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20/12/2018 | FRANCE | N°17BX02046

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 20 décembre 2018, 17BX02046


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'Association de Protection de la Nature et de l'Environnement a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de la commune du Vauclin a refusé d'abroger la délibération du 23 janvier 2013 approuvant le plan local d'urbanisme de la commune en tant qu'il classe les parcelles V 261, V 264 et le reste du massif forestier en zone de carrière, ainsi que la délibération du 23 janvier 2013.

Par un jugement n° 1600309 du 18 avril 2017, le tribunal

administratif de la Martinique a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'Association de Protection de la Nature et de l'Environnement a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de la commune du Vauclin a refusé d'abroger la délibération du 23 janvier 2013 approuvant le plan local d'urbanisme de la commune en tant qu'il classe les parcelles V 261, V 264 et le reste du massif forestier en zone de carrière, ainsi que la délibération du 23 janvier 2013.

Par un jugement n° 1600309 du 18 avril 2017, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er juillet 2017, l'Association de Protection de la Nature et de l'Environnement, représentée par la SCP Guillemoteau, Bernadou, Raffy, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Martinique du 18 avril 2017 ;

2°) d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de la commune du Vauclin a refusé d'abroger la délibération du 23 janvier 2013 approuvant le plan local d'urbanisme de la commune en tant qu'il classe les parcelles V 261, V 264 et le reste du massif forestier en zone de carrière, ensemble la délibération du 23 janvier 2013.

3°) de mettre à la charge de la commune du Vauclin la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de modification du classement des parcelles V 261 et V 264 présentée par la société Caraïb Moter juste avant la clôture de l'enquête publique aurait dû être accompagnée d'une étude d'impact, conformément aux dispositions de l'article 2 de la loi sur l'environnement du 13 juillet 1976 ; des espèces protégées ont été recensées ;

- les premiers juges ont méconnu les dispositions de l'article L. 123-13 du code de l'urbanisme, interdisant la réduction d'un espace boisé classé sans enquête publique préalable, en considérant que l'augmentation de la superficie de zone ouverte à l'activité de carrière était mineure et ne remettait pas en cause l'économie générale du plan local d'urbanisme ;

- le déclassement de l'espace boisé classé a été effectué en méconnaissance des dispositions de l'article 7 de la charte de l'environnement et de l'obligation de mise en oeuvre du principe de participation du public pour les décisions ayant une incidence sur l'environnement.

Par des observations enregistrées le 17 septembre 2017, la société Caraïb Moter, représentée par MeB..., demande que soit rejetée la requête n° 17BX002046 présentée par l'Association de Protection de la Nature et de l'Environnement et en outre à ce que cette association lui verse une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 février 2018, la commune du Vauclin conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Association de Protection de la Nature et de l'Environnement, outre les entiers dépens en application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par ordonnance du 12 avril 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 23 mai 2018 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution ;

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-Claude Pauziès,

- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public ;

- et les observations de MeA..., représentant la société Caraïb Moter.

Considérant ce qui suit :

1. Le conseil municipal de la commune du Vauclin a approuvé son plan local d'urbanisme par une délibération du 23 janvier 2013. Dans le cadre de l'enquête publique qui s'est déroulée du 23 octobre 2012 au 23 novembre 2012, la société Caraïb Moter a présenté une demande tendant à ce que soient déclassés 4,3 hectares d'espaces boisés classés situés sur la parcelle V 261. Le plan local d'urbanisme approuvé le 23 janvier 2013 crée une zone N2C1, située sur les parcelles V 261 et V 264, destinée à l'exploitation d'une carrière. L'Association de Protection de la Nature et de l'Environnement a demandé au maire de la commune du Vauclin, le 1er mars 2016, d'abroger le plan local d'urbanisme en tant qu'il classe les parcelles V 261 et V 264 en zone N2C1. L'Association de Protection de la Nature et de l'Environnement relève appel du jugement du 18 avril 2017 par lequel le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le maire de la commune du Vauclin a refusé d'abroger la délibération du 23 janvier 2013 approuvant le plan local d'urbanisme de la commune en tant qu'il classe les parcelles V 261, V 264 et le reste du massif forestier en zone de carrière, ensemble la délibération du 23 janvier 2013.

