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14/05/2020 | FRANCE | N°18BX02265

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 14 mai 2020, 18BX02265


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet de la Dordogne a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 24 février 2017 par lequel le maire de la commune de Montignac a délivré à la société à responsabilité limitée Cattel un permis d'aménager trente-six emplacements supplémentaires sur un terrain de camping situé au lieudit Le Bleufond Sud.

Par un jugement n° 1702744 du 3 avril 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une req

uête et deux mémoires, enregistrés les 5 juin 2018, 7 juin et 31 juillet 2019, la SARL Cattel, représ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet de la Dordogne a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 24 février 2017 par lequel le maire de la commune de Montignac a délivré à la société à responsabilité limitée Cattel un permis d'aménager trente-six emplacements supplémentaires sur un terrain de camping situé au lieudit Le Bleufond Sud.

Par un jugement n° 1702744 du 3 avril 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 5 juin 2018, 7 juin et 31 juillet 2019, la SARL Cattel, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 3 avril 2018 ;

2°) de rejeter la demande présentée par le préfet de la Dordogne devant le tribunal administratif de Bordeaux ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il ne répond pas au moyen tiré de l'existence d'une règlementation spécifique permettant d'assurer la pré-alerte, l'alerte et l'évacuation des occupants du terrain de camping, de la fermeture annuelle et du caractère saisonnier de l'activité du camping ;

- les premiers juges ont à tort appliqué le règlement du plan de prévention des risques inondation alors qu'il n'était pas entré en vigueur, sans procéder à l'examen réel des risques auxquels les occupants du terrain de camping seraient effectivement exposés ;

- le projet n'emportera pas augmentation du nombre de personnes exposées puisque le terrain de camping sera fermé au public entre le 15 octobre et le 1er avril, hors de la période durant laquelle le risque potentiel d'inondation est avéré ; si le maire de Montignac devait tenir compte des études en cours pour analyser l'existence du risque, il n'était pas tenu par le projet de règlement du PPRI et a pu parfaitement apprécier l'atteinte à la sécurité publique eu égard à la localisation du projet, au contenu du projet et aux modalités d'exploitation du terrain de camping ; le maire a pu sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation autoriser l'extension du terrain de camping dans la mesure où même le règlement de la zone rouge du PPRI opposable autoriserait l'opération ;

- l'ensemble des points de relevés effectués sur le terrain d'assiette du projet font état d'une hauteur NGF au minimum de 75,27 mètres ; il appartient au préfet de la Dordogne d'apporter la preuve que les hauteurs d'eau susceptibles d'être atteintes à l'endroit du terrain d'assiette du projet dépasseraient 76,27 mètres.

Par trois mémoires, enregistrés les 17 août 2018, 8 juillet 2019 et 9 octobre 2019, le préfet de la Dordogne conclut au rejet de la requête de la SARL Cattel.

Il soutient que les moyens soulevés par la SARL Cattel ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le 24 février 2017, le maire de Montignac a délivré un permis d'aménager à la SARL Cattel en vue de l'extension d'un terrain de camping existant de 118 emplacements, situé au lieudit " Le Bleufond Sud " à Montignac, consistant en la création de 36 emplacements supplémentaires. Par une lettre du 19 avril 2017, le sous-préfet de Sarlat a demandé au maire de Montignac de retirer ce permis d'aménager. Après un refus exprès du maire par lettre du 2 mai 2017, le préfet a déféré cet acte au tribunal administratif de Bordeaux. La SARL Cattel relève appel du jugement du 3 avril 2018 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 24 février 2017.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. La SARL Cattel soutient que le tribunal administratif de Bordeaux a omis de répondre au moyen tiré de l'existence d'une règlementation spécifique permettant d'assurer la pré-alerte, l'alerte et l'évacuation des occupants du terrain de camping, de la fermeture annuelle et du caractère saisonnier de l'activité du camping. Toutefois, il ressort des motifs mêmes du jugement que le tribunal administratif de Bordeaux, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, n'a pas omis de répondre au moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme auquel se rattachaient ces éléments. Par suite, la SARL Cattel n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité.

Sur la légalité de l'arrêté du 24 février 2017 :

4. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ". Il appartient à l'autorité d'urbanisme compétente et au juge de l'excès de pouvoir, pour apprécier si les risques d'atteintes à la salubrité ou à la sécurité publique justifient un refus de permis de construire sur le fondement de ces dispositions, de tenir compte tant de la probabilité de réalisation de ces risques que de la gravité de leurs conséquences, s'ils se réalisent. A ce titre, elle doit prendre en compte les éléments d'information disponibles, en particulier les études réalisées dans le cadre de l'élaboration ou de la révision d'un plan de prévention des risques alors même que celui-ci n'est pas encore entré en vigueur, ni n'a fait l'objet d'une application anticipée.

