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27/02/2020 | FRANCE | N°19BX03444

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 27 février 2020, 19BX03444


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 24 juillet 2019 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays dont il a la nationalité comme destination en cas d'exécution d'office de la mesure d'éloignement et a interdit son retour sur le territoire pour une durée de trois ans, et d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie p

rivée et familiale " ou " salarié ", ou, à défaut, de réexaminer sa situation.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 24 juillet 2019 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays dont il a la nationalité comme destination en cas d'exécution d'office de la mesure d'éloignement et a interdit son retour sur le territoire pour une durée de trois ans, et d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié ", ou, à défaut, de réexaminer sa situation.

Par un jugement n° 1903951 du 9 août 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 septembre 2019, M. D..., représenté par F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux du 9 août 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Gironde du 24 juillet 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le refus de renouvellement de son titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il justifie se trouver dans une situation exceptionnelle au sens de ces dispositions et qu'il ne représente pas une menace pour l'ordre public ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen circonstancié de sa demande ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 4° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 janvier 2020, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Il s'en remet à ses écritures de première instance.

Par un courrier du 24 janvier 2020, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt de la cour était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux n'ayant pas statué sur les conclusions de la demande tendant à l'annulation de la décision portant refus de séjour, qu'il a renvoyé devant une formation collégiale du tribunal, les conclusions d'appel tendant à l'annulation de cette décision sont irrecevables.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B... C...,

- et les observations de Me F..., représentant M. D....

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant marocain né le 25 septembre 1993, est entré en France le 1er août 2007 à l'âge de 13 ans. Il a bénéficié de documents de circulation pour étranger mineur, puis, à compter du 11 février 2014, de titres de séjour dont le dernier était valable jusqu'au 25 juillet 2018 et dont il a sollicité le renouvellement le 29 mai 2018. Par un arrêté du 24 juillet 2019, le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays dont il a la nationalité comme destination de la mesure d'éloignement et a interdit son retour sur le territoire français pour une durée de trois ans. M. D... relève appel du jugement du 9 août 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux, après avoir renvoyé devant une formation collégiale de ce tribunal les conclusions dirigées contre le refus de titre de séjour, a rejeté les autres conclusions de la demande.

Sur la recevabilité de l'appel :

2. Le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux n'a pas statué sur les conclusions de la demande tendant à l'annulation de la décision portant refus de séjour, qu'il a renvoyé devant une formation collégiale du tribunal. Par suite, les conclusions d'appel tendant à l'annulation de cette décision sont irrecevables et doivent être rejetées.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

3. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) 4° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention " étudiant " (...) ".

4. Si M. D... soutient qu'à la date de la décision attaquée, il était présent sur le territoire français depuis onze ans et qu'il n'a pas bénéficié de titre de séjour portant la mention " étudiant " durant cette période, il ne justifie pas de la régularité de son séjour entre le 28 septembre 2012, date d'expiration de son document de circulation pour étranger mineur, et le mois de février 2014, date de délivrance de son premier titre de séjour. Par ailleurs, les périodes passées en détention au titre de peines privatives de libertés ne peuvent s'imputer dans le calcul de la durée de résidence mentionnée par les dispositions précitées. Par suite, M. D... ne pouvait être regardé, à la date de la décision contestée, comme résidant régulièrement en France depuis plus de dix ans. Dès lors, le moyen tiré de ce qu'il ne pouvait, en application des dispositions précitées de l'article L. 511-4, faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. I1 ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. M. D... fait valoir qu'il entré en France en 2007 à l'âge de 13 ans, que sa mère est titulaire d'une carte de résident, que son frère est de nationalité française, de même que ses deux demi-frères, et qu'il vit en concubinage depuis 2012 avec une ressortissante française dont l'état de santé requiert une aide à domicile. Il soutient également, pour la première fois en appel, que l'état de santé de sa mère nécessite sa présence permanente à ses côtés. Toutefois, l'existence d'une communauté de vie avec sa compagne française n'est établie que depuis 2016 et il ne ressort pas des pièces du dossier que M. D... entretiendrait des liens d'une particulière intensité avec son frère, ses demi-frères ou sa mère, alors que son père réside encore au Maroc. L'unique certificat médical produit pour établir la gravité de l'affection de sa compagne et la nécessité de la présence du requérant à ses côtés a été établi postérieurement à la décision attaquée et est rédigé en termes vagues et peu circonstanciés. Par ailleurs, ni la circonstance que la mère de M. D... ait été déclarée travailleur handicapé, ni les pièces médicales produites ne permettent de considérer que celle-ci souffre d'une affection nécessitant l'aide d'une tierce personne et il ne ressort d'ailleurs pas davantage des pièces du dossier que M. D... lui apporterait d'ores et déjà une assistance quelconque. Enfin, M. D... a été condamné en 2013 pour cession ou offre de stupéfiants, à deux reprises en 2015 pour vol, à deux reprises en 2018 pour vol et en 2019 pour conduite d'un véhicule sous l'emprise d'un état alcoolique et il n'est pas contesté qu'il est également mentionné dans le fichier du traitement des antécédents judiciaires pour avoir, notamment, en 2017, participé à un vol en réunion et été l'auteur de deux vols " simples ", en 2018, été porteur d'une arme blanche ou incapacitante de catégorie D, participé à un vol en réunion, été l'auteur d'un vol à la tire, fait acte de recel à deux reprises, conduit sous l'empire d'un état alcoolique et usurpé l'identité d'un tiers pouvant déterminer des poursuites pénales contre celui-ci. M. D... ne peut, dès lors, ni soutenir que ces faits seraient anciens et qu'il ferait preuve depuis leur commission d'une volonté particulière d'intégration, ni, compte tenu de la menace à l'ordre public qu'ils caractérisent, que le préfet aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit à mener une vie privée et familiale normale en l'obligeant à quitter le territoire français.

Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans :

7. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

8. Eu égard à la gravité et au caractère répété des faits mentionnés au point 6, qui caractérisent une menace réelle et actuelle à l'ordre public, et en dépit de la durée de la présence en France de M. D... et de ses liens avec sa compagne, le préfet de la Gironde n'a pas commis d'erreur d'appréciation en prenant à l'encontre de M. D... une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'annulation et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 30 janvier 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

M. B... C..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 février 2020.

Le rapporteur,

David C...Le président,

Marianne Hardy

Le greffier,

Sophie Lecarpentier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 19BX03444


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19BX03444
Date de la décision : 27/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: M. David TERME
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : GROSSELLE

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-02-27;19bx03444 ?
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