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16/12/2019 | FRANCE | N°17BX03592,17BX04034

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 16 décembre 2019, 17BX03592,17BX04034


Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

Par deux requêtes distinctes, M. H... a demandé au tribunal administratif de Pau, d'une part, d'annuler l'arrêté du 5 août 2015 par lequel le maire de Lescar a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident dont il a été victime le 7 novembre 2013 et, d'autre part, de condamner la commune de Lescar à lui verser une indemnité de 15 000 euros en réparation des préjudices causés.

Par un jugement commun n° 1501364, 1501834 du 15 septembre 2017, le tribunal administratif de Pau

a admis l'intervention du défenseur des droits, annulé l'arrêté du 5 août 2015 et a ...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

Par deux requêtes distinctes, M. H... a demandé au tribunal administratif de Pau, d'une part, d'annuler l'arrêté du 5 août 2015 par lequel le maire de Lescar a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident dont il a été victime le 7 novembre 2013 et, d'autre part, de condamner la commune de Lescar à lui verser une indemnité de 15 000 euros en réparation des préjudices causés.

Par un jugement commun n° 1501364, 1501834 du 15 septembre 2017, le tribunal administratif de Pau a admis l'intervention du défenseur des droits, annulé l'arrêté du 5 août 2015 et a condamné la commune de Lescar à verser à M. H... une somme de 4 000 euros.

Procédures devant la cour :

I. Par une requête et un bordereau de production de pièces, enregistrés le 17 novembre 2017 et le 21 février 2019 sous le n° 17BX03592, la commune de Lescar, représentée par Me I..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Pau du 15 septembre 2017 en tant qu'il a annulé l'arrêté du 5 août 2015 et engagé la responsabilité de la commune ;

2°) de rejeter les demandes de M. H... présentées devant le tribunal administratif de Pau ;

3°) de mettre à la charge de M. H... la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- conformément à l'article 16 du décret du 30 juillet 1987, le médecin expert agréé en rhumatologie a remis un rapport, constitué de la compilation des fiches de visite, versé au dossier de la commission de réforme. Cet article est silencieux sur le contenu du rapport devant être remis à la commission de réforme. Dès lors, le fait que ce rapport ne soit pas écrit est constitutif d'un vice de forme ne privant M. H... d'aucune garantie. La commission de réforme disposait de l'ensemble des éléments lui permettant de se prononcer en connaissance de cause, notamment l'avis motivé du médecin expert agréé. M. H... a pu prendre connaissance de l'entier dossier à partir duquel la commission de réforme a émis son avis. Par conséquent ce vice, est sans incidence sur la légalité de l'arrêté du 5 août 2015 ;

- l'accident en cause ne résulte pas d'une action violente et soudaine d'une cause extérieure, les lombalgies étant apparues progressivement à compter du 5 novembre ;

- en tout état de cause, les épisodes des 5, 6 et 7 novembre ne sont pas imputables au service car ils relèvent de l'état antérieur de l'agent. Contrairement à ce qu'a indiqué M. H..., la conduite d'un camion n'était pas contre-indiquée par la médecine du travail. En outre, l'expert médical a indiqué que la conduite d'un camion durant un court laps de temps ne peut être à l'origine des lombalgies, lesquelles résultent exclusivement de l'état antérieur de l'intéressé. Il est d'ailleurs indiqué que les lombalgies remontent à 2007 et les cervicalgies à 2010, bien avant les accidents survenus le 23 mars 2012 et le 8 novembre 2013 ;

- il en va de même pour les douleurs à l'aine, M. H... ayant été opéré en juin 2010. L'expert médical a estimé que ces douleurs relèvent à la fois d'une colopathie fonctionnelle ancienne et d'un état antérieur. Le médecin de prévention n'a pas interdit totalement l'utilisation d'un engin vibratoire ;

- il n'est pas démontré que le marteau piqueur a été utilisé normalement ;

- s'il a travaillé trente-trois heures sur le chantier, l'utilisation du marteau piqueur ne consistait qu'à installer 15 potelets soit trois heures de travail. Ce chantier était important pour assurer la sécurité des administrés ;

