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25/07/2019 | FRANCE | N°18BX02031,19BX02136

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 25 juillet 2019, 18BX02031,19BX02136


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision du 9 novembre 2016 par laquelle le président du syndicat mixte de l'Ecole supérieure de commerce et de management (ESCEM) l'a licencié, et de mettre à la charge de ce syndicat mixte la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1700694 du 28 mars 2018, le tribunal administratif a annulé cette décision de licenciement et mis à la charge du syndicat mi

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision du 9 novembre 2016 par laquelle le président du syndicat mixte de l'Ecole supérieure de commerce et de management (ESCEM) l'a licencié, et de mettre à la charge de ce syndicat mixte la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1700694 du 28 mars 2018, le tribunal administratif a annulé cette décision de licenciement et mis à la charge du syndicat mixte de l'Ecole supérieure de commerce et de management la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Procédure devant la cour :

I°/ Par une requête enregistrée le 18 mai 2018 sous le n° 18BX02031 et des mémoires enregistrés le 26 décembre 2018 et le 21 juin 2019, le syndicat mixte de l'ESCEM, représenté par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 28 mars 2018, y compris en ce qu'il accorde des frais irrépétibles à M. C...;

2°) de rejeter la demande présentée par M. C...devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de M.C..., sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés en première instance et la somme de 6 000 euros au titre des frais exposés en appel.

Il soutient que :

- la demande de première instance est irrecevable en raison de sa tardiveté : elle a été enregistrée plus de deux mois après la notification de la décision contestée à M. C...et la demande d'aide juridictionnelle présentée par ce dernier, qui présentait un caractère abusif compte tenu de ses revenus, n'a pu interrompre ce délai ;

- M. C...n'ayant jamais été titularisé dans un grade de la hiérarchie administrative des communes, des départements, des régions ou des établissements publics en relevant, c'est à tort que le tribunal a estimé que sa situation était régie par la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- en revanche, l'ESCEM étant un établissement public relevant de ladite loi, les agents nommés, comme M.C..., sur un emploi permanent mais non titularisés, doivent être regardés comme des agents contractuels relevant du décret n° 88-145 du 15 février 1988 ; or, de tels agents peuvent être licenciés lorsque leur poste est supprimé et qu'il n'existe pas, comme en l'espèce, de possibilités de reclassement ;

- dès lors que l'ESCEM n'avait plus la possibilité d'exercer son objet social, elle ne pouvait que constater la cessation de son activité d'enseignement et licencier les professeurs ; cette situation de compétence liée rend inopérant le moyen tiré de l'irrégularité de la régularité de l'avis de la commission paritaire locale du 24 octobre 2016.

Par des mémoires enregistrés le 12 décembre 2018 et le 20 juin 2019, M. C...demande à la cour de rejeter l'appel du syndicat mixte de l'ESCEM et de mettre à sa charge la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la demande de première instance n'était pas tardive, compte tenu de la demande d'aide juridictionnelle présentée dans le délai de recours et n'ayant, contrairement à ce que soutient le syndicat mixte, aucun caractère frauduleux ;

- ayant été nommé dans un emploi permanent et titularisé dans le grade de professeur du 2ème degré par le syndicat mixte de l'ESCEM, établissement administratif local qui est un employeur local au sens de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, il est bien agent titulaire et non contractuel ; il ne pouvait donc être licencié et devait être, soit reclassé, soit mis à la disposition du centre de gestion compétent ou du CNFPT ;

- la délibération de la commission paritaire locale du 24 octobre 2016 a été adoptée dans des conditions irrégulières, les représentants du personnel ayant relevé qu'ils n'avaient pas reçu avant la réunion les documents leur permettant de se prononcer en toute connaissance de cause.

