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20/05/2020 | FRANCE | N°18BX00998

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 20 mai 2020, 18BX00998


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D... E... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2011.

Par un jugement n° 1500016 du 29 décembre 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 8 mars et 12 novembre 2018 et 26 septembre 2019 M. et Mme E..., représent

és par la SCP Lalanne-Derrien Lalanne, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 29 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D... E... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2011.

Par un jugement n° 1500016 du 29 décembre 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 8 mars et 12 novembre 2018 et 26 septembre 2019 M. et Mme E..., représentés par la SCP Lalanne-Derrien Lalanne, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 29 décembre 2017 ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2011 ;

3°) de rembourser les frais engagés pour la procédure, à concurrence de 358 euros.

Ils soutiennent que :

- le montant des commissions effectivement encaissées au titre de l'année 2011 s'élève non à 192 249 euros mais à 181 803 euros ;

- la plus-value constatée lors de la cession de l'activité d'agent d'assurances est exonérée en application de l'article 238 quindecies du code général des impôts.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 11 octobre 2018, 23 septembre et 14 octobre 2019 le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête et fait valoir que les moyens ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 27 septembre 2019, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 15 octobre 2019 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F...,

- les conclusions de M. B... C....

Considérant ce qui suit :

1. M. D... E..., qui exerçait jusqu'au 30 juin 2011 l'activité d'agent d'assurances, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2010 au 30 juin 2011, à l'issue de laquelle, par proposition de rectification du 9 avril 2013, le service a rectifié le bénéfice non commercial réalisé au cours de l'année 2011 par la voie de l'évaluation d'office, et taxé la plus-value réalisée à l'occasion de la cession d'activité. M. et Mme E... relèvent appel du jugement du 29 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande tenant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2011.

Sur le montant des recettes imposables :

2. D'une part, aux termes de l'article 93 du code général des impôts, dans sa version applicable à l'année en cause : " 1. Le bénéfice à retenir dans les bases de l'impôt sur le revenu est constitué par l'excédent des recettes totales sur les dépenses nécessitées par l'exercice de la profession. Sous réserve des dispositions de l'article 151 sexies, il tient compte des gains ou des pertes provenant soit de la réalisation des éléments d'actif affectés à l'exercice de la profession, soit des cessions de charges ou d'offices, ainsi que de toutes indemnités reçues en contrepartie de la cessation de l'exercice de la profession ou du transfert d'une clientèle (...) 1 ter. Les agents généraux d'assurances et leurs sous-agents peuvent demander que le revenu imposable provenant des commissions versées par les compagnies d'assurances qu'ils représentent, ès qualités, soit déterminé selon les règles prévues en matière de traitements et salaires (...) Les contribuables ayant demandé l'application de ce régime doivent joindre à leur déclaration annuelle un état donnant la ventilation des sommes reçues suivant les parties versantes (...) ". Aux termes de l'article 202 du même code : " 1. Dans le cas de cessation de l'exercice d'une profession non commerciale, l'impôt sur le revenu dû en raison des bénéfices provenant de l'exercice de cette profession y compris ceux qui proviennent de créances acquises et non encore recouvrées et qui n'ont pas encore été imposés est immédiatement établi./ Les contribuables doivent, dans un délai de soixante jours déterminé comme il est indiqué ci-après, aviser l'administration de la cessation et lui faire connaître la date à laquelle elle a été ou sera effective, ainsi que, s'il y a lieu, les nom, prénoms et adresse du successeur. / Ce délai de soixante jours commence à courir : / a. lorsqu'il s'agit de la cessation de l'exercice d'une profession autre que l'exploitation d'une charge ou d'un office, du jour où la cessation a été effective ; / b. lorsqu'il s'agit de la cessation de l'exploitation d'une charge ou d'un office, du jour où a été publiée au Journal officiel la nomination du nouveau titulaire de la charge ou de l'office ou du jour de la cessation effective si elle est postérieure à cette publication. / 2. Les contribuables sont tenus de faire parvenir à l'administration dans le délai prévu au 1 la déclaration visée à l'article 97 ou au 2 de l'article 102 ter. / Si les contribuables ne produisent pas la déclaration visée au premier alinéa, les bases d'imposition sont arrêtées d'office ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales : " Peuvent être évalués d'office : (...) 2° Le bénéfice imposable des contribuables qui perçoivent des revenus non commerciaux ou des revenus assimilés lorsque la déclaration annuelle prévue à l'article 97 du code général des impôts n'a pas été déposée dans le délai légal (...) ". Et aux termes de l'article L. 193 du même livre : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ".