- les attestations produites par M. H... ont été établies dans le cadre d'une réorganisation ayant engendré des crispations ;

- si M. H... a utilisé en 2012 une tondeuse tractée rotative c'est avec son accord et sur proposition du médecin du travail. Cela ne peut donc constituer une faute ;

- le préjudice matériel n'est pas établi puisque les pathologies sont antérieures aux accidents évoqués ;

- le préjudice moral ne lui est pas imputable puisqu'elle a tout mis en oeuvre pour accompagner son agent et le maintenir dans l'emploi. Sa dépression n'est pas en lien avec le service ;

- son affectation au service des espaces verts alors qu'il serait allergique au pollen n'est pas fautive car elle a été validée par la médecine du travail ;

- il n'y a pas d'harcèlement moral puisqu'elle s'est toujours conformée aux préconisations de la médecine du travail et a essayé de les concilier avec les souhaits de l'intéressé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 janvier 2018, M. C... H..., représenté par Me F..., conclut :

- au rejet de la requête ;

- à l'infirmation du jugement attaqué en tant qu'il a partiellement rejeté ses conclusions indemnitaires ;

- à la condamnation de la commune de Lescar à lui verser une indemnité de 15 000 euros en réparation des préjudices causés ;

- à ce que soit mise à la charge de la commune de Lescar la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- les moyens invoqués par la commune de Lescar ne sont pas fondés ;

- il justifie d'un préjudice " moral et de santé " évalué à 15 000 euros.

Par ordonnance du 7 février 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 27 février 2019 à midi.

II. Par une requête et un bordereau de production de pièces, enregistrés le 21 décembre 2017 et le 21 février 2019, sous le n° 17BX04034, la commune de Lescar, représentée par Me I..., demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 1501364, 1501834 du 15 septembre 2017 du tribunal administratif de Pau.

Elle soutient que :

- les moyens invoqués dans le cadre de l'instance n° 17BX03592 sont de nature à justifier, outre l'annulation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation et de condamnation accueillies par ce jugement ;

- il n'est pas établi que M. H... pourrait lui restituer les sommes dues au titre des condamnations prononcées par le tribunal administratif de sorte qu'elle risque d'être exposé à la perte définitive d'une somme au sens de l'article R. 811-16 du code de justice administrative.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 février 2018, M. C... H..., représenté par Me F..., conclut :

- au rejet de la requête ;

- à ce que soit mise à la charge de la commune de Lescar la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que la commune de Lescar ne justifie ni de moyens sérieux de nature à justifier l'annulation du jugement et le rejet de ses demandes ni d'un risque de perte définitive d'une somme au sens de l'article R. 811-16 du code de justice administrative.

Par ordonnance du 7 février 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 27 février 2019 à midi.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code du travail ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 ;

- le décret n° 85-603 du 10 juin 1985 ;

- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. G... B...,

- les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public,

- et les observations de Me I... représentant la commune de Lescar.

Considérant ce qui suit :

1. M. H... a été recruté par la commune de Lescar en décembre 2004 en qualité d'adjoint technique. Le 7 novembre 2013, après avoir conduit un véhicule poids lourd sur une chaussée déformée, M. H... ressent de vives douleurs dans le bas du dos. Le lendemain, M. H... a déclaré un accident de service. Suivant l'avis émis par la commission de réforme, le maire de Lescar a, par un arrêté du 8 juillet 2014, refusé de reconnaître l'imputabilité au service de cet accident. A la suite du rejet implicite de sa réclamation préalable, M. H... a, par deux requêtes distinctes, sollicité l'annulation de cet arrêté et la condamnation de la Lescar à lui verser une indemnité de 15 000 euros en réparation des préjudices causés. A la suite de l'annulation de cet arrêté par un jugement du tribunal administratif de Pau en date du 30 juin 2015 pour défaut de motivation et méconnaissance de l'étendue de sa compétence par le maire qui n'était pas lié par l'avis émis par la commission de réforme, le maire de Lescar a, par un nouvel arrêté du 5 août 2015, refusé de reconnaître l'imputabilité au service de cet accident. M. H... a également sollicité devant le tribunal administratif de Pau l'annulation de ce dernier arrêté. Joignant cette requête avec la requête indemnitaire, le tribunal administratif de Pau a, par un jugement du 15 septembre 2017, annulé l'arrêté du 5 août 2015 et condamné la commune de Lescar à verser à M. H... une indemnité de 4 000 euros. Par deux requêtes enregistrées respectivement sous les n° 17BX03592 et 17BX04034, la commune de Lescar relève appel de ce jugement et sollicite son sursis à exécution.