5. Il ressort des pièces du dossier que le projet d'extension du camping de la SARL Cattel, situé en zone inondable, consiste en l'aménagement de 6 emplacements simples,16 emplacements de caravane confort et 14 emplacements grand confort équipés de résidences mobiles de loisirs. L'augmentation de la capacité d'accueil du camping a pour effet d'accroitre le nombre de personnes exposées au risque inondation et les résidences mobiles de loisirs projetées peuvent constituer des obstacles à l'écoulement des eaux. Par ailleurs, il ressort des cartes des hauteurs, vitesses et aléas inondation élaborées dans le cadre de la révision du plan de prévention des risques de la commune de Montignac que le terrain d'assiette du projet d'extension du camping, se situe, sur la carte des hauteurs d'eau, en zone bleu foncé représentant une hauteur d'eau de plus d'un mètre et sur la carte des vitesses en zone rose, soit une vitesse comprise entre 0,2 et 0,5 mètre par seconde. Cette hauteur d'eau combinée à la vitesse d'écoulement traduit, pour la crue de référence, un aléa fort affectant les parcelles compte tenu de leur localisation. Si l'appelante conteste la méthode et les références ayant conduit à l'identification d'un aléa fort sur les parcelles concernées dans le cadre des études menées pour la révision du PPRI, il ressort des pièces qu'elles ont été élaborées sur la base de la crue historique du 4 octobre 1960 et non plus de la crue centennale prise en compte par le PPRI initial et que le classement en aléa fort des parcelles concernées, classées en zone bleue du PPRI approuvé le 20 décembre 2000, résulte de la modification et du caractère plus restrictifs des critères de définition des zones d'aléa fort et faible. Ainsi, il ressort de la carte des hauteurs, et n'est pas sérieusement contesté, que la cote de la crue de référence, au droit de ce projet d'extension, est de 77,10 mètres NGF alors que la hauteur du terrain d'assiette du projet est au minimum de 75,27 mètres. Il est constant que le maire de Montignac avait connaissance des aléas concernant le terrain d'assiette du projet, portés à sa connaissance notamment lors qu'il avait assisté à une réunion de présentation de la première phase de l'étude relative à la détermination des aléas de référence le 1er décembre 2016. Si le compte rendu de cette réunion, transmis le 13 février 2017, n'était pas accompagné de la carte de pré-zonage établie postérieurement et au demeurant inapplicable en l'espèce, les projets de cartes des hauteurs, vitesses et aléas inondation y étaient joints et donnaient au maire de Montignac une connaissance précise et actualisée du risque auquel était soumis le terrain d'assiette du projet. Enfin, compte tenu des hauteurs d'eau, de l'importance et de la nature du projet, d'éventuelles prescriptions tenant à la fermeture annuelle du camping sur la seule période du 1er novembre au 30 mars, au respect d'une règlementation spécifique permettant d'assurer la pré-alerte, l'alerte et l'évacuation des occupants du terrain de camping ne permettaient pas légalement d'accorder l'autorisation sollicitée au regard des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme. Dès lors, le projet d'extension du camping était de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes et des biens et le maire de Montignac a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme en accordant le permis d'aménager sollicité.

6. Il résulte de ce qui précède que, alors même, que les premiers juges ne pouvaient légalement faire application du futur règlement du PPRI prohibant toute augmentation de la capacité du terrain de camping, en l'absence de mise en application anticipée de ce plan, la SARL Cattel n'est pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du maire de Montignac du 24 février 2017.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la SARL Cattel demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Cattel est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Cattel, à la commune de Montignac et au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

Copie en sera adressée au préfet de la Dordogne et au procureur près le tribunal judiciaire de Périgueux.

Délibéré après l'audience du 27 février 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Brigitte Phémolant, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme B..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 mai 2020.

Le président,

Brigitte Phémolant

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX02265


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18BX02265
Date de la décision : 14/05/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-04-04-02 Urbanisme et aménagement du territoire. Autorisations d`utilisation des sols diverses. Autorisations relatives au camping, au caravaning et à l'habitat léger de loisir. Autorisation d'aménagement de terrain de camping ou de caravaning.


Composition du Tribunal
Président : Mme PHEMOLANT
Rapporteur ?: Mme Nathalie GAY-SABOURDY
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : CABINET CYRIL REPAIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-05-14;18bx02265 ?
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