La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/12/2018 | FRANCE | N°16BX02147

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre - formation à 3, 12 décembre 2018, 16BX02147


Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

Mme M...A...épouse B...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 2 octobre 2014 du président du conseil général de la Dordogne portant refus de renouvellement de son agrément d'assistante familiale pour l'accueil à titre permanent d'enfants mineurs, la décision du 30 octobre 2014 du président du conseil général de la Dordogne portant licenciement, et la condamnation du département à lui verser la somme de 161 324 euros en réparation des préjudices subis du fait de l

'illégalité de son licenciement.

Par un jugement n°s 1501169, 1501249, et 150...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

Mme M...A...épouse B...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 2 octobre 2014 du président du conseil général de la Dordogne portant refus de renouvellement de son agrément d'assistante familiale pour l'accueil à titre permanent d'enfants mineurs, la décision du 30 octobre 2014 du président du conseil général de la Dordogne portant licenciement, et la condamnation du département à lui verser la somme de 161 324 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité de son licenciement.

Par un jugement n°s 1501169, 1501249, et 1501367 du 3 mai 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté les demandes de MmeB....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 juin 2016, et un mémoire complémentaire du 30 mai 2018, Mme M...B..., représentée par Me I..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 3 mai 2016 ;

2°) d'annuler les décisions des 2 octobre et 30 octobre 2014 du président du conseil général de la Dordogne portant respectivement refus de renouvellement de l'agrément de Mme B... en qualité d'assistante maternelle et familiale, et licenciement de Mme B...du fait du non-renouvellement de son agrément ;

3°) de condamner le département de la Dordogne à lui verser les sommes de 128 200 euros au titre du préjudice lié à la perte de revenus, de 15 124 euros, au titre du préjudice lié aux avantages sociaux perdus, de 10 000 euros au titre des troubles dans les conditions d'existence, et de 8 000 euros au titre du préjudice moral ;

4°) de mettre à la charge du département de la Dordogne la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision de refus de renouvellement de l'agrément, si elle contient des griefs, ne comporte aucune motivation, dès lors qu'aucun exemple concret n'est donné à l'appui des griefs qui sont formulés à son encontre ; elle n'a jamais été en mesure de savoir concrètement ce qui lui était reproché ;

- contrairement à ce qu'impose l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, elle n'a jamais été mise à même de présenter des observations écrites ou orales ;

- il n'y a jamais eu de cumul d'enfants accueillis ni de défaut de déclaration lequel ne peut être sanctionné que par un avertissement ;

- le département ne précise pas les diligences qu'il aurait accomplies sur le fondement de l'article L. 421-3 du code de l'action sociale et des familles, pour rechercher les éléments de toute nature établissant qu'elle ne satisfait plus aux conditions de délivrance d'un agrément ;

- en ce qui concerne les griefs qui lui sont adressés, en ce qui concerne le grief relatif au nombre d'enfants autorisés, s'il lui est reproché de ne pas avoir informé le service de l'aide sociale à l'enfance (ASE) du département de la Dordogne du fait qu'elle allait accueillir d'autres mineurs dans le cadre d'accueil Jeunesse et Sports, elle a invoqué plusieurs arguments que le tribunal a écartés sans y répondre et sans motiver le fait qu'il n'en tenait pas compte ; tout d'abord, l'article 14 de son contrat de travail stipule que l'assistant familial a la possibilité d'exercer une autre activité professionnelle sous réserve d'avoir obtenu l'accord de l'employeur ; elle considère qu'au sens de cet article, elle n'a pas exercé une autre activité professionnelle, dès lors qu'il s'agissait encore de l'accueil d'enfants, le texte n'évoquant pas l'existence d'un autre employeur, mais celle d' une autre activité professionnelle ;

- l'article R. 421-26 du code de l'action sociale et des familles dispose que le retrait d'agrément ne peut intervenir qu'après un avertissement et en l'espèce, il n'y a pas eu d'avertissement ;

- les capacités d'accueil n'ont pas été dépassées, dès lors que les accueils Jeunesse et Sports n'ont jamais eu lieu en même temps que ceux de l'ASE, sauf pour une jeune qui a été accueillie en juillet 2014 mais pour laquelle une autorisation de passage d'accueil Jeunesse et Sports et d'accueil ASE a été obtenue le 17 juillet 2014 ;

