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12/12/2019 | FRANCE | N°17BX03971,17BX03978

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 12 décembre 2019, 17BX03971,17BX03978


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté de communes du pays de Luchon, devenue la communauté de communes des Pyrénées Haut Garonnaises, a demandé au tribunal administratif de Toulouse, à titre principal, de condamner solidairement MM. B... et C... et les sociétés Ingerop Colas Sud Ouest à lui verser la somme de 448 049,52 euros au titre de leur responsabilité décennale.

Par un jugement n° 1500795 du 5 octobre 2017, rectifié par une ordonnance du 15 novembre 2017, le tribunal administratif de Toulouse a condamné in solid

um la société Colas Sud Ouest et le groupement de maîtrise d'oeuvre composé de MM....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté de communes du pays de Luchon, devenue la communauté de communes des Pyrénées Haut Garonnaises, a demandé au tribunal administratif de Toulouse, à titre principal, de condamner solidairement MM. B... et C... et les sociétés Ingerop Colas Sud Ouest à lui verser la somme de 448 049,52 euros au titre de leur responsabilité décennale.

Par un jugement n° 1500795 du 5 octobre 2017, rectifié par une ordonnance du 15 novembre 2017, le tribunal administratif de Toulouse a condamné in solidum la société Colas Sud Ouest et le groupement de maîtrise d'oeuvre composé de MM. C... et B... ainsi que de la société Ingerop à lui verser une somme de 240 793,75 euros hors taxes outre les frais d'expertise et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête n° 17BX03971 enregistrée le 15 décembre 2017 et un mémoire récapitulatif enregistré le 8 mai 2019, la communauté de communes des Pyrénées Haut Garonnaises, représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 5 octobre 2017 en tant qu'il n'a pas condamné in solidum MM. B... et C... et les sociétés Ingerop et Colas Sud Ouest à lui verser la somme de 448 049,52 euros toutes taxes comprises au titre de leur responsabilité décennale ;

2°) de mettre à la charge in solidum de MM. B... et C... ainsi que des sociétés Ingerop et Colas Sud Ouest une somme de 12 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la responsabilité décennale des constructeurs est engagée dès lors qu'il n'est pas contesté que les désordres rendent l'ouvrage impropre à sa destination, qu'il s'agit d'un régime de responsabilité sans faute et solidaire à l'égard du maître de l'ouvrage et que l'acte d'engagement du marché ne comporte aucune répartition des tâches entre les membres du groupement de maîtrise d'oeuvre ;

- le coût des frais de reprise fixé par l'expert judiciaire, établi par devis, n'est pas sérieusement contesté par les parties et correspond de surcroît aux coûts prévus au marché ;

- il ne lui appartient pas d'établir qu'elle serait éligible au fond de compensation pour la TVA, dont le taux est en tout état de cause inférieur au montant de la TVA dont les travaux de reprise seront nécessairement grevés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mars 2018, la société Ingerop Conseil et Ingénierie, représentée par Me F..., conclut, à titre principal, au rejet de la requête et à ce que le jugement attaqué soit réformé en tant qu'il a retenu sa responsabilité dans les dommages constatés ; subsidiairement, à ce que ce jugement soit réformé en tant qu'il n'a pas condamné MM. B... et C... à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre et n'a pas réduit à de plus justes proportions le montant du préjudice subi par la communauté de communes ; en tout état de cause, à ce que sa responsabilité soit limitée à 10 % du montant des dommages et à ce qu'une somme de 6 000 euros soit mise à la charge de la communauté de communes et de tout autre succombant au titre des frais qu'elle a exposés pour l'instance.

Elle soutient qu'elle n'est pas intervenue dans la direction et l'exécution des travaux et que la répartition des tâches entre les membres du groupement de maîtrise d'oeuvre est opposable au maître de l'ouvrage, de sorte que sa responsabilité décennale n'est pas engagée à raison des désordres constatés et qu'en tout état de cause, elle doit être garantie par les autres membres de ce groupement des condamnations prononcées à son encontre ; que le montant des travaux de reprise a été justement évalué par les premiers juges et que la communauté de commune ne justifie pas qu'elle ne pourra pas récupérer la TVA sur le montant des travaux de reprise.

Par un mémoire, enregistré le 13 juin 2018, MM. B... et C..., représentés par Me A..., concluent au rejet de la requête et au rejet des conclusions présentées par la société Ingerop, reconventionnellement à ce que le jugement attaqué soit réformé en tant qu'il n'a pas condamné la société Ingerop à les garantir, à hauteur de 50 %, des condamnations prononcées à leur encontre. Ils demandent également qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la communauté de commune ou de tout succombant au titre des frais qu'ils ont exposés pour l'instance.

