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27/05/2019 | FRANCE | N°17BX01558

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre - formation à 3, 27 mai 2019, 17BX01558


Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

I. Sous le n° 1501594, M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Pau, d'une part, d'annuler la note du 3 avril 2015 par laquelle la directrice interrégionale des services pénitentiaires (DIRSP) de Bordeaux a demandé au chef d'établissement de la maison d'arrêt de Bayonne de maintenir la décision de refus d'imputabilité au service du congé de longue durée couvrant la période du 28 octobre 2011 au 27 juillet 2012, et, d'autre part, d'ordonner, en cas de besoin, une expertise psychiatrique afin

de déterminer l'imputabilité au service de l'affection dont il souffre.

I...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

I. Sous le n° 1501594, M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Pau, d'une part, d'annuler la note du 3 avril 2015 par laquelle la directrice interrégionale des services pénitentiaires (DIRSP) de Bordeaux a demandé au chef d'établissement de la maison d'arrêt de Bayonne de maintenir la décision de refus d'imputabilité au service du congé de longue durée couvrant la période du 28 octobre 2011 au 27 juillet 2012, et, d'autre part, d'ordonner, en cas de besoin, une expertise psychiatrique afin de déterminer l'imputabilité au service de l'affection dont il souffre.

II. Sous le n° 1501520, M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la décision du 29 juin 2015 par laquelle la sous-directrice des ressources humaines de la direction de l'administration pénitentiaire du ministère de la justice, saisie d'un recours gracieux de M. A...du 4 mai 2015, a confirmé ce refus.

Par un jugement n°s 1501520 - 1501594 du 22 mars 2017, le tribunal administratif de Pau a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 mai 2017, M. B...A..., représenté par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 22 mars 2017 du tribunal administratif de Pau ;

2°) d'annuler la décision du 3 avril 2015 de la directrice interrégionale de l'administration pénitentiaire de Bordeaux susmentionnée ;

3°) en tout état de cause, d'ordonner une expertise médicale confiée à un médecin psychiatre à l'effet de déterminer l'imputabilité au service de sa pathologie ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision du 3 avril 2015 est insuffisamment motivée au regard de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, dès lors qu'elle ne précise pas les dispositions applicables à sa situation particulière ni, davantage, les motifs exacts pour lesquels l'administration a rejeté l'imputabilité au service de sa pathologie, l'administration s'étant bornée à viser le précédent jugement du 29 décembre 2014 du tribunal administratif de Pau, le rapport du chef d'établissement et le procès-verbal de la commission de réforme des Pyrénées-Atlantiques réunie le 16 janvier 2013 sans aucunement les identifier ni les expliciter ;

- sur le fond, son congé longue durée pris du 28 octobre 2011 au 27 juillet 2012 doit être reconnu imputable au service, dès lors que, d'une part, les pièces du dossier, notamment médicales, attestent une continuité de soins manifeste de sa pathologie depuis l'accident de service du 28 mai 2001 et que, d'autre part, l'administration n'apporte pas la preuve de ce que son congé de longue durée pris à compter du 28 octobre 2011 serait dû à un état psychologique préexistant sans lien direct avec son activité professionnelle ;

- à cet égard, aucun médecin n'a eu à se prononcer sur la question de l'imputabilité au service de ses arrêts maladie depuis le rapport d'expertise du 6 juillet 2007 du docteur C...ayant considéré que l'ensemble des périodes d'arrêt de maladie du 4 au 31 décembre 2006, et du 5 au 31 janvier 2007 étaient imputables au service ;

- dès lors, et en tout état de cause, une expertise médicale confiée à un médecin psychiatre s'impose à l'effet de déterminer l'imputabilité au service du congé de longue durée du 28 octobre 2011 au 27 juillet 2012.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 septembre 2018, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- la requête est irrecevable dès lors qu'en méconnaissance de l'obligation de motivation des requêtes prévue par l'article R. 411-1 du code de justice administrative, M. A...se borne à opérer une critique de la décision prononçant son maintien en congé longue durée non imputable au service, sans relever une quelconque erreur sur la régularité ou le bien-fondé du jugement attaqué ;