- le département, s'il a réalisé une enquête, doit être en mesure de la produire ;

- elle a eu, contrairement à ce qui lui est opposé, un comportement irréprochable et elle conteste les pièces apportées par le département, en raison notamment du fait qu'elle a fait l'objet de deux contrôles successifs qui se contredisent totalement ; le département lui reproche dans ses mémoires en défense produits devant le tribunal administratif, des faits dont il ne faisait pas état dans la décision de refus de renouvellement d'agrément ; le département lui reproche des faits qui auraient été constatés lors de la visite de contrôle effectuée le 11 septembre 2014 consistant dans l'enfermement des jeunes au 2ème étage, évoqué par l'un des jeunes, dans la présence d'un verrou sur la porte vitrée de l'escalier, accessible uniquement du bas de l'escalier, et dans l'enfermement des jeunes dans leur chambre pour les punir ; en ce qui concerne le rapport de l'ASE de Paris, elle été clairement informée du contenu de ce rapport dès lors qu'elle a pu s'expliquer lors de cette visite de contrôle ; en ce qui concerne l'absence de projet éducatif construit et adapté à chaque jeune, ce grief ne figure pas dans la décision attaquée et la décision de refus de renouvellement d'agrément est donc entachée d'une insuffisance de motivation ; par ailleurs ce grief n'a aucun fondement et se trouve dans un rapport qui est uniquement à charge auquel elle n'a pu répondre ce qui est au contraire au principe du contradictoire, au droit à un procès équitable, et à la présomption d'innocence ; l'article L 421-2 du code de l'action sociale et des familles définit le statut des assistants familiaux ; une équipe de travailleurs sociaux entoure l'assistant familial et si un enfant avait été réellement en danger, le groupe aurait réagi ; en ce qui concerne le rapport relatif à la visite de contrôle du 11 septembre 2014, ce rapport est empreint de partialité, ce qui résulte en particulier de l'absence de caractère contradictoire à ce rapport ; il en est ainsi concernant l'existence de verrous au sujet desquels, elle n'a pas été amenée à s'expliquer, ces verrous en réalité n'étant jamais utilisés ; le reproche concernant l'enfermement dans les chambres, est contredit par les attestations de Rebecca Portejoie, et de Justine Gauthier ; Mme B...demande seulement aux jeunes de conserver les portes de leurs chambres fermées pour conserver leur intimité ; les chambres ne disposent que d'un verrou intérieur ; la seule circonstance qu'une seule des jeunes ait indiqué qu'elle avait été enfermée dans une chambre une journée entière ne permet pas d'établir la réalité de l'enfermement des jeunes ; par ailleurs, des auteurs considèrent que mettre l'enfant à l'écart est une sanction éducative si l'objectif n'est pas d'exclure l'enfant mais de lui donner l'occasion d'un retour sur lui-même ; en ce qui concerne le rapport de l'ASA de Paris, il lui est reproché de contester les faits qui lui sont opposés, alors qu'il est fait état de témoignages de différentes personnes dont elle n'a pas pu prendre connaissance et sur lesquels elle n'a pas eu la possibilité de s'expliquer ; en ce qui concerne la question du cadre éducatif, il est demandé au département de produire les comptes rendus des réunions d'évaluation dans lesquelles ce sujet aurait été débattu et d'indiquer les formations dont elle aurait bénéficiées à cet égard, ainsi que les instructions et conseils donnés aux assistants familiaux ; il ne lui a jamais été reproché quoique ce soit dans le domaine éducatif ; le rapport est rédigé par un fonctionnaire ne se trouvant pas en contact permanent avec des jeunes aux problématiques lourdes, ce rapport comportant des jugements à l'emporte-pièce hâtifs et dévalorisants ; elle s'est, malgré les comportements de certains jeunes (violences, fugues...), et notamment de le jeuneC..., toujours investie dans la vie scolaire et personnelle des enfants accueillis concernant leurs inscriptions, leurs activités, et la prise de rendez-vous médicaux ; les difficultés rencontrées avec certains jeunes, et notammentC..., ont été admises par Mme K..., référente de l'enfant et MmeE... ; les courriers de Mme K...et Mme E... attestent de l'implication de la requérante dans l'accueil deC... ; Mme B...s'est vue gratifier pour cette jeune, d'une majoration exceptionnelle ; s'il lui est par ailleurs reproché d'avoir laissé seule la jeune J...à l'étang de Saint-Estèphe, il ressort de l'attestation de Mme O..., que la requérante ne s'est absentée que dix minutes pendant lesquelles J...est restée sous la surveillance de MmeO... ;

