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16/12/2019 | FRANCE | N°17BX00294

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 16 décembre 2019, 17BX00294


Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

Les communes de Saint-Maurin, Saint-Martin-de-Beauville, Dondas, Cauzac et Tayrac ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux, par des requêtes distinctes, d'annuler l'arrêté du 30 mars 2016 par lequel le préfet de Lot-et-Garonne a arrêté le schéma départemental de coopération intercommunale en tant qu'il ne se prononce pas sur la fusion de la communauté de communes Portes d'Aquitaine en Pays de Serres avec la communauté d'agglomération d'Agen.

Par un jugement n°s 1602302-1602305-16023

07-1602309-1602323 du 30 novembre 2016, procédant à la jonction des requêtes, le t...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

Les communes de Saint-Maurin, Saint-Martin-de-Beauville, Dondas, Cauzac et Tayrac ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux, par des requêtes distinctes, d'annuler l'arrêté du 30 mars 2016 par lequel le préfet de Lot-et-Garonne a arrêté le schéma départemental de coopération intercommunale en tant qu'il ne se prononce pas sur la fusion de la communauté de communes Portes d'Aquitaine en Pays de Serres avec la communauté d'agglomération d'Agen.

Par un jugement n°s 1602302-1602305-1602307-1602309-1602323 du 30 novembre 2016, procédant à la jonction des requêtes, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés le 27 janvier 2017, le 18 mai 2017 et le 9 juillet 2018, la communauté d'agglomération d'Agen, représentée par la Selarl Landot et Associés, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 30 novembre 2016 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 30 mars 2016 par lequel le préfet de Lot-et-Garonne a arrêté le schéma départemental de coopération intercommunale ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif a commis une erreur de droit en ne sanctionnant pas le préfet qui a appliqué, alors que le critère d'une densité de population inférieure à 30% de la densité nationale n'était pas rempli, la dérogation prévue au b) du 1° de l'article 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales ;

- le préfet était dans une situation de compétence liée qui l'obligeait à constater que la densité démographique de la communauté de communes Portes d'Aquitaine en Pays de Serres (CCPAPS) était supérieure à 30% de la densité démographique nationale et à en tirer les conséquences quant à l'évolution du périmètre de cet établissement public ;

- la différence opérée entre les situations de la CCPAPS et de la communauté de communes de Penne d'Agenais (CCPA) n'est pas justifiée ;

- c'est à tort que le tribunal administratif n'a pas sanctionné le préfet qui a commis une erreur manifeste d'appréciation et une erreur de droit en en ne retenant pas un périmètre dans lequel elle serait comprise avec la CCPAPS, un tel périmètre présentant une réelle cohérence spatiale ;

- le tribunal administratif a commis une erreur de fait en retenant une densité moyenne nationale de population de 118 habitants au km2 alors que la consultation des données statistiques de l'INSEE révèle une densité de 103,6 habitants au km2 ;

- le tribunal administratif a entaché sa décision d'une erreur de fait en estimant que les communes alors requérantes n'appartenaient pas à un syndicat mixte.

Par un mémoire, enregistré le 16 août 2017, les communes de Saint-Maurin, Saint-Martin-de-Beauville, Dondas, Cauzac et Tayrac, représentées par la Selarl Landot et Associés, concluent aux mêmes fins que la communauté d'agglomération d'Agen par les mêmes moyens et à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 2 000 euros à leur verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 janvier 2018, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête et, à défaut, à la requalification de celle-ci comme tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 mars 2016 en tant seulement que celui-ci ne se prononce pas sur la fusion de la communauté de communes Portes d'Aquitaine en Pays de Serres avec la communauté d'agglomération d'Agen.

Il fait valoir que :

- les moyens soulevés par l'appelante ne sont pas fondés ;

- l'annulation totale de l'arrêté contesté sera de nature à déstabiliser les équilibres des nouvelles intercommunalités issues de la mise en oeuvre du schéma départemental au 1er janvier 2017 dont la création relève d'une démarche consensuelle.

Par une ordonnance du 17 octobre 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 4 novembre 2019 à 12 h 00.

Par une lettre du 6 novembre 2019, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office.

