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11/02/2020 | FRANCE | N°18BX00386

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 11 février 2020, 18BX00386


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... E... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 6 octobre 2015 par laquelle le directeur du centre hospitalier (CH) de Lavaur l'a maintenu en position de disponibilité pour convenances personnelles à compter

du 1er décembre 2015 pour une période de 12 mois, d'enjoindre à cette autorité de le réintégrer à la première vacance de poste, et de condamner le CH de Lavaur à lui verser une indemnité d'un montant total de 40 848,96 euros en réparation de ses préj

udices.

Par un jugement n° 1505755 du 1er décembre 2017, le tribunal administratif ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... E... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 6 octobre 2015 par laquelle le directeur du centre hospitalier (CH) de Lavaur l'a maintenu en position de disponibilité pour convenances personnelles à compter

du 1er décembre 2015 pour une période de 12 mois, d'enjoindre à cette autorité de le réintégrer à la première vacance de poste, et de condamner le CH de Lavaur à lui verser une indemnité d'un montant total de 40 848,96 euros en réparation de ses préjudices.

Par un jugement n° 1505755 du 1er décembre 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 31 janvier 2018 et un mémoire enregistré le 23 mai 2019, M. E..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ainsi que la décision de maintien en disponibilité

du 6 octobre 2015 ;

2°) d'enjoindre au directeur du CH de Lavaur de le réintégrer à la première vacance

de poste ;

3°) de condamner le CH de Lavaur de lui verser une indemnité

de 40 848,96 euros ;

4°) de mettre à la charge du CH de Lavaur une somme de 3 000 euros au titre

de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le CH de Lavaur n'ayant pas justifié que les deux offres d'emploi d'infirmier publiées sur son site internet à la date de la demande de réintégration n'auraient pas été à pourvoir, c'est à tort que le tribunal lui a fait supporter la charge de la preuve de l'existence d'un emploi vacant correspondant à son profil ;

- la publication d'un nouvel avis de vacance de poste d'infirmier en pôle psychiatrie, moins de dix jours après la décision de maintien en disponibilité, démontre qu'un poste pourvu par un agent contractuel aurait dû lui être proposé, sans que puisse y faire obstacle la circonstance que cet avis a été émis postérieurement à sa demande de réintégration ;

- dès lors qu'il avait sollicité sa réintégration deux mois avant l'expiration de la période de disponibilité, à une date à laquelle des postes étaient vacants, le CH de Lavaur a commis une erreur manifeste d'appréciation en le maintenant en disponibilité pour une période de 12 mois à compter du 1er décembre 2015 ;

- les décisions de maintien en disponibilité du 10 janvier 2017 et du 23 janvier 2018, la décision du 1er décembre 2018 prononçant sa suspension à titre conservatoire et la prolongation de sa suspension à compter du 1er avril 2019, ainsi que les réserves émises sur ses capacités à exercer son métier dans les courriers au comité médical des 15 novembre 2016 et

22 septembre 2017, démontrent la volonté du CH de Lavaur de s'opposer à ce qu'il exerce ses fonctions dans cet établissement ;

- ses pertes de revenus s'élèvent à 25 848,96 euros après déduction de l'allocation d'aide au retour à l'emploi ;

- il sollicite une indemnité de 15 000 euros au titre de son préjudice moral dès lors que la décision de maintien en disponibilité lui a causé un syndrome anxio-dépressif le contraignant à séjourner du 11 janvier au 12 février 2016 au Centre Arzelier à Laragne-Montéglin pour

le traitement de sa dépendance alcoolique, puis nécessitant une hospitalisation dans la clinique Les Trois Solliès à Solliès Toucas.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 25 mars 2019 et le 19 juin 2019,

le CH de Lavaur, représenté par Me H..., conclut au rejet de la requête

et demande à la cour de mettre à la charge de M. E... une somme de 3 500 euros au titre

de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- les offres d'emplois publiées le 15 mai 2015 avaient été pourvues avant la demande de réintégration de M. E... par Mme G... et M. F..., recrutés respectivement les 18 mai et 17 juin 2015 ; l'offre du 9 décembre 2015, postérieure à la décision contestée, ne peut être utilement invoquée ;

