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17/12/2018 | FRANCE | N°16BX01968

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre - formation à 3, 17 décembre 2018, 16BX01968


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP) a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 14 mars 2013 par laquelle le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande de mandatement d'office sur le budget de la commune de Blagnac de la somme de 176 632,40 euros pour le paiement de contributions en sa qualité d'employeur public de personnes handicapées au titre des campagnes 2006 et 2007 et de constater que la créance du FIPHFP à l'encontr

e de la commune de Blagnac était une dépense obligatoire.

Par un jugem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP) a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 14 mars 2013 par laquelle le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande de mandatement d'office sur le budget de la commune de Blagnac de la somme de 176 632,40 euros pour le paiement de contributions en sa qualité d'employeur public de personnes handicapées au titre des campagnes 2006 et 2007 et de constater que la créance du FIPHFP à l'encontre de la commune de Blagnac était une dépense obligatoire.

Par un jugement n° 1302819 du 27 avril 2016, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande du FIPHFP.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 juin 2016, le FIPHFP, représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 27 avril 2016 ;

2°) d'annuler la décision précitée du préfet de la Haute-Garonne du 14 mars 2013 ;

3°) de constater que la créance du FIPHFP à l'encontre de la commune de Blagnac est une dépense obligatoire ;

4°) de mettre à la charge, in solidum, de l'Etat et de la commune de Blagnac, la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le FIPHPF n'a commis aucune erreur de procédure au regard du IV de l'article L. 323-8-6-1 du code du travail, même si, en l'absence de déclaration par l'employeur public, il aurait dû lui adresser une mise en demeure ; cette absence de mise en demeure ne constitue pas un vice de procédure substantiel ; conformément à une jurisprudence constante, l'atteinte aux règles de procédures applicables n'entraîne pas automatiquement la nullité d'un acte vicié ; en l'espèce, l'omission d'envoi d'une lettre de mise en demeure, par le FIPHFP, à la commune de Blagnac, n'a eu aucune incidence sur le sens et le contenu des titres exécutoires émis à l'encontre de cette dernière, alors que la commune n'ignorait pas son obligation et en avait même une parfaite connaissance à la suite de la procédure devant la CRC Midi-Pyrénées ; au surplus, la commune de Blagnac ne rapporte pas la preuve de prétendues défaillances techniques dans la plate-forme de télé-déclaration du FIPHFP ; la commune avait en réalité une parfaite connaissance de ses obligations déclaratives ;

- la décision du préfet de la Haute-Garonne de refus de mandatement d'office à l'encontre de la commune a été prise en violation du principe du contradictoire ; il n'a pas adressé au FIPHFP l'avis rendu par la CRC ; le FIPHFP n'a donc pas été mis à même de faire part de ses observations sur cet avis, alors qu'il lui fait grief ; la CRC ne l'a jamais invité à produire ses observations ; au surplus, la décision du préfet est dépourvue de toute motivation ;

- il s'agissait d'une dépense obligatoire de par la loi pour la commune de Blagnac ; cette obligation est en effet prévue par l'article L. 323-8-6-1 du code du travail ; la commune n'ayant pas déclaré, dans les délais légaux, le taux de personnes handicapées employées dans ses services, elle était néanmoins tenue de s'acquitter de son obligation de versement au FIPHFP d'une contribution annuelle ;

- il s'agit bien d'une dette exigible, au sens de l'article L. 1612-15 du code général des collectivités territoriales, c'est-à-dire échue, certaine, liquide et non sérieusement contestée dans son principe et son montant ; à supposer même que la créance du FIPHFP fasse l'objet d'une contestation, cela ne suffit pas à la priver d'exigibilité ; par conséquent, cette créance du FIPHFP sur la commune de Blagnac doit être qualifiée de dépense obligatoire et le préfet devait autoriser la procédure de mandatement à l'encontre de la commune.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juillet 2016, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- les moyens soulevés par le FIPHFP ne sont pas fondés ; en particulier, l'avis de la CRC n'est qu'un acte préparatoire à la décision préfectorale ; le caractère obligatoire de la dépense étant contesté par la commune, la datte ne pouvait être regardée comme exigible.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 décembre 2017, la commune de Blagnac, représentée par le cabinet Goutal Alibert et Associés, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge du FIPHFP la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'à titre principal, les moyens soulevés par le FIPHFP sont, en tout état de cause inopérants, dès lors que le préfet était en situation de compétence liée ; à titre subsidiaire, les moyens soulevés par le FIPHFP ne sont pas fondés ; un titre exécutoire ne saurait être émis à défaut de mise en demeure préalable ; le préfet n'avait aucune obligation de transmission de l'avis de la CRC ; la décision attaquée ne devait être motivée que dans l'hypothèse où le préfet n'aurait pas suivi cet avis ; la dépense ne peut être regardée comme obligatoire ; en l'espèce, il s'agit d'une sanction administrative de nature pécuniaire à l'encontre de l'employeur public ayant failli à son obligation de déclaration annuelle, telle que prévue par l'alinéa 7 du IV de l'article L. 323-8-6-1, mais qui devait alors être précédée d'une procédure contradictoire.

