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21/10/2019 | FRANCE | N°17BX03013

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 21 octobre 2019, 17BX03013


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... F... a demandé au tribunal administratif de Limoges, d'une part, d'annuler les décisions des 18 juillet 2014 et 18 décembre 2014 par lesquelles la présidente du conseil départemental de la Haute-Vienne a rejeté sa demande tendant à la reconnaissance du caractère professionnel de sa maladie et, d'autre part, d'enjoindre au département de la Haute-Vienne de reconnaître ledit caractère et de régulariser sa situation administrative.

Par un jugement n° 1500313 du 6 juillet 2017, le tribunal

administratif de Limoges a rejeté la demande de Mme F....

Procédure devant la c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... F... a demandé au tribunal administratif de Limoges, d'une part, d'annuler les décisions des 18 juillet 2014 et 18 décembre 2014 par lesquelles la présidente du conseil départemental de la Haute-Vienne a rejeté sa demande tendant à la reconnaissance du caractère professionnel de sa maladie et, d'autre part, d'enjoindre au département de la Haute-Vienne de reconnaître ledit caractère et de régulariser sa situation administrative.

Par un jugement n° 1500313 du 6 juillet 2017, le tribunal administratif de Limoges a rejeté la demande de Mme F....

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 5 septembre 2017 et le 21 mai 2019, Mme D... F..., représentée par Me G... H..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 6 juillet 2017 ;

2°) d'annuler les décisions des 18 juillet 2014 et 18 décembre 2014 par lesquelles la présidente du conseil départemental de la Haute-Vienne a rejeté sa demande tendant à la reconnaissance du caractère professionnel de sa maladie ;

3°) d'enjoindre au département de la Haute-Vienne de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie et de régulariser sa situation administrative ;

4°) de mettre à la charge du département de la Haute-Vienne le versement d'une somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges n'ont pas motivé leur jugement dès lors qu'ils se sont bornés à appliquer l'article 32 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986 aux agents de la fonction publique territoriale sans expliquer les raisons pour lesquelles ils ont écarté l'application de l'article 23 du décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 qui constitue, pour les fonctionnaires territoriaux, le pendant dudit article 32 dont il était soutenu que l'application constituait une erreur de droit ;

- les premiers juges ont commis une erreur de droit en appliquant l'article 32 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986, en vertu duquel la demande de reconnaissance de maladie professionnelle doit être présentée dans les quatre ans qui suivent la date de la première constatation médicale, en lieu et place de l'article 23 du décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 qui ne prévoit aucun délai en la matière ;

- la requête présentée en première instance, tendant notamment à l'annulation de la décision du 18 décembre 2014, était recevable dès lors que cette décision n'est pas confirmative de la décision du 18 juillet 2014 laquelle ne comporte pas la mention des voies et délais de recours ;

- les deux décisions attaquées sont insuffisamment motivées ;

- le conseil départemental de la Haute-Vienne a commis une erreur de droit en lui appliquant les dispositions de l'article 32 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986 qui prévoient un délai de quatre ans pour la présentation des demandes de reconnaissance de maladie professionnelle au lieu de lui appliquer les dispositions de l'article 23 du décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;

- l'inapplicabilité aux fonctionnaires territoriaux des dispositions de l'article 32 du décret du 14 mars 1986 relatives au délai de 4 ans a été reconnue par un avis du Conseil d'Etat du 5 avril 2019 n° 426281 ;

- le conseil départemental de la Haute-Vienne a commis une erreur de fait en retenant la date du 29 mars 2010 comme première constatation médicale de sa maladie dès lors que la première constatation médicale de l'affection doit être fixée à la date à laquelle l'agent a été placé en congé de longue maladie et qu'elle a été placée dans une telle position par arrêté du 9 septembre 2010.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 avril 2019, le département de la Haute-Vienne, représenté par Me E..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la requérante d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est suffisamment motivé ;

- le moyen tiré de l'insuffisante motivation des décisions attaquées est inopérant dès lors qu'il se trouvait en situation de compétence liée pour refuser de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de l'intéressée, sollicitée après l'expiration du délai de 4 ans ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986, et notamment son article 32, est applicable non seulement aux fonctionnaires de l'Etat mais également aux fonctionnaires territoriaux et aux fonctionnaires hospitaliers ;

- le point de départ du délai de 4 ans devait être fixé non pas au 9 septembre 2010 mais au 29 mars 2010, date à laquelle Mme F... a été placée en congé de longue maladie ; ce délai de 4 ans ayant expiré le 29 mars 2014, c'est à bon droit qu'il a été considéré que la demande d'imputabilité au service formulée le 30 juin 2014 était tardive.

