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03/10/2019 | FRANCE | N°18BX04546

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 03 octobre 2019, 18BX04546


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler les arrêtés du 15 novembre 2018 par lequel le préfet de la Gironde l'a, d'une part, obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui octroyer un délai de départ volontaire et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans et, d'autre part, a prononcé son assignation à résidence.

Par un jugement n° 1805050 du 22 novembre 2018, le magistrat désigné par le

président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler les arrêtés du 15 novembre 2018 par lequel le préfet de la Gironde l'a, d'une part, obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui octroyer un délai de départ volontaire et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans et, d'autre part, a prononcé son assignation à résidence.

Par un jugement n° 1805050 du 22 novembre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 24 décembre 2018 et 21 mars 2019, M. A... C..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 22 novembre 2018 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) d'annuler les arrêtés du 15 novembre 2018 du préfet de la Gironde ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de procéder à l'effacement de la décision d'interdiction de retour dans le système d'information Schengen ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer, dans l'attente du réexamen de sa situation, une autorisation provisoire de séjour ;

5°) de mettre à la charge de l'État le versement au profit de son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que sa situation ne relève pas des dispositions du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet a commis une erreur de fait en estimant qu'il s'est maintenu irrégulièrement en France alors qu'il justifie de l'exécution de la mesure d'éloignement précédemment prise à son encontre;

- elle est entachée d'une erreur de droit dans l'application des dispositions du 4° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle, notamment de la durée de sa présence en France ;

En ce qui concerne la décision portant refus d'octroi de délai de départ volontaire :

- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- cette décision est insuffisamment motivée ; l'administration n'a pas précisé parmi les cas énumérés au II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile celui applicable à sa situation ;

- le préfet a commis une erreur de fait dès lors que le risque de fuite n'est pas justifié ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'un défaut de motivation ; le préfet n'a pas tenu compte de la durée de sa présence sur le territoire français ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- le préfet a commis une erreur de fait en considérant qu'il a affirmé, lors de l'audition de police, s'opposer à tout retour dans son pays d'origine ;

- le préfet a commis une erreur de droit en estimant que l'absence de ressource légale sur le territoire, son maintien en France dans le seul but de s'y installer et la méconnaissance de ses obligations découlant de l'arrêté d'assignation à résidence pris à son encontre le 3 octobre 2016 font partie des critères énoncés par les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne la décision l'assignant à résidence :

- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français et de la décision portant refus d'octroi de délai de départ volontaire ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. rey-Bèthbéder, président-rapporteur,

- et les observations de Me B... représentant M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... C..., ressortissant turc né le 7 janvier 1971, déclare être entré en France au cours du mois de décembre 2001, au moyen d'un visa Schengen délivré par les autorités allemandes. Il a ensuite régulièrement séjourné sur le territoire français, du 6 décembre 2005 au 19 juin 2012, sous couvert de titres de séjour temporaires portant la mention " vie privée et familiale " à raison de son état de santé. Par un arrêté du 18 novembre 2014, le préfet de la Gironde a refusé de renouveler son titre de séjour et prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. La légalité de cet arrêté a été confirmée par un jugement n° 1405188 du 11 février 2011 du tribunal administratif de Bordeaux et par un arrêt n° 15BX00676 du 9 juillet 2015 de la présente cour. À la suite de son interpellation par les services de police le 3 octobre 2016, le préfet de la Gironde l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et a prononcé son assignation à résidence. Les recours juridictionnels formés à l'encontre de ces décisions ont été rejetés par un jugement n° 1604328 du 20 octobre 2016 du tribunal administratif de Bordeaux et une ordonnance n° 16BX03533 du 8 décembre 2016 du président de la présente cour. Le 15 novembre 2018, M. C... a été interpellé par les services de gendarmerie. Par deux arrêtés du même jour, le préfet de la Gironde a prononcé à son encontre, d'une part, une obligation de quitter sans délai le territoire français sans délai et une interdiction de retour d'une durée de deux ans, d'autre part, son assignation à résidence. M. C... relève appel du jugement du 22 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité des arrêtés du 15 novembre 2018 :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, la décision en litige vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et fait mention des articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont elle fait application. Elle précise que l'appelant a fait l'objet le 3 octobre 2016 d'un arrêté portant refus de séjour, obligation de quitter sans délai le territoire français et interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, que l'intéressé s'est maintenu irrégulièrement en France et ne remplit aucune condition pour y résider et qu'il existe ainsi un risque pour qu'il se soustraie à la décision litigieuse. L'arrêté indique que son épouse et ses trois enfants résident en Turquie et qu'il n'est donc pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Il précise également que M. C... n'allègue pas être exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