- elle n'a bénéficié que tardivement de la formation prévue par l'article L. 421-15 du code de l'action sociale et des familles, alors que comme il est précisé dans le document remis aux assistants familiaux et intitulé " La profession d'assistant familial ", le travail de l'assistant familial s'inscrit dans un projet éducatif global qui nécessite un ensemble d'interventions psycho-socio-éducatives spécifiques à chaque enfant ; l'assistant familial fait partie de l'équipe pluridisciplinaire d'accueil familial permanent et à ce titre participe aux réunions d'évaluation et de synthèse sur la situation des enfants accueillis ; par ailleurs, les réunions de restitution essentielles pour permettre aux professionnels de partager leurs expériences, ont toutes été annulées ; en réalité, les services ont été surchargés, les assistants familiaux laissés à eux-mêmes, la parole des enfants a été survalorisée sans qu'un travail d'équipe permette véritablement d'analyser les situations, et des décisions sont intervenues dans l'urgence et sans respect du contradictoire ; par ailleurs, de nombreuses décisions jurisprudentielles considèrent que la parole d'enfants perturbés sur le plan psychologique et qui évoquent des brimades et des punitions, ne peut justifier un retrait d'agrément, si elle n'est pas corroborée par des témoignages de tierces personnes, ces décisions refusant de faire peser la charge de la preuve sur la salarié ;

- par ailleurs, certains documents sur lesquels s'est fondé le département n'ont pas été versés aux débats ; il en est ainsi de la note adressée par l'ASE de Paris, qui ferait état d'inquiétudes quant à la prise en charge d'une jeune fille par MmeB... ; elle a été sur ce point soutenue par le département de la Dordogne, qui ne verse pas le rapport établi à cette occasion ; il s'agissait d'une jeune fille ayant fait l'objet d'un séjour en pédiatrie à l'hôpital de Périgueux et qui avait été suivie par de nombreux psychologues ; cette jeune fille souhaitait changer de famille d'accueil et c'est pourquoi elle avait mise en cause la requérante ;

- pour ce qui est du rapport du 20 mai 2014, rédigé par Mme L...et par Mme F..., il est étonnant qu'une visite de contrôle ait pu prendre le contre-pied de ce rapport ; par ailleurs, la critique concernant le manque de prise en compte du mineur est trop vague et elle est complètement inepte, dès lors que dans les deux cas, il lui avait été demandé d'accueillir une jeune fille une vingtaine de jours le temps que l'ASE de l'Hérault lui trouve une famille d'accueil sur Sarlat et pour l'autre jeune fille, le temps que le foyer de Riberac prépare son arrivée, la famille d'accueil n'arrivant plus à assumer l'accueil de cette mineure ;

- Mme B...considérait devoir apprendre aux jeunes accueillis chez elle à respecter les règles de vie dans une famille, à se lever à l'heure pour aller à l'école, à ne pas crier pour s'exprimer, à se respecter au quotidien et à respecter les autres, à avoir une bonne hygiène, à ne pas s'approprier les biens des autres, et à demander l'autorisation pour certaines choses ( sortir, se promener, fumer, regarder la télévision) et pour beaucoup d'entre eux, il s'agissait d'un comportement qui n'était pas acquis ; elle a toujours adopté une attitude neutre et respectueuse vis-à-vis des enfants et contrairement à ce qu'il est affirmé elle est toujours restée avec les enfants pendant les repas, même quand elle attendait son mari pour manger ; en ce qui concerne le dernier mémoire produit devant le tribunal administratif concernant la jeuneN..., cette mineure, accueillie en 2015 dans le cadre d'un agrément " jeunesse et sport ", soit postérieurement aux faits ayant entrainé le refus de renouvellement d'agrément, aucune faute ne peut lui être reprochée, concernant la garde de cette mineure qui a fugué et a menacé de se suicider ;

- son licenciement doit être annulé par voie de conséquence de l'annulation du non-renouvellement de son agrément ;

