La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/02/2019 | FRANCE | N°17BX01053

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre - formation à 3, 13 février 2019, 17BX01053


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner le département du Tarn à l'indemniser des préjudices résultant du harcèlement moral qu'il a subi.

Par un jugement n° 1305719, du 31 janvier 2017, le tribunal administratif de Toulouse a condamné le département du Tarn à verser à M. C...une somme de 6 000 euros au titre de son préjudice moral et a rejeté le surplus de ses conclusions.

Procédure devant la cour :

Par une requête du 31 mars 2017, et un mémoire comp

lémentaire enregistré le 18 juin 2018, le département du Tarn, représenté par Me E...demande à l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner le département du Tarn à l'indemniser des préjudices résultant du harcèlement moral qu'il a subi.

Par un jugement n° 1305719, du 31 janvier 2017, le tribunal administratif de Toulouse a condamné le département du Tarn à verser à M. C...une somme de 6 000 euros au titre de son préjudice moral et a rejeté le surplus de ses conclusions.

Procédure devant la cour :

Par une requête du 31 mars 2017, et un mémoire complémentaire enregistré le 18 juin 2018, le département du Tarn, représenté par Me E...demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 31 janvier 2017 ;

2°) de rejeter la demande de M. C...présentée devant le tribunal administratif de Toulouse ;

