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16/01/2020 | FRANCE | N°18BX01903

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 16 janvier 2020, 18BX01903


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet de la Charente-Maritime a déféré au tribunal administratif de Poitiers le permis d'aménager du 28 avril 2017 délivré par le maire de la commune des Mathes à M. F... pour l'agrandissement du terrain de camping dénommé " Les trois coups ".

Par un jugement n° 1702021 du 1er mars 2018, le tribunal administratif de Poitiers a annulé ce permis d'aménager.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 mai 2018 et un mémoire enregistré le 6 août 2019, M. F...

, représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet de la Charente-Maritime a déféré au tribunal administratif de Poitiers le permis d'aménager du 28 avril 2017 délivré par le maire de la commune des Mathes à M. F... pour l'agrandissement du terrain de camping dénommé " Les trois coups ".

Par un jugement n° 1702021 du 1er mars 2018, le tribunal administratif de Poitiers a annulé ce permis d'aménager.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 mai 2018 et un mémoire enregistré le 6 août 2019, M. F..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 1er mars 2018 ;

2°) de rejeter le déféré du préfet de la Charente-Maritime ;

3°) de mettre à la charge de l'État le paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'un défaut de réponse à moyens ;

- le jugement attaqué est entaché d'une contradiction de motifs ;

- le déféré du préfet était irrecevable dès lors que le permis d'aménager du 28 avril 2017 doit être regardé comme superfétatoire, un permis tacite lui ayant été délivré à l'expiration du délai d'instruction de trois mois suivant le dépôt du dossier complet ;

- le déféré du préfet était irrecevable comme tardif ;

- en estimant que les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme étaient applicables à l'aménagement d'un terrain de camping, le tribunal administratif a entaché sa décision d'une erreur de droit ;

- eu égard à la consistance des aménagements projetés, le permis d'aménager ne peut être regardé comme constituant une extension de l'urbanisation au sens des dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ;

- le tribunal a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en estimant que le terrain d'assiette du projet ne se situait pas en continuité avec une agglomération ou un village existant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 juillet 2019, le préfet de la Charente-Maritime conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le déféré était recevable, dès lors que le délai d'instruction du permis d'aménager en litige était de quatre mois et qu'ainsi aucun permis d'aménager tacite n'est intervenu ;

- les autres moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des relations entre l'administration et le public ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A... B...,

- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., représentant M. F... et de M. E..., représentant le préfet de la Charente-Maritime.

Une note en délibéré présentée par Me D... pour M. F... a été enregistrée le 19 décembre 2019.

Considérant ce qui suit :

1. M. F... exploite un terrain de camping sur le territoire de la commune des Mathes dénommé " Les trois coups ". Le 24 novembre 2016, il a déposé une demande de permis d'aménager, complétée le 3 janvier 2017, afin de procéder à une extension de 4 126 mètres carrés et de porter le nombre de ses emplacements de 191 à 241. Par un arrêté du 28 avril 2017, le maire lui a délivré ce permis. M. F... relève appel du jugement du 1er mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a annulé ce permis d'aménager sur déféré du préfet de la Charente-Maritime.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort des pièces du dossier de première instance que dans son mémoire enregistré au greffe du tribunal le 21 novembre 2017 et dans son mémoire enregistré le 28 février 2018, M. F... invoquait en défense une fin de non-recevoir tirée du caractère superfétatoire du permis d'aménager délivré le 28 avril 2017, à laquelle le tribunal n'a pas répondu alors qu'elle n'était pas inopérante. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens tirés de l'irrégularité du jugement attaqué, M. F... est fondé à soutenir que celui-ci est entaché d'un défaut de réponse à un moyen et doit être annulé.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur le déféré présenté par le préfet de la Charente-Maritime devant le tribunal administratif de Poitiers.

