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04/11/2019 | FRANCE | N°17BX02837

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 04 novembre 2019, 17BX02837


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... E... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 20 février 2015 par lequel le maire de la commune d'Ussac a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident survenu le 3 décembre 2014 et d'enjoindre audit maire de reconnaître qu'elle a été victime d'un accident de service et de régulariser en conséquence sa situation administrative.

Par un jugement n° 1500163 du 23 juin 2017, le tribunal administratif de Limoges a annulé l'arrêté du 20 février

2015 et a enjoint au maire de la commune d'Ussac de reconnaître que Mme E... a été vi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... E... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 20 février 2015 par lequel le maire de la commune d'Ussac a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident survenu le 3 décembre 2014 et d'enjoindre audit maire de reconnaître qu'elle a été victime d'un accident de service et de régulariser en conséquence sa situation administrative.

Par un jugement n° 1500163 du 23 juin 2017, le tribunal administratif de Limoges a annulé l'arrêté du 20 février 2015 et a enjoint au maire de la commune d'Ussac de reconnaître que Mme E... a été victime d'un accident de service et de régulariser en conséquence sa situation administrative et pécuniaire.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés le 18 août 2017, le 21 août 2017 et le 23 mars 2018, la commune d'Ussac, représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 23 juin 2017 ;

2°) de mettre à la charge de Mme E... la somme de 3 000 euros à lui verser en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre principal, la requête déposée devant le tribunal administratif de Limoges était irrecevable : elle ne mentionne ni l'identité ni l'adresse de la partie défenderesse, ne contient pas de bordereau de pièces, ne comporte pas l'énoncé précis de moyens et de conclusions et n'est pas motivée par une argumentation précise ; aucun mémoire ampliatif n'ayant été déposé par Mme E... dans le délai de recours contentieux, le défaut de motivation ne pouvait être régularisé notamment par la communication de simples pièces le 26 février 2015 ;

- le mémoire présenté le 4 avril 2015, après l'expiration du délai de recours contentieux, n'a aucune portée ; les demandes étaient dirigées à l'encontre du maire d'Ussac au lieu d'être dirigées contre la commune ; Mme E... ne pouvait solliciter l'annulation de l'avis émis par le maire dès lors, d'une part, que cette demande était tardive et que, d'autre part, la décision en cause avait été prise pour le compte de la commune ; la demande tendant à " ordonner la prise en charge de l'accident de service " est irrecevable ; la demande pécuniaire n'a fait l'objet d'aucune demande préalable ; la demande tendant à " dire le mode opératoire pour l'établissement s'apparentant à une politique de harcèlement moral " ne relève pas de la compétence du juge administratif ; Mme E... ne pouvait présenter une demande sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, au surplus dirigée contre le maire ;

- le mémoire présenté le 18 juillet 2015, après l'expiration du délai de recours contentieux, ne pouvait, en raison de son caractère tardif, contenir des conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 février 2015 qui, au surplus, n'existe pas ; la décision attaquée n'a pas été annexée à ce mémoire ;

- la décision que Mme E... entendait contester devant le tribunal administratif n'était pas l'arrêté de refus d'imputabilité du 20 février 2015, pris un mois après le dépôt de la requête, mais l'arrêté du 5 décembre 2014 la plaçant en congé de maladie ordinaire pour la période du 3 décembre 2014 au 16 décembre 2014, qu'elle n'a d'ailleurs pas joint à sa requête ; les premiers juges ont ainsi dénaturé les termes de la requête qui leur était présentée ;

- à titre subsidiaire, le tribunal a annulé l'arrêté du 20 février 2015 sans prendre en considération les certificats médicaux des docteurs Lajoie et Rouanne mettant en évidence un contexte préexistant et extérieur au service justifiant les troubles de Mme E... ; la commission de réforme détient seulement un rôle consultatif sur le caractère imputable au service d'un accident ou d'une maladie ;

- le phénomène de harcèlement n'est pas caractérisé dès lors notamment que Mme E... se plaint d'un fait unique à savoir l'agression verbale dont elle aurait été victime le 3 décembre 2014 ; un état dépressif ne peut être rattaché à un accident de service ; la difficulté majeure de Mme E... est son incapacité à se soumettre à l'autorité hiérarchique ; le maire n'a jamais eu aucune attitude irrespectueuse ou injurieuse à son égard ; aucun lien n'existe entre l'état dépressif réactionnel de Mme E... et un quelconque accident du travail.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 septembre 2017, Mme E..., représentée par Me D..., conclut, à titre principal, à l'irrecevabilité de la requête et, à titre subsidiaire, au rejet de celle-ci. Elle sollicite la mise à la charge de la commune d'Ussac de la somme de 1500 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative ainsi que des entiers dépens.

Elle fait valoir que :

- la demande introduite devant le tribunal administratif ne nécessitait pas la présentation d'un recours préalable ; elle était motivée ; l'autorité administrative défenderesse, qui a établi un mémoire en réponse, était précisément désignée ;

- le comportement du maire de la commune d'Ussac à son égard et les propos tenus à son encontre ont déclenché un syndrome dépressif réactionnel qui a d'ailleurs été reconnu par la commission de réforme ;

- aucun état dépressif antérieur n'explique la constatation de cet accident de service.