Par un mémoire, enregistré le 7 novembre 2019, les communes de Saint-Maurin, Saint-Martin-de-Beauville, Dondas, Cauzac et Tayrac y ont répondu.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... A... ;

- les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public ;

- et les observations de Me B..., représentant l'Agglomération d'Agen et les communes de Cauzac, de Dondas, de Tayrac, de Saint-Maurin et de Saint-Martin-de Beauville.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 30 mars 2016, le Préfet de Lot-et-Garonne a arrêté le schéma départemental de coopération intercommunale de Lot-et-Garonne. Les communes de Saint-Maurin, Saint-Martin-de-Beauville, Dondas, Cauzac et Tayrac, membres de la communauté de communes Portes d'Aquitaine en Pays de Serres (CCPAPS) composée de 13 communes, au soutien desquelles la communauté d'agglomération d'Agen est intervenue volontairement, ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler cet arrêté en tant qu'il n'intègre pas de proposition de modification du périmètre de la CCAPS à laquelle elles appartiennent et ne les rattache pas à la communauté d'agglomération d'Agen. Par un jugement du 30 novembre 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ces demandes. La communauté d'agglomération d'Agen qui relève appel de ce jugement dont elle sollicite l'annulation doit, en outre, être regardée comme demandant l'annulation de l'arrêté du 30 mars 2016 par lequel le préfet de Lot-et-Garonne a arrêté le schéma départemental de coopération intercommunale en tant qu'il ne se prononce pas sur sa fusion avec la communauté de communes Portes d'Aquitaine en Pays de Serres.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes des dispositions de l'article 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République : " I. - Dans chaque département, il est établi, au vu d'une évaluation de la cohérence des périmètres et d'un état des lieux de la répartition des compétences des groupements existants et de leur exercice, un schéma départemental de coopération intercommunale prévoyant une couverture intégrale du territoire par des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre et la suppression des enclaves et discontinuités territoriales. / II. - Ce schéma prévoit également les modalités de rationalisation des périmètres des établissements publics de coopération intercommunale et des syndicats mixtes existants. Il peut proposer la création, la transformation ou la fusion d'établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, ainsi que la modification de leurs périmètres. (...) / III. - Le schéma prend en compte les orientations suivantes :1° La constitution d'établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre regroupant au moins 15 000 habitants ; toutefois, ce seuil est adapté, sans pouvoir être inférieur à 5 000 habitants pour les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre ainsi que pour les projets d'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre : a) Dont la densité démographique est inférieure à la moitié de la densité nationale, au sein d'un département dont la densité démographique est inférieure à la densité nationale ; le seuil démographique applicable est alors déterminé en pondérant le nombre de 15 000 habitants par le rapport entre la densité démographique du département auquel appartiennent la majorité des communes du périmètre et la densité nationale ; b) Dont la densité démographique est inférieure à 30 % de la densité nationale ; (...) Pour l'application du présent 1°, la population à prendre en compte est la population municipale authentifiée par le plus récent décret publié en application de l'article 156 de la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité, la densité nationale est déterminée en divisant la somme des populations municipales des départements de métropole et d'outre-mer et des collectivités territoriales exerçant les compétences départementales par la somme des superficies de ces mêmes départements et collectivités territoriales, et la densité démographique d'un département, d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ou d'un projet de périmètre d'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre est déterminée en divisant la somme des populations municipales authentifiées des communes qui le composent par la somme des superficies de ces communes. / 2° La " cohérence spatiale " des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre au regard notamment du périmètre des unités urbaines au sens de l'Institut national de la statistique et des études économiques, des bassins de vie et des schémas de cohérence territoriale ; 3° L'accroissement de la solidarité financière et de la solidarité territoriale ; / (...) ".

3. Il résulte des dispositions du 1° du III de l'article 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales, mentionnées au point 2, que le législateur a entendu imposer un seuil minimal de population 15 000 habitants, pouvant être abaissé à 5 000 habitants dans certaines circonstances, pour tout établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre et que ledit seuil doit être interprété strictement. Il suit de là que l'autorité préfectorale est tenue de refuser tout projet de regroupement intercommunal laissant subsister un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la population n'atteindrait pas le seuil minimal ainsi applicable.