- en ce qui concerne la demande d'indemnisation, si le département soutient qu'elle devrait être rejetée dès lors qu'il n'est pas certain qu'elle aurait toujours eu deux enfants placés, elle a obtenu un premier agrément pour une place comme assistante familiale de novembre 2009 à octobre 2014, puis le 29 juin 2012, un second agrément pour une deuxième place ; elle a accueilli pour le compte de l'ASE, du 16 août 2012 au 26 septembre 2013, Justine Gautier, du 26 septembre 2013 au 24 juin 2014, Nathanel Deswarte, et pour le compte du département de Paris, C...Ciuraru, entre le 23 juillet 2012 et le 14 avril 2014 ; sur cinq ans, sa perte de revenus s'élève à 128 200 euros ; en ce qui concerne le préjudice matériel inhérent à l'exercice de son activité, il s'élève à la somme de 15 124 euros pour cinq ans ; ces préjudices doivent être réparés compte tenu des fautes commises par le département ; elle a subi des troubles dans les conditions d'existence tant matériels que psychologiques dès lors qu'elle doit rembourser les mensualités d'un crédit immobilier pour 944,09 euros d'une maison avec trois chambres destinée à l'accueil d'enfants ; la perte de son salaire va la contraindre à vendre sa maison pour adapter ses charges à ses revenus, alors que les études de son fils à Bordeaux sont compromises compte tenu de la diminution de ses revenus ; par ailleurs les décisions prises ont créé des troubles psychologiques, ayant nécessité la prescription d'antidépresseurs en novembre 2014 ; pendant cinq ans, elle s'est occupée d'enfants y compris pendant les fêtes et les vacances ; le non-renouvellement de son agrément est intervenu sans aucune explication, et elle sollicite à ce titre la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts ; contrairement à ce que soutient le département, le lien de causalité entre les troubles qu'elle connait et les décisions prises par le département, sont établis ; les décisions prises lui créent un préjudice moral important dès lors qu'elles portent atteinte à son honneur et à sa réputation, qu'elles ont créé un sentiment d'angoisse et de peur, ayant eu des répercussions sur sa santé et elle produit à cet égard un certificat médical ; elle demande au titre du préjudice moral, la condamnation du département à lui verser la somme de 8 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 octobre 2016 et deux mémoires complémentaires du 2 janvier et 10 octobre 2018 le département de la Dordogne, représenté par Me H..., conclut au rejet de la requête de MmeB... et à ce que soit mise à sa charge la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir en ce qui concerne la décision de refus de renouvellement de l'agrément, qu'alors que l'extension à trois accueils permanents a été refusée à Mme B...en mars 2013, il est ressorti de l'enquête administrative qu'elle avait accueilli trois jeunes durant l'été 2014, confiés par les départements du Val de Marne, du Limousin et de Paris et ce sans en informer le département de la Dordogne, ce qui présentait des risques en raison de l'incompatibilité pouvant exister entre les profils des jeunes accueillis ; si la requérante soutient qu'elle n'a pas reçu l'avertissement prévu par l'article R. 421-6 du code de l'action sociale et des familles, elle a été informée du contenu des notes d'information et des rapports de ses différents employeurs, s'agissant des alertes sur son comportement et sur les conditions d'accueil préoccupantes ; elle a pu présenter des observations sur les faits reprochés, lors de la visite de contrôle du 11 septembre 2014, qui a rendu compte de manquements répétés aux obligations imparties à un assistant familial ; la décision de refus de renouvellement de l'agrément est suffisamment motivée au sens de l'article L. 421-6 du code de l'action sociale et des familles ; une note d'évaluation d'information a été adressée le 24 août 2014 au département, quant à l'accueil d'une jeune fille par MmeB... ; le département a informé cette dernière, par lettre du 5 septembre 2014, que le cadre d'accueil notamment sur le plan éducatif, ne correspondait pas aux critères requis pour l'agrément et il était indiqué à Mme B..., qu'elle pouvait se présenter devant la commission consultative paritaire départementale des assistants maternels et familiaux du 22 septembre 2014 et présenter des observations écrites ; les documents dont la requérante demande la communication, sont constitués par des attestations des jeunes accueillis, et ne sont pas communicables dès lors que cette communication pourrait porter préjudice à ces jeunes ; dès lors, le département n'avait pas à reprendre tous les détails contenus dans ces documents, compte tenu du risque d'atteinte à la vie privée de ces jeunes ; l'absence, l'impartialité invoquée de membres du département n'est pas établie ; le département a versé en première instance des éléments concernant le comportement de MmeB..., tenant notamment à l'enfermement de jeunes dans leur chambre, ce qui a encouragé une mineure à quitter le domicile de MmeB..., cette mineure menaçant de fuguer et de se suicider ; si Mme B...soutient que le rapport du 20 mai 2014 lui est favorable, le rapport de visite de contrôle sur place n'a pas confirmé les termes du premier rapport ; en ce qui concerne la décision de licenciement, elle n'est contestée que par voie de contestation de l'illégalité et la contestation du licenciement doit donc être également rejetée ; les préjudices invoqués par Mme B...ne sont pas justifiés, dès lors que d'une part, quant aux pertes de revenus, les placements d'enfants sont aléatoires, que le département n'a commis aucune faute, et que le lien de causalité entre les préjudices dont la réparation est demandée et les fautes invoquées du département, n'est pas établi ; qu'il en est de même du préjudice moral allégué ; la requérante ne détaille pas les calculs sur la base desquels elle demande la somme de 161 324 euros, et n'apporte pas de pièces justificatives à l'appui de ses prétentions.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pierre Bentolila,

- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public,

- les observations de MeG..., représentant Mme B...et de MeD..., représentant le département de la Dordogne.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B...a bénéficié par l'effet d'un arrêté du 29 juin 2012 du président du conseil général de la Dordogne d'un agrément en qualité d'assistante familiale pour l'accueil à titre permanent et à temps complet de deux enfants mineurs, l'extension à trois accueils permanents d'enfants mineurs lui ayant été refusée en mars 2013. Par décision du 2 octobre 2014, le président du conseil général de la Dordogne a informé l'intéressée, qu'après avis de la commission d'agrément des assistants maternels et familiaux, son agrément ne serait pas renouvelé à son échéance le 31 octobre 2014. Le 30 octobre 2014, le président du conseil général de la Dordogne lui a notifié son licenciement du fait du non-renouvellement de son agrément. Mme B...a demandé devant le tribunal administratif de Bordeaux, par trois requêtes distinctes, l'annulation des décisions des 2 et 30 octobre 2014, portant respectivement refus de renouvellement d'agrément et licenciement, et la condamnation du département de la Dordogne à lui verser la somme totale de 161 324 euros en réparation des préjudices subis du fait des illégalités des décisions de refus de renouvellement de son agrément, et de licenciement. Mme B...relève appel du jugement du 3 mai 2016, par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses requêtes.

Sur la régularité du jugement :

2. La requérante soutient, en ce qui concerne le grief relatif au dépassement du nombre d'enfants autorisés, qu'elle a invoqué devant le tribunal administratif, plusieurs arguments, tenant au fait que les accueils Jeunesse et Sports et aide sociale à l'enfance (ASE) n'avaient pas eu lieu en même temps, auxquels le tribunal n'a pas répondu et n'a pas motivé son jugement quant au fait qu'il n'en tenait pas compte. Toutefois, le tribunal en indiquant au point 5 du jugement que " (...) la requérante ne conteste pas le grief qui lui est fait quant au non respect du nombre d'enfants autorisé. En effet Mme B...reconnaît avoir cumulé les accueils comme assistante familiale et les séjours vacances pour un nombre supérieur à ce qu'autorisait son agrément. Elle ne peut sur ce point valablement soutenir qu'il s'agirait de la même activité (...) ", a suffisamment répondu au moyen invoqué par la requérante tenant à l'absence de dépassement du seuil de l'accueil d'enfants autorisés, la pertinence de la réponse du tribunal au moyen invoqué par Mme B..., ne renvoyant pas à la motivation du jugement, mais à son bien-fondé. Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit donc être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Sur la décision de refus de renouvellement d'agrément du 2 octobre 2014 :

S'agissant de la légalité externe :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 421-3 du code de l'action sociale et des familles : " (...) Tout refus d'agrément doit être motivé (...) ".