- la décision litigieuse est suffisamment motivée dès lors que la directrice interrégionale des services pénitentiaires de Bordeaux a fait référence au jugement du tribunal administratif de Pau du 29 décembre 2014, dont elle s'est approprié le considérant selon lequel : " M. A...n'est pas fondé à soutenir que l'administration aurait commis une erreur de droit ou une erreur d'appréciation en ne retenant pas le lien avec le service du congé longue durée dont il a bénéficié du 28 octobre 2011 au 27 juillet 2012 ", tout en précisant également qu' " Aucun des trois certificats médicaux versés au dossier par le requérant, dont notamment le rapport du médecin expert, ne remettait en cause la date de consolidation, acquise en 2007, des réactions traumatiques résultant de type paranoïaque, qui est la cause du congé de longue durée, et l'accident de service de 2001 n'est pas établi " ;

- sur le fond, M. A...n'établit pas plus en appel qu'en première instance l'existence d'un lien direct et certain de causalité entre son congé de longue durée pris sur la période du 28 octobre 2011 au 27 juillet 2012 et son accident de service initial.

Par ordonnance du 4 septembre 2018, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 5 octobre 2018.

Un mémoire présenté pour M. A...a été enregistré le 25 avril 2019, postérieurement à la clôture d'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 modifié ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Axel Basset,

- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public ;

- et les observations de M.A....

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'un accident survenu le 28 mai 2001 lors d'une tentative d'évasion d'un détenu, dans le cadre de son affectation à la maison d'arrêt de Pau, reconnu comme imputable au service, M.A..., fonctionnaire titulaire du grade de surveillant des services pénitentiaires, a bénéficié, à sa demande, d'un congé de longue durée, à compter du 6 novembre 2003, qui a été prolongé les 6 mai et 6 novembre 2004. Ayant été muté à la maison d'arrêt de Bayonne pour convenances personnelles par un arrêté du 6 juillet 2011, M. A...a été de nouveau placé en congé de longue durée, à sa demande, à compter du 28 octobre 2011, position statutaire dont il a obtenu le renouvellement à deux reprises jusqu'au 27 juillet 2012. Saisie d'une demande de reconnaissance d'imputabilité au service de cette nouvelle période d'arrêt de travail, formulée par courrier du 13 août 2012, l'administration des services pénitentiaires a, par une décision du 18 janvier 2013, refusé d'y faire droit, suivant l'avis défavorable rendu par la commission de réforme le 16 janvier précédent. Par un jugement n° 1401432 du 29 décembre 2014 devenu définitif à défaut d'avoir été frappé d'appel, le tribunal administratif de Pau a annulé cette décision du 18 janvier 2013 pour incompétence de son auteur. M. A...a de nouveau saisi cette juridiction de première instance aux fins d'obtenir l'annulation, d'une part, d'une note du 3 avril 2015 par laquelle la directrice interrégionale des services pénitentiaires (DIRSP) de Bordeaux a demandé au chef d'établissement de la maison d'arrêt de Bayonne de maintenir la décision de refus d'imputabilité au service du congé de longue durée couvrant la période du 28 octobre 2011 au 27 juillet 2012 ainsi que, d'autre part, de la décision du 29 juin 2015 par laquelle la sous-directrice des ressources humaines de la direction de l'administration pénitentiaire du ministère de la justice, saisie d'un recours gracieux de M. A...du 4 mai 2015, a confirmé ce refus. M.A..., qui n'a pas entendu reprendre ses conclusions aux fins d'annulation de cette dernière décision du 29 juin 2015 expressément rejetées par les premiers juges, doit être regardé comme demandant la réformation du jugement du 22 mars 2017 du tribunal administratif de Pau en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision du 3 avril 2015.

Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de la justice à la requête d'appel :

2. Aux termes de l'article R. 811-13 du code de justice administrative : " Sauf dispositions contraires prévues par le présent titre, l'introduction de l'instance devant le juge d'appel suit les règles relatives à l'introduction de l'instance de premier ressort définies au livre IV. (...) ". Aux termes de l'article R. 411-1 du même code : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les noms et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours. ".

3. Il ressort de l'examen de la requête d'appel de M.A..., qui tend expressément à l'annulation du jugement du 22 mars 2017 du tribunal administratif de Pau et ne constitue pas la seule reproduction littérale du mémoire de première instance, qu'elle contient des moyens et des conclusions soumises au juge ainsi qu'une critique du jugement attaqué. Par suite, et contrairement à ce que fait valoir le garde des sceaux, ministre de la justice, ladite requête est suffisamment motivée.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

4. D'une part, aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 susvisée, alors en vigueur : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / À cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) - refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir (...) ". Aux termes de l'article 3 de cette même loi, alors en vigueur : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".