4. M. E... n'a pas fait parvenir, dans le délai de 60 jours suivant la date de la cessation effective de son activité, la déclaration prévue à l'article 97 du code général des impôts. Par suite, les appelants supportent la charge de la preuve du caractère exagéré des impositions litigieuses.

5. Il résulte de l'instruction que M. E... a déclaré un montant de commissions de 182 670 euros pour la période du 1er janvier au 30 juin 2011, date de sa cessation d'activité. Dans le cadre de l'exercice de son droit de communication auprès des organismes versants, le service a constaté que les commissions versées en 2011 par le groupe Allianz et la société Groupama s'élevaient à 192 249 euros, et que le montant des commissions acquises en 2011 et non encore recouvrées, lesquelles devaient être imposées immédiatement en application des dispositions de l'article 202 du code général des impôts rappelées au point 2, s'élevait à 21 191 euros, soit un total de commissions imposables de 213 440 euros. Le service a donc notifié aux contribuables un rappel en base de 30 770 euros. Toutefois, suivant l'avis de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, l'administration a abandonné la taxation des créances acquises et non encore recouvrées, ramenant ainsi le montant des commissions imposables à 192 249 euros.

6. M. et Mme E... soutiennent que le montant des recettes imposables pour 2011 s'élève à 181 803 euros. Ils produisent un " tableau de bord à fin juin 2011 " de la compagnie Allianz, qui porte toutefois la date du 7 janvier 2011, ainsi qu'un " détail du compte à fin juin 2011 " de cette même compagnie, qui porte toutefois la date du 7 avril 2011. Si le premier document mentionne la somme de 181 803 euros, le second, qui, semble-t-il, porte sur les commissions versées par Allianz vie et Allianz IARD, mentionne des montants de 124 155,06 euros et de 55 874,29 euros, pour un total de 180 029,35 euros qui ne correspond pas au montant de 181 803 mentionné dans le premier document. De même, les relevés de compte professionnel de M. E... du 1er janvier au 31 août 2011 font apparaître des virements de la Compagnie Allianz pour un montant total encore différent de 167 571,53 euros. Dès lors, eu égard aux incohérences des pièces produites, les requérants n'apportent pas la preuve de l'exagération des montants retenus par l'administration à la suite de l'exercice de son droit de communication.

Sur la plus-value réalisée lors de la cessation d'activité :

7. En premier lieu, aux termes de l'article 93 quater du code général des impôts : " I. Les plus-values réalisées sur des immobilisations sont soumises au régime des articles 39 duodecies et 39 quindecies (...) ". Aux termes de l'article 238 quindecies du même code : " I. - Les plus-values soumises au régime des articles 39 duodecies à 39 quindecies et réalisées dans le cadre d'une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole à l'occasion de la transmission d'une entreprise individuelle ou d'une branche complète d'activité autres que celles mentionnées au V sont exonérées pour : / 1° La totalité de leur montant lorsque la valeur des éléments transmis servant d'assiette aux droits d'enregistrement mentionnés aux articles 719, 720 ou 724 ou des éléments similaires utilisés dans le cadre d'une exploitation agricole est inférieure ou égale à 300 000 € ;/ 2° Une partie de leur montant lorsque la valeur des éléments transmis servant d'assiette aux droits d'enregistrement mentionnés aux articles 719, 720 ou 724 ou des éléments similaires utilisés dans le cadre d'une exploitation agricole est supérieure à 300 000 € et inférieure à 500 000 €. (...) ".