Ils soutiennent que les essais contractuellement prévus étaient à la charge de la société Ingerop ; que le montant des travaux de reprise a été justement évalué par les premiers juges et que la communauté de commune ne justifie pas qu'elle ne pourra pas récupérer la TVA sur le montant des travaux de reprise.

Par deux mémoires, enregistrés les 30 octobre 2018 et 11 juin 2019, la société Colas Sud Ouest, représentée par la SCP de Caunes-Forget, conclut au rejet de la requête et, reconventionnellement, à ce que le jugement attaqué soit réformé en tant qu'il n'a pas limité à 60 % l'engagement de sa responsabilité, enfin à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la communauté de communes des Pyrénées Haut Garonnaises ou tout autre succombant au titre des frais qu'elle a exposés pour l'instance.

Elle soutient qu'elle n'est pas responsable des dommages dès lors que le mortier de fondation est conforme au CCTP tandis que le mortier de joints qui lui a été livré ne correspond pas à celui qu'elle avait commandé, que le montant des travaux de reprise a été justement évalué par les premiers juges et que la communauté de communes ne justifie pas qu'elle ne pourra pas récupérer la TVA sur le montant des travaux de reprise.

II. Par une requête n° 17BX03978, enregistrée le 18 décembre 2017 et un mémoire récapitulatif enregistré le 8 mai 2019, la communauté de communes des Pyrénées Haut Garonnaises, représentée par Me D..., demande à la cour d'annuler l'ordonnance en rectification d'erreur matérielle du tribunal administratif de Toulouse du 15 novembre 2017.

Elle soutient que les premiers juges ont commis une erreur d'appréciation en évaluant les sommes que le jugement du 15 octobre 2017 a condamné les constructeurs à lui verser et une erreur de fait en considérant que l'expert judiciaire avait fixé le montant les frais de maîtrise d'oeuvre à 4,17 % du montant des travaux de reprise.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mars 2018, la société Ingerop conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la communauté de communes et de tout autre succombant au titre des frais qu'elle a exposés pour l'instance.

Elle soutient que le taux de 4,17 % retenu par les premiers juges au titre des frais de maîtrise d'oeuvre est cohérent.

Par un mémoire, enregistré le 13 juin 2018, MM. B... et C..., représentés par Me A..., conclut aux mêmes fins que dans la requête n° 17BX03971 et par les mêmes moyens et demandent en outre que la requête soit rejetée.

Par un mémoire, enregistré le 30 octobre 2018, la société Colas Sud Ouest, représentée par la SCP de Caunes-Forget, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la communauté de communes et de tout autre succombant au titre des frais qu'elle a exposés pour l'instance.

Elle soutient que le taux de 4,17 % retenu par les premiers juges au titre des frais de maîtrise d'oeuvre est cohérent.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée ;

- le décret n° 93-1268 du 29 novembre 1993 relatif aux missions de maîtrise d'oeuvre confiées par des maîtres d'ouvrage publics à des prestataires de droit privé ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bourgeois, rapporteur,

- les conclusions de M. Normand, rapporteur public,

- et les observations de Me E..., représentant MM. B... et C..., et G..., représentant la société Colas Sud-Ouest.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes n° 17BX03971 et n° 17BX03978 concernent les mêmes parties, doivent être regardées comme dirigées contre un même jugement, après qu'il a fait l'objet d'une rectification d'erreur matérielle, posent des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Par suite, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt.

2. Par acte d'engagement du 15 décembre 2006, la commune de Bagnères-de-Luchon, aux droits de laquelle vient la communauté de communes du pays de Luchon, devenue la communauté de communes Pyrénées Haut Garonnaises, ci-après la communauté de communes, a confié à un groupement solidaire composé de MM. B... et C..., architectes, et de la société Ingerop Conseil et Ingénierie, bureau d'étude, la maîtrise d'oeuvre d'un marché relatif à la rénovation des rues du quartier du Courtat à Bagnères-de-Luchon. Le 12 septembre 2007, le marché de travaux correspondant a été confié à la société Sacer Atlantique, aux droits de laquelle vient la société Colas Sud Ouest. Les travaux ont été réceptionnés sans réserve à effet du 14 avril 2009 mais des désordres sont apparus dès le mois d'octobre 2009. L'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a remis son rapport le 10 février 2014. Par une ordonnance du 15 décembre 2014, le juge des référés de ce tribunal a condamné solidairement la société Colas Sud Ouest, MM. C... et B... ainsi que la société Ingerop à verser à la communauté de communes une provision de 260 178,20 euros et a condamné la société Colas Sud Ouest à garantir les maîtres d'oeuvre à hauteur de 80 % des condamnations prononcées à leur encontre.

