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06/11/2019 | FRANCE | N°17BX03792

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 06 novembre 2019, 17BX03792


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée OLCA a demandé au tribunal administratif de Pau de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010 et 2012.

Par un jugement n° 1501424 du 5 octobre 2017, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 5 décembre 2017 et 4 mars 2019, la société OLCA, représentée par M

e A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée OLCA a demandé au tribunal administratif de Pau de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010 et 2012.

Par un jugement n° 1501424 du 5 octobre 2017, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 5 décembre 2017 et 4 mars 2019, la société OLCA, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la charge des deux avoirs établis en 2010 est déduite non pas du résultat de l'exercice clos en 2010 mais du résultat de l'exercice clos en 2009, dès lors que deux écritures d'avoir à établir ont été passées par opérations diverses en date du 31 décembre 2009 ; dès lors, les avoirs établis le 8 avril 2010 de 30 000 euros HT chacun, au profit de la SARL LCM et de la SARL LACTPL n'ont pas diminué le résultat de l'exercice 2010 car ils ont été exactement compensés par une reprise des avoirs à établir provisionnés en 2009 ; l'incidence sur le résultat 2010 est donc nulle ;

- s'agissant de la créance irrécouvrable de 107 137,70 euros, le 31 décembre 2012 la totalité des provisions pour créances douteuses constituées antérieurement au titre des loyers dus par la société LACTPL a fait l'objet d'une reprise au compte de produit 78174000, pour un montant de 66 384,02 euros ; dès lors, si l'administration fiscale conteste la déductibilité de la charge pour un montant de 107 137 euros elle ne doit pas imposer le produit correspondant à la reprise des provisions pour 66 384 euros, et le redressement n'est envisageable qu'à hauteur de la charge nette constatée sur l' exercice 2012, soit 40 753 euros ;

- l'abandon de créance a été réalisé sous condition de retour à meilleure fortune et dans l'intérêt de la SARL OLCA, dès lors qu'il s'agissait de conserver le revenu constitué par les loyers, l'immeuble ne pouvant être reloué qu'avec beaucoup de difficultés.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 20 juin 2018 et 15 mars 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête et fait valoir que les moyens ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 19 mars 2019, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 3 avril 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B..., rapporteure

- les conclusions de M. Normand, rapporteur public,

Considérant ce qui suit :

1. La société OLCA, qui exerce l'activité de location de terrains et autres biens immobiliers, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012, à l'issue de laquelle le service vérificateur a, d'une part, remis en cause la déduction de deux avoirs émis au titre de l'exercice clos en 2010, et, d'autre part, réintégré une créance irrécouvrable passée en charge sur l'exercice clos en 2012. Elle relève appel du jugement du 5 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés ainsi mises à sa charge au titre des années 2010 et 2012.

Sur l'abandon de créance de 107 137,70 euros au titre de 2012 :

2 En premier lieu, en vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale. Constitue un acte anormal de gestion l'acte par lequel une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt.

3. Il résulte de l'instruction que la société OLCA, dont le gérant détient 85 % du capital de la société LACTPL dont il est également gérant, a donné à bail commercial à cette dernière un local et un terrain situé à Hagetmau (Landes). Lors de la vérification de comptabilité dont la société OLCA a fait l'objet, le vérificateur a constaté qu'elle avait comptabilisé au 1er janvier 2010 un montant de loyers impayés de 72 453,701 euros. La société OLCA a alors expliqué qu'aux termes d'une convention conclue le 28 décembre 2012, elle avait accordé à sa locataire un abandon de créance de loyers impayés de 107 137 euros TTC sous condition de retour à meilleure fortune et que, le 31 décembre 2012, elle avait comptabilisé la totalité de cette somme au débit du compte 65400 " créances irrécouvrables " et au crédit du compte client 4110004 " locataire LACTPL ". Estimant que l'abandon de créance ainsi consenti était dépourvu de contrepartie et donc constitutif d'un acte anormal de gestion, le vérificateur l'a réintégré aux résultats de la société OLCA au titre de l'année 2012.

