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04/11/2019 | FRANCE | N°19BX01385

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 04 novembre 2019, 19BX01385


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du préfet de la Corrèze en date du 1er février 2019 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de renvoi, et lui faisant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1900264 du 21 mars 2019 le tribunal administratif de Limoges a rejeté cette demande.

Procédures devant la cour :

I- Par une req

uête enregistrée le 6 avril 2019, sous le numéro 19BX001385, M. D..., représenté par Me F..., ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du préfet de la Corrèze en date du 1er février 2019 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de renvoi, et lui faisant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1900264 du 21 mars 2019 le tribunal administratif de Limoges a rejeté cette demande.

Procédures devant la cour :

I- Par une requête enregistrée le 6 avril 2019, sous le numéro 19BX001385, M. D..., représenté par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en date du 21 mars 2019 du tribunal administratif de Limoges ;

2°) d'annuler cet arrêté du 1er février 2019 ;

3°) de l'admettre, à titre provisoire, à l'aide juridictionnelle ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Corrèze, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 200 euros par jouer de retard, et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne la recevabilité de sa requête en première instance :

- sa demande était recevable, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif Limoges ;

En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :

- cette décision est insuffisamment motivée ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation sur la réalité de sa vie commune avec son épouse et de son état de santé ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai :

- la notification de cette décision est illégale dès lors que l'inexécution de la précédente mesure d'éloignement prise à son encontre par l'administration, en date du 29 septembre 2017, ne saurait lui être reproché ; il a présenté une nouvelle demande de titre de séjour pour motif de santé le 23 décembre 2017 ; il ne peut pas être considéré comme s'étant soustrait à une précédente mesure d'éloignement ;

- dans la mesure où il ne peut pas être considéré comme s'étant soustrait à une précédente mesure d'éloignement cette décision est entachée d'une insuffisance de motivation et d'une erreur de droit ;

- cette décision est dépourvue de base légale dans la mesure où la décision de refus de titre de séjour qui la fonde est elle-même illégale ;

- cette décision méconnaît les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'elle a pour conséquence de le séparer de son épouse ;

En ce qui concerne la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans :

- cette décision est illégale dès lors qu'il ne présente aucune menace pour l'ordre public et qu'il ne peut pas être considéré comme s'étant soustrait à une précédente mesure d'éloignement ;

- cette décision méconnaît les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 juin 2019, le préfet de la Corrèze conclut au rejet de la requête de M. D....

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par ordonnance du 15 mai 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 17 juillet 2019 à midi.

M. D... n'a pas été admis à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 juillet 2018.

II- Par une requête enregistrée le 6 avril 2019, sous le numéro 19BX01397, M. D..., représenté par Me F..., demande à la cour de surseoir à l'exécution du jugement n° 1900264 du 21 mars 2019 du tribunal administratif de Limoges.

Il soutient qu'il remplit les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 juin 2019, le préfet de la Corrèze conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que le requérant ne se prévaut d'aucun moyen lié au risque que l'exécution du jugement attaqué entraîne des conséquences difficilement réparables et que les moyens soulevés contre le jugement attaqué ne présentent pas de caractère sérieux.

Par ordonnance du 15 mai 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 17 juillet 2019 à midi.

M. D... n'a pas été admis à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 juillet 2018.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. E... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant albanais, né le 4 mars 1992 à Shkoder, entré en France irrégulièrement, selon ses déclarations, le 26 juin 20, par une requête enregistrée sous le numéro 19BX01385, relève appel du jugement en date du 21 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Corrèze en date du 1er février 2019 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de renvoi, et lui faisant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Par une seconde requête, enregistrée sous le numéro 19BX001397, il sollicite le sursis à exécution de ce jugement.

2. Les requêtes enregistrées sous les numéros 19BX01385 et 19BX01397 sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

3. Par une décision du 18 juillet 2019 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux, M. D... n'a pas été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Dans ces conditions, les conclusions de M. D... tendant à son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet.

Sur la régularité du jugement attaqué :

4. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'historique de suivi des services du courrier produit par le requérant en appel, que l'arrêté contesté a été notifié à M. D... le 8 février 2019, et non le 4 février 2019. Ainsi, lorsqu'il a déposé sa requête au tribunal 9 février 2019, M. D... n'était pas forclos. En raison de cette irrégularité, le jugement attaqué doit être annulé. Dans ces conditions, il y a lieu de statuer, par voie d'évocation, sur la demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Limoges.