4. La décision de refus de renouvellement d'agrément est fondée sur les motifs suivants : " Manque de prise en compte des besoins particuliers de chaque jeune. Manque de capacité à poser un cadre éducatif cohérent et adapté aux besoins du mineur. Pas d'attitude neutre et respectueuse vis-à-vis des jeunes accueillis. Difficultés à remettre en cause vos pratiques professionnelles et à les faire évoluer. Non-respect des obligations vis-à-vis du service de la protection maternelle et infantile (PMI) et de ses employeurs concernant les déclarations des enfants présents à votre domicile. Non respect du nombre d'enfants autorisés et le cumul entre les accueils comme assistante familiale et les séjours vacances. Impossibilité de travailler dans un climat de confiance, dans le respect de la compatibilité entre les différents accueils. ". Le président du conseil général en conclut que : " Les critères requis dans le cadre de l'agrément, définis dans les articles L. 421-3, R. 421-3 et R 421-6 du code de l'action sociale et des familles ne sont donc plus réunis ". La décision contestée vise ainsi les textes applicables et, contrairement à ce que fait valoir la requérante, expose les raisons qui ont conduit le président du conseil général à refuser à MmeB..., le renouvellement de son agrément. Dans ces conditions, cette décision est suffisamment motivée en droit comme en fait.

5. En deuxième lieu, si la requérante invoque sur le fondement de l'article R. 421-26 du code de l'action sociale et des familles au terme duquel : " Un manquement grave ou des manquements répétés aux obligations de déclaration et de notification prévues aux articles R. 421-38, R. 421-39, R. 421-40 et R. 421-41 ainsi que des dépassements du nombre d'enfants mentionnés dans l'agrément et ne répondant pas aux conditions prévues par l'article R. 421-17 peuvent justifier, après avertissement, un retrait d'agrément. ", le fait qu'elle n'aurait pas été destinataire préalablement à la mesure de renouvellement d'agrément, de l'avertissement prévu par les dispositions précitées, le moyen invoqué est en tout état de cause inopérant dès lors que les dispositions précitées concernent uniquement le retrait d'agrément et non un refus de renouvellement d'agrément.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 susvisée, en vigueur à la date de la décision attaquée : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. L'autorité administrative n'est pas tenue de satisfaire les demandes d'audition abusives, notamment par leur nombre, leur caractère répétitif ou systématique. / Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables : (...) 3° Aux décisions pour lesquelles des dispositions législatives ont instauré une procédure contradictoire particulière. Les modalités d'application du présent article sont fixées en tant que de besoin par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article R. 421-23 du code de l'action sociale et des familles, pris sur le fondement de l'article L. 421-23 du même code : " Lorsque le président du conseil départemental envisage de retirer un agrément, d'y apporter une restriction ou de ne pas le renouveler, il saisit pour avis la commission consultative paritaire départementale mentionnée à l'article R. 421-27 en lui indiquant les motifs de la décision envisagée. / L'assistant maternel ou l'assistant familial concerné est informé, quinze jours au moins avant la date de la réunion de la commission, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, des motifs de la décision envisagée à son encontre, de la possibilité de consulter son dossier administratif et de présenter devant la commission ses observations écrites ou orales. La liste des représentants élus des assistants maternels et des assistants familiaux à la commission lui est communiquée dans les mêmes délais. L'intéressé peut se faire assister ou représenter par une personne de son choix. / Les représentants élus des assistants maternels et des assistants familiaux à la commission sont informés, quinze jours au moins avant la date de la réunion de la commission, des dossiers qui y seront examinés et des coordonnées complètes des assistants maternels et des assistants familiaux dont le président du conseil départemental envisage de retirer, restreindre ou ne pas renouveler l'agrément. Sauf opposition de ces personnes, ils ont accès à leur dossier administratif. La commission délibère hors la présence de l'intéressé et de la personne qui l'assiste. ".

7. Mme B...ne saurait utilement se prévaloir des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 lesquelles ne trouvent pas à s'appliquer aux décisions de refus de renouvellement d'agrément, pour lesquelles les dispositions précitées ont instauré une procédure contradictoire particulière.