- le fait que M. E... a été suspendu à titre conservatoire en 2019 est sans lien avec la décision du 6 octobre 2015 ;

- aucun lien n'est établi entre la situation médicale et financière invoquée et la décision du 6 octobre 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le décret n° 88-976 du 13 octobre 1988 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les conclusions de Mme Chauvin, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., infirmier en soins généraux et spécialisés en fonctions au centre hospitalier (CH) de Lavaur, a été placé en position de disponibilité pour convenances personnelles pour une durée de 12 mois à compter du 1er décembre 2014. Par un courrier reçu le 1er octobre 2015, il a demandé qu'il soit mis fin à cette disponibilité. Par une décision du 6 octobre 2015, le directeur du CH de Lavaur l'a maintenu en position de disponibilité pour une durée de 12 mois à compter du 1er décembre 2015. M. E... relève appel du jugement du 1er décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de cette décision, ainsi que sa demande de condamnation du CH de Lavaur à l'indemniser des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité de son maintien en disponibilité.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article 62 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " La disponibilité est la position du fonctionnaire qui, placé hors de son établissement, cesse de bénéficier, dans cette position, de ses droits à l'avancement et à la retraite. / (...) / Un décret en Conseil d'Etat détermine les cas et conditions de mise en disponibilité, sa durée ainsi que les modalités de réintégration des fonctionnaires intéressés à l'expiration de la période de disponibilité. ". Aux termes de l'article 37 du décret du 13 octobre 1988 relatif au régime particulier de certaines positions des fonctionnaires hospitaliers, pris pour l'application de ces dispositions : " Deux mois au moins avant l'expiration de la période de disponibilité en cours, le fonctionnaire doit solliciter soit le renouvellement de sa disponibilité soit sa réintégration. Faute d'une telle demande, l'intéressé est rayé des cadres, à la date d'expiration de la période de disponibilité. / Sous réserve des dispositions des troisième et quatrième alinéas ci-dessous, la réintégration est de droit à la première vacance lorsque la disponibilité n'a pas excédé trois ans. Le fonctionnaire qui refuse l'emploi proposé est maintenu en disponibilité. / Le fonctionnaire qui ne peut être réintégré faute de poste vacant est maintenu en disponibilité jusqu'à sa réintégration et au plus tard jusqu'à ce que trois postes lui aient été proposés. (...) ". Il résulte de ces dispositions que lorsqu'un fonctionnaire hospitalier placé en disponibilité pour une durée n'excédant pas trois ans demande à être réintégré, il l'est de droit sur le premier poste vacant. L'obligation de réintégration à la première vacance s'impose, sous réserve des nécessités du service, y compris lorsque l'intéressé demande à être réintégré avant le terme de la période pour laquelle il a été placé en disponibilité. Pour mettre en oeuvre cette obligation, l'administration doit prendre en compte les postes vacants à la date de la demande de réintégration et ceux qui deviennent vacants ultérieurement.

3. Il résulte de ce qui précède que l'administration était tenue de proposer à M. E... tout poste vacant à compter du 1er octobre 2015, date de réception de sa demande de réintégration. Par suite, le requérant est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande d'annulation de la décision le maintenant d'office en disponibilité pour une période

de 12 mois au motif qu'aucun emploi n'aurait été vacant ni à la date de réception de sa demande de réintégration, ni à la date de cette décision.

4. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. E... en première instance et en appel.