3°) de mettre à la charge de M. C...la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761 1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, M. C...n'a pas été victime de harcèlement moral, les différents éléments retenus par le tribunal ne permettant pas d'établir un tel harcèlement ; en premier lieu, la modification le 9 avril 2013, de la délégation de signature accordée à M.C..., est intervenue à la suite de graves manquements de M. C... à ses obligations professionnelles dès lors que ce dernier a utilisé sa délégation pour faire livrer à son domicile des commandes passées pour le compte de la collectivité, ces faits ayant donné lieu à un blâme par arrêté du 16 avril 2013 ; ces faits sont constitutifs de manquements graves, et n'ont pu être commis que parce que M. C...disposait d'une délégation de signature et justifiaient le retrait de sa délégation de signature relative aux pièces comptables et aux bons de commande d'un montant de moins de 10 000 euros hors taxes ; en ce qui concerne les demandes adressées à l'agent quant à ses missions extérieures, à ses congés, et à sa gestion budgétaire, il est par principe légitime pour un agent y compris pour un directeur, de justifier de ses actions auprès de ses supérieurs hiérarchiques, tous les agents remplissant les formulaires de nature à justifier de leurs absences ; M.B..., supérieur hiérarchique de M. C...a autorisé ses congés, ayant uniquement oublié de se prononcer sur une demande d'autorisation ponctuelle présentée par M. C...; pour ce qui est de la gestion budgétaire, la réalisation de notes à caractère budgétaire entrait dans les compétences de M.C..., directeur de l'e-administration, et l'allégation de M. C...selon laquelle sa gestion budgétaire aurait été mise en cause, avec le constat de " dérives ", n'est pas démontrée ; par ailleurs, les pièces produites par M.C..., relatives à une demande d'ordre de mission et un bulletin d'inscription à une formation constituent les documents qui s'appliquent à tous les agents ; il n'est par ailleurs pas établi que M. C...n'aurait pas participé à ces rencontres de formation alors que la présence d'un post-it sur un ordre de mission portant la mention " m'en parler " indique seulement la volonté de s'entretenir avec M. C...d'un projet de déplacement ; M. C...a opéré en 2012 et 2013 un certain nombre de déplacements dans le cadre de l'exercice de ses fonctions ; M. B...a accepté en 2013, des demandes d'absences sans demander aucune justification ; par ailleurs les mails produits par M. C...se rapportent à des demandes normales de justification de prévisions de congés et de congés, et s'inscrivent dans le cadre normal de l'organisation du service ; en ce qui concerne le rejet d'une demande de formation, du 4 avril 2013, elle concerne une formation individuelle payante hors CNFPT, et cette formation n'entrait pas sur le tableau des recueils des besoins en formation individuelle de la direction e-administration ce que ne conteste pas M. C...; par ailleurs, depuis mars 2010, M. C...a bénéficié de nombreuses formations individuelles dont la majorité relève de formations payantes hors CNFPT ; si comme l'indiquent les échanges de courriel des 7 et 10 juin 2013, M. B...a refusé de faire droit à la demande de M. C...de se rendre à une convocation médicale chez un médecin spécialiste, c'est parce que M. C...n'avait produit qu'une simple proposition de rendez-vous, et non une convocation ; en ce qui concerne l'avancement d'échelon, M. B...a proposé un avancement d'échelon de M. C...à la durée minimale dans le bilan d'activité 2013 et dans le bilan d'activité 2014, à la durée maximale, ce qui a été retenu par la commission administrative paritaire ; cet avancement d'échelon à la durée maximale est justifié par l'absence de prise en compte par M. C...des remarques qui lui avaient été faites et qui sont indiquées dans le bilan d'activité et qui se rapportent à son comportement relationnel tant auprès de sa hiérarchie qu'auprès de l'ensemble de ses interlocuteurs ; pour ce qui est de l'abaissement de sa notation et de l'appréciation pour l'année 2013, il est justifié au regard de sa position continuellement critique quant au rattachement de la direction de l'e-administration à la direction générale adjointe finance et systèmes d'information, par son comportement et les propos irrespectueux tenus lors de l'entretien d'évaluation du 26 novembre 2012 qui ont donné lieu à un rapport au président et à un rappel à l'ordre de la part du directeur général des services, un manque de probité en matière de marchés publics, de la position très en retrait dans l'exercice de ses responsabilités qu'il a adoptée après son retour de congé maladie qui a provoqué des retards sur différents projets (Genesis, Solis, acquisition d'une solution de gestion des collections muséographiques), l'absence d'engagement sur des projets qui relèvent de sa direction ; pour ce qui est de la suppression de poste, si M. C...prétend qu'afin de le pousser au départ, le département aurait procédé à une réorganisation des services ayant abouti à la suppression de la direction de l'e-administration, ce moyen est inexact dès lors que la réunion des directions de l' " e-administration " et de la direction de l'infrastructure informatique au sein d'une unique direction des systèmes d'information, ressort d'une réflexion stratégique, décidée à l'unanimité de ses membres par l'assemblée délibérante du Conseil départemental du Tarn, M. C...ayant d'ailleurs été associé à ce projet de réorganisation dans le cadre de sa participation au comité de pilotage stratégique ; cette réorganisation visait à l'amélioration de l'efficacité du service public départemental ; cette réorganisation a été accompagnée par l'intervention d'un cabinet-conseil ; même si la candidature de M. C...n'a pas été retenue par le jury pour le poste de directeur, il pouvait postuler sur des postes à responsabilité de catégorie A, correspondant à son grade d'ingénieur territorial ; en ce qui concerne les arrêts de travail pour dépression réactionnelle en 2015 pris en charge au titre d'une maladie professionnelle, en 2011, 2013, et 2015, M. C...a fait l'objet d'arrêts de travail, lesquels ne peuvent être regardés comme se trouvant en lien avec des agissements de harcèlement moral ; il a été arrêté en août 2011, pour un stress professionnel, qui se trouve sans lien avec M.B..., qui n'était pas, à cette date, supérieur hiérarchique de M. C...; l'arrêt de travail en janvier 2013 pour dépression réactionnelle, peut avoir plusieurs causes et notamment les relations avec les agents de la collectivité et la dénonciation par un syndicat en décembre 2012, de fautes graves commises par M. C...; en ce qui concerne l'arrêt de travail de septembre 2015, si M. C... fait valoir qu'il serait en lien avec une altercation qui aurait eu lieu le 17 septembre 2015 avec M.B..., les deux protagonistes donnent des versions des faits différentes ; M. C... depuis la nomination de M. B...en qualité de directeur, perçoit comme une agression chacun des demandes de M. B...; la commission de réforme, le 15 décembre 2015, a refusé de voir dans l'incident du 17 septembre 2015 un accident de service, même si elle a reconnu une maladie professionnelle ; le second avis de la commission de réforme, maintient le premier avis rendu, et mentionne une date de consolidation, du 8 mars 2016, avec un taux d'IPP à 0 % ; la reconnaissance de la maladie professionnelle ne vaut pas reconnaissance du harcèlement moral ; par ailleurs la circonstance que le département du Tarn, ait accepté à compter du 1er décembre 2015, la mutation de M. C..., ne saurait traduire une situation de harcèlement moral, cette mutation ayant été accordée à la demande de M. C...; les conclusions présentées en appel par M. C...tendant à la condamnation du département du Tarn à lui verser la somme de 7 871,51 euros au titre de la nouvelle bonification indiciaire (NBI), 17 498,44 euros au titre du versement de la prime de directeur, 20 000 euros au titre du préjudice social constituent des conclusions nouvelles en appel et donc irrecevables ; par ailleurs, le préjudice de carrière demandé par M. C... en appel s'élève à la somme de 22 941,62 euros alors que la somme demandée en première instance était de 2 500 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 6 juin 2017, M. D...C...représenté par Me G..., conclut au rejet de la requête du département du Tarn et à la condamnation du département à lui verser la somme totale de 115 311,57 euros devant se décomposer dans les sommes suivantes :