Sur la jonction :

2. Les requêtes enregistrées respectivement sous les n° 17BX03592 et 17BX04034 sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'annulation de l'arrêté du 5 août 2015 :

3. D'une part, aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 dans sa rédaction alors en vigueur : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...)2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants (...) Toutefois, si la maladie provient (...) d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme (...) ".

4. D'autre part, aux termes de l'article 108-2 de cette loi dans sa rédaction alors en vigueur, le service de médecine préventive " (...) est consulté par l'autorité territoriale sur les mesures de nature à améliorer l'hygiène générale des locaux, la prévention des accidents et des maladies professionnelles et l'éducation sanitaire (...) " et " (...) a pour mission d'éviter toute altération de l'état de santé des agents du fait de leur travail, notamment en surveillant les conditions d'hygiène du travail, les risques de contagion et l'état de santé des agents (...) ".

5. Enfin, aux termes de l'article 9 du décret du 30 juillet 1987 dans sa rédaction alors en vigueur : " Le médecin du service de médecine préventive prévu à l'article 108-2 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée compétent à l'égard du fonctionnaire dont le cas est soumis au comité médical est informé de la réunion et de son objet. Il peut obtenir s'il le demande communication du dossier de l'intéressé. Il peut présenter des observations écrites ou assister à titre consultatif à la réunion. Il remet obligatoirement un rapport écrit dans les cas prévus aux articles 16, 23, 24 et 33 ci-dessous. L'intéressé et l'administration peuvent faire entendre le médecin de leur choix par le comité médical. ". Aux termes de l'article 16 de ce décret alors applicable : " Sous réserve du deuxième alinéa du présent article, la commission de réforme prévue par le décret n°2003-1306 du 26 décembre 2003 modifié relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales est obligatoirement consultée dans tous les cas où un fonctionnaire demande le bénéfice des dispositions de l'article 57 (2°, 2e alinéa) de la loi du 26 janvier 1984 susvisée. Le dossier qui lui est soumis doit comprendre un rapport écrit du médecin du service de médecine préventive compétent à l'égard du fonctionnaire concerné. Lorsque l'administration est amenée à se prononcer sur l'imputabilité au service d'une maladie ou d'un accident, elle peut, en tant que de besoin, consulter un médecin expert agréé (...) ".

6. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé l'intéressé d'une garantie.

7. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a annulé l'arrêté du 5 août 2015 pour méconnaissance de l'article 16 du décret du 30 juillet 1987 pour absence de rapport écrit du médecin du service de médecin préventive dans le dossier soumis à la commission de réforme. Il résulte des dispositions citées au point 5 que la consultation du médecin du service de médecine préventive est constitutive d'une garantie pour le fonctionnaire demandant le bénéfice des dispositions du deuxième alinéa du 2° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984. En l'espèce, il n'est pas contesté que le médecin du service de médecine préventive compétent n'a pas remis de rapport écrit à la commission de réforme chargée d'émettre un avis sur l'imputabilité au service des douleurs au dos survenues le 7 novembre 2013. La circonstance qu'aient été transmises à la commission de réforme les fiches de visite et les recommandations du médecin du service de médecine préventive ne saurait être regardée comme la communication du rapport écrit de ce médecin dès lors que ces documents ne concernent pas l'accident survenu le 7 novembre 2013 et ne se prononcent nullement sur celui-ci. En outre, eu égard à la nature des missions dévolues au médecin du service de médecine préventive, lesquelles, qui sont notamment rappelées dans l'article 108-2 de la loi du 26 janvier 1984, ne se confondent pas avec celles d'un médecin agréé, la commune de Lescar n'est pas fondée à soutenir que dès lors que la commission de réforme a disposé d'un rapport d'un médecin agréé en rhumatologie, l'absence de rapport écrit du médecin du service de médecine préventive n'a pas effectivement privé l'intéressé d'une garantie. Ce vice de procédure entache ainsi d'illégalité l'arrêté du 5 août 2015 sans que la commune de Lescar puisse utilement se prévaloir de la circonstance, à la supposer établie, que cette irrégularité n'a pas été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise.