5. M. E... a produit, à l'appui de sa requête devant le tribunal, un extrait du site internet du CH de Lavaur imprimé le 25 novembre 2015, faisant état de la parution,

le 5 mai 2015, de deux postes d'infirmier en soins généraux et spécialisés à pourvoir, l'un en pôle psychiatrie sur le secteur de Castres ou Lavaur, l'autre en pôle de pédopsychiatrie pour l'ouverture d'une structure d'accueil pour adolescents à Réalmont. Si le CH de Lavaur a fait valoir que ces postes avaient été pourvus par deux infirmières recrutées par voie de mutation à compter, respectivement, du 1er août 2015 et du 1er octobre 2015, il n'en a pas justifié en se bornant à produire les décisions de recrutement de deux infirmières en soins généraux ne comportant aucune précision sur leurs affectations. Devant la cour, le CH de Lavaur soutient que les postes en cause auraient été pourvus par deux autres infirmiers, recrutés respectivement

le 18 mai 2015 et le 17 juin 2015. Toutefois, les lettres qu'il produit, à supposer qu'elles puissent être regardées comme établissant l'existence de recrutements, ne comportent aucune précision sur la nature des emplois concernés, tous deux relatifs à des affectations à Réalmont.

Ainsi, le centre hospitalier ne démontre pas que les offres d'emploi invoquées par M. E... auraient été pourvues à la date à laquelle il a refusé de le réintégrer, et pas davantage

qu'il n'aurait pu lui proposer le poste dont la vacance a été publiée le 9 décembre 2015.

6. Le CH de Lavaur n'établit ni même n'allègue que des nécessités de service auraient fait obstacle à la réintégration de M. E.... Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens qu'il invoque, M. E... est fondé à demander l'annulation de la décision

du 6 octobre 2015.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Il résulte de l'instruction que le directeur du CH de Lavaur a réintégré M. E... à compter du 1er décembre 2018. La circonstance que le requérant a été suspendu de ses fonctions à titre conservatoire à compter de la même date relève d'un litige distinct.

Par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin d'injonction.

Sur les conclusions indemnitaires :

8. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction en vigueur à la date de la demande devant le tribunal : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce,

dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. ".

Le CH de Lavaur a opposé devant le tribunal une fin de non-recevoir tirée de l'absence de liaison du contentieux sur les conclusions indemnitaires, présentées en cours d'instance, qu'il n'a pas expressément abandonnée en appel. M. E... ne conteste pas ne pas avoir présenté de demande préalable au CH de Lavaur. Par suite, les conclusions indemnitaires ne peuvent qu'être rejetées comme irrecevables.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

9. Les conclusions en annulation de M. E... étant accueillies, il y a lieu d'annuler l'article 2 du jugement mettant à sa charge des frais à verser au CH de Lavaur.

10. Le CH de Lavaur, qui est la partie perdante dans la présente instance, n'est pas fondé à demander qu'une somme soit mise à la charge de M. E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à sa charge une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés

par M. E... à l'occasion du présent litige.

DÉCIDE :

Article 1er : La décision du 6 octobre 2015 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Lavaur a maintenu M. E... en position de disponibilité pour convenances personnelles à compter du 1er décembre 2015 pour une période de 12 mois et le jugement du tribunal administratif de Toulouse n° 1505755 du 1er décembre 2017, en tant qu'il statue sur cette décision et met à la charge de M. E... une somme de 1 500 euros, sont annulés.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin d'injonction de réintégration de M. E....

Article 3 : Le centre hospitalier de Lavaur versera à M. E... une somme de 1 500 euros

au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... E... et au centre hospitalier de Lavaur.

Délibéré après l'audience du 14 janvier 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

Mme A... C..., présidente-assesseure,

M. Thierry Sorin, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 février 2020.

La rapporteure,

Anne C...

Le président,

Catherine GiraultLa greffière,

Cindy Virin

La République mande et ordonne à la ministre des solidarités et de la santé en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX00386


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX00386
Date de la décision : 11/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-02-01 Fonctionnaires et agents publics. Positions. Disponibilité. Réintégration.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme anne MEYER
Rapporteur public ?: Mme CHAUVIN
Avocat(s) : GOMEZ JEAN-PIERRE

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-02-11;18bx00386 ?
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