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08/06/2020 | FRANCE | N°18BX02151

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 08 juin 2020, 18BX02151


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... G... a demandé au tribunal administratif de Toulouse, à titre principal, d'annuler la décision du 14 septembre 2015 par laquelle la commune de Portet-sur-Garonne lui a demandé de reverser la somme de 3 950,30 euros indument perçue, ensemble la décision du 25 janvier 2016 de rejet de son recours gracieux et, à titre subsidiaire, de condamner ladite commune à assumer les conséquences financières de ses décisions.

Par un jugement n° 1601292 du 30 mars 2018, le tribunal administratif de Toul

ouse a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... G... a demandé au tribunal administratif de Toulouse, à titre principal, d'annuler la décision du 14 septembre 2015 par laquelle la commune de Portet-sur-Garonne lui a demandé de reverser la somme de 3 950,30 euros indument perçue, ensemble la décision du 25 janvier 2016 de rejet de son recours gracieux et, à titre subsidiaire, de condamner ladite commune à assumer les conséquences financières de ses décisions.

Par un jugement n° 1601292 du 30 mars 2018, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 mai 2018, Mme A... G..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 30 mars 2018 ;

2°) d'annuler les décisions du 14 septembre 2015 et du 25 janvier 2016 ;

3°) de condamner la commune de Portet-sur-Garonne à lui verser la prime litigieuse à compter du mois d'août 2015 jusqu'au 1er novembre 2018, à lui rembourser la somme de 343 euros indûment prélevée sur son traitement et la somme de 5 000 euros au titre de la réparation de ses préjudices moral et financier ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Portet-sur-Garonne la somme de 2 500 euros à lui verser en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

- le bordereau du titre de recettes n° 2015T208 a été irrégulièrement produit devant les premiers juges dès lors qu'il a été versé au débat après la clôture de l'instruction ;

- ladite commune a méconnu ses droits de la défense et son droit à un procès équitable ;

- ce bordereau ne permet pas de vérifier l'exactitude du titre de recettes n° 2015T208 qu'elle n'a jamais reçu et qui est par conséquent dépourvu de caractère exécutoire ;

- ce bordereau n'a pas été pris conformément aux dispositions de l'article L.111-2 du code des relations entre le public et l'administration dès lors qu'il ne mentionne pas les voies et délais de recours ;

- le titre de recettes n° 2015T208 est entaché d'irrégularité formelle en ce qu'il n'est pas signé, ne mentionne pas les nom, prénom et qualité de la personne qui l'a émis ni les voies et délais de recours ;

- la créance est prescrite ;

- le délai de prescription de l'action en recouvrement n'a pas été interrompu par l'envoi d'un titre de recette exécutoire, d'un titre de recette modifié, d'une lettre de relance ou d'une mise en demeure ;

- le comptable public a méconnu les dispositions de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales en lui adressant un avis d'opposition à tiers détenteur après avoir prélevé la somme de 109,17 euros sur son traitement et sans lui avoir préalablement envoyé de lettre de relance ou de mise en demeure ;

- en l'absence de titre de recettes individuel exécutoire, la somme réclamée n'est pas exigible ;

- la commune de Portet-sur-Garonne a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en exécutant les décisions litigieuses sans envoi d'un titre de recettes ;

- les premiers juges ont commis une erreur de droit en n'exigeant pas la production de l'arrêté lui octroyant l'indemnité horaire pour travaux supplémentaires dont ils n'ont par ailleurs pas vérifié le caractère exécutoire ;

- les primes versées constituent un avantage financier qui ne peut être assimilé à une indemnité horaire pour travaux supplémentaires ;

- cet avantage financier ne pouvait, en ce qu'il est créateur de droits, lui être retiré au-delà d'un délai de quatre mois ;

- le versement de ses primes pendant une durée de deux ans manifeste la volonté de la commune de lui maintenir un avantage financier qui ne résulte pas d'une erreur de liquidation ou de paiement ;

- aucun arrêté lui accordant cette indemnité et/ou ordonnant la répétition des sommes versées n'a jamais été émis ;

- elle justifie d'un préjudice financier.