Par ordonnance du 5 avril 2019, l'instruction a été rouverte et la clôture a été reportée au 24 mai 2019 à 12 h.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... A...,

- les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public ;

- et les observations de Me B..., représentant le département de la Haute-Vienne.

Considérant ce qui suit :

1. Mme F..., conseillère territoriale socio-éducatif titulaire au sein du département de la Haute-Vienne, a été placée en congé de longue maladie du 29 mars 2010 au 31 mars 2011 inclus. Après avoir repris son activité professionnelle à temps partiel thérapeutique du 1er avril au 30 juin 2011 inclus, elle a bénéficié d'un nouveau congé de longue durée du 1er juillet 2011 au 31 décembre 2011 inclus, régulièrement prolongé jusqu'au 28 juin 2015. Le 30 juin 2014, Mme F... a présenté au département de la Haute-Vienne une demande tendant à ce que la dépression consécutive à un surmenage professionnel dont elle souffre soit reconnue comme ayant été contractée ou aggravée en service. Par une décision du 18 juillet 2014 puis, par une décision du 18 décembre 2014 intervenue après l'avis favorable rendu le 2 décembre 2014 par la commission de réforme, la présidente du conseil départemental de la Haute-Vienne a rejeté cette demande au motif de son caractère tardif. Mme F... relève appel du jugement du 6 juillet 2017 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté la requête tendant à l'annulation des décisions des 18 juillet et 18 décembre 2014.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 57 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction alors en vigueur : " Le fonctionnaire en activité a droit (...) 4° A un congé de longue durée, en cas de tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis, de trois ans à plein traitement et de deux ans à demi-traitement. Le fonctionnaire conserve ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. / Si la maladie ouvrant droit à congé de longue durée a été contractée dans l'exercice des fonctions, les périodes fixées ci-dessus sont respectivement portées à cinq ans et trois ans. / Sauf dans le cas où le fonctionnaire ne peut être placé en congé de longue maladie à plein traitement, le congé de longue durée ne peut être attribué qu'à l'issue de la période rémunérée à plein traitement d'un congé de longue maladie. Cette période est réputée être une période du congé de longue durée accordé pour la même affection. Tout congé attribué par la suite pour cette affection est un congé de longue durée. / Sur demande de l'intéressé, l'administration a la faculté, après avis du comité médical, de maintenir en congé de longue maladie le fonctionnaire qui peut prétendre à un congé de longue durée ; / Les dispositions de la deuxième phrase du quatrième alinéa du 2° du présent article sont applicables aux congés de longue durée ".

3. Par ailleurs, aux termes, d'une part, de l'article 32 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires, dans sa rédaction alors applicable : " Lorsque le congé de longue durée est demandé pour une maladie contractée dans l'exercice des fonctions, le dossier est soumis à la commission de réforme. Ce dossier doit comprendre un rapport écrit du médecin chargé de la prévention attaché au service auquel appartient le fonctionnaire concerné. La demande tendant à ce que la maladie soit reconnue comme ayant été contractée dans l'exercice des fonctions doit être présentée dans les quatre ans qui suivent la date de la première constatation médicale de la maladie. La commission de réforme n'est toutefois pas consultée lorsque l'imputabilité au service d'une maladie ou d'un accident est reconnue par l'administration (...) ". D'autre part, aux termes de l'article 23 du décret du 30 juillet 1987 pris pour l'application de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l'organisation des comités médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsque le congé de longue durée est demandé pour une maladie contractée en service, le dossier est soumis à la commission de réforme prévue par le décret n° 65-773 du 9 septembre 1965 susvisé ; le dossier doit comprendre un rapport écrit du médecin du service de médecine préventive attaché à la collectivité ou établissement auquel appartient le fonctionnaire concerné. Lorsque l'administration est amenée à se prononcer sur l'imputabilité au service d'une maladie ou d'un accident, elle peut, en tant que de besoin, consulter un médecin expert agréé. La commission de réforme n'est pas consultée lorsque l'imputabilité au service d'une maladie ou d'un accident est reconnue par l'administration. La commission de réforme peut, en tant que de besoin, demander à l'administration de lui communiquer les décisions reconnaissant l'imputabilité ".