Par un mémoire distinct enregistré le 29 octobre 2015, déposé au titre des articles 23-1 de l'ordonnance n° 58-1068 modifiée du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel et R. 771-3 du code de justice administrative, la commune de Blagnac demande à la cour administrative d'appel de Bordeaux de renvoyer au Conseil d'Etat la question de la constitutionnalité de l'alinéa 7 du IV de l'article L. 323-8-6-1 du code du travail issu de l'article 36 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 en ce qu'il instaure une sanction administrative automatique et forfaitaire contraire aux principes constitutionnels de proportionnalité et d'individualisation des peines et sanctions garantis par l'article 8 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et au principe de libre administration des collectivités territoriales garanti par l'article 72 de la Constitution du 4 octobre 1958, afin que le Conseil d'Etat la renvoie au Conseil constitutionnel.

Par ordonnance du 31 janvier 2018, le président de la 6ème chambre de la cour administrative d'appel de Bordeaux a jugé qu'il n'y avait pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question ainsi soulevée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

-la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac,

- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., représentant le FIPHFP 31, et de MeB..., représentant la commune de Blagnac.

Considérant ce qui suit :

1. Le Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP), institué par l'article 36 de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, qui a modifié l'article L. 323-8-6-1 du code du travail, a pour objectif de favoriser l'insertion professionnelle des personnes handicapées au sein des trois fonctions publiques. Par un état exécutoire émis le 28 février 2007, il a réclamé à la commune de Blagnac, à défaut des déclarations annuelles de celle-ci, la somme de 50 589 euros eu titre de l'année 2006. Par un second état exécutoire émis le 8 novembre 2007, cet établissement a réclamé à la commune la somme de 125 042,40 euros au titre de l'année 2007, sommes correspondant à la contribution forfaitaire de la collectivité locale, calculée sur la base de 6 % de l'effectif total rémunéré, lorsqu'elle ne respecte pas son obligation légale relative au taux d'emploi des personnes en situation de handicap. En l'absence de règlement des sommes ainsi réclamées, le FIPHFP a demandé au préfet de la Haute-Garonne de procéder au mandatement d'office sur le budget de la commune de Blagnac de la somme de 176 631,40 euros. Le 28 janvier 2013, le préfet a saisi la chambre régionale des comptes de Midi-Pyrénées d'une demande d'avis sur le caractère obligatoire ou non de la dépense pour la commune de Blagnac. Par un avis du 26 février 2013, la chambre régionale des comptes a considéré que la créance ne présentant pas un caractère certain, elle ne constituait pas une dépense obligatoire pour la commune. Par un courrier du 14 mars 2013, le préfet de la Haute-Garonne a informé le FIPHFP qu'il ne mettrait pas en oeuvre la procédure de mandatement d'office. Le FIPHFP fait appel du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 27 avril 2016, qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du 14 mars 2013. Par un mémoire distinct de son mémoire en défense d'appel, la commune de Blagnac réitère la question prioritaire de constitutionnalité qu'elle avait déjà posée en première instance relative, à la conformité aux principes de proportionnalité, d'individualisation des sanctions et de libre administration des collectivités territoriales garantis par la Constitution, des dispositions de l'alinéa 7 du IV de l'article L. 323-8-6-1 du code du travail et demande l'annulation de l'ordonnance du 22 janvier 2016 du président de la 4è chambre du tribunal administratif de Toulouse qui a estimé qu'il n'y avait pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat cette question. Par ordonnance du 31 janvier 2018, le président de la 6ème chambre de la cour administrative d'appel de Bordeaux a également estimé qu'il n'y avait pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée à nouveau par la commune de Blagnac.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 1612-15 du code général des collectivités territoriales : " Ne sont obligatoires pour les collectivités territoriales que les dépenses nécessaires à l'acquittement des dettes exigibles et les dépenses pour lesquelles la loi l'a expressément décidé. / La chambre régionale des comptes saisie, soit par le représentant de l'Etat dans le département, soit par le comptable public concerné, soit par toute personne y ayant intérêt, constate qu'une dépense obligatoire n'a pas été inscrite au budget ou l'a été pour une somme insuffisante. Elle opère cette constatation dans le délai d'un mois à partir de sa saisine et adresse une mise en demeure à la collectivité territoriale concernée. / Si, dans un délai d'un mois, cette mise en demeure n'est pas suivie d'effet, la chambre régionale des comptes demande au représentant de l'Etat d'inscrire cette dépense au budget et propose, s'il y a lieu, la création de ressources ou la diminution de dépenses facultatives destinées à couvrir la dépense obligatoire. Le représentant de l'Etat dans le département règle et rend exécutoire le budget rectifié en conséquence. S'il s'écarte des propositions formulées par la chambre régionale des comptes, il assortit sa décision d'une motivation explicite. ".

