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29/07/2019 | FRANCE | N°18BX04070

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 29 juillet 2019, 18BX04070


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...C...née D...a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler d'une part, l'arrêté du 19 octobre 2018 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de renvoi, d'autre part, l'arrêté du 5 novembre 2018 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a prononcé son assignation à résidence dans le département de la Haute-Vienne pour la période du 5 novembre 2018 au 20 décembre 2018

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ar un jugement n° 18001756 du 8 novembre 2018, le magistrat désigné par le président par ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...C...née D...a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler d'une part, l'arrêté du 19 octobre 2018 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de renvoi, d'autre part, l'arrêté du 5 novembre 2018 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a prononcé son assignation à résidence dans le département de la Haute-Vienne pour la période du 5 novembre 2018 au 20 décembre 2018

Par un jugement n° 18001756 du 8 novembre 2018, le magistrat désigné par le président par intérim du tribunal administratif de Limoges a renvoyé en formation collégiale l'examen des conclusions de la requérante tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 octobre 2018 en tant qu'il porte refus de séjour et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 novembre 2018, MmeC..., représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 8 novembre 2018 du magistrat désigné par le président par intérim du tribunal administratif de Limoges ;

2°) d'annuler les arrêtés du préfet de la Haute-Vienne des 19 octobre 2018 et 5 novembre 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne de lui délivrer un titre de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement au profit de son conseil de la somme de 2000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;

Elle soutient que :

- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi sont privées de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour.

- en prenant à son encontre une décision portant obligation de quitter le territoire français et en ne faisant pas usage de son pouvoir discrétionnaire le préfet a méconnu l'étendue de sa compétence et entaché sa décision d'une erreur de droit ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;

- elle est, ainsi que la décision portant fixation du pays de renvoi, entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation privée et familiale ;

- la décision portant refus de délai de départ volontaire, fondée sur le risque de fuite, est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant assignation à résidence est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 février 2019, le préfet de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- les moyens introduits en appel par la requérante à l'encontre du refus de séjour sont sans objet dès lors que conformément aux dispositions de l'article L. 512-1 III, les conclusions tendant à son annulation ont été renvoyées à une formation collégiale du tribunal administratif de Limoges ;

- les autres moyens invoqués ne sont pas fondés.

Mme C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle à hauteur de 55% par une décision du 24 janvier 2019 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné Mme Béatrice Molina-Andréo pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. David Katz a été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. David Katz,

Considérant ce qui suit :

1. Mme A...C..., ressortissante congolaise (RDC) née le 22 mars 1973, est entrée en France le 27 janvier 2015 afin d'y solliciter l'asile. Sa demande a fait l'objet de décisions de rejet de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides des 22 juin 2015 et 4 novembre 2016, lesquelles ont été confirmées par la Cour nationale du droit d'asile les 8 février 2016 et 24 avril 2017. Le 29 février 2016, elle a sollicité un titre de séjour en se prévalant de son état de santé. Par un arrêté du 15 juin 2017, le préfet de la Haute-Vienne a rejeté sa demande de titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français. Le 26 juin 2018, l'intéressée a demandé au préfet de la Haute-Vienne de lui délivrer une carte de séjour temporaire sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 19 octobre 2018, le préfet de la Haute-Vienne a refusé de faire droit à cette demande, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel Mme C...pourrait être reconduite d'office à défaut de se conformer à cette obligation. Par un arrêté du 5 novembre 2018, le préfet a décidé d'assigner l'intéressée à résidence dans le département de la Haute-Vienne pour une durée de quarante-cinq jours entre le 5 novembre 2018 et le 20 décembre 2018.

2. Par jugement du 8 novembre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Limoges a renvoyé en formation collégiale l'examen des conclusions de Mme C...tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 19 octobre 2018, en tant qu'il porte refus de titre de séjour et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Par sa requête, Mme C...doit être regardée comme faisant appel de ce jugement en tant qu'il rejette ses conclusions tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de renvoi et assignation à résidence.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

S'agissant du moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision portant refus de séjour :

3. Au soutien de ses conclusions aux fins d'annulation de la mesure d'éloignement prise à son encontre, la requérante excipe de l'illégalité de la décision de refus d'admission au séjour sollicitée à titre exceptionnel.

4. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ;(...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

5. Mme C...fait valoir qu'elle vivait en France depuis plus de trois ans et demi à la date de la décision portant refus de séjour du 19 octobre 2018, que son frère est présent en France et l'a hébergée, qu'elle est mariée depuis le 28 avril 2018 avec M.C..., compatriote titulaire d'une carte de résident de dix ans en qualité de réfugié. Il reste toutefois que son mariage était très récent à la date du refus de séjour critiqué. Si Mme C...soutient que la relation avec son époux a débuté en mai 2016, seul le contrat de bail signé par les deux intéressés le 12 juin 2017 permet de faire remonter à cette date, au plus tôt, le début de leur relation. Les autres attestations produites par la requérante, sont peu circonstanciées et ne permettent ni d'établir que la communauté de vie était effective dès le mois de mai 2016, comme la requérante le prétend, ni d'ailleurs l'intensité des liens privés et familiaux dont elle dispose en France, notamment ceux avec son frère. Enfin, MmeC..., qui ne justifie pas par ailleurs d'une insertion particulière en France, n'établit ni même allègue être dépourvue d'attaches privées et familiales dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de 41 ans et où y résident, ainsi qu'elle reconnaît elle-même dans ses écritures, ses trois enfants mineurs. Par suite, le préfet de la Haute-Vienne n'a méconnu ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le préfet de la Haute-Vienne n'a pas non plus commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision portant refus de séjour sur la situation personnelle de MmeC....

6. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision portant refus de séjour ne peut qu'être écarté.

S'agissant des autres moyens soulevés à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français :

7. Mme C...reprend, dans des termes identiques et sans critique utile du jugement, son moyen de première instance tiré de ce qu'en prenant à son encontre une décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai et en ne faisant pas usage de son pouvoir discrétionnaire le préfet a méconnu l'étendue de sa compétence et ainsi entaché sa décision d'une erreur de droit. Toutefois, la requérante ne se prévaut d'aucun élément de fait ou de droit nouveau utile par rapport à l'argumentation développée devant le tribunal administratif de Limoges. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le premier juge aurait, par les motifs qu'il a retenus et qu'il y a lieu d'adopter, commis une erreur en écartant ce moyen.

8. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 4, les moyens tirés de ce qu'en prenant à son encontre une obligation de quitter le territoire français sans délai, le préfet de la Haute-Vienne aurait porté une atteinte disproportionnée au droit de Mme C...au respect de sa vie privée et familiale et commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle doivent être écartés.

En ce qui concerne spécifiquement la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :

9. Aux termes des dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) L'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ".

10. Mme C...soutient qu'elle ne peut être regardée comme ayant eu la volonté de se soustraire à une mesure d'éloignement dès lors qu'elle n'a pas eu connaissance de l'arrêté du préfet de la Haute-Vienne du 15 juin 2017 prononçant à son encontre une mesure d'éloignement, cet arrêté ne lui ayant pas été " notifié directement ". Toutefois, il ressort des pièces du dossier que par un courrier du 15 juin 2017 adressé en recommandé avec accusé de réception à l'adresse qu'elle avait indiquée, elle a été informée de ce qu'elle devait se présenter le 29 juin 2017 à la préfecture afin de se voir notifier une mesure d'éloignement. Le courrier qu'elle a adressé le 5 juillet 2017 au préfet révèle qu'elle a bien eu connaissance de ce courrier qui l'avisait qu'en cas d'impossibilité d'honorer le rendez-vous, elle devait en informer le service compétent et qu'à défaut, la mesure d'éloignement serait réputée notifiée à la date du rendez-vous. Par suite, la requérante, qui ne s'est pas présentée à la préfecture le 29 juin 2017, ne peut sérieusement soutenir qu'elle n'avait pas connaissance de la mesure d'éloignement du 15 juin 2017. Dans ces conditions, le préfet a pu légalement estimer, pour ce seul motif, mentionné par les dispositions précitées du d) du 3°) du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'il existait un risque que l'appelante se soustrait à la mesure d'éloignement prise à son encontre. Par suite, en refusant d'octroyer à l'intéressée un délai de départ volontaire, l'autorité préfectorale n'a pas entaché sa décision d'erreur d'appréciation.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

11. Cette décision ne constitue pas une mesure prise pour l'application du refus de séjour qui ne constitue pas davantage sa base légale. Le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision portant refus de séjour ne peut par suite qu'être écarté.

En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :

12. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français du 19 octobre 2018, seul moyen soulevé à l'encontre de l'arrêté portant assignation à résidence, n'est pas fondé et doit être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président par intérim du tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande d'annulation des décisions préfectorales portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de renvoi et assignation à résidence. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C...née D...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Vienne.

Délibéré après l'audience du 2 juillet 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Pouget, président,

M. David Katz, premier-conseiller,

M. Paul-André Braud, premier-conseiller,

Lu en audience publique, le 29 juillet 2019.

Le rapporteur,

David KatzLe président,

Marianne Pouget

Le greffier,

Florence Faure

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

No 18BX04070


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18BX04070
Date de la décision : 29/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : Mme POUGET M.
Rapporteur ?: M. David KATZ
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : MARTY

Origine de la décision
Date de l'import : 13/08/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-07-29;18bx04070 ?
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