Sur la légalité de la décision rejetant implicitement la demande d'abrogation du classement des parcelles V 261, V 264 et le reste du massif forestier en zone de carrière :

En ce qui concerne l'absence d'étude d'impact de la demande formulée par la société Caraïb Moter pendant l'enquête publique :

2. L'association requérante soutient qu'en méconnaissance de l'article 2 de la loi n° 76-629 relative à la protection de la nature du 10 juillet 1976, la demande formulée par la société Caraib Moter au cours de l'enquête publique, de déclassement d'une partie de la parcelle V 261 n'a pas été précédée d'une étude d'impact. Toutefois, il ne ressort d'aucune disposition législative ou réglementaire qu'une étude d'impact soit nécessaire préalablement à la présentation d'observations formulées dans le cadre d'une enquête publique réalisée à l'occasion de l'élaboration d'un plan local d'urbanisme. Par suite, le moyen tiré de l'absence d'étude d'impact, jointe à la demande de la société Caraïb Moter, qui n'était nécessaire que dans le cadre d'une demande d'autorisation d'exploiter une carrière, doit être écarté.

En ce qui concerne la méconnaissance des dispositions de l'article L. 123-13 du code de l'urbanisme :

4. Les dispositions de l'article L. 123-13 du code de l'urbanisme relatives aux conditions dans lesquelles un plan local d'urbanisme peut être révisé ou modifié ne peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un moyen dirigé contre une procédure d'élaboration d'un plan local d'urbanisme, quand bien même le plan approuvé prévoirait une réduction des espaces boisés classés. Par suite, le moyen doit être écarté comme inopérant.

En ce qui concerne l'économie générale du plan local d'urbanisme et le caractère mineur de la modification apportée au projet soumis à enquête publique :

5. Aux termes de l'article L. 123-10 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à la date de la délibération du conseil municipal de la commune du Vauclin : " Le projet de plan local d'urbanisme est soumis à enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement par (...) le maire. (...). Le dossier soumis à enquête comprend, en annexe, les avis des personnes publiques consultées. / Après l'enquête publique (...), le plan local d'urbanisme, éventuellement modifié, est approuvé par délibération (...) du conseil municipal (...) ". Il résulte de ces dispositions que le projet de plan ne peut subir de modifications, entre la date de sa soumission à l'enquête publique et celle de son approbation, qu'à la double condition que ces modifications ne remettent pas en cause l'économie générale du projet et procèdent de l'enquête. Doivent être regardées comme procédant de l'enquête les modifications destinées à tenir compte des réserves et recommandations de la commission d'enquête, des observations du public et des avis émis par les autorités, collectivités et instances consultées et joints au dossier de l'enquête.

6. Il ressort des pièces du dossier que l'espace sur lequel a été étendue la zone N2c était déjà partiellement destiné à la création d'une carrière par l'ancien plan d'occupation des sols de la commune approuvé en 1989, qui le classait en NCa. Le projet de plan local d'urbanisme prévoyait initialement un zonage N2c sur la moitié sud de la parcelle V 261 et sur environ 2 hectares de la parcelle V 264, en léger déplacement vers le sud de la zone. L'extension de la zone N2c sur la moitié nord de la parcelle V 261 suite à l'enquête publique a conduit à revenir sur la situation au Nord initiale par un déclassement supplémentaire de 4,3 hectares. Au regard des 677 hectares d'espaces boisés classés que prévoit le plan local d'urbanisme, en hausse sensible par rapport aux 319 hectares d'espaces boisés classés que comportait l'ancien plan d'occupation des sols, cette modification représente une réduction de 0,63 %. Il résulte de ces éléments que l'extension de la zone N2c constitue une modification mineure au regard de l'ensemble du plan local d'urbanisme approuvé et ne remet pas en cause son économie générale. Elle ne nécessitait donc pas de soumettre le plan local d'urbanisme à une nouvelle enquête.