3. D'une part, il résulte des dispositions précitées de l'article L. 1612-15 du code général des collectivités territoriales qu'une dépense ne peut être regardée comme obligatoire et faire l'objet d'un mandatement d'office que si elle correspond à une dette échue, certaine, liquide, non sérieusement contestée dans son principe et dans son montant et découlant de la loi, d'un contrat, d'un délit, d'un quasi-délit ou de toute autre source d'obligations. Par suite, lorsqu'une chambre régionale des comptes est saisie d'une demande d'inscription d'office, au budget d'une commune, d'une somme correspondant à une dette qui fait l'objet, de la part de la commune, d'une contestation sérieuse, elle ne peut que rejeter cette demande, sans qu'il y ait lieu pour elle de s'interroger sur le bien-fondé de la contestation (CE, CCI de Dunkerque, 18 sept 1998, 171087, B).

4. D'autre part, si la chambre régionale des comptes est tenue, dans le délai d'un mois qui lui est imparti par les dispositions de l'article L. 1612-15 du code général des collectivités territoriales, de mettre l'ordonnateur de la collectivité visée par cette demande en mesure de présenter oralement, s'il le souhaite, ses observations, elle n'est pas tenue, en revanche, avant de rendre son avis, lequel constitue une décision administrative, susceptible de recours devant le juge administratif, d'entendre un représentant de la collectivité au bénéfice de laquelle a été présentée la demande. Le représentant de l'Etat dans le département peut, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, refuser, par décision motivée, de se conformer à la proposition de la chambre régionale des comptes d'inscrire d'office une somme au budget d'une commune.. En revanche, il est tenu, lorsque la CRC a refusé de considérer une dette comme une dépense obligatoire pour la commune, de refuser l'inscription d'office de cette dépense au budget de ladite commune, sans avoir besoin de motiver son refus.

5. En l'espèce, il ressort tant des pièces du dossier que de l'avis budgétaire rendu par la chambre régionale des comptes de Midi-Pyrénées le 26 février 2013 que la commune de Blagnac a élevé une contestation du caractère obligatoire de la dépense et que cette contestation est sérieusement fondée en droit comme en fait. Par suite, et alors en tout état de cause que le FIPHFP n'a pas contesté l'avis de la chambre régionale des comptes, et quand bien même il excipe en vain de son illégalité pour défaut de contradictoire à l'encontre de la décision attaquée, celle-ci était tenue de rejeter la demande d'inscription d'office au budget de la commune de Blagnac de la dépense relative au règlement de la contribution au FIPHFP pour les années 2006 et 2007 et le préfet de la Haute-Garonne était en situation de compétence liée pour refuser de mettre en oeuvre la procédure de mandatement d'office auprès de la commune de Blagnac. Dans ces conditions, tous les moyens invoqués par le FIPHFP, tant de légalité externe qu'interne, à l'encontre de la décision préfectorale attaquée, sont inopérants.

6. Il résulte de tout ce qui précède que le FIPHFP n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat et de la commune de Blagnac, qui ne sont pas les parties perdantes, la somme que demande le FIPHFP sur ce fondement. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de ce dernier une somme de 1 500 euros que demande la commune de Blagnac sur le même fondement.

DECIDE :

Article 1er : La requête du FIPHFP est rejetée.

Article 2 : Le FIPHFP versera à la commune de Blagnac la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique, à la commune de Blagnac, au ministre de l'intérieur et au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 12 décembre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

M. Pierre Bentolila, président-assesseur,

Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 décembre 2018.

Le rapporteur,

Florence Rey-GabriacLe président,

Pierre Larroumec

Le greffier,

Cindy Virin La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Cindy Virin

6

N° 16BX01968


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX01968
Date de la décision : 17/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

135-02-04-02-01-01 Collectivités territoriales. Commune. Finances communales. Dépenses. Dépenses obligatoires. Pouvoirs de l'autorité de tutelle.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : SCP NORMAND et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 01/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-12-17;16bx01968 ?
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