La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/01/2020 | FRANCE | N°19BX03169

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 14 janvier 2020, 19BX03169


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté

du 10 octobre 2018 par lequel le préfet des Pyrénées-Atlantiques a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1802899 du 27 février 2019, le tribunal administratif de Pau a rejeté la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 août 201

9, Mme A..., représentée par

Me E...-dit-Labaquère, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté

du 10 octobre 2018 par lequel le préfet des Pyrénées-Atlantiques a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1802899 du 27 février 2019, le tribunal administratif de Pau a rejeté la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 août 2019, Mme A..., représentée par

Me E...-dit-Labaquère, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Pau du 27 février 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 10 octobre 2018 du préfet des Pyrénées-Atlantiques ;

3°) d'enjoindre au préfet des Pyrénées-Atlantiques de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de quinze jours suivant la notification de la décision à intervenir, sous astreinte

de 50 euros par jour de retard, ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois suivant la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour le temps du réexamen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre de

l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

S'agissant de la décision de refus de titre de séjour :

- la décision est insuffisamment motivée ; en droit, la décision ne vise ni la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ni la directive n°2008/115 ; la décision est insuffisamment motivée en fait compte tenu de sa rédaction stéréotypée et incomplète ;

- ce défaut de motivation révèle un défaut d'examen de sa situation personnelle

et familiale ;

- le préfet ne démontre pas que le médecin ayant établi le rapport médical au vu duquel l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a été émis n'était pas au nombre des trois médecins de ce collège ;

- la teneur de cet avis ne lui a pas été communiqué avant que l'arrêté soit édicté, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- le refus de séjour est entaché d'erreur de droit dès lors que le préfet s'est contenté de reproduire l'avis du collège des médecins de l'OFII sans exercer son pouvoir d'appréciation ;

- le préfet a commis une erreur d'appréciation dans la mise en oeuvre des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle souffre d'un syndrome anxio-dépressif lié aux traumatismes subis en Albanie ; son état nécessite des soins continus, dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; elle ne peut bénéficier d'un traitement approprié en Albanie où elle serait isolée et dépourvue de ressources financières pour acheter ses médicaments ; le choc psychologique qu'elle y a subi fait obstacle à un retour dans son pays d'origine, vers lequel elle ne peut en outre voyager sans risques ;

- eu égard à sa situation médicale et à ses efforts d'insertion, le refus de séjour a été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des disposions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours :

- le préfet a méconnu son droit d'être entendu et le principe des droits de la défense ; elle n'a en effet pas pu présenter ses observations sur sa situation personnelle et médicale avant l'édiction de la mesure d'éloignement ;

- les décisions portant obligation de quitter le territoire et fixant le délai de départ volontaire ne sont pas motivées ;

- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et familiale ;

- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision a été prise au mépris de son droit de se voir délivrer un titre de séjour en vertu du 7° et du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision, qui ne prend pas en compte l'intérêt supérieur de sa fille mineure, qui est scolarisée au collège, bien intégrée et qui ne pourrait pas poursuivre sa scolarité en Albanie, méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

S'agissant de la décision portant fixation du pays de renvoi :

- elle est entachée d'une incompétence de son auteur ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- cette décision est privée de base légale en raison de l'illégalité entachant celle portant obligation de quitter le territoire français qui la fonde ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle a quitté l'Albanie où sa vie était menacée et qu'elle souffre d'un syndrome post-traumatique dont l'origine est en lien avec son pays d'origine.

Par ordonnance du 5 novembre 2019, la clôture d'instruction a été fixée

au 19 novembre 2019 à 12h00.

Par une lettre du 28 octobre 2019, la cour a, en application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, invité le préfet des Pyrénées-Atlantiques à produire des pièces en vue de compléter l'instruction.