8. Il résulte de ce qui précède que la commune de Lescar n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a annulé l'arrêté du 5 août 2015 du maire de Lescar.

En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :

9. Pour engager la responsabilité de la commune de Lescar, le tribunal administratif de Pau, après avoir écarté deux autres fautes invoquées, a retenu la faute tirée du non-respect par la commune des préconisations et restrictions du médecin du service de médecine préventive pour la période comprise entre le 8 novembre 2010 et le 22 avril 2013. Par la voie de l'appel incident, M. H... sollicite la réformation du jugement attaqué en tant qu'il n'a pas accueilli intégralement sa demande indemnitaire.

S'agissant de l'illégalité fautive :

10. Comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, et sans que cela soit d'ailleurs contesté en appel, les préjudices invoqués ne sont pas en lien direct avec la faute que constitue le défaut de rapport du médecin du service de prévention entachant la procédure au terme de laquelle a été édicté l'arrêté du 5 août 2015. La responsabilité de la commune de Lescar ne peut donc être engagée à ce titre.

S'agissant du manquement à l'obligation de préservation de la santé :

11. Aux termes de l'article 23 de la loi du 13 juillet 1983 : " Des conditions d'hygiène et de sécurité de nature à préserver leur santé et leur intégrité physique sont assurées aux fonctionnaires durant leur travail. ". Aux termes de l'article 108-1 de la loi du 26 janvier 1984 : " Dans les services des collectivités et établissements mentionnés à l'article 2, les règles applicables en matière d'hygiène et de sécurité sont celles définies par les livres Ier à V de la quatrième partie du code du travail et par les décrets pris pour leur application, (...). Il peut toutefois y être dérogé par décret en Conseil d'Etat. ". Aux termes de l'article 2-1 du décret du 10 juin 1985: " Les autorités territoriales sont chargées de veiller à la sécurité et à la protection de la santé des agents placés sous leur autorité. ". Aux termes de l'article 3 de ce décret : " En application de l'article 108-1 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée, dans les services des collectivités et établissements mentionnés à l'article 1er, les règles applicables en matière de santé et de sécurité sont, sous réserve des dispositions du présent décret, celles définies aux livres Ier à V de la quatrième partie du code du travail et par les décrets pris pour leur application (...) ". Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail dans sa rédaction alors en vigueur : " L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent : 1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ; 2° Des actions d'information et de formation ; 3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes. ".

12. M. H... soutient que la commune de Lescar n'a pas respecté les prescriptions et recommandations du médecin du service de prévention. Il résulte de l'instruction, et notamment des fiches de visite du 8 novembre 2010 et des 11 juin et 26 octobre 2012, que le médecin du service de médecine préventive préconisait, eu égard à l'état de santé de M. H... de ne pas utiliser d'engins vibratoires (marteau-piqueur) sauf ponctuellement, puis à compter de juin 2012 de limiter l'utilisation de ces engins à une heure par jour, et de bénéficier, dans la mesure du possible, d'une aide à la manutention des charges lourdes par des moyens techniques. Or M. H... soutient qu'entre le 19 et le 23 mars 2012, il a dû installer, sur un chantier situé rue du Parvis, 15 potelets à l'aide d'un marteau-piqueur. Il résulte du rapport d'expertise afférent à ce chantier produit pour la première fois en appel, lequel n'est pas sérieusement contesté, que le temps d'utilisation du marteau-piqueur par M. H... sur ce chantier était estimé à 3 heures 30. Si les attestations produites font état d'autres chantiers au cours desquels aurait été utilisé un marteau-piqueur, ces attestations ne précisent ni les dates de ces chantiers, ni le temps d'utilisation de cet outil par M. H.... Dès lors une telle utilisation du marteau-piqueur doit être regardée comme étant ponctuelle et n'excédant ainsi pas les préconisations émises par le médecin du service de prévention applicables en mars 2012, lesquelles ne restreignaient pas encore l'usage du marteau-piqueur à une heure par jour.