S'agissant de la légalité interne :

8. Aux termes de l'article L. 421-3 du code de l'action sociale et des familles : " L'agrément nécessaire pour exercer la profession d'assistant maternel ou d'assistant familial est délivré par le président du conseil général du département où le demandeur réside. Un référentiel approuvé par décret en Conseil d'Etat fixe les critères d'agrément. (...) L'agrément est accordé à ces deux professions si les conditions d'accueil garantissent la sécurité, la santé et l'épanouissement des mineurs et majeurs de moins de vingt et un ans accueillis, en tenant compte des aptitudes éducatives de la personne. (...) ". L'article R. 421-3 du même code précise que : " Pour obtenir l'agrément d'assistant maternel ou d'assistant familial, le candidat doit : / 1° Présenter les garanties nécessaires pour accueillir des mineurs dans des conditions propres à assurer leur développement physique, intellectuel et affectif ; (...). ".

9. Il ressort des pièces du dossier et notamment de la lettre du 1er octobre 2014 adressée par les services du département de la Dordogne au médecin de la PMI, que Mme B..., qui dans le cadre de son agrément, n'était autorisée à accueillir que deux jeunes, a accueilli trois jeunes durant l'été 2014 (Traoré, du 18 au 28 août 2014, Dathy, du 18 au 27 juillet 2014 et Samuel) sans qu'elle en avertisse le département. La requérante se prévaut d'un courrier du 17 juillet 2014 que lui a adressé le président du conseil général de la Dordogne, mais ce courrier indique seulement à Mme B... qu'elle était autorisée à exercer son activité en relation avec les services du département de la Seine-et-Marne, sans pour autant lui accorder une autorisation d'accueil d'un troisième mineur. Elle soutient par ailleurs que l'article 14 de son contrat de travail passé avec le département de la Dordogne, stipule que l'assistant familial a la possibilité d'exercer une autre activité professionnelle sous réserve d'avoir obtenu l'accord de l'employeur et que dès lors au sens de cet article, elle doit être regardée comme n'ayant jamais exercé une autre activité professionnelle, n'ayant exercé qu'une activité d'accueil d'enfants. Toutefois, il n'est pas reproché à Mme B...un manquement aux stipulations de son contrat, lequel en tout état de cause ne saurait permettre de déroger à l'agrément, mais un dépassement du nombre de mineurs autorisés à être accueillis par Mme B...par l'agrément dont le renouvellement lui est refusé. Mme B...a donc manqué aux obligations lui incombant en vertu des règles encadrant la profession d'assistante familiale et a méconnu le cadre de son agrément en accueillant des enfants en surnombre. Compte tenu de ce que l'agrément n'est délivré, en fonction d'un certain nombre de critères tenant aux conditions notamment matérielles d'accueil des enfants, que pour l'accueil d'un nombre précis d'enfants, le dépassement du nombre d'enfants accueillis autorisés par l'agrément, justifiait à lui seul, ainsi que l'ont estimé à bon droit les premiers juges, le refus de renouvellement de son agrément.

Sur la décision de licenciement du 30 octobre 2014 :

10. Compte tenu de ce que la requérante ne conteste la décision de licenciement que par voie d'exception de l'illégalité du non-renouvellement de son agrément, lequel comme il est indiqué aux points 3 à 9 n'est pas entaché d'illégalité, les conclusions tendant à l'annulation de la décision de licenciement du 30 octobre 2014 ne peuvent être que rejetées.

Sur les conclusions indemnitaires :

11. Les conclusions indemnitaires présentées par MmeB..., fondées sur l'illégalité des décisions du président du conseil général de la Dordogne des 2 et 30 octobre 2014 portant respectivement, refus de renouvellement de son agrément d'assistante familiale et licenciement, ne peuvent être que rejetées, faute pour ces décisions, ainsi qu'il est susmentionné, d'être entachées d'illégalité.

12. Il résulte de ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge du département de la Dordogne qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande Mme B... sur ce fondement. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions du département présentées sur le même fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le département de la Dordogne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme M... B...et au département de la Dordogne.

Délibéré après l'audience du 19 novembre 2018, à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

M, Pierre Bentolila président-assesseur,

Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 décembre 2018.

Le rapporteur,

Pierre BentolilaLe président,

Pierre LarroumecLe greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Cindy Virin

4

N° 16BX02147


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX02147
Date de la décision : 12/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

04-02-02-02-01 Aide sociale. Différentes formes d'aide sociale. Aide sociale à l'enfance. Placement des mineurs. Placement familial.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: M. Pierre BENTOLILA
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : SCP LE GUAY - CHEVALLIER

Origine de la décision
Date de l'import : 25/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-12-12;16bx02147 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award