3. En deuxième lieu, il ne ressort ni de la motivation de la décision contestée ni des autres pièces du dossier que le préfet de la Gironde n'aurait pas procédé à un examen complet de la situation personnelle de l'appelant.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que le préfet a, par un arrêté du 3 octobre 2016, obligé l'intéressé à quitter le territoire français sans délai. Cependant, cette même décision indique que M. C... " ne remplit aucune condition pour résider (en France) ". Cet arrêté est devenu définitif, les recours juridictionnels formés à son encontre ayant été rejetés. Ainsi, il pouvait faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire en application des dispositions précitées du 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que le préfet a commis une erreur de droit en estimant que sa situation relève des dispositions du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. En quatrième lieu, si M. C... se prévaut de ce qu'en énonçant également, pour fonder sa décision, qu'il " s'est maintenu irrégulièrement en France ", alors qu'il a exécuté la mesure d'éloignement prononcée à son encontre le 3 octobre 2016 en se rendant en Turquie en voiture aux mois de septembre 2017 et juillet 2018, à Kapikule, ville frontalière entre la Turquie et la Bulgarie, le préfet a commis une erreur de fait, cette circonstance, survenue plus d'un an après la décision d'éloignement, qui n'était pas assortie d'un délai de départ volontaire, ne peut être regardée comme en constituant l'exécution. Ce motif présente d'ailleurs un caractère surabondant, la décision litigieuse ayant été prise en raison de ce que l'appelant s'était vu refuser la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour. Par suite, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que le préfet a commis une erreur de fait en énonçant qu'il s'est maintenu irrégulièrement en France.

7. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : 4° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention " étudiant " ".

8. Pour soutenir que la décision en litige est entachée d'une erreur de droit au regard des dispositions précitées du 4° de L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, M. C... soutient qu'il est entré en France en décembre 2001, qu'il y a séjourné régulièrement pendant dix ans, de 2005 à 2015, sous couvert de cartes de séjour temporaires portant la mention " vie privée et familiale " délivrées à raison de son état de santé, et qu'il y a travaillé régulièrement de 2005 à 2014 en qualité d'entrepreneur. Cependant, il ressort des pièces du dossier que M. C... s'est maintenu en France en situation irrégulière en dépit des deux mesures d'éloignement prononcées à son encontre les 18 novembre 2014 et 3 octobre 2016. De plus, les pièces produites par l'appelant ne suffisent pas à démontrer qu'il résidait de manière régulière et habituelle en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté litigieux du 15 novembre 2018. Par suite, le préfet n'a pas méconnu les dispositions précitées du 4° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en prononçant son éloignement du territoire français.

9. En sixième et dernier lieu, il ressort des pièces du dossier, en particulier du procès-verbal d'audition du 15 novembre 2018, que M. C... n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Turquie où résident son épouse et ses trois enfants, dont un enfant mineur, alors qu'il n'établit pas avoir développé des liens d'une intensité particulière en France. Ainsi, eu égard aux conditions de son séjour en France, il n'est pas fondé à soutenir qu'en prononçant une obligation de quitter le territoire français, le préfet de la Gironde aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle. Il résulte, en outre, de ce qui a été dit au point précédent que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation de la durée de sa présence en France. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation.