3. La communauté de communes demande à la cour de réformer le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 5 octobre 2017 et l'ordonnance de rectification d'erreur matérielle du 15 novembre 2017 en tant qu'ils ont limité à 240 793,75 euros hors taxes la somme que la société Colas Sud Ouest et les maîtres d'oeuvre ont été condamnés in solidum à lui verser. La société Ingérop demande à la cour, reconventionnellement, de réformer ce jugement, à titre principal, en tant qu'il a retenu sa responsabilité décennale et, à titre subsidiaire, en tant qu'il n'a pas condamné MM. C... et B... à la garantir des condamnations prononcées à son encontre. La société Colas Sud Ouest demande, reconventionnellement, à ce que le jugement attaqué soit réformé en tant qu'il n'a pas limité à 60 % l'engagement de sa responsabilité. Enfin, MM. B... et C... demandent que ce jugement soit réformé en tant qu'il n'a pas condamné la société Ingerop à les garantir, à hauteur de 50 % des condamnations prononcées à leur encontre.

Sur la responsabilité :

4. Les membres d'un groupement solidaire sont responsables, à l'égard du maître d'ouvrage, de l'exécution de la totalité des obligations contractuelles. Ils sont en outre réputés s'être donnés mandat pour se représenter mutuellement en justice. Il ne peut être fait échec à cette solidarité que si une répartition des tâches entre les entreprises a été signée par le maître d'ouvrage auquel elle est alors opposable.

5. Aucune des parties défenderesses ne conteste que les désordres affectant l'ouvrage le rendent impropre à sa destination, sont imputables tant à l'entrepreneur chargé du marché de travaux qu'au maître d'oeuvre et que la responsabilité décennale des constructeurs est dès lors solidairement engagée.

6. Si la société Ingerop soutient néanmoins que sa propre responsabilité ne saurait être engagée au titre de cette garantie au motif que l'annexe 3 à l'acte d'engagement du contrat de maîtrise d'oeuvre limitait sa rémunération à 10 % du montant des prestations de " direction de l'exécution des travaux " (DET) réalisées par la maîtrise d'oeuvre et que l'expert judiciaire a constaté qu'en pratique il n'avait pas a été fait appel à ses services au titre de cette prestation, il résulte de l'instruction, d'une part, que cette annexe, unilatéralement modifiée par le mandataire de ce groupement afin de préciser la part de rémunération revenant à chacun de ses membres, n'a été adressée par télécopie au maître de l'ouvrage que le 3 août 2007, soit plus de sept mois après la signature de l'acte d'engagement, d'autre part, que cette annexe modifiée ne fixe aucune répartition entre les membres du groupement des prestations relatives à la mission DET. Dans ces conditions, la société Ingerop n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la répartition des tâches entre les membres du groupement n'était pas opposable au maître d'ouvrage et ont, par suite, considéré que sa responsabilité était engagée au titre de la garantie décennale in solidum avec l'entrepreneur de travaux et les autres maîtres d'oeuvre.

Sur le préjudice :

7. L'expert judiciaire a considéré, sans être sérieusement contesté, que les travaux de reprise impliquaient une démolition puis une reconstruction de la chaussée dégradée. Il a consulté deux entreprises de travaux publics et a retenu le devis le mieux disant, établi le 2 décembre 2013 pour un montant global de 349 254,60 euros hors taxes auquel il convient d'ajouter une mission de maîtrise d'oeuvre complète chiffrée à la somme de 28 944 euros et dont le caractère forfaitaire n'est pas discuté.