Par un mémoire en défense enregistré le 25 octobre 2018, la commune de Portet-sur-Garonne, représentée par la société d'avocats Ernst et Young, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de Mme G... d'une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les conclusions nouvelles en appel sont irrecevables et que les moyens soulevés par Mme G... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 3 juin, la clôture d'instruction a été fixée au 17 juillet 2019 à midi.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 modifiée relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

- le décret n° 2002-60 du 14 janvier 2002 relatif aux indemnités horaires pour travaux supplémentaires ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... B... ;

- les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public ;

- et les observations de Me F..., représentant Mme G... et de Me E..., représentant la commune de Portet-sur-Garonne.

Considérant ce qui suit :

1. Mme G..., adjoint administratif titulaire de la commune de Portet-sur-Garonne, a été rendue destinataire d'un courrier en date du 14 septembre 2015 par lequel le maire de la commune lui a demandé de rembourser la somme de 3 950,30 euros correspondant aux indemnités horaires pour travaux supplémentaires (IHTS) indûment perçues lors de ses périodes de congés de maladie entre septembre 2013 et août 2015 et lui a proposé un échéancier de remboursement de 219,46 euros mensuels pendant dix-huit mois. Le recours gracieux qu'elle a formé par un courrier en date du 6 novembre 2015 a été rejeté par le maire de la commune de Portet-sur-Garonne le 25 janvier 2016. Par un jugement du 30 mars 2018, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté les demandes de Mme G... tendant à l'annulation des décisions du 14 septembre 2015 et du 25 janvier 2016 ainsi qu'à l'indemnisation des préjudices subis. Mme G... relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il résulte de l'article R. 613-3 du code de justice administrative que lorsque, postérieurement à la clôture de l'instruction, le juge est saisi d'une production, mémoire ou pièce, émanant de l'une des parties à l'instance, il lui appartient de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision, ainsi que de la viser sans l'analyser, mais il ne peut la prendre en compte sans avoir préalablement rouvert l'instruction afin de la soumettre au débat contradictoire.

3. Il ressort de la lecture du jugement attaqué que le bordereau du titre de recettes n°2015T508 émis le 17 novembre 2015 a été produit par la commune de Portet-sur-Garonne lors de l'audience du tribunal administratif de Toulouse, soit postérieurement à la clôture de l'instruction. Le tribunal, qui a écarté le moyen tiré de l'absence d'exigibilité de la somme réclamée en s'appuyant sur ce bordereau produit à l'audience alors qu'il n'a pas rouvert l'instruction, a méconnu le caractère contradictoire de l'instruction.

4. Dans ces conditions, il y a lieu d'annuler le jugement attaqué entaché d'irrégularité et, par la voie de l'évocation, de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme G... devant le tribunal administratif de Toulouse.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

5. En premier lieu, les moyens, soulevés pour la première fois en appel, tirés de l'illégalité du titre de recettes n° 2015T508 émis le 17 novembre 2015 par la commune de Portet-sur-Garonne pour le recouvrement de la somme de 3 950,30 euros et de l'illégalité du bordereau de ce titre produit devant les premiers juges sont inopérants.

6. En deuxième lieu, la circonstance que la commune de Portet-sur-Garonne a émis le 17 novembre 2015 le titre de recettes n° 2015T508 pour le recouvrement de la somme de 3 950,30 euros est sans incidence sur la légalité de la décision du 14 septembre 2015 portant demande de reversement de ladite somme indument perçue, et sur celle du 25 janvier 2016 portant rejet du recours gracieux exercé à l'encontre de cette première décision.