- 40 000 euros au titre du préjudice moral et de santé ;

- 7 871,51 euros au titre du versement de la NBI ;

- 17 498,44 euros au titre du versement de la prime de directeur ;

- 22 941,62 euros au titre du préjudice de carrière ;

- 20 000 euros au titre du préjudice social, ainsi que la somme de 7 000 euros en application de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- en ce qui concerne le retrait de la délégation de signature, le raisonnement du département est contradictoire, dès lors qu'il faisait valoir en première instance, que cette mesure ne faisait pas grief, alors qu'il soutient en appel, que cette mesure est justifiée par les faits commis par M. C...; en ce qui concerne les demandes de justification adressées à M. C..., caractérisant l'existence d'un harcèlement moral, le département ne lui avait jamais demandé de justificatifs jusqu'à ce que ses relations avec son supérieur hiérarchique ne commencent à se dégrader ; en ce qui concerne ses congés, si M. B...a exigé des explications quant à ses absences, une chef de service placée sous l'autorité de M. C...a continué de signer les congés des agents qui sont sous son autorité ; pour ce qui est des demandes de justification budgétaires, le département n'apporte pas la preuve que les demandes de justification budgétaires étaient également supportées par d'autres cadres et par d'autres directeurs ni que M. C...aurait admis le bien-fondé de ces demandes ; en tout état de cause, à supposer même les demandes justifiées, le constat du tribunal administratif de Toulouse selon lequel M. C...a dû justifier de manière répétée de sa gestion budgétaire, n'est pas remis en cause ; de même, comme l'a relevé le tribunal administratif, il n'a pas bénéficié de formations payantes alors qu'il n'a bénéficié que de trois formations en 2013 et 2014 ; pour ce qui est de la convocation chez le médecin, le refus qui lui a été opposé tenant au fait qu'il n'avait qu'une proposition de rendez-vous et non un rendez-vous, est aberrant ; pour ce qui est de l'avancement d'échelon à l'ancienneté maximale, il a été décidé par le directeur général adjoint des services dont l'animosité envers M. C...était patente ; en ce qui concerne sa notation, si le directeur général adjoint des services lui reproche d'avoir eu un positionnement critique et de s'être placé en retrait dans le management et sa détermination dans l'accomplissement de sa tâche, il conteste cette analyse dès lors que les tensions provenant de sa hiérarchie n'ont jamais altéré sa motivation et sa détermination ; il a été entravé dans son action par les mesures qui ont été prises à son encontre notamment quant au retrait de sa délégation de signature et de ses prérogatives relatives aux contacts avec ses fournisseurs, ce qui ne lui permettait plus de maintenir un niveau correct d'encadrement ; l'abaissement de sa notation constitue un indice supplémentaire de l'acharnement qu'il subissait lorsqu'il occupait le poste de directeur de l'e-administration ; en ce qui concerne la suppression de son poste de directeur, s'il s'est montré favorable à une réorganisation des services, il n'avait pas envisagé que cette réorganisation aboutirait à son éviction ; si des postes lui ont été proposés dans le cadre de cette réorganisation, c'est le poste de directeur des services informatiques qui correspondaient à son profil ; le département contrairement à ce qu'il allègue, n'a pas mis en place de processus objectif et impartial dans les reclassements, à la suite de la réorganisation des services, la seule présence du directeur général adjoint des services est de nature à remettre en cause cette impartialité ; M. C...qui subissait le retrait progressif de ses prérogatives de directeur ne souhaitait pas de déclin hiérarchique, en postulant pour un poste de responsable, qui aurait été placé sous l'autorité de M.F..., lui-même placé sous l'autorité du directeur général adjoint des services, M. B...; l'absence de satisfaction donnée à sa candidature équivalait à son éviction de la DSI, qui a pris une forme brutale, lorsque le directeur général adjoint des services, lui a indiqué verbalement " qu'il était viré de son poste " ; en ce qui concerne la dépression réactionnelle en 2015, contrairement à ce que soutient le département, la matérialité du harcèlement moral subi par M. C...ne trouvait pas sa source dans les simples demandes de M.C..., mais a pour cause le retrait des délégations de signature, les différentes demandes de justification, les refus de formation et d'autorisations d'absence, la baisse de notation et son avancement d'échelon à la durée maximale depuis 2013 ; d'autres faits de harcèlement moral existent, et n'ont pas été pris en compte par le tribunal administratif de Toulouse ; il en est ainsi, de la réduction continue de son portefeuille projet et de son périmètre budgétaire depuis le début de l'année 2011, cette réduction s'étant accentuée depuis février 2013 par la réduction des missions de management et de direction de projet, par le transfert de la gestion du projet de dématérialisation et GED pour une gestion directe exclusive du directeur général adjoint des services, le retrait de son autorité