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25/02/2020 | FRANCE | N°19BX02121

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 25 février 2020, 19BX02121


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté

du 26 avril 2019 par lequel le préfet des Pyrénées-Atlantiques a décidé de le transférer aux autorités allemandes, responsables de sa demande d'asile, ainsi que la décision du même jour par laquelle le préfet l'a assigné à résidence dans le département des Pyrénées-Atlantiques pour une durée de 45 jours renouvelable trois fois.

Par un jugement n° 1900983 du 3 mai 2019, le magistrat désigné par le présid

ent du tribunal administratif de Pau a annulé la décision d'assignation à résidence, mis une somme...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté

du 26 avril 2019 par lequel le préfet des Pyrénées-Atlantiques a décidé de le transférer aux autorités allemandes, responsables de sa demande d'asile, ainsi que la décision du même jour par laquelle le préfet l'a assigné à résidence dans le département des Pyrénées-Atlantiques pour une durée de 45 jours renouvelable trois fois.

Par un jugement n° 1900983 du 3 mai 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a annulé la décision d'assignation à résidence, mis une somme

de 1 200 euros à la charge de l'Etat au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, et rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 mai 2019, le préfet des Pyrénées-Atlantiques demande à la cour d'annuler ce jugement en tant qu'il a annulé la décision d'assignation à résidence

du 26 avril 2019 et qu'il a mis une somme de 1 2000 euros à la charge de l'Etat.

Il soutient que :

- c'est à tort que le premier juge a estimé que l'article 28 du règlement Dublin constituait le fondement de la mesure d'assignation à résidence, laquelle repose sur les dispositions du 1° bis du I de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le droit d'être entendu n'étant pas applicable aux mesures de placement en rétention, il ne saurait l'être à celles d'assignation à résidence ;

- le premier juge ne pouvait davantage retenir une méconnaissance de la procédure contradictoire prévue par les dispositions de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration, inapplicables dès lors que le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile détermine l'ensemble des règles de procédure applicables aux décisions d'assignation à résidence.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le traité sur l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., né le 1er janvier 1989, de nationalité afghane, a déclaré être entré irrégulièrement en France le 22 octobre 2018 et s'est présenté le 29 octobre suivant à la préfecture de police de Paris en vue de déposer une demande d'asile. L'examen de ses empreintes digitales a révélé qu'il avait auparavant déposé une demande d'asile en Allemagne. Les autorités allemandes ont accepté de le reprendre en charge le 13 novembre 2018, et un hébergement lui a été affecté à Pau à compter du 19 décembre 2018. Par un arrêté

du 26 avril 2019, le préfet des Pyrénées-Atlantiques a prononcé son transfert aux autorités allemandes et, par une décision du même jour, l'a assigné à résidence pour une durée

de 45 jours. Par un jugement du 3 mai 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a rejeté les conclusions de M. D... tendant à l'annulation de l'arrêté de transfert et annulé la décision d'assignation à résidence au motif que l'intéressé n'avait pas été mis à même de présenter utilement ses observations préalables. Le préfet relève appel de ce jugement en tant qu'il a annulé la décision d'assignation à résidence.

2. Pour annuler la décision d'assignation à résidence, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau s'est fondé, d'une part, sur la méconnaissance du droit d'être entendu au sens du droit de l'Union européenne, et d'autre part, sur la méconnaissance des dispositions de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration selon lesquelles les décisions devant être motivées en vertu de l'article L. 211-2 de

ce code n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter

des observations.

3. En premier lieu, s'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union, il appartient aux États membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause. Ainsi, le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de remise d'un étranger à l'Etat responsable de sa demande d'asile n'implique pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision le plaçant en rétention ou l'assignant à résidence dans l'attente de l'exécution de la mesure d'éloignement, dès lors qu'il a pu être entendu sur la perspective de sa remise aux autorités responsables de sa demande d'asile.

4. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. D... a été reçu

le 29 octobre 2018 dans le cadre de la procédure de détermination de l'Etat responsable de sa demande d'asile et mis à même de présenter ses observations préalablement à l'arrêté prononçant sa remise aux autorités allemandes. La circonstance qu'il n'a pas été entendu sur la perspective d'une assignation à résidence en vue de garantir son éloignement vers l'Allemagne ne caractérise pas une méconnaissance du droit d'être entendu au sens du droit de l'Union européenne.

5. En second lieu, aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " I.- L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : / (...) 1° bis Fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 ou d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ; / (...) ". L'article L. 561-1 du même code dispose que " la décision d'assignation à résidence est motivée ". Il résulte de ces dispositions, et de l'ensemble de celles du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie une mesure d'éloignement à l'étranger, laquelle est susceptible de donner lieu à une décision d'assignation à résidence. Par suite, l'assignation à résidence ne relève pas des mesures de police mentionnées au 1° de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration et ne pouvant être prises, en vertu des dispositions de l'article L. 122-1 de ce code, qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations.

6. Il résulte de ce qui précède que le préfet des Pyrénées-Atlantiques est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau s'est fondé sur l'absence de procédure contradictoire préalable pour annuler la décision d'assignation à résidence du 26 avril 2019.

7. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D... devant le tribunal.

8. La décision relève que les autorités allemandes ont fait savoir le 13 novembre 2018 qu'elles acceptaient la reprise en charge de M. D..., que ce dernier, ne disposant ni d'une réservation de transport, ni d'un document de voyage, se trouve dans l'immédiat dans l'impossibilité de quitter le territoire français, et qu'étant hébergé au Pradha de Pau depuis

le 14 décembre 2018, il présente des garanties de représentation. Ces éléments de fait sont suffisamment précis pour fonder régulièrement la motivation de la décision assignant l'intéressé à résidence pour une durée de 45 jours renouvelable trois fois.

9. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge, d'écarter les moyens tirés de l'illégalité de l'arrêté de transfert du 26 avril 2012.

10. Dès lors que M. D... avait fait l'objet d'une décision de transfert aux autorités allemandes, ne pouvait quitter immédiatement le territoire français en l'absence de document de voyage et de réservation de transport pour un départ imminent, et présentait des garanties de représentation, il se trouvait dans la situation prévue par les dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile citées au point 5, permettant au préfet de l'assigner à résidence. Les garanties de représentation ne peuvent être utilement invoquées pour contester la légalité de l'assignation à résidence dès lors qu'elles conditionnent la possibilité pour le préfet de prendre une telle mesure, moins contraignante qu'un placement en rétention administrative, en vue de l'exécution de l'arrêté de transfert.

11. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". La décision contestée assigne M. D... à résidence dans le département des Pyrénées-Atlantiques et lui impose de se présenter tous les mardis à 10 heures, sauf les jours fériés, dans les locaux de la police aux frontières situés à Billère. Ces contraintes ne sont pas telles qu'elles puissent être regardées comme portant au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée une atteinte contraire aux stipulations précitées.

12. Il résulte de ce qui précède que le préfet des Pyrénées-Atlantiques est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a annulé la décision d'assignation à résidence du 26 avril 2019 et a mis une somme de 2 000 euros à la charge de l'Etat au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Pau n° 1900983 du 3 mai 2019 est annulé en tant qu'il annule la décision du préfet des Pyrénées-Atlantiques du 26 avril 2019 assignant M. D... à résidence et qu'il met à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi

du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Article 2 : La demande d'annulation de la décision d'assignation à résidence de M. D... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D..., au ministre de l'intérieur et à Me C... dit Labaquère. Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Atlantiques.

Délibéré après l'audience du 28 janvier 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

Mme A... B..., présidente-assesseure,

Mme Marie-Pierre Beuve-Dupuy, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 25 février 2020.

La rapporteure,

Anne B...

Le président,

Catherine GiraultLa greffière,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX02121


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX02121
Date de la décision : 25/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-04-01 Étrangers. Séjour des étrangers. Restrictions apportées au séjour. Assignation à résidence.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme anne MEYER
Rapporteur public ?: Mme CHAUVIN
Avocat(s) : MASSOU DIT LABAQUERE

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-02-25;19bx02121 ?
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