Sur la légalité de l'arrêté contesté :

5. En premier lieu, l'arrêté contesté a été pris au visa des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que des articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicables à la situation de M. D..., et notamment les dispositions du 5° du I, du d) du 3° du II, et du III de l'article L. 511-1 de ce code. Cet arrêté relève que l'intéressé n'a pas d'enfant et qu'il est marié avec une ressortissante albanaise, en situation régulière sur le territoire français, depuis le 31 mars 2018, qu'il a été débouté définitivement de l'asile par une décision en date du 7 juillet 2017, qu'il a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement en date du 29 septembre 2017 et qu'il a sollicité son admission au séjour pour motif de santé le 23 décembre 2017, et enfin qu'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 10 octobre 2018 mentionne que le défaut de prise en charge de l'état de santé de M. D... ne devrait pas entraîner de conséquence d'une exceptionnelle gravité. Dès lors, la décision portant refus de titre de séjour et celle refusant d'assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'un délai de départ volontaire, contenues dans l'arrêté contesté du 1er février 2019, doivent être regardées comme suffisamment motivées.

6. En deuxième lieu, M. D... fait valoir qu'il est entré en France irrégulièrement le 26 juin 2016, qu'il est marié avec une compatriote, en situation régulière, depuis le 30 mars 2018 avec laquelle il entretient une vie commune. Toutefois il ressort des pièces du dossier que M. D... est entré récemment en France et qu'il n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a demeuré jusqu'à l'âge de 24 ans. Par ailleurs, son mariage avec une compatriote, célébré le 30 mars 2018, était récent à la date de la décision contestée. Enfin, l'intéressé, qui produit un certificat médical d'un médecin psychiatre exerçant à Brest en date du 24 novembre 2017 mentionnant qu'il souffre d'une dépression majeure et qu'il lui a été prescrit un traitement anti-dépresseur, n'apporte pas d'autres éléments à l'appui de ses déclarations selon lesquelles le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation sur son état de santé, alors que ce dernier produit un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 10 octobre 2018 précisant que si l'état de santé de M. D... nécessitait une prise en charge médicale, le défaut de prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Dans ces conditions, les décisions contestées portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français, et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans ne peuvent être regardées comme ayant porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs qui les fondent et, par conséquent, comme méconnaissant les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs ces décisions ne sont pas entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur sa situation personnelle.

7. En troisième lieu, aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification pour rejoindre le pays dont il possède la nationalité ou tout autre pays non membre de l'Union européenne ou avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen où il est légalement admissible (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : /(...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement. ".

8. L'arrêté contesté mentionne que le requérant n'a pas déféré à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement. Il énonce ainsi le motif pour lequel le préfet a estimé qu'il existait un risque que M. D... se soustraie à l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. Un tel motif dès lors qu'il est constant que l'intéressé a fait l'objet d'une première mesure d'éloignement le 29 septembre 2017 qu'il n'a pas exécuté n'est entaché ni d'erreur de droit ni d'erreur manifeste d'appréciation.

9. En quatrième lieu et pour les motifs précédemment exposés, M. D... n'est pas fondé à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire serait privée de base légale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour.

10. En dernier lieu, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision contestée : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. ".

11. Il ressort des pièces du dossier que M. D... fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français pour laquelle aucun délai de départ volontaire ne lui a été accordé au motif qu'il n'a pas déféré à une précédente mesure d'éloignement prise à son encontre le 29 septembre 2017. Dès lors, l'intéressé qui ne présente aucune circonstance humanitaire au sens des dispositions précitées du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Corrèze aurait fait une inexacte application de ses dispositions en prononçant à son encontre une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français et en fixant la durée de cette interdiction à deux ans alors même que sa présence ne constituait pas une menace pour l'ordre public.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de la Corrèze en date du 1er février 2019. Par voie de conséquence il y a lieu de rejeter ses conclusions à fins d'injonction, ainsi que, en tout état de cause, celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution :

13. Le présent arrêt statue sur l'appel de M. D... tendant à l'annulation du jugement attaqué, dès lors, il n'y a pas lieu de statuer sur sa requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du même jugement.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. D... tendant à son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle ainsi que sur celles à fin de sursis à exécution présentées dans la requête enregistrée sous le numéro 19BX01397.

Article 2 : Le jugement n° 1900264 du tribunal administratif de Limoges du 21 mars 2019 est annulé.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. D... enregistrée sous le numéro 19BX01385 est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Samir D... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Corrèze.

Délibéré après l'audience du 7 octobre 2019, à laquelle siégeaient :

M. Pierre E..., président,

Mme C... B..., présidente assesseure,

Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 novembre 2019.

La présidente assesseure,

Karine B...

Le président,

Pierre E...

Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

5

N°s 19BX01385, 19BX01397


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX01385
Date de la décision : 04/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: M. Pierre LARROUMEC
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : LE TALLEC

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-11-04;19bx01385 ?
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