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29/07/2019 | FRANCE | N°18BX03556

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 29 juillet 2019, 18BX03556


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 27 septembre 2017 par lequel le préfet de la Gironde lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n°1801584 du 18 septembre 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cet arrêté du 27 septembre 2017 et a enjoint au préfet de la Gironde de délivrer à Mme B...un titre de s

jour sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 27 septembre 2017 par lequel le préfet de la Gironde lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n°1801584 du 18 septembre 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cet arrêté du 27 septembre 2017 et a enjoint au préfet de la Gironde de délivrer à Mme B...un titre de séjour sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en production de pièces, enregistrés respectivement le 1er octobre 2018 et le 5 octobre 2018, le préfet de la Gironde demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 18 septembre 2018 ;

2°) de mettre à la charge de Mme B...la somme de 1 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la preuve des violences conjugales n'est pas établie : le seul certificat médical produit par Mme B...comporte 3 dates différentes et ne peut ainsi être considéré comme probant ;

- c'est à tort que le tribunal administratif lui a enjoint de délivrer à l'intéressée un titre de séjour sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle revendique l'absence de communauté de vie entre elle et son conjoint et déclare être actuellement en cours de divorce ;

- à supposer que les violences conjugales soient avérées, Mme B...aurait dû fonder sa demande sur le fondement de l'article L. 316-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à condition qu'elle soit bénéficiaire d'une ordonnance de protection.

Par un mémoire en défense enregistré le 29 mars 2019, Mme A...B..., représentée par Me Missiaen, conclut au rejet de la requête et demande à la cour :

1°) de prononcer son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle fait valoir que :

En ce qui concerne l'arrêté pris dans son ensemble :

- il est entaché d'incompétence de son auteur ;

En ce qui concerne la décision de refus de renouvellement de titre de séjour :

- son titre de séjour peut être renouvelé sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que l'article L. 313-12 de ce code impose à l'autorité administrative la délivrance d'un tel titre lorsque la vie commune entre un ressortissant étranger et son conjoint français a cessé en raison de violences conjugales subies par l'étranger ;

- elle démontre avoir été victime de telles violences en produisant un certificat médical attestant de la présence d'une ecchymose de 10 centimètres de diamètre sur la cuisse et lui prescrivant 4 jours d'ITT ; si ce certificat médical comporte des dates différentes, il s'agit de simples erreurs de plume ; en outre, elle a déposé une main courante puis une plainte et a écrit au procureur de la République ;

- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale : elle est présente en France depuis le 22 janvier 2014 avec son fils mineur et ils sont désormais bien intégrés ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour ;

- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale tel que garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : elle craint pour sa vie en cas de retour en Ukraine en raison de la participation de son frère à la guerre.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné Mme Béatrice Molina-Andréo pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. David Katz,

- et les observations de Me Missiaen, avocat, représentant MmeB....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A...B..., ressortissante ukrainienne née le 28 juillet 1988, est entrée en France le 22 janvier 2014 sous couvert de son passeport revêtu d'un visa délivré à la suite de son mariage avec un ressortissant français, sur le fondement des articles L. 211-2-1 et R. 311-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, valable du 21 janvier 2014 au 21 janvier 2015. Elle a ensuite été titulaire de plusieurs titres de séjour en qualité de conjoint de Français dont le dernier a expiré le 10 mars 2017 et dont elle a sollicité le renouvellement le 19 décembre 2016. Par un arrêté du 27 septembre 2017, le préfet de la Gironde a refusé de faire droit à sa demande de renouvellement de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement n°1801584 du 18 septembre 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cet arrêté du 27 septembre 2017 et a enjoint au préfet de la Gironde de délivrer à Mme B...un titre de séjour sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet de la Gironde relève appel de ce jugement.

Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée : " Dans les cas d'urgence, sous réserve de l'application des règles relatives aux commissions ou désignations d'office, l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée (...) par la juridiction compétente ou son président ".

3. En l'occurrence, il ne résulte pas de l'instruction que Mme B...ait déposé une demande d'aide juridictionnelle auprès du bureau d'aide juridictionnelle. Elle n'invoque aucune situation d'urgence de nature à avoir fait obstacle à la présentation et à l'instruction d'une telle demande selon la procédure ordinaire. Dès lors, ses conclusions tendant à ce que la cour l'admette provisoirement à l'aide juridictionnelle ne peuvent être accueillies.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) ; / 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; (...). ". L'article L. 313-12 de ce code dispose : " (...). / Le renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre du 4° de l'article L. 313-11 est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé, sauf si elle résulte du décès du conjoint français. Toutefois, lorsque l'étranger a subi des violences familiales ou conjugales et que la communauté de vie a été rompue, l'autorité administrative ne peut procéder au retrait du titre de séjour de l'étranger et en accorde le renouvellement. En cas de violence commise après l'arrivée en France du conjoint étranger mais avant la première délivrance de la carte de séjour temporaire, le conjoint étranger se voit délivrer, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". (...). ".

5. Il ressort des pièces du dossier, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, que Mme B...a déposé une main courante auprès du commissariat de police de Bordeaux le 15 mars 2017, au cours de laquelle elle a déclaré avoir fait établir un certificat médical la concernant décrivant des blessures et lui prescrivant quatre jours d'incapacité totale de travail (I.T.T.). Il ressort également des pièces du dossier que cette main courante a été complétée par une autre main courante le 18 avril 2017 et, entre temps, par une plainte, le 5 avril 2017, pour des faits de violence commis par son époux dans la nuit du 14 au 15 mars 2017. Mme B...a enfin versé au dossier un certificat médical, dont elle soutient qu'il a été délivré le 15 mars 2017, attestant qu'elle présentait sur une jambe une ecchymose de 10 cm de diamètre nécessitant quatre jours d'I.T.T.

6. Si le préfet soutient que ce certificat médical mentionne, en en-tête, la date du " 15/8/2017 " et, en bas de page, celle du " 15/3/2017 ", la chronologie des éléments rappelés au point précédent concorde pour établir que le certificat en cause a bien été établi le 15 mars 2017. La circonstance alléguée par le préfet, qui résulte d'une simple erreur de plume, ne saurait donc suffire à faire regarder ledit certificat médical comme dénué de toute force probante. Par conséquent, le préfet de la Gironde n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux, d'une part, a annulé son arrêté du 27 septembre 2017 au motif qu'il méconnaissait les dispositions précitées de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit l'asile et, d'autre part, lui a enjoint de délivrer un titre de séjour à MmeB....

Sur les conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée à ce titre par le préfet de la Gironde soit mise à la charge de Mme B..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par Mme B...et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête du préfet de la Gironde est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Mme B...une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de Mme B...est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 2 juillet 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Pouget, président,

M. David Katz, premier conseiller.

M. Paul-André Braud, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 29 juillet 2019

Le rapporteur,

David Katz

Le président,

Marianne Pouget

Le greffier,

Florence Faure

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°18BX03556


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18BX03556
Date de la décision : 29/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-02-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Autorisation de séjour. Refus de renouvellement.


Composition du Tribunal
Président : Mme POUGET M.
Rapporteur ?: M. David KATZ
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : MISSIAEN

Origine de la décision
Date de l'import : 13/08/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-07-29;18bx03556 ?
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