II°/ Par une ordonnance n° 19BX02136 du 3 juin 2019, la présidente de la cour a ouvert une procédure juridictionnelle à l'effet d'assurer, à la demande de M.C..., l'exécution du jugement susvisé du tribunal administratif de Poitiers.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Aymard de Malafosse,

- les conclusions de Mme Déborah de Paz, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., représentant l'Ecole supérieure de commerce et de management (ESCEM) et de MeE..., représentant M.C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C...a été recruté le 27 octobre 2007 par le syndicat mixte de l'ESCEM de Poitiers-Tours en tant que " professeur 2ème degré au département " management système stratégie ". Il a été licencié pour suppression de poste par une décision du 9 novembre 2016. A sa demande, le tribunal administratif de Poitiers a annulé cette décision par un jugement du 28 mars 2018. Le syndicat mixte de l'ESCEM a fait appel de ce jugement par une requête enregistrée sous le n° 18BX02031. M. C...ayant demandé sans succès l'exécution dudit jugement, une ordonnance enregistrée sous le n° 19BX02136 a été prise par la présidente de la cour en vue d'assurer, le cas échéant, cette exécution.

Sur la requête n° 18BX02031 :

2. Le syndicat mixte de l'ESCEM a été créé par arrêté préfectoral du 3 août 1998. Il était constitué, en dernier lieu, de la chambre de commerce et d'industrie territoriale de Touraine, de la chambre de commerce et d'industrie du Loiret, de la chambre de commerce et d'industrie régionale du Centre, et du syndicat mixte de l'école supérieure de commerce de la Vienne, lui-même constitué de la chambre de commerce et d'industrie de la Vienne, de la chambre de commerce et d'industrie régionale du Poitou-Charentes, du département de la Vienne et de la ville de Poitiers.

3. Par une délibération du 30 septembre 2015, l'assemblée générale de ce syndicat mixte, lequel assurait une mission de service public d'enseignement supérieur, a constaté que ni les membres de ce syndicat ni lui-même n'avaient la capacité financière leur permettant de continuer à assurer cette mission et a décidé en conséquence d'y renoncer sous réserve qu'une cession des actifs afférents à l'activité d'enseignement soit réalisée avant le 30 juin 2016. A la suite de la cession de ces actifs à la structure " Top Education " qui a repris certains agents, l'assemblée générale a constaté par délibération du 27 juillet 2016 la nécessité de supprimer, notamment, dix postes de professeurs parmi lesquels figurait celui occupé par M.C.... Ce dernier a été en conséquence licencié par la décision litigieuse du 9 novembre 2016.

4. Pour annuler cette décision, le tribunal administratif de Poitiers s'est fondé sur le motif tiré de ce que, dès lors, d'une part, que le syndicat mixte était un établissement public relevant de l'article 2 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, d'autre part, que M. C...avait été nommé dans un emploi permanent et avait été titularisé, ce dernier devait bénéficier de l'application du statut de la fonction publique territoriale, et notamment des dispositions de l'article 97 de ladite loi.

5. Aux termes de l'article 2 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 : " Les dispositions de la présente loi s'appliquent aux personnes qui, régies par le titre Ier du statut général des fonctionnaires de l'Etat et des collectivités territoriales, ont été nommées dans un emploi permanent et titularisées dans un grade de la hiérarchie administrative des communes, des départements, des régions ou des établissements publics en relevant (...) ". L'article 97 de la même loi dispose : " Dès lors qu'un emploi est susceptible d'être supprimé, l'autorité territoriale recherche les possibilités de reclassement du fonctionnaire concerné. (...) I.- (...) Si la collectivité ou l'établissement ne peut lui offrir un emploi correspondant à son grade dans son cadre d'emplois ou, avec son accord, dans un autre cadre d'emplois, le fonctionnaire est maintenu en surnombre pendant un an. (...) Au terme de ce délai, le fonctionnaire est pris en charge par le centre de gestion dans le ressort duquel se trouve la collectivité ou l'établissement, ou par le Centre national de la fonction publique territoriale s'il relève de l'un des cadres d'emplois de catégorie A auxquels renvoie l'article 45. (...) II.-La prise en charge cesse après trois refus d'offre d'emploi. (...) III.-Après trois refus d'offre d'emploi correspondant à son grade, à temps complet ou à temps non complet selon la nature de l'emploi d'origine, transmise par une collectivité ou un établissement au Centre national de la fonction publique territoriale ou au centre de gestion, le fonctionnaire est licencié (...) ".

6. Ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, et ainsi que le reconnaît désormais le syndicat mixte de l'ESCEM, ce syndicat mixte, qui avait notamment pour membres deux collectivités territoriales, constituait un établissement public relevant de collectivités territoriales. Si c'est également à juste titre que le tribunal administratif a relevé que M. C...avait été nommé sur un emploi permanent, en revanche, la décision du 5 mars 2008 de le " titulariser " " dans le poste de professeur 2ème degré sur l'ensemble des programmes du groupe ", qui a été prise sur le seul fondement des " statuts du personnel de l'ESCEM " et des " protocoles d'accord approuvés par délibération du 19 février 1999 ", et alors qu'il n'existe aucun cadre d'emplois de la fonction publique territoriale correspondant à l'emploi occupé par l'intéressé, ne peut être regardée comme une titularisation dans un grade de la hiérarchie administrative des communes, des départements, des régions ou des établissements publics en relevant au sens de l'article 2 précité de la loi du 26 janvier 1984. Dès lors, M. C...ne peut être regardé comme ayant eu, à la date de son licenciement, la qualité de fonctionnaire relevant du statut défini par cette loi.

7. Il résulte de ce qui vient d'être dit que c'est à tort que, pour annuler la décision de licenciement en litige, le tribunal administratif s'est fondé sur l'erreur de droit consistant à ne pas avoir fait bénéficier M. C...des dispositions de l'article 97 de la loi du 26 janvier 1984.

8. Il appartient toutefois à la cour, en vertu de l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen invoqué par M.C....

9. M. C...fait valoir que, lors de la réunion, le 24 octobre 2016, de la commission paritaire locale, les représentants du personnel n'ont pas disposé des documents leur permettant d'émettre un avis en toute connaissance de cause.

10. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.

11. Il ressort des pièces du dossier que la décision de supprimer dix postes de professeurs, conséquence inéluctable de la décision du syndicat mixte d'arrêter l'activité d'enseignement, a été prise par une délibération de l'assemblée générale du 27 juillet 2016. Il résulte également de l'examen du " relevé de décision " de la réunion de la commission paritaire locale du 24 octobre 2016 que, compte tenu de la suppression de ces postes et de l'impossibilité de reclassement interne eu égard à l'arrêt de l'activité d'enseignement, il n'y avait pas d'autre solution que de procéder au licenciement des professeurs concernés. Il ressort enfin des termes mêmes de ce relevé de décision que les représentants du personnel auraient voulu avoir les documents leur permettant de " clarifier les éléments d'application de la transaction ", et que l'insuffisance d'information relevée par ces représentants et qu'invoque le requérant ne portait donc pas sur le principe même des licenciements. Dans ces conditions, cette insuffisance d'information ne constitue pas un vice ayant été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision de licenciement concernant M. C... et ne l'a pas privé effectivement d'une garantie.

12. Il résulte de tout ce qui précède que le syndicat mixte de l'ESCEM est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé la décision en litige du 9 novembre 2016.

13. Le syndicat mixte de l'ESCEM n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions de M. C...tendant à sa condamnation au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

14. Compte tenu de ce qui a été dit au point 12, l'annulation du jugement attaqué doit porter aussi sur son article 2 qui met à la charge du syndicat mixte de l'ESCEM le versement à M. C...de la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

15. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. C... le versement des sommes demandées par le syndicat mixte de l'ESCEM au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur la requête n° 19BX02136 :

16. Dès lors que le présent arrêt annule le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 28 mars 2018 annulant la décision de licenciement litigieuse et rejette les conclusions de M. C...à fin d'annulation de celle-ci, les conclusions de M. C...tendant à l'exécution de ce jugement sont devenues sans objet.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin d'exécution enregistrées sous le n° 19BX02136.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 28 mars 2018 est annulé.

Article 3 : La demande présentée par M. C...devant le tribunal administratif de Poitiers est rejetée.

Article 4 : Les conclusions présentées par le syndicat mixte de l'ESCEM au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat mixte de l'ESCEM et à M. A...C....

Délibéré après l'audience du 4 juillet 2019 à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. Laurent Pouget, président-assesseur,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 25 juillet 2019.

Le président-assesseur,

Laurent POUGETLe président-rapporteur,

Aymard de MALAFOSSELe greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

3

N°s 18BX02031, 19BX02136


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX02031,19BX02136
Date de la décision : 25/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-10-06 Fonctionnaires et agents publics. Cessation de fonctions. Licenciement.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: M. Aymard DE MALAFOSSE
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : CABINET MPC AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/08/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-07-25;18bx02031.19bx02136 ?
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