamations préalables formées par les requérants. Par deux demandes distinctes, M. et Mme B...ont sollicité, d'une part, la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2009 et des pénalités correspondantes, d'autre part, la décharge de la cotisation de taxe d'habitation à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2010. Par un unique jugement n° 1400136-1400334 du 19 mai 2016, le tribunal administratif de Poitiers, après avoir prononcé un non-lieu partiel, a fait droit aux demandes à fin de décharge et a mis à la charge de l'État la somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Le ministre des finances et des comptes publics a relevé appel de ce jugement.

Sur les conclusions relatives à l'impôt sur le revenu :

2. L'article 12 du code général des impôts prévoit que : " L'impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année ". Il résulte de ces dispositions que les sommes à retenir au titre d'une année déterminée pour l'assiette de l'impôt sur le revenu sont celles qui, au cours de cette année, ont été mises à la disposition du contribuable soit par voie de paiement, soit par voie d'inscription sur un compte bancaire.

3. Pour contester le jugement attaqué, le ministre soutient que M. B...a perçu une somme de 200 000 euros en espèces qui a constitué un revenu mis à sa disposition au sens du texte précité. Il résulte toutefois des énonciations de fait contenues dans les motifs de l'arrêt du 4 juillet 2012 précité de la cour d'appel de Bordeaux que, si M. B...était impliqué dans un réseau de trafic de stupéfiants et de blanchiment de l'argent issu de ce trafic, son rôle se limitait à celui d'un intermédiaire entre l'animateur de ce trafic et la personne chargée du blanchiment de fonds issu de ce trafic. S'agissant plus précisément de la somme de 200 000 euros, taxée par l'administration fiscale comme revenu d'origine indéterminée, il résulte seulement du procès-verbal de première comparution du 6 juillet 2010 que M. B... s'est rendu dans un bar où lui a été remis un sac en plastique contenant une certaine somme d'argent et qu'il a ensuite remis, dans l'après-midi même, ce même sac avec l'argent qu'il contenait à un tiers. Ce tiers a déclaré aux enquêteurs qu'il n'avait reçu, à l'occasion de cette rencontre, que la somme de 15 000 euros et aucun des éléments de la procédure pénale n'a pu permettre d'établir avec certitude que le sac contenait initialement une somme de 200 000 euros. De même, s'il résulte d'un procès-verbal du 26 mai 2010 que M. B...a déclaré que le montant d'une transaction conclue entre les deux personnes pour qui il servait d'intermédiaire était de 200 000 euros, aucun des éléments de la procédure pénale n'a pu permettre d'établir avec certitude que cette somme avait été remise en une seule fois lors de la rencontre précitée. Par conséquent, c'est à bon droit que le tribunal administratif a considéré que, compte tenu de son seul rôle d'intermédiaire, M. B... ne pouvait être regardé comme ayant eu en 2009 la disposition d'une somme de 200 000 euros au sens de l'article 12 du code général des impôts. Le ministre des finances et des comptes publics n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a fait droit aux demandes à fin de décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales présentées par M. et MmeB....

Sur les conclusions relatives à la taxe d'habitation :

4. L'article R. 351-2 du code de justice administrative dispose : " Lorsqu'une cour administrative d'appel ou un tribunal administratif est saisi de conclusions qu'il estime relever de la compétence du Conseil d'Etat, son président transmet sans délai le dossier au Conseil d'Etat qui poursuit l'instruction de l'affaire. (...) ". Il résulte de ces dispositions que lorsqu'une cour administrative d'appel est saisie d'un recours dirigé contre un jugement d'un tribunal administratif statuant en dernier ressort, quelle que soit la raison pour laquelle le requérant a cru bon de la saisir et sans qu'aient d'incidence sur ce point les mentions portées sur la lettre de notification du jugement attaqué, la cour doit transmettre le dossier au Conseil d'Etat.

5. Aux termes de l'article R. 811-1 du code de justice administrative : " Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif ou qui y a été régulièrement appelée, alors même qu'elle n'aurait produit aucune défense, peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance. / Toutefois, le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort : (...) 4° Sur les litiges relatifs aux impôts locaux et à la contribution à l'audiovisuel public, à l'exception des litiges relatifs à la contribution économique territoriale ; 5° Sur les requêtes contestant les décisions prises en matière fiscale sur des demandes de remise gracieuse (...). ". En vertu de ces dispositions, le tribunal administratif a statué en premier et dernier ressort sur les conclusions de M. et Mme B...tendant à être déchargés de la cotisation de taxe d'habitation à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2010.

6. Les conclusions de l'appelant tendant à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a prononcé la décharge de cette imposition ont le caractère d'un pourvoi en cassation et doivent dès lors être transmises au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. et Mme B...et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Les conclusions du ministre des finances et des comptes publics tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Poitiers du 19 mai 2016 en tant qu'il a prononcé la décharge de la cotisation de taxe d'habitation à laquelle M. et Mme B... ont été assujettis au titre de l'année 2010, sont transmises au Conseil d'Etat.

Article 2 : Le surplus des conclusions du recours du ministre des finances et des comptes publics est rejeté.

Article 3 : L'État versera la somme de 1 500 euros à M. et Mme B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, à M. et Mme D...B...et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud ouest.

Délibéré après l'audience du 11 octobre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. Laurent Pouget, président-assesseur,

M. David Katz, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 15 novembre 2018.

Le rapporteur,

David KATZLe président,

Aymard de MALAFOSSELe greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 16BX03115


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX03115
Date de la décision : 15/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02-05-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Établissement de l'impôt. Taxation d'office.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: M. David KATZ
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : SELARL ARNAUD - FORESTAS - ROBIN ROQUES SFP

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-11-15;16bx03115 ?
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