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17/04/2019 | FRANCE | N°18BX03175

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre bis - (formation à 3), 17 avril 2019, 18BX03175


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...B...a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 13 mars 2018 par lequel le préfet de la Charente-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n°1800793 du 13 juillet 2018, le tribunal administratif de Poitiers a annulé l'arrêté du préfet de la Charente-Maritime du 13 mars 2018 en tant qu'il a fixé le Nigéria comme

pays de renvoi et rejeté le surplus de la demande de MmeB....

Procédure devant la c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...B...a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 13 mars 2018 par lequel le préfet de la Charente-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n°1800793 du 13 juillet 2018, le tribunal administratif de Poitiers a annulé l'arrêté du préfet de la Charente-Maritime du 13 mars 2018 en tant qu'il a fixé le Nigéria comme pays de renvoi et rejeté le surplus de la demande de MmeB....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 août 2018, MmeB..., représentée par MeF..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers en date du 13 juillet 2018 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 mars 2018 en tant qu'il lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ;

2°) d'annuler l'arrêté du 13 mars 2018 du préfet de la Charente-Maritime en tant qu'il a refusé de lui délivrer un titre de séjour ;

3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de la Charente-Maritime de lui délivrer une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 800 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le préfet a estimé que la reconnaissance de paternité de son fils prénommé Confidence aurait été faite de manière frauduleuse afin de faciliter l'obtention d'un titre de séjour ; elle remplit les conditions pour bénéficier d'un titre de séjour en sa qualité de mère d'un enfant français sur le fondement des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant refus de titre de séjour porte atteinte à sa vie personnelle et familiale en méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle a eu un second enfant, Constance, avec un compatriote titulaire d'un titre de séjour avec lequel elle entretient des liens étroits ; le préfet a ainsi entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- ses enfants seront privés de leur père respectif en cas d'éloignement ; sa fille risque de subir une excision en cas de retour au Nigeria.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 janvier 2019, le préfet de la Charente-Maritime conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par Mme B...n'est fondé.

Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n°2018/016135 du 15 novembre 2018 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné M. Nicolas Normand pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme E...a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C...B..., ressortissante nigériane née le 10 octobre 1991, est entrée irrégulièrement en France le 1er juillet 2012. La demande d'asile qu'elle a déposée a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 26 août 2013 puis par la Cour nationale du droit d'asile le 7 avril 2015. En conséquence, le préfet de la Charente-Maritime a édicté à son encontre, le 4 mai 2015, un arrêté portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français. Le recours présenté par Mme B...contre cet arrêté a été rejeté par le tribunal administratif de Poitiers puis par la cour administrative d'appel de Bordeaux. Néanmoins, Mme B...s'est maintenue sur le territoire français. Puis, faisant valoir la naissance le 3 avril 2016 d'un enfant de père français, elle a sollicité la délivrance d'une carte de séjour temporaire en qualité de parent d'enfant français. Estimant que cette reconnaissance était frauduleuse, le préfet de la Charente-Maritime, a pris à son encontre, le 13 mars 2018, un arrêté portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination. Par jugement du 13 juillet 2018, le tribunal administratif de Poitiers a annulé la décision fixant le pays de renvoi et a rejeté le surplus de la demande de l'intéressée. Mme B...relève appel du jugement du 13 juillet 2018 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 mars 2018 en tant qu'il lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée (...) ".

3. Si un acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient cependant à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé. Ce principe peut conduire l'administration, qui doit exercer ses compétences sans pouvoir renvoyer une question préjudicielle à l'autorité judiciaire, à ne pas tenir compte, dans l'exercice de ces compétences, d'actes de droit privé opposables aux tiers. Tel est le cas pour la mise en oeuvre des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'ont pas entendu écarter l'application des principes ci-dessus rappelés. Par conséquent, si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français.

4. Comme indiqué au point 1, il ressort des pièces du dossier que le fils de MmeB..., prénommé Confidence, a été reconnu par M. A...D..., de nationalité française, par anticipation le 23 novembre 2015. Toutefois le préfet de la Charente-Maritime a considéré que cette reconnaissance de paternité était frauduleuse au motif que, dans le cadre de la demande de passeport formée par Mme B...pour l'enfant, M. A...D...avait dissimulé sa véritable adresse en fournissant, un justificatif de domicile falsifié et avait fait de fausses déclarations en indiquant que l'enfant, " une fille ", vivait en alternance chez lui et chez MmeB.... Il a également relevé que M. A...D...ne semblait pas connaître l'enfant puisque, sur le formulaire de demande de passeport, il avait indiqué qu'il s'agissait d'une " fille ". Les explications de Mme B...sur son incompréhension suffisante du français et sur l'absence momentanée du père lorsque la case correspondant au sexe de l'enfant a été cochée pour justifier cette erreur sur le sexe de l'enfant, sont peu convaincantes. En outre, le préfet a relevé, sans être contredit, que MmeB..., qui vit à La Rochelle, et M. A...D..., qui vit en région parisienne, n'ont jamais vécu ensemble et ont eu des propos contradictoires quant aux circonstances dans lesquelles ils ont pu se rencontrer et concevoir l'enfant. En outre, Mme B...n'établit pas, en se bornant à produire cinq virements de 100 euros de M. A...D...effectués en 2016, quatre virements en 2017 et un virement en 2018 que ce dernier contribuerait effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant. Enfin, M. A...D...a également fait l'objet d'un signalement du préfet du Val-d'Oise au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Pontoise pour une autre suspicion de reconnaissance frauduleuse de paternité à visée migratoire. Ainsi, en l'absence de toute pièce corroborant le récit de Mme B...quant à la conception de l'enfant, la conjonction des éléments tirés du lieu de résidence du père, des incohérences dans les déclarations faites à la préfecture, de la reconnaissance de paternité d'un autre enfant d'une mère différente, est de nature à établir que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention d'un titre de séjour. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

5. En deuxième lieu, selon l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".

6. Si Mme B...fait valoir qu'elle a une fille prénommée Constance, née d'un père de nationalité nigériane qui vit en situation régulière en France, elle ne produit aucune pièce de nature à établir que ce dernier, qui vit à Niort alors qu'elle réside à La Rochelle, entretiendrait des liens avec sa fille et contribuerait à son entretien et son éducation. Par ailleurs, Mme B...ne justifie pas d'une particulière intégration dans la société française et ne conteste pas avoir conservé des attaches au Nigéria ni ne pouvoir y élever ses enfants. Par suite, le préfet de la Charente-Maritime n'a pas porté une atteinte manifestement disproportionnée au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la violation des dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut être accueilli. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision attaquée sur la situation personnelle de Mme B...ne peut qu'être écarté.

7. A le supposer soulevé, M. B...ne peut utilement invoquer le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant à l'encontre de la décision portant refus de séjour qui ne prévoit pas par elle-même son éloignement.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Charente-Maritime du 13 mars 2018 en tant qu'il lui refuse la délivrance d'un titre de séjour. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...B...et au ministre de l'Intérieur. Une copie en sera adressée au préfet de la Charente-Maritime.

Délibéré après l'audience du 22 mars 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Pouget, président,

M. Paul-André Braud, premier conseiller,

Mme Caroline Gaillard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 avril 2019.

Le rapporteur,

Caroline E...Le président,

Marianne POUGET Le greffier,

Florence FAURE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

No 18BX03175


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre bis - (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 18BX03175
Date de la décision : 17/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme POUGET M.
Rapporteur ?: Mme Caroline GAILLARD
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : CIANCIARULLO

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-04-17;18bx03175 ?
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