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13/02/2019 | FRANCE | N°17BX00710

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre - formation à 3, 13 février 2019, 17BX00710


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler, d'une part, le titre exécutoire n° 462 émis le 21 décembre 2012 à son encontre afin de recouvrer la somme de 2 121,44 euros correspondant à des indus de traitements versés par la commune de Mouzieys-Teulet à la suite de sa mise à la retraite pour invalidité et, d'autre part, la délibération du 19 février 2013 par laquelle le conseil municipal de la commune de Mouzieys-Teulet a rejeté sa demande tendant à ce qu'elle soit décharg

e de l'obligation de payer ladite somme.

Par un jugement n° 1301812 du 28 déce...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler, d'une part, le titre exécutoire n° 462 émis le 21 décembre 2012 à son encontre afin de recouvrer la somme de 2 121,44 euros correspondant à des indus de traitements versés par la commune de Mouzieys-Teulet à la suite de sa mise à la retraite pour invalidité et, d'autre part, la délibération du 19 février 2013 par laquelle le conseil municipal de la commune de Mouzieys-Teulet a rejeté sa demande tendant à ce qu'elle soit déchargée de l'obligation de payer ladite somme.

Par un jugement n° 1301812 du 28 décembre 2016, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et trois mémoires complémentaires enregistrés les 28 février 2017, 21 novembre 2017, 11 décembre 2017 et 18 juin 2018, Mme C...A..., représentée par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 28 décembre 2016 du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) d'annuler le titre exécutoire n° 462 émis le 21 décembre 2012 et la délibération du 19 février 2013 du conseil municipal de Mouzieys-Teulet susmentionnés ;

3°) de la décharger de l'obligation de payer la somme de 2 121,44 euros ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Mouzieys-Teulet, à verser à son conseil, la somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort les premiers juges, qui ont inversé la charge de la preuve, ont écarté le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 4°) de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales dès lors qu'elle avait produit devant le tribunal le titre exécutoire litigieux, lequel ne comportait aucune signature ;

- en outre, le titre exécutoire notifié ne comporte pas le nom et le prénom de son auteur, qui ne peut qu'être l'ordonnateur de la commune et non la commune elle-même ;

- c'est également à tort qu'après avoir mentionné alternativement la période de juillet à novembre, puis du 7 juillet à fin novembre et du 7 juillet au 7 novembre, les premiers juges ont considéré que le titre exécutoire comportait un énoncé suffisant des bases de liquidation de la créance, alors que la date de son départ à la retraite n'était pas même indiquée ;

- de même, ni le titre exécutoire ni le bordereau ne mentionnent qu'elle se trouvait placée en demi-traitement à compter du 7 juillet 2012 ;

- le tribunal a omis de statuer sur le moyen de l'incompétence du conseil municipal sur la demande de remise gracieuse que le maire lui avait transmis ;

- dès lors qu'il résulte de l'article 30 du décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 que la date d'effet de la pension de retraite ne peut être antérieure à la date de la décision de radiation des cadres, la commune ne pouvait légalement procéder au rappel de traitements sur la période en cause, où elle se trouvait placée en congé maladie dans l'attente de l'ouverture de ses droits à la retraite pour l'invalidité.

Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire enregistrés les 22 septembre 2017 et 11 juin 2018, la commune de Mouzieys-Teulet, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme A...sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- ainsi que l'ont relevé à juste titre les premiers juges, la demande d'annulation de la délibération du 19 février 2013 est irrecevable et, à tout le moins, infondée ;

- si le titre exécutoire ne comporte pas la signature de l'émetteur, en revanche, le bordereau de titre de recettes comporte les nom, prénom, qualité et signature de celui-ci, conformément aux dispositions de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales ;

- contrairement à ce qu'elle prétend, la requérante a été informée des bases de liquidation de la somme qui lui est réclamée ;

- sur le fond, le titre exécutoire ne constitue pas un retrait illégal d'une décision créatrice de droits dès lors que, si, du 7 juillet au 7 novembre 2012, la commune avait versé à l'agent son traitement habituellement perçu au titre de ses fonctions, dans l'attente de la décision de la CNRACL, ces sommes sont devenues indues à partir du moment où les droits à pension de l'agent ont été ouverts à compter du 7 juillet 2012, la pension se substituant au traitement, de sorte qu'elles devaient être répétées par la collectivité ;