En ce qui concerne la méconnaissance des dispositions de l'article 7 de la charte de l'environnement et de l'obligation de mise en oeuvre du principe de participation du public pour les décisions ayant une incidence sur l'environnement :

7. Aux termes de l'article 7 de la Charte de l'environnement, à laquelle le Préambule de la Constitution fait référence en vertu de la loi constitutionnelle du 1er mars 2005 : " Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement. ". L'article 34 de la Constitution prévoit, dans la rédaction que lui a donnée la même loi constitutionnelle, que " la loi détermine les principes fondamentaux (...) de la préservation de l'environnement ". La mise en oeuvre du principe de participation énoncé par l'article 7 de la Charte de l'environnement dans l'élaboration des plans locaux d'urbanisme est assurée par l'article L. 123-10 du code de l'urbanisme, aux termes duquel : " Le projet de plan local d'urbanisme arrêté est soumis à enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement ", et des articles L. 123-1 et suivants du code de l'environnement prévoyant que: " L'enquête publique a pour objet d'assurer l'information et la participation du public ainsi que la prise en compte des intérêts des tiers lors de l'élaboration des décisions susceptibles d'affecter l'environnement mentionnées à l'article L. 123-2. Les observations et propositions parvenues pendant le délai de l'enquête sont prises en considération par le maître d'ouvrage et par l'autorité compétente pour prendre la décision ".

8. Lorsque des dispositions législatives ont été prises pour assurer la mise en oeuvre des principes énoncés à l'article 7 de la Charte de l'environnement, la légalité des décisions administratives s'apprécie par rapport à ces dispositions, sous réserve, s'agissant de dispositions législatives antérieures à l'entrée en vigueur de la Charte de l'environnement, qu'elles ne soient pas incompatibles avec les exigences qui découlent de cette Charte. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 7 de la Charte de l'environnement doit être apprécié au regard des dispositions législatives qui soumettent la délibération litigieuse à une procédure d'enquête publique. Ainsi qu'il a été précisé au point 2, ni les dispositions du code de l'urbanisme, ni les dispositions du code de l'environnement relatives à l'enquête publique n'ont été méconnues. Au demeurant, le projet de règlement modifié après l'enquête a ajouté aux possibilités ouvertes en zone NC2 pour " les installations à condition d'être nécessaires à l'exploitation des carrières " : " A l'intérieur du secteur N2c1, les installations à condition d'être nécessaires à l'exploitation des carrières dès lors qu'une autorisation préalable d'exploitation aura été délivrée ", ce qui permet en tout état de cause de soumettre à une nouvelle enquête le projet de carrière en litige. Dès lors, le moyen tiré de ce que le plan local d'urbanisme aurait été approuvé au terme d'une procédure méconnaissant les exigences résultant de l'article 7 de la Charte de l'environnement ne peut qu'être écarté.

9. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non recevoir opposées par la commune, que l'Association de Protection de la Nature et de l'Environnement n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

10. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. ". L'instruction de la requête n'ayant généré aucun frais de cette nature, les conclusions présentées par la commune du Vauclin ne peuvent qu'être rejetées.

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge de la commune du Vauclin, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, les sommes demandées par la requérante au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. La circonstance que la société Caraïb Moter ait été appelée en la cause pour produire des observations n'a pas eu pour effet de lui conférer la qualité de partie à l'instance, et ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

12. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de l'association requérante une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune du Vauclin et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de l'Association de Protection de la Nature et de l'Environnement est rejetée.

Article 2 : L'Association de Protection de la Nature et de l'Environnement versera à la commune du Vauclin une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de la société Caraïb Moter présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'Association de Protection de la Nature et de l'Environnement, à la commune du Vauclin et à la société Caraïb Moter.

Délibéré après l'audience du 29 novembre 2018 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,

Mme Nathalie Gay-Sabourdy, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 décembre 2018.

Le rapporteur,

Jean-Claude PAUZIÈSLe président,

Catherine GIRAULT

Le greffier,

Virginie MARTY

La République mande et ordonne au préfet de la Martinique, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 17BX02046


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX02046
Date de la décision : 20/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. Plans d'aménagement et d'urbanisme. Plans d`occupation des sols (POS) et plans locaux d'urbanisme (PLU).


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Jean-Claude PAUZIÈS
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : SCP GUILLEMOTEAU - BERNADOU - RAFFY

Origine de la décision
Date de l'import : 01/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-12-20;17bx02046 ?
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