8. En premier lieu, les premiers juges ont considéré que le coût au m² des surfaces en pavés de granit gris et en pierre des Pyrénées mentionné dans ce devis, fixé, respectivement, à 280 et 290 euros, était exagéré, qu'il convenait de le réduire au montant unique de 150 euros et ont, en conséquence, déduit une somme de 118 000 euros du montant des travaux. Toutefois, il résulte de l'instruction que le coût au m² des pavés en pierre des Pyrénées était déjà fixé à la somme de 283,60 euros par le contrat passé par la société SACER Atlantique en 2007 tandis que le prix de 150 euros n'est justifié par aucun élément factuel. Par suite, il n'y pas lieu de procéder à une réfaction des prix au m² retenus par l'expert. En revanche, les constructeurs sont fondés à soutenir que, compte tenu de la superficie de la zone concernée par les travaux de reprise, la quantité retenue dépasse de 35 % les quantités fixées au précédent marché. Ainsi, le coût des travaux de pose de pierres et pavés doit être réduit, de 247 400 à 160 810 euros. En outre, eu égard au caractère superficiel des désordres, " la fourniture et la mise en oeuvre de Gf\IT 0/20 sur 15 cm pour " profilage y compris compactage ", pour un montant de 8 640 euros, ainsi que la pose de " grave bitume " et de béton bitumineux, pour un montant total de 2 860 euros, ne sont pas justifiées. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise ainsi que de l'acte d'engagement signé par la société SACER, que les prix forfaitaires mentionnés dans le devis retenu par l'expert soient excessifs ou que certains des autres travaux prévus à ce devis soient inutiles ou redondants. Par suite, il y a lieu de fixer le montant des travaux de reprise à la somme globale de 280 108,60 euros.

9. En second lieu, d'une part, le montant du préjudice dont le maître de l'ouvrage est fondé à demander réparation aux constructeurs en raison des désordres affectant l'immeuble qu'ils ont réalisé correspond aux frais qu'il doit engager pour les travaux de réfection. Ces frais comprennent, en règle générale, la taxe sur la valeur ajoutée, élément indissociable du coût des travaux, à moins que le maître de l'ouvrage ne relève d'un régime fiscal qui lui permet normalement de déduire tout ou partie de cette taxe de celle dont il est redevable à raison de ses propres opérations. Or, aux termes du premier alinéa de l'article 256 B du code général des impôts : " Les personnes morales de droit public ne sont pas assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée pour l'activité de leurs services administratifs, sociaux, éducatifs, culturels et sportifs lorsque leur non-assujettissement n'entraîne pas de distorsions dans les conditions de la concurrence ".

10. D'autre part, si l'article L. 1615-1 du code général des collectivités territoriales a institué un fonds de compensation destiné à permettre progressivement le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée par les collectivités territoriales sur leurs dépenses réelles d'investissement, ces dispositions législatives, qui ne modifient pas le régime fiscal des opérations desdites collectivités, ne font pas obstacle à ce que la taxe sur la valeur ajoutée grevant les travaux de reprise de la voirie publique soit incluse dans le montant de l'indemnité due par les constructeurs à la communauté de communes. Par suite, la communauté appelante est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont refusé d'assortir la condamnation prononcée à l'encontre des constructeurs du paiement de la taxe sur la valeur ajoutée.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la communauté de communes est seulement fondée à demander que le jugement attaqué soit réformé en tant qu'il n'a pas condamné les constructeurs à lui verser la somme globale de 336 130, 32 euros toutes taxes comprises.

Sur les appels en garantie :

12. Il résulte de l'instruction et n'est pas contesté que les désordres affectant l'ouvrage ont été causés par l'utilisation de mortiers de scellement et de joints qui étaient inadaptés et n'étaient pas conformes aux prescriptions contractuelles. En outre, il résulte des stipulations de l'article 5.10.1 du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) du marché de travaux qu'il appartenait à l'entrepreneur en charge des travaux de réaliser des essais sur les matériaux utilisés et d'en transmettre les résultats au maître d'oeuvre. Or, il résulte également de l'instruction que ces essais n'ont été ni réalisés par l'entrepreneur ni réclamés par le maître d'oeuvre.

13. En premier lieu, lorsque le juge administratif est saisi d'un litige né de l'exécution d'un marché de travaux publics opposant le maître d'ouvrage à des constructeurs qui ont constitué un groupement pour exécuter le marché, il est compétent pour connaître des actions en garantie engagées par les constructeurs les uns envers les autres si le marché indique la répartition des prestations entre les membres du groupement. Si tel n'est pas le cas, le juge administratif est également compétent pour connaître des actions en garantie entre les constructeurs, quand bien même la répartition des prestations résulterait d'un contrat de droit privé conclu entre eux, hormis le cas où la validité ou l'interprétation de ce contrat soulèverait une difficulté sérieuse.