- en raison, d'une part, de l'épuisement des droits à congés de maladie ordinaire de l'intéressée au 6 juillet 2012, au terme du délai maximum d'un an prévu par les dispositions de l'article 57 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, et, d'autre part, de l'avis d'inaptitude définitive et totale à tout poste émis par le comité médical, le demi-traitement versé à partir du 7 juillet 2012 à Mme A...l'a été au titre d'une disponibilité pour raison de santé, dans l'attente de la décision de la CNRACL, conformément à l'article 17 du décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;

- à cet égard, l'agent ne peut pas justifier juridiquement percevoir, pour une même période, à la fois un demi-traitement et une pension d'invalidité.

Par ordonnance du 28 mai 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 18 juin 2018.

Un mémoire présenté pour Mme A...a été enregistré le 28 août 2018, postérieurement à la clôture d'instruction.

Par une décision du 5 juillet 2018, Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 modifié ;

- le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 modifié ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Axel Basset,

- et les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Après avoir été admise à la retraite pour invalidité à compter du 7 juillet 2012 par arrêté du maire de la commune de Mouzieys-Teulet (Tarn) du 16 novembre 2012, pris sur avis favorable de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités territoriales (CNRACL) du 8 novembre 2012, MmeA..., initialement recrutée le 1er septembre 2004 par contrat à durée déterminée afin d'effectuer des tâches d'entretien et de garderie au sein de l'école communale puis titularisée en juillet 2008 dans le grade d'adjoint technique territorial de 2ème classe, a été rendue destinataire d'un titre exécutoire émis par la commune de Mouzieys-Teulet le 21 décembre 2012 afin de recouvrer la somme de 2 121,44 euros correspondant à des indus de traitements versés par la commune de Mouzieys-Teulet sur la période de juillet à novembre 2012. Par une lettre en date du 15 février 2013, Mme A...a formé un recours gracieux auprès de l'exécutif territorial tendant à l'annulation de sa dette et à l'octroi d'un sursis de paiement. Par une délibération du 19 février 2013, le conseil municipal de la commune de Mouzieys-Teulet a refusé d'annuler la dette de l'intéressée tout en acceptant un étalement du remboursement de la somme due. Mme A...relève appel du jugement du 28 décembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation du titre exécutoire du 21 décembre 2012 et de cette délibération du 19 février 2013 ainsi que la décharge de l'obligation de payer la somme de 2 121,44 euros.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. D'une part, aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, dans sa rédaction en vigueur à la date du titre exécutoire litigieux : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. (...) ". Aux termes de l'article 30 du décret du 26 décembre 2003 susvisé : " Le fonctionnaire qui se trouve dans l'impossibilité définitive et absolue de continuer ses fonctions par suite de maladie, blessure ou infirmité grave dûment établie peut-être admis à la retraite soit d'office, soit sur demande. (...). ". D'autre part, aux termes de l'article 1 de l'arrêté du 4 août 2004 susvisé : " La commission de réforme prévue par l'article 31 du décret du 26 décembre 2003 susvisé : (...) / 2. Exerce, à l'égard des agents des collectivités locales relevant de la loi du 26 janvier 1984 susvisée et des agents des établissements mentionnés à l'article 2 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée, les attributions prévues respectivement à l'article 57 et aux articles 41 et 41-1 desdites lois ; (...) ". En vertu de l'article 13 de ce même arrêté : " (...) La commission doit examiner le dossier dans le délai d'un mois à compter de la réception de la demande d'inscription à l'ordre du jour par son secrétariat. (...) / Le traitement auquel l'agent avait droit, avant épuisement des délais en cours à la date de saisie de la commission de réforme, lui est maintenu durant les délais mentionnés et en tout état de cause jusqu'à l'issue de la procédure justifiant la saisie de la commission de réforme. ". Enfin, aux termes de l'article 17 du décret du 30 juillet 1987 susvisé : " (...) Lorsque le fonctionnaire a obtenu pendant une période de douze mois consécutifs des congés de maladie d'une durée totale de douze mois, il ne peut, à l'expiration de sa dernière période de congé, reprendre son service sans l'avis favorable du comité médical. En cas d'avis défavorable, il est soit mis en disponibilité, soit reclassé dans un autre emploi, soit, s'il est reconnu définitivement inapte à l'exercice de tout emploi, admis à la retraite après avis de la commission de réforme. Le paiement du demi-traitement est maintenu, le cas échéant, jusqu'à la date (...) de mise en disponibilité ou d'admission à la retraite. ".