Sur les fins de non-recevoir opposées au déféré par M. F... :

4. Aux termes de l'article R. 423-23 du code de l'urbanisme : " Le délai d'instruction de droit commun est de : / (...) c) Trois mois pour les autres demandes de permis de construire et pour les demandes de permis d'aménager ". Aux termes de l'article R. 423-24 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue du décret n° 2016-1110 du 11 août 2016 : " Le délai d'instruction de droit commun prévu par l'article R. 423-23 est majoré d'un mois : / (...) e) Lorsque le projet fait l'objet d'une mise à disposition du public en application de l'article L. 300-2 ou du quatrième alinéa du 1° du I de l'article L. 123-2 du code de l'environnement ; / f) Lorsque le projet fait l'objet d'une participation du public par voie électronique prévue par l'article L. 123-19 du code de l'environnement ".

5. Il ressort des pièces du dossier que le maire de la commune des Mathes a informé M. F..., par courrier du 15 décembre 2016, que le dossier de demande était incomplet et que le délai d'instruction de cette demande devait être porté de trois à quatre mois en application des dispositions précitées de l'article R. 423-24 du code de l'urbanisme. M. F... n'a pas contesté cette décision. A supposer même que cette prolongation ait été irrégulière, cette circonstance n'aurait pu avoir pour effet de rendre le requérant titulaire d'un permis tacite à l'expiration du délai de droit commun. Au demeurant, même dans ce cas, la décision expresse du 28 avril 2017 ne pourrait être regardée comme superfétatoire. Dès lors, la fin de non-recevoir tirée de ce que le déféré du préfet de la Charente-Maritime serait irrecevable comme dirigé contre un tel acte doit être écartée.

6. Aux termes de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales : " Le représentant de l'État dans le département défère au tribunal administratif les actes mentionnés à l'article L. 2131-2 qu'il estime contraires à la légalité dans les deux mois suivant leur transmission (...) ". Parmi les actes mentionnés par l'article L. 2131-2 de ce code figure, au 6° : " Le permis de construire et les autres autorisations d'utilisation du sol et le certificat d'urbanisme délivrés par le maire ".

7. Il ressort des pièces du dossier que le permis d'aménager litigieux a été transmis à la sous-préfecture de Rochefort, au titre du contrôle de légalité, le 2 mai 2017, date indiquée par le tampon qui y est apposé. Dès lors, le délai imparti au préfet pour exercer un déféré à l'encontre de ce permis en application des dispositions précitées de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales expirait le 3 juillet 2017 à minuit. Le préfet de la Charente-Maritime a formé un recours gracieux contre ce permis le 30 juin 2017, qui été reçu par la commune le 3 juillet 2017, et a donc eu pour effet de proroger ce délai de recours. Le déféré du préfet ayant été enregistré au greffe du tribunal le 29 août 2017, n'était donc pas tardif.

8. Si M. C... I..., signataire du déféré et de sa notification à M. F... en application des dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, en qualité de secrétaire général de la préfecture de la Charente-Maritime, a été nommé sous-préfet de Calais par décret du 24 août 2017, il n'a été installé dans ses nouvelles fonctions que le 4 septembre 2017, postérieurement à la signature et à la notification du déféré. Dès lors, les moyens tirés de ce qu'il n'aurait pas été compétent pour signer le déféré, ni sa notification doivent être écartés.

9. Il ressort des pièces du dossier que le recours gracieux formé le 30 juin 2017 ainsi que sa notification à M. F... ont été signés par la sous-préfète par intérim - Mme H... G... - qui bénéficiait d'une délégation de signature par arrêté du 31 mai 2017, régulièrement publié, pour signer toutes décisions relatives à l'administration départementale, notamment en matière d'urbanisme, à compter du 1er juin 2017. Le moyen tiré de ce que la notification de ce recours aurait été effectuée par une autorité incompétente doit donc, en tout état de cause, être écarté.

10. Le courrier par lequel le préfet informe le pétitionnaire, en application des dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, qu'il a déposé un recours administratif, ne constitue pas une décision au sens des dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration. Au demeurant, la lettre d'observations adressée le 30 juin 2017 au maire de la commune des Mathes, dont il n'est pas soutenu qu'elle n'était pas jointe au courrier de notification du même jour adressé au requérant, comporte l'ensemble des mentions requises par ces dispositions et permettait à M. F... d'identifier sans ambiguïté la signataire du courrier de notification, alors même que ce dernier ne mentionnait ni son prénom ni sa qualité précise. Par suite, le moyen tiré de ce que le courrier de notification du recours gracieux du 30 juin 2017 ne comportait pas l'ensemble de mentions prévues par les dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration doit être écarté.