14. Il ressort de la proposition de répartition des honoraires que la société Ingerop a adressée par courriel au mandataire du groupement le 21 juin 2007, et que celui-ci a acceptée de façon manuscrite le 26 juin suivant, ainsi que de l'annexe 3 à l'acte d'engagement que le mandataire du groupement de maîtrise d'oeuvre a adressée après modification au maître d'ouvrage le 3 août 2007, que la société Ingerop n'a perçu que 10 % des honoraires correspondant à la mission DET, que ces honoraires correspondaient en une " assistance technique seulement " sur la base de déplacements ponctuels et que l'expert a relevé sans être aucunement contesté que cette assistance technique n'avait, en définitive, pas été sollicitée. Ainsi il ne lui appartenait notamment pas de réclamer à l'entrepreneur les essais prévus au CCTP ni de vérifier la conformité de leurs résultats à ce même cahier sans que MM. B... et C..., architectes en charge, à titre principal, de la mission DET et qui présidaient, à ce titre, aux réunions de chantier, puissent sérieusement soutenir que le contrôle de la qualité des mortiers présentaient un caractère technique de sorte qu'il aurait incombé au bureau d'étude technique de s'assurer que le titulaire du marché de travaux avait réalisé les essais prévus au CCTP et que ceux-ci étaient conformes. Par suite, la société Ingerop n'ayant commis aucune faute en lien avec les désordres concernés, elle est fondée à soutenir, d'une part, que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que son appel en garantie présentait une difficulté sérieuse et, d'autre part, à demander la réformation du jugement attaqué en tant qu'il n'a pas condamné MM. B... et C... à la garantir de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre.

15. En second lieu, il appartenait à la société Colas Sud Ouest, en sa qualité de titulaire du marché de travaux, d'accomplir sa tâche dans les règles de l'art et, en particulier, de vérifier la qualité et la conformité des produits qu'elle a utilisés pour exécuter ce marché ainsi que le lui prescrivaient de surcroît les stipulations susmentionnées de l'article 5.10.1 du CCTP. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges l'ont condamnée à garantir le groupement de maîtrise d'oeuvre à hauteur de 80 % des condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci sans pouvoir utilement faire valoir que seuls les mortiers de joints et de scellement n'étaient pas conformes au CCTP et que cette absence de conformité trouve sa cause dans une erreur de son fournisseur, cette dernière circonstance étant seulement de nature à lui permettre, si elle s'y croit fondée, à rechercher la responsabilité de ce dernier devant le juge judiciaire.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Colas Sud Ouest, de la société Ingerop ainsi que de MM. B... et C..., in solidum, une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la communauté de communes. Dans les mêmes circonstances, il y a également lieu de mettre à la charge de MM. C... et B... une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés pour l'instance par la société Ingérop. En revanche, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient accueillies les demandes présentées au même titre par la société Colas Sud Ouest et par MM. B... et C....

DÉCIDE :

Article 1er : La société Colas Sud-ouest, la société Ingerop ainsi que MM. B... et C... sont condamnés, in solidum, à verser à la communauté de communes des Pyrénées Haut Garonnaises, la somme de 336 130,32 euros toutes taxes comprises en réparation de ses préjudices.

Article 2 : MM. B... et C... sont condamnés à garantir la société Ingerop des condamnations prononcées à son encontre à l'article 1er du dispositif du présent arrêt.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 5 octobre 2017 rectifié par l'ordonnance du même tribunal du 15 novembre 2017 est réformé en tant qu'il est contraire au présent arrêt.

Article 4 : La société Colas Sud Ouest, la société Ingerop, MM. B... et C... verseront, in solidum, à la communauté de communes des Pyrénées Haut Garonnaises une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : MM. B... et C... verseront à la société Ingerop une somme globale de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions présentées par la communauté de communes des Pyrénées Haut Garonnaises, par la société Colas Sud Ouest, par la société Ingerop ainsi que par MM. B... et C... sont rejetées.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la société Colas Sud Ouest, à la société Ingerop à MM. B... et C... et à la communauté de communes des Pyrénées Haut Garonnaises.

Délibéré après l'audience du 14 novembre 2019 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme H... présidente-assesseure,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 décembre 2019

Le rapporteur,

Manuel Bourgeois

Le président,

Éric Rey-BèthbéderLa greffière,

Camille Péan

La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Garonne en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

N°17BX03971-17BX03978


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 17BX03971,17BX03978
Date de la décision : 12/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01-04 Marchés et contrats administratifs. Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. Responsabilité décennale.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: M. Manuel BOURGEOIS
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : SELAS D'AVOCATS ATCM DARNET GENDRE ATTAL PELLEGRY ; SOURZAC ; SELAS D'AVOCATS ATCM DARNET GENDRE ATTAL PELLEGRY

Origine de la décision
Date de l'import : 24/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-12-12;17bx03971.17bx03978 ?
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