14. M. H... soutient ensuite qu'il a du conduire une tondeuse autotractée en 2012 en méconnaissance des préconisations émises par le médecin du service de prévention dans les fiches de visite. Si ce manquement est reconnu par la commune de Lescar, elle soutient que cela s'est fait avec l'accord de l'agent et du médecin de service de prévention lors de la visite médicale du 15 mai 2012. Cependant, il ne résulte pas de l'instruction, et notamment pas du courrier de M. H... du 10 février 2013 et du courriel de M. A... du 19 mai 2012 dont se prévaut la commune, que le médecin du service de prévention aurait validé le 15 mai 2012 l'utilisation d'une telle tondeuse par M. H.... Au contraire, il résulte de la fiche de visite du 11 juin 2012 qu'était toujours maintenue la restriction concernant l'utilisation de tracteurs ou tondeuses autoportées. Dès lors, cette méconnaissance des préconisations du médecin du service de prévention, et nonobstant l'accord de l'intéressé, caractérise un manquement à l'obligation de préserver la santé des agents au travail constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Lescar.

15. S'agissant de son affectation au service des espaces verts le 2 mai 2013, M. H... fait valoir qu'elle n'était pas adaptée en raison de son allergie au pollen. Il résulte cependant de l'instruction, et notamment de la fiche de visite du 14 mai 2013, que les préconisations y afférentes ont été émises postérieurement à l'affectation de M. H... et que par ailleurs il résulte également de l'instruction, et notamment du courrier du médecin du service de prévention du 12 mai 2015, que cette allergie ne déclenche que des réactions locales d'importance bénigne. Dans ces conditions, l'affectation de M. H... au service des espaces verts ne peut être regardée comme caractérisant un manquement dans le respect des préconisations du médecin du service de prévention de nature à caractériser une méconnaissance des textes mentionnés au point 11.

16. M. H... invoque enfin une dernière méconnaissance des préconisations du médecin du service de prévention en raison de la conduite d'un véhicule de type poids lourds en novembre 2013 sur une distance de 325 kilomètres dont 18,7 kilomètres sur une chaussée déformée. Si selon la fiche de visite du 14 mai 2013, le médecin du service de prévention préconisait qu'il n'y ait " pas de vibrations transmises au corps entier ", la conduite d'un véhicule de type poids lourd, ne constitue pas, à la différence des tracteurs et tondeuses autoportées, par elle-même une cause de vibrations, les vibrations étant la conséquence du mauvais état de la chaussée comme le reconnaît expressément le requérant dans ses écritures en indiquant que les secousses ont été causées par le " passage des roues dans les trous " de la chaussée. Dès lors, la conduite d'un véhicule de type poids lourds ne peut être regardée comme étant proscrite par les préconisations du médecin du service de prévention.

17. Il résulte de ce qui précède que la responsabilité de la commune de Lescar ne peut être engagée qu'à raison de la faute commise par l'utilisation par M. H... au cours de l'année 2012 d'une tondeuse autotractée en méconnaissance des préconisations du médecin du service de prévention.

S'agissant de la discrimination :

18. Aux termes de l'article 1er de la loi du 27 mai 2008: " Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement (...) de son état de santé, (...), de son handicap, (...) une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable. Constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d'entraîner, pour l'un des motifs mentionnés au premier alinéa, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés. La discrimination inclut : 1° Tout agissement lié à l'un des motifs mentionnés au premier alinéa (...), subis par une personne et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant ; 2° Le fait d'enjoindre à quiconque d'adopter un comportement prohibé par l'article 2. ".

