La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/04/2019 | FRANCE | N°18BX03761

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre bis - (formation à 3), 17 avril 2019, 18BX03761


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 28 mai 2018 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1802477 du 1er juin 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 30 octobre 2018, M.A..., représenté par MeE..., d

emande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 1er juin 2018 du magistrat désigné par le présid...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 28 mai 2018 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1802477 du 1er juin 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 30 octobre 2018, M.A..., représenté par MeE..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 1er juin 2018 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse et l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 28 mai 2018 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son avocat en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

M. A...soutient que :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle a été prise en méconnaissance du principe du contradictoire prévu par l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration et du droit d'être entendu au sens du droit communautaire ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation ;

- le préfet ne pouvait l'éloigner sans examiner sa demande d'admission exceptionnelle au séjour déposée en janvier 2018 ;

- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation : il a vécu régulièrement en France de 2005 à 2012 sous couvert d'un titre de séjour " étudiant " et obtenu un diplôme de Master 2; il a ensuite dès 2013 demandé sa régularisation ; il a l'ensemble de ses attaches personnelles et familiales en France où il travaille et est bien intégré ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne le refus de délai de départ volontaire :

- le refus de lui accorder un délai de départ volontaire n'est pas motivé et n'a pas été pris à l'issue d'un examen approfondi de sa situation ;

- cette décision a été prise en méconnaissance de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 et de son droit d'être entendu au sens du droit communautaire ;

- elle est entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation ;

- le préfet s'est cru à tort en situation de compétence liée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 janvier 2019, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens invoqués par M. A...n'est fondé.

M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n° 2018/012137 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux en date du 27 septembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- la loi du 12 avril 2000 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné M. C...pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme D...a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B...A..., ressortissant mauritanien né en 1987, est entré en France en 2005 et a bénéficié d'un titre de séjour en qualité d'étudiant renouvelé jusqu'en 2012. Il a ensuite sollicité un titre de séjour en 2013 en qualité de salarié. Par un arrêté du 11 août 2014, le préfet a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Après avoir été convoqué à la gendarmerie le 18 mai 2018 pour des faits de vol et d'escroquerie, il a fait l'objet le 28 mai 2018, d'un arrêté du préfet de la Haute-Garonne lui faisant obligation de quitter sans délai le territoire et fixant le pays de destination. M. A...relève appel du jugement du 1er juin 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, M. A...reprend en appel sans invoquer d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer utilement la réponse qui lui a été apportée par le premier juge, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de la décision l'obligeant à quitter le territoire français, de la méconnaissance de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration et du défaut d'examen de sa situation. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

3. En deuxième lieu, le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Toutefois, selon le droit de l'Union européenne, dont l'un des objectifs est l'éloignement de tout ressortissant d'un pays tiers en séjour irrégulier, lorsqu'une mesure d'éloignement a été décidée dans le cadre d'une procédure administrative en méconnaissance du droit d'être entendu, le juge chargé de l'appréciation de la légalité de cette décision ne saurait annuler cette mesure que s'il considère, eu égard à l'ensemble des circonstances de fait et de droit de chaque espèce, que cette violation a effectivement privé celui qui l'invoque de la possibilité de mieux faire valoir sa défense dans une mesure telle que cette procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent.

4. A cet égard il ressort des termes du procès-verbal d'audition de M. A...en date du 28 mai 2018 que ce dernier n'a pas souhaité présenter d'observations après qu'il a été informé de ce qu'il était susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée méconnaîtrait le principe général du droit d'être entendu, qui est au nombre des principes fondamentaux du droit de l'Union européenne ne peut qu'être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui (...) ".

6. Il ressort des pièces du dossier que M. A...a vécu régulièrement en France de 2005 à 2012 sous couvert d'un titre de séjour étudiant, qui ne lui donnait pas vocation à l'issue de ses études à se maintenir sur le territoire et que sa demande de titre de séjour en qualité de salarié a été rejetée par le préfet par un arrêté du 11 août 2014. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que le requérant est célibataire et sans enfant, qu'il n'établit pas la réalité et l'ancienneté de la relation dont il se prévaut avec une personne de nationalité française et qu'il ne démontre pas avoir des liens personnels et familiaux intenses en France hormis la présence de son frère. Ainsi, et alors que le requérant n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, la décision attaquée n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, dans des conditions contraires aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs et quand bien même l'intéressé travaille, la décision attaquée n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M.A....

7. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, eu égard à la situation personnelle de M. A...telle qu'elle a été rappelée au point 6, qui ne permet pas de caractériser des circonstances humanitaires ou des motifs exceptionnels, alors au demeurant que le requérant ne démontre pas avoir présenté de demande de titre de séjour sur ce fondement, que le préfet de la Haute-Garonne aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en refusant de l'admettre à titre exceptionnel au séjour et en ne prenant pas de mesure de régularisation au titre du pouvoir discrétionnaire dont il dispose en la matière.

Sur le refus de délai de départ volontaire :

8. En premier lieu, aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification pour rejoindre le pays dont il possède la nationalité ou tout autre pays non membre de l'Union européenne ou avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen où il est légalement admissible (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : /(...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement. ". En l'espèce, l'arrêté contesté vise les dispositions précitées du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et indique notamment que l'intéressé s'est soustrait à l'exécution du précédente mesure d'éloignement. L'arrêté énonce ainsi les considérations de droit et de fait fondant le refus d'octroi d'un délai de départ volontaire et notamment, le motif pour lequel le préfet a estimé qu'il existait un risque qu'il se soustraie à l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. Un tel motif dès lors qu'il est constant que l'intéressé a fait l'objet d'un premier arrêté d'éloignement le 11 août 2014 qu'il n'a pas exécuté n'est entaché ni d'erreur de droit ni d'erreur manifeste d'appréciation et démontre que le préfet a examiné sérieusement sa situation.

9. En deuxième lieu, M. A...ne peut utilement se prévaloir de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 qui a été abrogé par l'article 6 de l'ordonnance n° 2015-1341 du 23 octobre 2015 relative aux dispositions législatives du code des relations entre le public et l'administration.

10. En troisième lieu, il ne ressort ni de la motivation de l'arrêté attaqué ni des autres pièces du dossier que le préfet de la Haute-Garonne se serait cru en situation de compétence liée.

11. Enfin, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 4 du présent arrêt.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 1er juin 2018. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 22 mars 2019 à laquelle siégeaient :

- Mme Marianne Pouget, président,

- M. Paul-André Braud, premier conseiller.

- Mme Caroline Gaillard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 avril 2019.

Le rapporteur,

Caroline D...Le président,

Marianne POUGET

Le greffier,

Florence FAURE

La République mande et ordonne au ministre de l'Intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

18BX03761 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre bis - (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 18BX03761
Date de la décision : 17/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : Mme POUGET M.
Rapporteur ?: Mme Caroline GAILLARD
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : SELARL SYLVAIN LASPALLES

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-04-17;18bx03761 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award