8. Il résulte de l'instruction que M. E... a perçu de la compagnie Allianz une indemnité de cessation d'activité d'un montant de 339 205 euros. Cette indemnité, qui lui a été versée en contrepartie de l'abandon de ses droits de créance sur les commissions afférentes au portefeuille de l'agence générale dont il était titulaire, ne saurait être regardée comme constituant le prix de cession d'une branche complète d'activité générant une plus-value pouvant être exonérée en application des dispositions précitées de l'article 238 quindecies du code général des impôts.

9. M. et Mme E... se prévalent de l'article 20 du mandat d'agent général conclu avec la compagnie AGF devenue Allianz, qui stipule que " La cessation de fonction ouvre droit, pour l'Agent général, à la présentation d'un successeur dont la nomination reste soumise à l'agrément préalable de la Compagnie. Au cas où la cession ne peut se faire de gré à gré, le départ ou le décès de l'Agent donne lieu à une indemnité versée par la Compagnie ", et font valoir que M. E... a présenté des successeurs. Toutefois, ces successeurs n'ayant pas été agréés, aucune cession de gré à gré assimilable à la cession d'une branche complète d'activité ne peut, en tout état de cause, être constatée. De même, la circonstance alléguée que, dans l'attente d'un successeur, la compagnie Allianz a conclu avec M. E..., le 1er juillet 2011, une convention de location du mobilier d'agence, produite par les appelants, démontre que ces éléments n'avaient pas fait l'objet d'une cession à la compagnie rémunérée par l'indemnité en cause. Par suite, les appelants ne sont pas fondés à soutenir que la plus-value réalisée était exonérée en application de l'article 238 quindecies du code général des impôts.

10. En second lieu, M. et Mme E... se prévalent, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la réponse du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie à M. A..., sénateur, n° 15643 du 19 mai 2005, selon laquelle " la notion de branche complète d'activité se définit comme l'ensemble des éléments d'actif et de passif d'une division d'une entreprise ou d'une société qui constituent, du point de vue de l'organisation, une exploitation autonome, c'est-à-dire un ensemble capable de fonctionner par ses propres moyens. S'agissant des agents généraux d'assurance, la perception d'une indemnité versée par la société d'assurances en cas de cessation de fonction ne peut être assimilée à la cession d'une branche complète d'activité. En effet, il n'y a, dans cette hypothèse, pas de cession mais cessation de l'activité dont l'indemnisation résulte de la convention entre la compagnie d'assurances et son agent. L'objet de cette opération n'est ainsi pas la reprise de l'activité de l'agent par un nouvel agent. C'est d'ailleurs pourquoi de telles opérations n'entrent pas, pour les droits d'enregistrement, dans le champ d'application de l'article 720 du code général des impôts dès lors qu'elles ne sont pas assimilées à une cession à titre onéreux de fonds de commerce ou de clientèle. En revanche, la cession de gré à gré de l'activité d'agent d'assurance est assimilée à une cession à titre onéreux de fonds de commerce ou de clientèle. Elle est donc soumise aux droits d'enregistrement prévus à l'article 720 précité. Une telle cession est susceptible d'entrer dans le champ d'application de l'article 238 quaterdecies pour autant que l'ensemble des autres conditions prévues par ce texte soit respecté ".

11. Cette réponse ministérielle ne donne toutefois pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle dont il est fait application aux points 8 et 9, et ce moyen doit, dès lors, être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter leurs conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme D... E... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 20 février 2020 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme F..., présidente-assesseure,

Mme Florence Madelaigue, premier-conseiller.

Lu en audience publique, le 20 mai 2020.

Le président,

Éric Rey-Bèthbéder

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 18BX00998 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 18BX00998
Date de la décision : 20/05/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-03-03 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Évaluation de l'actif. Plus et moins-values de cession.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Frédérique MUNOZ-PAUZIES
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : SCP LALANNE - DERRIEN-LALANNE

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-05-20;18bx00998 ?
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