11. Il résulte de ce qui précède que les fins de non-recevoir opposées par M. F... et la commune des Mathes au déféré du préfet de la Charente-Maritime doivent être écartées.

Sur la légalité du permis d'aménager du 28 avril 2017 :

12. Aux termes de l'article L. 121-3 du code de l'urbanisme applicable : " Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute personne publique ou privée pour l'exécution de tous travaux, constructions, défrichements, plantations, aménagements, installations et travaux divers, la création de lotissements, l'ouverture de terrains de camping ou de stationnement de caravanes (...) ". Aux termes de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme alors en vigueur : " L'extension de l'urbanisation se réalise soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement ". Aux termes de l'article L. 121-9 du même code : " L'aménagement et l'ouverture de terrains de camping ou de stationnement de caravanes en dehors des espaces urbanisés sont en outre subordonnés à la délimitation de secteurs prévus à cet effet par le plan local d'urbanisme ".

13. Il résulte de la combinaison de ces dispositions, contrairement à ce que soutient M. F..., que les dispositions de l'article L. 121-9 du code de l'urbanisme ne permettent pas de déroger à l'obligation prescrite par les dispositions des articles L. 121-3 et L. 121-8, aux termes desquelles l'aménagement et l'ouverture de terrains de camping en dehors des espaces urbanisés doivent être réalisés, soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, c'est-à-dire avec les zones déjà urbanisées caractérisées par un nombre et une densité significatifs de constructions, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement.

14. Il ressort des pièces du dossier que le projet d'extension litigieux est entouré à l'ouest et au nord par des espaces restés à l'état naturel qui le séparent des plus proches espaces urbanisés de la commune. S'il se trouve en continuité du camping existant au sud et à l'est, celui-ci est également entouré au nord, à l'est et au sud par de vastes espaces restés à l'état naturel, et n'est bordé à l'ouest que par une zone d'urbanisation diffuse. Au surplus, il ne ressort pas des pièces du dossier que le camping existant comporterait des constructions soumises à autorisation qui assureraient une continuité entre la zone d'urbanisation diffuse à l'ouest et l'extension projetée. Par suite, le projet d'extension envisagé n'est pas réalisé en continuité d'une agglomération existante ou d'un village existant, et ne constitue pas un hameau nouveau intégré à l'environnement. Le préfet est, dès lors, fondé à soutenir que le permis d'aménager a été délivré en méconnaissance des dispositions de l'article L. 121-8 précitées du code de l'urbanisme et à en obtenir, pour ce motif, l'annulation.

15. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun des autres moyens invoqués n'est, en l'état du dossier, susceptible d'entraîner l'annulation de l'arrêté attaqué.

Sur les frais liés au litige :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante, la somme que demande M. F... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1702021 du 1er mars 2018 du tribunal administratif de Poitiers est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 28 avril 2017 du maire des Mathes est annulé.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. F..., au préfet de la Charente-Maritime et à la commune des Mathes.

Copie en sera adressée au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de La Rochelle.

Délibéré après l'audience du 19 décembre 2019 à laquelle siégeaient :

M. Didier Salvi, président,

M. A... B..., premier conseiller,

Mme Nathalie Gay-Sabourdy, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 janvier 2020.

Le rapporteur,

David B...Le président,

Didier Salvi

Le greffier,

Sophie Lecarpentier

La République mande et ordonne au préfet de la Charente-Maritime, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

6

N° 18BX01903


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18BX01903
Date de la décision : 16/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-04-04-02 Urbanisme et aménagement du territoire. Autorisations d`utilisation des sols diverses. Autorisations relatives au camping, au caravaning et à l'habitat léger de loisir. Autorisation d'aménagement de terrain de camping ou de caravaning.


Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: M. David TERME
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : CABINET CYRIL REPAIN

Origine de la décision
Date de l'import : 28/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-01-16;18bx01903 ?
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