Par une lettre du 6 novembre 2019, les parties ont été informées de ce que la cour était susceptible de soulever d'office un moyen d'ordre public en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision

du 4 juillet 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la directive n° 2008/115 du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers, et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme C... D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., née le 8 avril 1973, de nationalité albanaise, est entrée en France

le 2 mai 2017, accompagnée de deux de ses enfants. Elle a présenté une demande d'asile qui a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 12 septembre 2017, confirmée par la cour nationale du droit d'asile (CNDA) par décision

du 9 février 2018. Le 3 mai 2018, elle a présenté une demande de titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit

d'asile. Elle relève appel du jugement du 27 février 2019 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 10 octobre 2018 du

préfet des Pyrénées-Atlantiques lui refusant un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter

le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.

Sur la recevabilité de la requête :

2. Il ressort des pièces du dossier que le préfet des Pyrénées-Atlantiques a,

le 24 avril 2019, soit postérieurement au jugement attaqué et antérieurement à l'enregistrement de la requête d'appel, délivré à Mme A... une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " d'une durée de validité de six mois. Le préfet doit ainsi être regardé comme ayant implicitement mais nécessairement abrogé les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi que comportait son arrêté du 10 octobre 2018. Par suite, les conclusions d'appel relatives à ces décisions sont irrecevables.

3. En revanche, le titre de séjour délivré le 24 avril 2019 à Mme A... ayant pour seul effet de l'autoriser à séjourner en France pour une durée de six mois, il ne peut être regardé comme emportant des effets équivalents à ceux de la carte de séjour " vie privée et familiale " d'une durée de validité d'un an prévue au 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le litige relatif au refus de titre de séjour contenu dans l'arrêté du 10 octobre 2018 ne se trouve ainsi pas privé d'objet.

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; / (...) ; / 6° refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ; / (...). ". Aux termes de l'article L. 211-5 de ce même

code : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".

5. La décision en litige vise la convention internationale relative aux droits de l'enfant, les stipulations pertinentes de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de la directive n° 2013/32/UE du 26 juin 2013. Elle cite également les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du code des relations entre le public et l'administration dont le préfet a fait application. Elle mentionne ainsi les considérations de droit qui constituent son fondement. Le préfet précise ensuite les circonstances de fait propres à la situation de Mme A..., notamment sa date d'entrée en France, les conditions de son séjour, de sa demande d'asile, la date de sa demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade, et fait état de l'avis émis par le collège des médecins de l'OFII

le 20 août 2018 et de ce qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, et après examen de la situation particulière de l'intéressée, il apparaît qu'elle n'est pas fondée à obtenir un titre de séjour en application du 11° de l'article L. 313-11 du CESEDA. Le préfet décrit enfin les éléments essentiels de la vie privée et familiale de la requérante et en particulier le fait que l'un de ses fils, majeur, fait l'objet d'une mesure d'éloignement, et que son mari et son autre fils vivent en Albanie. Enfin le préfet analyse l'intérêt supérieur de l'enfant mineure de la requérante au regard des exigences de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de

l'enfant. Dès lors, cette décision comporte les éléments de droit et de fait propres à la situation de la requérante qui ont fondé l'appréciation portée par le préfet. Par suite, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté.

6. En deuxième lieu, la motivation du refus de titre de séjour attaqué révèle que le préfet ne s'est pas estimé lié par l'avis du collège de médecins de l'OFII et s'est livré à un examen complet de la situation de Mme A....

7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ". Selon l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". Aux termes de l'article R. 313-23 de ce code : " (...) Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. (...) ". En vertu de l'article 5 de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport (...) ". Aux termes de l'article 6 du même arrêté : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : / a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".

8. Si Mme A... soutient que l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ne lui a pas été communiqué, ni le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni aucun autre texte ne prévoient la communication à l'intéressée de cet avis, lequel a par ailleurs été produit par le préfet devant le tribunal administratif.

9. En quatrième lieu, il ne résulte d'aucune des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni d'aucun principe, que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration devrait porter mention du nom du médecin qui a établi le rapport médical, prévu par l'article R. 313-22, qui est transmis au collège de médecins de l'Office. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'attestation de l'OFII du 30 octobre 2019, que le rapport médical sur l'état de santé de Mme A... a été établi le 1er juin 2018 par le docteur Coulonges. Il ressort de l'avis du collège de médecins, qui comporte la signature de l'ensemble des membres de ce collège, que le docteur Coulonges ne faisait pas partie de ce collège. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de

l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.