4. La société soutient que l'abandon de créance a été réalisé sous condition de retour à meilleure fortune de la société LACTPL dans un délai de dix ans à compter du 1er janvier 2013, et de la reprise du paiement des loyers. Toutefois, d'une part, elle ne démontre pas l'intérêt qu'elle avait à accorder à son locataire ce délai de dix ans, d'autre part, elle était en droit d'exiger la reprise du paiement des loyers en application du contrat de bail. Elle soutient également qu'il s'agissait de conserver le bénéfice du revenu constitué par les loyers, dès lors qu'en cas de cessation d'activité de la société LACTPL, l'immeuble ne pouvait être reloué qu'avec beaucoup de difficultés dès lors qu'il était spécialement aménagé pour l'activité de contrôle technique automobile. Toutefois, elle n'apporte aucun élément établissant que la société LACTPL aurait rencontré des difficultés mettant en cause la pérennité de l'entreprise, ni que l'aménagement de l'immeuble aurait constitué un frein à sa relocation, alors que le bail commercial conclu le 1er décembre 2007 fait état d'un " local commercial de 570 m² avec un terrain de 6 713 m² " sans mentionner d'aménagement particulier. Enfin, si dans son mémoire en réplique enregistré le 4 mars 2019, la société OLCA soutient que depuis l'exercice clos le 31 décembre 2017 la société LACTPL a constaté la réalisation du retour à meilleure fortune et procède au remboursement de la créance de la société OLCA, qui constate à cet effet un produit taxable, ce qui aboutirait à une double imposition, elle n'apporte, en tout état de cause, aucun élément au soutien de ses allégations. Dès lors, eu égard aux éléments ainsi produits, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve de l'abandon de recettes et de son caractère d'acte anormal de gestion.

5. En second lieu, aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 de ce code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice.(...). Les provisions qui, en tout ou en partie, (...) deviennent sans objet au cours d'un exercice ultérieur sont rapportées aux résultats dudit exercice (...). ". Lorsqu'une provision a été régulièrement constituée dans les comptes de l'exercice, et sauf si les règles propres au droit fiscal y font obstacle, notamment les dispositions particulières du 5° du 1 de cet article limitant la déductibilité fiscale de certaines provisions, le résultat fiscal de ce même exercice doit, en principe, être diminué du montant de cette provision dont la reprise, lors d'un ou de plusieurs exercices ultérieurs, entraîne en revanche une augmentation de l'actif net du ou des bilans de clôture du ou des exercices correspondants.

6. La société OLCA soutient que, le 31 décembre 2012, les provisions pour créances douteuses constituées au titre des loyers dus par la société LACTPL ont fait l'objet d'une reprise comptable pour un montant de 66 384,02 euros, de sorte que, l'administration ne pouvait réintégrer au résultat de l'année 2012 l'intégralité de la somme de 107 137 euros mais seulement celle de 40 753 euros. Toutefois, la reprise des provisions est une décision de gestion, opposable tant à l'administration qu'au contribuable, et qui ne peut plus être modifiée après l'expiration du délai légal de déclaration.

Sur les abandons de créances au titre de l'année 2010 :

7. Il résulte de l'instruction que, lors de la vérification de comptabilité de la société OLCA, le vérificateur a réintégré aux résultats de l'exercice clos le 31 décembre 2010 deux " avoirs " portant annulation des loyers impayés en 2009 des sociétés LCM et LACTPL enregistrés durant l'exercice 2010, qu'il a regardé comme des abandons de créances constitutifs d'actes anormaux de gestion. La société appelante soutient que ces " avoirs " n'ont pas diminué le résultat de l'exercice 2010, dès lors qu'ils ont été exactement compensés par une reprise de la provision comptabilisée en 2009. Toutefois, comme il a été dit au point 6 du présent arrêt, la reprise des provisions est une décision de gestion, et, en application du principe d'intangibilité du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit posé par le 4 bis de l'article 38 du code général des impôts, la société OLCA n'est pas fondée à demander la modification par correction symétrique de la rectification effectuée par l'administration.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la société OLCA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société OLCA est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée OLCA et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 3 octobre 2019 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme B..., présidente-assesseure,

M. Manuel Bourgeois premier-conseiller.

Lu en audience publique, le 6 novembre 2019.

La rapporteure,

C...Le président

Éric Rey-Bèthbéder

Le greffier,

Caroline Brunier

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 17BX03792 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 17BX03792
Date de la décision : 06/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-04-082 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Détermination du bénéfice net. Acte anormal de gestion.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Frédérique MUNOZ-PAUZIES
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : COMBRADET-CLAVERIE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-11-06;17bx03792 ?
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