4. Le décret du 14 mars 1986 a été pris pour l'application des articles 34 et 35 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat. Ses dispositions, notamment celles de l'article 32 citées au point 3, ne s'appliquent qu'aux fonctionnaires régis par cette loi, à savoir les fonctionnaires de l'Etat.

5. Les fonctionnaires territoriaux sont régis, s'agissant de l'organisation des comités médicaux, des conditions d'aptitude physique et du régime des congés de maladie, par les dispositions du décret du 30 juillet 1987 pris pour l'application des articles 57 et 58 de la loi du 26 janvier 1984. Aucune disposition de ce décret ni aucun autre texte réglementaire ou principe général ne rend applicables aux fonctionnaires territoriaux les dispositions de l'article 32 du décret du 14 mars 1986 relatives au délai de quatre ans dans lequel la demande tendant à ce que la maladie soit reconnue comme ayant été contractée dans l'exercice de ses fonctions doit être présentée par le fonctionnaire. Ce délai de quatre ans ne peut, en conséquence, être opposé aux fonctionnaires territoriaux qui demandent, en application de l'article 23 du décret du 30 juillet 1987 cité au point 3, que leur maladie soit reconnue comme ayant été contractée dans l'exercice de leurs fonctions.

6. Dès lors, Mme F... est fondée à soutenir que les décisions contestées ne pouvaient se fonder sur la circonstance que sa demande serait intervenue au-delà du délai de quatre ans suivant la date de la première constatation médicale de sa maladie, à supposer cette circonstance établie, dès lors que cette condition prévue par l'article 32 du décret du 14 mars 1986 n'est applicable qu'aux agents de la fonction publique de l'Etat et non à ceux de la fonction publique territoriale.

7. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué ni d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme F... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande d'annulation des décisions des 18 juillet 2014 et 18 décembre 2014.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. L'annulation des deux décisions contestées des 18 juillet 2014 et 18 décembre 2014 n'implique pas, comme le demande Mme F..., que le département de la Haute-Vienne reconnaisse l'imputabilité au service de sa maladie et régularise sa situation administrative. Elle implique, en revanche, que ledit département procède à un réexamen de la demande d'imputabilité au service de la maladie de Mme F....

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département de la Haute-Vienne une somme de 1 500 euros à verser à Mme F... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de cet article font par ailleurs obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme F..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par le département de la Haute-Vienne.

DÉCIDE :

Article 1er : Les décisions du 18 juillet 2014 et du 18 décembre 2014 par lesquelles la présidente du conseil départemental de la Haute-Vienne a rejeté la demande de Mme F... d'imputabilité au service de sa maladie et le jugement n° 1500313 du tribunal administratif de Limoges du 6 juillet 2017 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au département de la Haute-Vienne de réexaminer la demande d'imputabilité au service de la maladie de Mme F....

Article 3 : Le département de la Haute-Vienne versera la somme de 1 500 euros à Mme F... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par le département de la Haute-Vienne tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... F... et au département de la Haute-Vienne.

Délibéré après l'audience du 23 septembre 2019, à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec président,

Mme C... A..., présidente assesseure

Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 octobre 2019.

Le rapporteur,

Karine A...Le président,

Pierre LarroumecLe greffier,

Caroline Brunier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 17BX03013 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 17BX03013
Date de la décision : 21/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-04-02 Fonctionnaires et agents publics. Positions. Congés. Congés de longue durée.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: Mme karine BUTERI
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : SCP DAURIAC PAULIAT - DEFAYE BOUCHERLE MAGNE

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-10-21;17bx03013 ?
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