10. En cinquième lieu, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'OFII qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

11. Il ressort des pièces du dossier que les médecins du collège de l'OFII, qui ont émis leur avis le 20 août 2018, ont estimé que l'état de santé de Mme A... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays dont elle est originaire, elle pourrait y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Pour contredire cet avis, la requérante produit des certificats médicaux de psychiatres qui se bornent à décrire son état de santé mais ne se prononcent pas sur la possibilité de bénéficier d'un traitement adapté en Albanie. Si Mme A... soutient qu'elle n'aurait pas accès à son traitement en Albanie,

où elle serait sans ressources ni logement, elle n'apporte aucun commencement de preuve à l'appui de cette allégation. La requérante fait par ailleurs valoir que le syndrome anxiodépressif dont elle souffre trouve son origine dans les traumatismes subis en Albanie, et produit des certificats établis les 17 janvier 2018 et 29 octobre 2018 par un psychiatre qui mentionnent que "l'origine de ce syndrome réside dans la reviviscence de différents traumatismes subis sur sa personne ", que, selon son récit, elle a fui l'Albanie au motif que sa famille faisait l'objet d'une vendetta, qu'elle présente également une " conjugopathie de plusieurs années, due aux addictions de son mari (...) ainsi qu'à la violence de ce dernier ", qu'elle a été témoin d'agressions physiques subies en France par l'un de ses fils, et qu'elle " manifeste des idées suicidaires non scénarisées pour le moment, conséquences de sa situation administrative, de sa situation sociale et de devoir se rendre dans son pays, avec la forte possibilité de subir de nouveau des menaces et des agressions comme dans le passé, et finalement la détresse psychique de ses enfants ". Toutefois, ces seuls éléments ne suffisent à démontrer, ni que sa pathologie serait principalement liée aux évènements traumatisants vécus en Albanie, ni même, à le supposer établi, que ce lien ne permettrait pas, dans son cas, d'envisager un traitement effectivement approprié dans ce pays. Mme A..., dont la pathologie est soignée par un traitement médicamenteux, n'apporte enfin aucun élément de nature à démontrer qu'elle ne pourrait pas voyager sans risque. Dans ces conditions, le préfet des Pyrénées Atlantiques n'a pas commis d'erreur d'appréciation en refusant de lui délivrer le titre de séjour sollicité sur le fondement des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

12. Enfin, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1 - Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2 - Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée (...) ".

13. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... est entrée en France récemment et ne justifie d'aucune attache particulière sur le territoire en dehors de sa fille mineure et de son fils majeur qui fait également l'objet d'un refus de séjour assorti d'une mesure d'éloignement. Elle n'établit pas davantage être dépourvue d'attaches en Albanie, où elle a vécu la majeure partie de sa vie et où résident son autre fils et sa mère. De plus, et ainsi qu'il vient d'être dit, il ne ressort pas des pièces qu'elle ne pourrait pas bénéficier d'un traitement approprié à sa pathologie dans son pays d'origine. Dans ces conditions, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que le refus de séjour attaqué aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et aurait ainsi méconnu les stipulations et dispositions citées au point 12.

14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus de séjour que comporte l'arrêté du préfet des Pyrénées-Atlantiques

du 10 octobre 2018. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Atlantiques.

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

Mme Anne Meyer, président-assesseur

Mme Marie-Pierre Beuve D..., premier conseiller

Lu en audience publique, le 14 janvier 2020.

Le rapporteur,

Marie-Pierre Beuve D...Le président

Catherine Girault

Le greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

No 19BX03169


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX03169
Date de la décision : 14/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre BEUVE-DUPUY
Rapporteur public ?: Mme CHAUVIN
Avocat(s) : MASSOU DIT LABAQUERE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-01-14;19bx03169 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award