3. Il résulte des dispositions précitées de l'article 17 du décret du 30 juillet 1987, dans sa rédaction issue du décret n° 2011-1245 du 5 octobre 2011, que lorsque l'agent a épuisé ses droits à un congé de maladie ordinaire, il appartient à la collectivité qui l'emploie, d'une part, de saisir le comité médical, qui doit se prononcer sur son éventuelle reprise de fonctions ou sur sa mise en disponibilité, son reclassement dans un autre emploi ou son admission à la retraite, et, d'autre part, de verser à l'agent un demi-traitement dans l'attente de la décision du comité médical. La circonstance que la décision prononçant la reprise d'activité, le reclassement, la mise en disponibilité ou l'admission à la retraite rétroagisse à la date de fin des congés de maladie n'a pas pour effet de retirer le caractère créateur de droits du maintien du demi-traitement prévu par cet article. Par suite, le demi-traitement versé au titre de cet article ne présente pas un caractère provisoire et reste acquis à l'agent alors même que celui-ci a, par la suite, été placé rétroactivement dans une position statutaire n'ouvrant pas par elle-même droit au versement d'un demi-traitement (CE, n° 412684, B, 9 novembre 2018, Commune du Perreux-sur-Marne).

4. Il résulte de l'instruction, et notamment de la délibération du conseil municipal du 18 février 2013, qu'afin de tirer les conséquences de l'épuisement des droits à congés de maladie ordinaire de Mme A...au 6 juillet 2012, au terme du délai d'un an prévu par les dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, la commune de Mouzieys-Teulet a, sur le fondement des dispositions de l'article 17 du décret du 30 juillet 1987, entrepris de verser à l'intéressée un demi-traitement sur la période du 7 juillet au 7 novembre 2012, dans l'attente de l'avis de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités territoriales quant à sa mise à la retraite pour inaptitude définitive à l'exercice de son emploi. A la suite de la réunion de cette caisse, le 8 novembre 2012, Mme A... s'est vu attribuer une pension d'invalidité rétroactivement à compter du 7 juillet 2012. Si la commune intimée fait valoir que Mme A...ne pouvait légalement cumuler sa pension d'invalidité avec son demi-traitement, il résulte de ce qui a été dit au point 3 que le demi-traitement ainsi versé au cours de la période litigieuse ne présentait pas un caractère provisoire et restait acquis à l'agent. Dès lors, et ainsi que le soutient l'appelante, la commune ne pouvait procéder légalement, par le titre exécutoire du 21 décembre 2012, au rappel de la somme litigieuse de 2 121,44 euros. Il s'ensuit qu'il y a lieu, d'une part, d'annuler ce titre exécutoire pour ce motif ainsi que la délibération du conseil municipal du 19 février 2013 et, d'autre part, de décharger Mme A...de l'obligation de payer cette somme de 2 121,44 euros.

5. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin ni de statuer sur la régularité du jugement, ni d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de MmeA..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une quelconque somme à verser à la commune de Mouzieys-Teulet au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Mouzieys-Teulet la somme que l'appelante demande sur le fondement de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1301812 du 28 décembre 2016 du tribunal administratif de Toulouse, le titre exécutoire n° 462 du 21 décembre 2012 du maire de la commune de Mouzieys-Teulet et la délibération du conseil municipal du 19 février 2013 sont annulés.

Article 2 : Mme A...est déchargée de l'obligation de payer la somme de 2 121,44 euros mise à sa charge.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions de la commune de Mouzieys-Teulet tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A...et à la commune de Mouzieys-Teulet. Copie en sera transmise au préfet du Tarn.

Délibéré après l'audience du 21 janvier 2019, à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

M. Pierre Bentolila, président assesseur,

M. Axel Basset, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 13 février 2019.

Le rapporteur,

Axel Basset

Le président,

Pierre LarroumecLe greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Cindy Virin

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N° 17BX00710


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX00710
Date de la décision : 13/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Validité des actes administratifs - Forme et procédure - Questions générales.

Comptabilité publique et budget - Créances des collectivités publiques - Recouvrement - Procédure - État exécutoire.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: M. Axel BASSET
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : SELARL MONTAZEAU et CARA AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-02-13;17bx00710 ?
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