Par une ordonnance du 19 février 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 17 avril 2019 à 12 h 00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 7 octobre 2019 :

- le rapport de Mme B... A... ;

- les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public ;

- les observations de Me F..., représentant la commune d'Ussac.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que Mme E... adjoint administratif principal de 1ère classe de la commune d'Ussac, a eu, le 3 décembre 2014, une vive altercation avec le maire sur leur lieu de travail. L'intéressée a été placée en arrêt de travail pour syndrome réactionnel dépressif depuis cette date. Par un jugement du 23 juin 2017, le tribunal administratif de Limoges a annulé l'arrêté du 20 février 2015 par lequel le maire de la commune d'Ussac a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident dont Mme E... estime avoir été victime le 3 décembre 2014 et a enjoint audit maire de régulariser la situation administrative et pécuniaire de cet agent. La commune d'Ussac relève appel de ce jugement.

Sur la légalité de l'arrêté du 20 février 2015 :

2. Pour annuler l'arrêté du 20 février 2015 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident dont Mme E... estime avoir été victime le 3 décembre 2014, le tribunal administratif de Limoges s'est fondé sur le fait que l'altercation survenue ce jour-là, sur le lieu de travail, entre l'intéressée et le maire de la commune, avait été l'élément déclencheur de troubles dépressifs qui ne pouvaient être rattachés à aucun état antérieur.

3. Constitue un accident de service un évènement survenu à une date certaine, par le fait ou à l'occasion du service, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci. Il appartient dans tous les cas au juge administratif, saisi d'une décision de l'autorité administrative compétente refusant de reconnaître l'imputabilité au service d'un tel événement, de se prononcer au vu des circonstances de l'espèce.

4. Il est constant que, le 3 décembre 2014, une vive altercation s'est produite sur le lieu de travail entre Mme E..., adjoint administratif principal, et le maire de la commune d'Ussac. Le jour même, le médecin généraliste de l'intéressée a établi un arrêt de travail pour " déprime, surmenage et problèmes relationnels au travail ". Cet arrêt de travail a été prolongé au vu de certificats médicaux en date du 15 décembre 2014 et du 21 janvier 2015 faisant respectivement état d'une " dépression réactionnelle à harcèlement au travail " et d'un " état anxio-dépressif réactionnel ". Le rapport d'expertise médicale établi le 17 décembre 2014 par le docteur Rouanne, médecin généraliste, diagnostique " un état réactionnel dépressif " faisant suite à une altercation sur le lieu de travail.

5. S'il ressort des pièces du dossier, notamment d'un certificat médical délivré le 3 février 2015 par le docteur Lajoie, médecin traitant de Mme E..., qu'elle n'a jamais bénéficié de traitement psychiatrique ni présenté de signes de dépression malgré ses difficultés familiales et personnelles, l'intéressée a fait mention, lors de l'expertise médicale du 15 décembre 2014 ayant conduit à la rédaction du rapport établi le 17 décembre suivant, " de difficultés relationnelles avec sa hiérarchie depuis quelques années ". Le rapport d'expertise rédigé le 18 novembre 2015 par le docteur Gheziel, psychiatre des hôpitaux, à la demande du comité médical chargé d'émettre un avis sur la prolongation du congé de maladie ordinaire, relève la description faite par Mme E... d'une " dégradation de sa situation professionnelle depuis une dizaine d'années avec des frictions (...) apparues suite à des déconvenances personnelles " et de " tensions professionnelles avec son responsable hiérarchique direct (...) le maire de la commune d'Ussac ". Il résulte par ailleurs d'un certificat médical établi le 15 décembre 2014 par le médecin du travail que Mme E... avait à plusieurs reprises exprimé une situation de " mal être au travail ".

6. Dans ces conditions, si la pathologie de Mme E... apparaît en lien avec le service, elle ne peut être regardée comme la conséquence brutale d'un choc soudain survenu le 3 décembre 2014. Il suit de là, alors même que la commission de réforme s'est prononcée le 12 février 2015 en faveur de l'imputabilité au service, que cet évènement ne peut être qualifié d'accident de service. Il en résulte que l'appelante est fondée à soutenir que les premiers juges ont inexactement qualifié les faits. Mme E... ne soulève pas à l'encontre de la décision en cause d'autre moyen qu'il appartiendrait à la cour d'examiner dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel.

7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement ni d'examiner les fins de non-recevoir opposées devant les premiers juges, que la commune d'Ussac est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a annulé l'arrêté du 20 février 2015 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident du 3 décembre 2014.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune d'Ussac, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par Mme E..., au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens et, en tout état de cause, au titre des dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme E... la somme de 1 500 euros à verser à la commune d'Ussac au même titre.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1500163 du 23 juin 2017 du tribunal administratif de Limoges est annulé.

Article 2 : La demande de Mme E... devant le tribunal administratif de Limoges et ses conclusions présentées en appel sont rejetées.

Article 3 : Mme E... versera à la commune d'Ussac la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Ussac et à Mme E....

Délibéré après l'audience du 7 octobre 2019 à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

Mme B... A..., présidente-assesseure,

M. Paul-André Braud, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 novembre 2019.

Le rapporteur,

Karine A...Le président,

Pierre Larroumec

Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 17BX02837 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 17BX02837
Date de la décision : 04/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-04-01-03 Fonctionnaires et agents publics. Positions. Congés. Congés de maladie. Accidents de service.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: Mme karine BUTERI
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : SELARL MARCHE-CAETANO AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-11-04;17bx02837 ?
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