sur " la mission d'assistance à la gestion des données personnelles ", sa mise en cause publique, les accusations sur ses compétences en management et son incapacité à organiser sa direction, les tentatives perpétuelles de rabaissement notamment sur le déménagement sans concertation des bureaux de la direction de M. C...en mai 2013, son bureau, sans porte de communication entre lui et son secrétariat, ne lui permettant plus d'accueillir des comités de pilotage, le contournement organisé par le directeur général adjoint des services de son autorité hiérarchique, l'inscription et le versement à son dossier administratif de l'enquête sur le harcèlement et de sa demande de protection fonctionnelle ; en ce qui concerne la réparation du préjudice, si le tribunal administratif a estimé que certains préjudices n'étaient pas suffisamment détaillés, pour ce qui est du préjudice moral, la situation de harcèlement moral a été initiée dès l'arrivée du directeur général adjoint des services et a gravement altéré sa santé physique et morale, le plaçant pendant plusieurs années, dans une situation d'isolement rendant impossible l'exercice de ses fonctions de directeur ; cette situation s'est aggravée lorsque sa femme a été recrutée par le département en janvier 2011, ce recrutement ayant été mal perçu par les agents ; cette situation a perduré pendant cinq ans, et a entrainé une dépression réactionnelle un stress professionnel, et des troubles anxieux réactionnels ; un rapport de cardiologie du 7 avril 2016 indique par ailleurs durant la période d'octobre 2015 à mars 2016, la présentation d'un infarctus, ce qui témoigne de l'état physique et mental dans lequel il se trouvait à cette période ; le lien entre l'état de santé et sa situation professionnelle n'est pas contestable ; il est en effet admis que le stress est l'un des facteurs principaux des accidents cardio-vasculaires ; ce fait est mis en évidence par un rapport d'expertise du 29 février 2016 ; il éprouve encore des troubles de santé ; le département du Tarn n'apporte aucun élément tangible de nature à remettre en cause l'existence de faits de harcèlement moral dont il a été victime ; le préjudice moral et son préjudice de santé doit être fixé à la somme de 40 000 euros ; en ce qui concerne le préjudice financier, il a droit au versement de la nouvelle bonification indiciaire, dès lors que le décret du 3 juillet 2006 prévoit que pour les postes impliquant l'encadrement d'un service administratif comportant au moins 20 agents, la bonification est de 25 points, et que les sommes afférentes à cette bonification ne lui ont jamais été versées alors qu'il en a réclamé le paiement par un courrier du 14 février 2016 ; il a donc demandé le paiement d'une somme de 9 260,60 euros, somme ramenée à 7 871, 51 euros, correspondant à la rémunération dont il a été privé entre le 1er mars 2009 et le 1er décembre 2015 ; contrairement à ce que lui oppose le département, il n'avait pas 18 personnes à encadrer, mais 20 personnes ; il a droit également pour la période du 1er mars 2010 au 1er décembre 2015 au régime indemnitaire afférent aux fonctions de directeur de l'e-administration, ce qui doit correspondre à la somme de 17 498,44 euros, égale à la différence entre la prime de poste de directeur et la prime de responsabilité niveau ; il a droit également à la réparation du préjudice lié à la perte de chances de pouvoir contracter des prêts dans des conditions avantageuses, dès lors que l'éviction dont il a fait l'objet a eu pour conséquence que le couple doit s'acquitter de deux loyers, l'un à Cergy et l'autre dans la région d'Albi ; par ailleurs les demandes d'assurance de prêts, sur un prêt de 296 400 euros sur 227 mois ont été refusées par la CNP et même sur un prêt de 62 600 euros, ces demandes étant refusées au motif de l'état médical de M. C...; or, cet état médical découle des pressions subies lorsqu'il était en fonctions dans le département du Tarn, l'infarctus qu'il a subi étant lié au stress au travail ; ces préjudices liés à l'éloignement doivent être évalués à la somme forfaitaire de 20 000 euros ; les faits de harcèlement ont eu un impact déterminant sur sa carrière ; il a subi un préjudice de carrière lié à la volonté de l'évincer ainsi que sa compagne des effectifs de la collectivité ; il a été contraint de candidater à une offre d'emploi pour un poste de chef de centre de services auprès de Toulouse Métropole ; ce préjudice de carrière a également été subi auprès de Toulouse Métropole dès lors que son affectation auprès de cette collectivité a été interrompue du fait de la mauvaise réputation que lui a faite le département du Tarn à la suite de son départ, et quant à son état de santé, ce qui l'a finalement contraint à accepter un poste à Cergy-Pontoise, ce qui induit un certain nombre de frais, et notamment le paiement d'un nouveau loyer, pour un montant annuel de 7 750,80 euros, des allers-retours fréquents pour retourner voir sa famille, qui réside toujours dans la région d'Albi ; il travaille donc désormais à 750 kms de son ancien domicile où se trouvent sa femme et ses enfants ; le préjudice qu'il subit s'élève donc à la somme de 22 941, 62 euros.