5. D'autre part, aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée, dans sa rédaction applicable à la date de la décision contestée : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 4° A un congé de longue durée, en cas de tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis, de trois ans à plein traitement et de deux ans à demi-traitement. Le fonctionnaire conserve ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. / Si la maladie ouvrant droit à congé de longue durée a été contractée dans l'exercice des fonctions, les périodes fixées ci-dessus sont respectivement portées à cinq ans et trois ans. / Sauf dans le cas où le fonctionnaire ne peut être placé en congé de longue maladie à plein traitement, le congé de longue durée n'est attribué qu'à l'issue de la période rémunérée à plein traitement d'un congé de longue maladie. Cette période est réputée être une période du congé de longue durée accordé pour la même affection. Tout congé attribué par la suite pour cette affection est un congé de longue durée. (...) ".

6. Les décisions par lesquelles l'administration refuse à un fonctionnaire la reconnaissance de l'imputabilité au service d'un congé de longue durée et, partant, la possibilité d'obtenir un plein traitement sur une période pouvant aller jusqu'à cinq ans, s'analysent comme des décisions refusant un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir au sens des dispositions précitées de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 et doivent, dès lors, être motivées.

7. La note du 3 avril 2015 par laquelle la directrice interrégionale des services pénitentiaires (DIRSP) de Bordeaux a demandé au chef d'établissement de la maison d'arrêt de Bayonne de maintenir la décision de refus d'imputabilité au service du congé de longue durée pris par M. A...au cours de la période du 28 octobre 2011 au 27 juillet 2012, qui indiquait expressément qu'elle devrait être portée à la connaissance de l'agent et comportait la mention des voies et délais de recours, a pour objet de rejeter sa demande de reconnaissance d'imputabilité au service dudit congé et, partant, doit être regardée comme constituant une décision administrative individuelle défavorable à M. A...soumise, en tant que telle, à une obligation formelle de motivation. Or cette décision se borne, rappel fait de ce que, dans le jugement n° 1401432 du 29 décembre 2014 susmentionné, le tribunal administratif de Pau a annulé, pour incompétence de son auteur, la précédente décision du 18 janvier 2013 portant rejet de la demande de reconnaissance d'imputabilité au service du congé longue durée (CLD) pris au cours de la période litigieuse, à indiquer que " au vu du rapport du chef d'établissement, du procès-verbal de la commission de réforme des Pyrénées-Atlantiques en sa séance du 16 janvier 2013 et du jugement du tribunal administratif qui en ses articles 3, 4 et 5 considère que l'agent n'est pas fondé à soutenir que l'administration aurait commis une erreur de droit ou une erreur d'appréciation en ne retenant pas le lien avec le service de son CLD ", M. A...est maintenu en congé de longue durée non imputable au service du 28 octobre 2011 au 27 juillet 2012 inclus. Ce faisant, et ainsi que le soutient à juste titre M. A...pour la première fois en appel, cette décision, qui ne vise aucune disposition légale et réglementaire applicable, est insuffisamment motivée faute d'énoncer les considérations de droit sur lesquelles elle se fonde. Dès lors, elle est entachée d'un vice de forme au regard des dispositions précitées de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979, alors en vigueur, et encourt l'annulation pour ce motif.

8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête ni d'ordonner l'expertise sollicité par M.A..., dont l'utilité ne résulte pas de l'instruction, que l'appelant est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 3 avril 2015.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que M. A...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La décision du 3 avril 2015 de la directrice interrégionale des services pénitentiaires de Bordeaux est annulée.

Article 2 : Le jugement n°s 1501520, 1501594 du 22 mars 2017 du tribunal administratif de Pau est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Les conclusions de M. A...tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 29 avril 2019, à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

M. Pierre Bentolila, président assesseur,

M. Axel Basset, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 mai 2019.

Le rapporteur,

Axel Basset

Le président,

Pierre Larroumec

Le greffier,

Cindy Virin La République mande et ordonne au ministre de la justice, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Cindy Virin

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N° 17BX01558


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX01558
Date de la décision : 27/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Validité des actes administratifs - Forme et procédure - Questions générales - Motivation - Motivation obligatoire - Motivation obligatoire en vertu des articles 1 et 2 de la loi du 11 juillet 1979.

Fonctionnaires et agents publics - Positions - Congés - Congés de maladie - Accidents de service.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: M. Axel BASSET
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : SCP TUCOO - CHALA

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-05-27;17bx01558 ?
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