En ce qui concerne la décision portant refus d'octroi de délai de départ volontaire :

10. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que l'appelant n'est pas fondé à exciper de l'illégalité la mesure d'éloignement à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision susvisée.

11. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable à la date de la décision en litige : " (...) I - L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. (...). II - (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement (...) ".

12. Pour motiver la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire à M. C..., le préfet de la Gironde, après avoir visé les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a indiqué que l'intéressé a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai le 3 octobre 2016 et qu'il s'est maintenu irrégulièrement en France alors qu'il ne remplit aucune condition pour y résider et qu'ainsi, il existait un risque qu'il se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français. Il résulte des dispositions précitées du d) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que cette circonstance suffisait à faire regarder comme établi le risque que l'intéressé se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre. Par suite, le préfet, qui n'était pas tenu de préciser parmi les cas énumérés au II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile celui applicable à sa situation, n'a pas entaché sa décision d'un défaut de motivation.

13. En troisième lieu, si M. C... soutient que la décision litigieuse ne pouvait légalement être fondée sur le risque de soustraction à une précédente mesure d'éloignement dès lors qu'il a exécuté la mesure d'éloignement prononcée à son encontre le 3 octobre 2016 en se rendant en Turquie en voiture, et produit la copie de son passeport revêtu d'un tampon indiquant sa présence, aux mois de septembre 2017 et juillet 2018, à Kapikule, ville frontalière entre la Turquie et la Bulgarie, cette circonstance, survenue plus d'un an après la décision d'éloignement, ne peut être regardée comme en constituant l'exécution. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet a commis une erreur de fait.

14. En quatrième lieu, le fait pour un ressortissant étranger de ne pas avoir déféré à une précédente mesure d'éloignement du territoire qu'il lui appartenait d'exécuter spontanément suffit à permettre au préfet de le regarder comme s'étant soustrait à son exécution, au sens et pour l'application des dispositions précitées du d) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, quand bien même l'intéressé n'a pas cherché à échapper à des mesures prises par l'administration pour assurer l'exécution forcée de cet éloignement. Si l'intéressé soutient que le risque de soustraction à l'obligation de quitter sans délai le territoire français n'est pas justifié dès lors qu'il démontre être locataire d'un appartement depuis plusieurs années, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de la décision litigieuse dans la mesure où il ressort des pièces du dossier qu'il s'est soustrait aux deux précédentes mesures d'éloignement prises à son encontre les 18 novembre 2014 et 3 octobre 2016.

15. En cinquième et dernier lieu, le moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 9.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

16. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité de la décision prononçant l'interdiction de retour sur le territoire français du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.

17. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable à la date de la décision en litige : "III. - L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. ".

18. Il ressort de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour fixer la durée de l'interdiction de retour assortissant l'obligation de quitter le territoire français tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.

19. Il incombe ainsi à l'autorité compétente de faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

20. La décision contestée vise les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont elle fait application. Elle indique que l'examen de la situation de l'appelant a été effectué relativement à la durée de l'interdiction de retour, " au regard notamment du huitième alinéa " du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, c'est-à-dire des quatre critères évoqués aux points précédents. Enfin, elle justifie la durée de deux ans fixée pour l'interdiction de retour par le fait que, bien qu'il ne représente pas une menace à l'ordre public, l'intéressé s'est maintenu irrégulièrement en France dans le seul but de s'y installer et s'oppose à tout retour dans son pays d'origine, qu'il est sans ressources sur le territoire national, qu'il ne justifie pas de la nature et de l'ancienneté de ses liens en France et qu'il s'est soustrait aux deux mesures d'éloignement précédemment prises à son encontre le 18 novembre 2014, confirmée, pour la première, par la présente cour le 9 juillet 2015 puis, s'agissant de la seconde, le 8 décembre 2016 et qu'il n'a pas respecté les prescriptions liées à l'arrêté d'assignation à résidence du 3 octobre 2016 en ne se présentant pas à l'embarquement du vol prévu à destination d'Istanbul le 21 octobre 2016 et dont le routing lui avait été notifié le 17 octobre 2016. Ce faisant, malgré la circonstance que la décision ne mentionne pas expressément la durée de sa présence en France, le préfet de la Gironde a suffisamment motivé sa décision portant interdiction de retour pour une durée de deux ans.