Un mémoire a été produit le 4 décembre 2018 pour le département du Tarn, mais n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pierre Bentolila,

- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant M.C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C...a été recruté le 17 novembre 2008 en qualité d'agent non titulaire pour occuper un poste de responsable " études et développement " de la direction informatique du conseil départemental du Tarn. Il a été titularisé dans le cadre d'emploi des ingénieurs territoriaux, le 1er mars 2010, et nommé directeur de la direction de l' " e-administration". M. C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner le département du Tarn à l'indemniser des préjudices résultant du harcèlement moral qu'il aurait subi. Par un jugement du 31 janvier 2017, le tribunal administratif de Toulouse a condamné le département du Tarn à verser à M. C...une somme de 6 000 euros au titre du préjudice moral et a rejeté le surplus de ses conclusions. Le département du Tarn relève appel du jugement du 31 janvier 2017 et M. C...par la voie de l'appel incident demande la condamnation du département du Tarn à lui verser la somme totale de 115 311,57 euros en réparation des différents préjudices qu'il estime avoir subis.

Sur l'appel principal du département du Tarn :

2. En vertu de l'article 6 quinquiès de cette loi, issu de la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / (...). ".

3. Il appartient à un agent public, qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement, la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se déterminant au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs du ou des agents auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral.

4. Le département du Tarn soutient en appel, que les différents éléments sur lesquels se sont fondés les premiers juges pour caractériser l'existence d'un harcèlement moral, ne pourraient être retenus.