4. Il ressort des pièces du dossier que la communauté de communes Porte d'Aquitaine en Pays de Serres compte, dans son périmètre actuel, une population de 5 277 habitants et regroupe 13 communes parmi lesquelles celles de Saint-Maurin, Saint-Martin-de-Beauville, Dondas, Cauzac et Tayrac. Le 9 octobre 2015, le préfet de Lot-et-Garonne a présenté à la commission départementale de coopération intercommunale un projet de schéma départemental ne proposant notamment pas d'évolution des périmètres de la communauté d'agglomération d'Agen et de la communauté de communes Porte d'Aquitaine en Pays de Serres au motif qu'au regard de sa faible densité démographique cette dernière était éligible à la dérogation prévue au b) du 1° du III de l'article 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales. Après que le projet de schéma départemental de coopération intercommunale a été adressé pour avis à l'ensemble des collectivités territoriales concernées, les communes de Saint-Maurin, Saint-Martin-de-Beauville, Dondas, Cauzac et Tayrac et l'une des 31 communes membres de la communauté d'agglomération d'Agen ont exprimé leur opposition. Lors de la réunion de la commission départementale de coopération intercommunale du 21 mars 2016, le maire de la commune de Saint-Martin-de-Beauville a soumis un amendement proposant la fusion de la communauté de communes Porte d'Aquitaine en Pays de Serres et de la communauté d'agglomération d'Agen qui n'a pas recueilli l'accord de la majorité qualifiée.

5. La communauté d'agglomération appelante soutient que le préfet a commis une erreur de droit en s'abstenant de faire évoluer le périmètre de la communauté de communes Porte d'Aquitaine en Pays de Serres au motif que la densité de population de cet établissement public de coopération intercommunale la rendait éligible, à 17 habitants près, à la dérogation prévue au b) du 1° du III de l'article 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales. Si le ministre de l'intérieur fait valoir que la densité démographique de la communauté de communes Porte d'Aquitaine en Pays de Serres la rendait éligible à ladite dérogation, à un 1 habitant près, lors de la présentation en octobre 2015 du projet initial de schéma départemental à la commission départementale de coopération intercommunale et, à 17 habitants près, à partir du mois de janvier 2016 en raison d'une évolution à la hausse du nombre d'habitants, il est constant que la densité démographique de la communauté de communes Porte d'Aquitaine en Pays de Serres, correspondant à 31,28 habitants au km2, est supérieure à 30% de la densité nationale fixée à 31, 17 habitants au km2. Dès lors, le préfet de Lot-et-Garonne était tenu de refuser le projet de regroupement intercommunal laissant subsister la communauté de communes Porte d'Aquitaine en Pays de Serres, établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, dont la population n'atteignait pas le seuil minimal de 15 000 habitants qui ne pouvait être abaissé à 5 000 habitants dès lors que les conditions d'une telle adaptation n'étaient pas remplies.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la communauté d'agglomération d'Agen est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande d'annulation de l'arrêté du 30 mars 2016 par lequel le préfet de Lot-et-Garonne a arrêté le schéma départemental de coopération intercommunale en tant qu'il ne se prononce pas sur la fusion de la communauté de communes Portes d'Aquitaine en Pays de Serres avec la communauté d'agglomération d'Agen.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à la communauté d'agglomération d'Agen et aux communes de Saint-Maurin, Saint-Martin-de-Beauville, Dondas, Cauzac et Tayrac de la somme globale de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : L'arrêté du 30 mars 2016 par lequel le préfet de Lot-et-Garonne a arrêté le schéma départemental de coopération intercommunale est annulé en tant qu'il ne se prononce pas sur la fusion de la communauté de communes Portes d'Aquitaine en Pays de Serres avec la communauté d'agglomération d'Agen.

Article 2 : Le jugement n°s 1602302-1602305-1602307-1602309-1602323 du 30 novembre 2016 du tribunal administratif de Bordeaux est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à la communauté d'agglomération d'Agen et aux communes de Saint-Maurin, Saint-Martin-de-Beauville, Dondas, Cauzac et Tayrac la somme globale de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté d'agglomération d'Agen, à la communauté de communes Porte d'Aquitaine en pays de Serres, aux communes de Saint-Maurin, Saint-Martin-de-Beauville, Dondas, Cauzac et Tayrac et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de Lot-et-Garonne.

Délibéré après l'audience du 18 novembre 2019, à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

Mme C... A..., présidente-assesseure,

Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 décembre 2019.

Le rapporteur,

Karine A...Le président,

Pierre Larroumec

Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 17BX00294 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 17BX00294
Date de la décision : 16/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

135-05-03 Collectivités territoriales. Coopération. Coopération interdépartementale.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: Mme karine BUTERI
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : CABINET LANDOT et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 24/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-12-16;17bx00294 ?
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