21. En troisième lieu et ainsi qu'il a été dit au point 8, l'intéressé ne démontre pas qu'il résidait de manière régulière et habituelle en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté litigieux du 15 novembre 2018. De plus et ainsi qu'il a été dit précédemment au point 9, il n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Turquie où résident son épouse et ses trois enfants. Il s'est maintenu irrégulièrement en France et s'est soustrait à deux précédentes mesures d'éloignement prises à son encontre les 18 novembre 2014 et 3 octobre 2016. Il n'a pas davantage respecté les prescriptions liées à l'arrêté d'assignation à résidence du 3 octobre 2016 en ne se présentant pas à l'embarquement du vol prévu à destination d'Istanbul le 21 octobre 2016. Dans ces conditions, le préfet n'a pas commis d'erreur d'appréciation en prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

22. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que si le préfet de la Gironde s'est fondé, pour prendre la décision litigieuse, sur la circonstance que, lors de son audition par les services de la gendarmerie nationale le 15 novembre 2018, M. C... a déclaré s'opposer à tout retour dans son pays d'origine, alors que cela ne ressort nullement du procès-verbal d'audition, il résulte de l'instruction que le préfet aurait pris la même décision s'il ne s'était pas initialement fondé sur ce motif, qui présente un caractère surabondant, la décision en litige ayant été prise aux motifs que l'intéressé, bien qu'il ne constitue pas une menace à l'ordre public, ne justifie pas de la nature et de l'ancienneté de ses liens en France et s'est soustrait aux deux mesures d'éloignement devenues définitives précédemment prises à son encontre les 18 novembre 2014 et 3 octobre 2016.

23. En cinquième et dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que si le préfet de la Gironde s'est fondé, pour prendre la décision litigieuse, sur les motifs tirés de son maintien irrégulier en France dans le seul but de s'y installer, de l'absence de ressource légale sur le territoire, et de la méconnaissance des obligations de l'arrêté d'assignation à résidence pris à l'encontre de l'intéressé le 3 octobre 2016, il résulte de l'instruction que le préfet aurait pris la même décision s'il ne s'était pas initialement fondé sur ces motifs, qui présentent un caractère surabondant, la décision en litige ayant été prise aux motifs que l'intéressé, bien qu'il ne constitue pas une menace à l'ordre public, ne justifie pas de la nature et de l'ancienneté de ses liens en France et qu'il s'est soustrait aux deux mesures d'éloignement devenues définitives précédemment prises à son encontre les 18 novembre 2014 et 3 octobre 2016.

En ce qui concerne la décision l'assignant à résidence :

24. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité de la décision l'assignant à résidence du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision portant refus d'octroi de délai de départ volontaire ne peut qu'être écarté.

25. En second lieu, l'appelant soutient que la décision l'assignant à résidence est entachée d'une erreur d'appréciation. Toutefois, il n'apporte aucun élément supplémentaire en appel à l'appui de ce moyen, lequel sera écarté par adoption des motifs pertinents retenus par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux.

26. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 5 septembre 2019 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président-rapporteur,

Mme Frédérique Munoz-Pauziès, président-assesseur,

Mme Florence Madelaigue, premier-conseiller.

Lu en audience publique, le 3 octobre 2019.

Le président assesseur,

Frédérique Munoz-PauzièsLe président-rapporteur,

Éric Rey-Bèthbéder

Le greffier,

Caroline Brunier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX04546


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 18BX04546
Date de la décision : 03/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: M. Eric REY-BETHBEDER
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : DA ROS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-10-03;18bx04546 ?
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