19. Il appartient au juge administratif, dans la conduite de la procédure inquisitoire, de demander aux parties de lui fournir tous les éléments d'appréciation de nature à établir sa conviction. Cette responsabilité doit, dès lors qu'il est soutenu qu'une mesure a pu être empreinte de discrimination, s'exercer en tenant compte des difficultés propres à l'administration de la preuve en ce domaine et des exigences qui s'attachent aux principes à valeur constitutionnelle des droits de la défense et de l'égalité de traitement des personnes. S'il appartient au requérant qui s'estime lésé par une telle mesure de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer une atteinte à ce dernier principe, il incombe au défendeur de produire tous ceux permettant d'établir que la décision attaquée repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si la décision contestée devant lui a été ou non prise pour des motifs entachés de discrimination, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

20. M. H... soutient que les manquements répétés à l'obligation de préserver sa santé au travail et le défaut d'adaptation de son emploi aux contraintes induites par son état de santé révèlent qu'il a été victime d'une discrimination. Il résulte cependant de ce qui précède qu'il n'y a eu qu'un seul manquement aux préconisations du médecin du service de prévention. Par ailleurs, s'agissant de l'adaptation de l'emploi à ses contraintes, il résulte de l'instruction et ainsi que l'ont relevé à juste titre les premiers juges, qu'une convention d'accompagnement individualisée a été signée à cet effet le 18 novembre 2010, qu'à la suite de l'accident du 23 mars 2012, il lui a été proposé une nouvelle affectation au service des espaces verts afin de ne plus avoir à recourir à l'utilisation d'outils tels que le marteau-piqueur puis une affectation au service de la propreté urbaine. Dans ces conditions, le seul manquement à l'obligation de préserver la santé de M. H... ne peut être regardé comme une mesure prise pour des motifs entachés de discrimination au sens de l'article 1er de la loi du 27 mai 2008.

S'agissant des préjudices :

21. M. H... sollicite le versement d'une indemnité globale de 15 000 euros en réparation des préjudices physique, financier et moral. Cependant, en l'absence de toute précision sur leur objet, les préjudices physique et financier ne peuvent être regardés comme étant justifiés dans leur principe et leur montant. S'agissant du préjudice moral, au regard de la seule faute retenue et de l'instruction, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à la somme de 2 000 euros.

22. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Lescar est seulement fondée à solliciter la réduction de la condamnation prononcée par le jugement attaqué du tribunal administratif de Pau et que l'appel incident de M. H... tendant à la majoration de la condamnation prononcée par le tribunal administratif de Pau doit être rejeté.

Sur la demande de sursis à exécution :

23. La cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions à fin d'annulation du jugement attaqué, les conclusions à fin de sursis à exécution de ce jugement ont perdu leur objet.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

24. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter les conclusions présentées à ce titre par la commune de Lescar et par M. H....

DECIDE

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 17BX04034 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement n° 1501364, 1501834 du 15 septembre 2017 du tribunal administratif de Pau.

Article 2 : La somme de 4 000 euros que la commune de Lescar a été condamnée à verser à M. H... par le jugement du 15 septembre 2017 du tribunal administratif de Pau est ramenée à 2 000 euros.

Article 3 : Le jugement n° 1501364, 1501834 du tribunal administratif de Pau du 15 septembre 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Lescar et à M. C... H.... Copie en sera adressée au Défenseur des droits.

Délibéré après l'audience du 18 novembre 2019, à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

Mme E... D..., présidente-assesseure,

M. G... B..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 décembre 2019.

Le rapporteur,

Paul-André B...

Le président,

Pierre Larroumec Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°s 17BX03592, 17BX04034


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 17BX03592,17BX04034
Date de la décision : 16/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Positions - Congés - Congés de maladie - Accidents de service.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: M. Paul-André BRAUD
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : CORBIER-LABASSE

Origine de la décision
Date de l'import : 24/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-12-16;17bx03592.17bx04034 ?
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