5. Il résulte de l'instruction que la délégation de signature dont M. C... bénéficiait depuis le 27 février 2013, pour les actes administratifs de gestion, les actes relatifs aux marchés publics inférieurs à 10 000 euros, les " pièces comptables relatives à la liquidation des dépenses et des recettes " ainsi que pour la signature des correspondances administratives courantes, lui a été retirée dans son ensemble par un arrêté du 9 avril 2013. Les faits relatifs à la probité en matière de marchés publics et non contestés par M. C..., lui ont valu de faire l'objet d'un blâme, le 16 avril 2013, dont le tribunal administratif de Toulouse par une ordonnance du 3 août 2016 a seulement considéré que la demande d'annulation était devenue sans objet, compte tenu de ce que cette sanction avait été effacée du dossier administratif de M.C.... Les faits de manquement à la probité, qui sont reprochés à M.C..., et qui ne sont pas sérieusement contestés, pouvaient justifier le retrait de la délégation de signature en matière de marchés publics. Toutefois le retrait total de la délégation de signature à M.C..., y compris, en ce qui concerne les correspondances administratives courantes, ayant eu pour conséquences qu'il n'a plus disposé d'aucune délégation de signature, après l'arrêté du 9 avril 2013, présente un caractère excessif. Par ailleurs, le refus qui a été opposé à M. C...par mail du 10 juin 2013 adressé par M. B..., son supérieur hiérarchique, de se rendre à une période au cours de laquelle M. C... se plaignait de souffrance au travail, à une convocation au service de pathologie professionnelle de l'hôpital Purpan de Toulouse, le 12 juin 2013, au motif erroné que M. C... ne justifiait pas de la validité de cette convocation et que la demande d'absence avait été transmise très tardivement, constitue également une atteinte à ses droits et à ses prérogatives. Toutefois, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, un certain nombre de décisions prises à l'égard de M.C..., telles que la notation, le refus d'avancement d'échelon à l'ancienneté maximale, se justifient, ainsi qu'il est opposé en défense par le département, par les éléments notamment d'ordre disciplinaire, tenant à sa probité, reprochés à M.C.... Par ailleurs, contrairement à ce qu'ont également estimé les premiers juges, les demandes adressées à M. C...de justification des raisons de ses demandes de missions extérieures et de congés, d'explications sur les congés accordés à des agents de sa direction, et quant à sa gestion budgétaire, ne font que traduire l'exercice normal du pouvoir hiérarchique et ne sauraient constituer des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral.

6. Il résulte de ce qui précède que le département du Tarn est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a retenu l'existence d'un harcèlement moral à l'encontre de M.C..., et a condamné le département du Tarn à verser à M. C...une somme de 6 000 euros au titre de son préjudice moral.

Sur l'appel incident de M. C...:

7. En premier lieu, ainsi que le fait valoir le département du Tarn les conclusions de M. C... tendant à la condamnation du département à lui verser les sommes de 7 871,51 euros au titre de la nouvelle bonification indiciaire (NBI), 17 498,44 euros au titre du versement de la prime de directeur, 20 000 euros au titre du préjudice social constituent des conclusions nouvelles en appel et donc irrecevables alors que par ailleurs comme l'oppose également le département, le préjudice de carrière demandé par M. C...en appel s'élève à la somme de 22 941,62 euros alors que la somme demandée en première instance était de 2 500 euros.

8. En second lieu, compte tenu de ce que comme il est indiqué aux points 5 et 6 du présent arrêt, l'existence d'un harcèlement moral qui aurait été subi par M. C...n'est pas constituée et les conclusions indemnitaires présentées par M. C...au titre du préjudice moral et de santé et au titre du préjudice de carrière présentées par M. C...doivent être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1305719 du 31 janvier 2017 du tribunal administratif de Toulouse est annulé.

Article 2 : La demande de M. C...présentée devant le tribunal administratif de Toulouse ainsi que son appel incident sont rejetés.

Article 3 : Les conclusions des parties sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au département du Tarn et à M. D...C....

Délibéré après l'audience du 21 janvier 2019, à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

M. Pierre Bentolila, président assesseur,

Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 février 2019.

Le rapporteur,

Pierre Bentolila

Le président,

Pierre Larroumec

Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Cindy Virin

9

N° 17BX01053


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX01053
Date de la décision : 13/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-07-10-005 Fonctionnaires et agents publics. Statuts, droits, obligations et garanties. Garanties et avantages divers. Protection contre les attaques.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: M. Pierre BENTOLILA
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : CABINET CANTIER et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-02-13;17bx01053 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award