7. En troisième lieu, si Mme G... soutient que le comptable public ne pouvait, sans méconnaître les dispositions de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, lui adresser un avis d'opposition à tiers détenteur, réservé aux créances fiscales, ni opérer de prélèvement sur son traitement dès lors qu'elle avait contesté le bien-fondé de la créance, un tel moyen est inopérant à l'appui des conclusions dirigées contre les décisions du 14 septembre 2015 et du 25 janvier 2016.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000, dans sa rédaction issue du I de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 : " Les créances résultant de paiements indus effectués par les personnes publiques en matière de rémunération de leurs agents peuvent être répétées dans un délai de deux années à compter du premier jour du mois suivant celui de la date de mise en paiement du versement erroné, y compris lorsque ces créances ont pour origine une décision créatrice de droits irrégulière devenue définitive. / Toutefois, la répétition des sommes versées n'est pas soumise à ce délai dans le cas de paiements indus résultant soit de l'absence d'information de l'administration par un agent de modifications de sa situation personnelle ou familiale susceptibles d'avoir une incidence sur le montant de sa rémunération, soit de la transmission par un agent d'informations inexactes sur sa situation personnelle ou familiale (...) ".

9. Il résulte de ces dispositions qu'une somme indûment versée par une personne publique à l'un de ses agents au titre de sa rémunération peut, en principe, être répétée dans un délai de deux ans à compter du premier jour du mois suivant celui de sa date de mise en paiement sans que puisse y faire obstacle la circonstance que la décision créatrice de droits qui en constitue le fondement ne peut plus être retirée. Ces dispositions sont applicables aux différents éléments de la rémunération d'un agent de l'administration.

10. Contrairement à ce que soutient l'appelante en première instance comme en appel, la créance résultant des trop-perçus d'indemnités horaires pour travaux supplémentaires afférents aux mois septembre 2013 à août 2015 n'étaient pas, à la date de la décision du 14 septembre 2015, atteinte par la prescription de l'article 37-1 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 dans sa rédaction issue du I de l'article 94 la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que l'administration ne pouvait procéder au rappel des indemnités litigieuses au-delà d'un délai de quatre mois à compter de leur versement ne peut qu'être écarté.

11. En cinquième lieu, l'article 2 du décret n° 2002-60 du 14 janvier 2002 prévoit que : " (...) Les indemnités horaires pour travaux supplémentaires peuvent être versées, dès lors qu'ils exercent des fonctions ou appartiennent à des corps, grades ou emplois dont les missions impliquent la réalisation effective d'heures supplémentaires, aux fonctionnaires de catégorie C et aux fonctionnaires de catégorie B. ".

12. II est constant qu'entre septembre 2013 et août 2015 Mme G... était placée en congé de maladie. Dès lors, la commune de Portet-sur-Garonne était fondée à lui réclamer le remboursement des sommes indument perçues au titre des indemnités horaires pour travaux supplémentaires.

Sur les conclusions indemnitaires :

13. Il résulte de ce qui a été dit aux points précédents qu'aucune illégalité fautive ne saurait être reprochée à la commune de Portet-sur-Garonne, de sorte que sa responsabilité n'est pas susceptible d'être engagée. Dès lors, les conclusions de Mme G... tendant à l'indemnisation des divers préjudices qu'elle aurait subis ne peuvent qu'être rejetées.

14. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées à la requête d'appel, que Mme G... n'est fondée à demander ni l'annulation des décisions du 14 septembre 2015 et du 25 janvier 2016 ni l'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis. Les conclusions tendant à la condamnation de la commune de Portet-sur-Garonne au versement de la prime litigieuse à compter du mois d'août 2015 jusqu'au 1er novembre 2018 et au remboursement de la somme de 343 euros au titre des sommes indûment prélevées sur son traitement, qui doivent être regardées comme des conclusions à fin d'injonction, ne peuvent davantage être accueillies.

Sur les frais liés au litige :

15. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

16. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Portet-sur-Garonne, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme G... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Aucun dépens n'ayant été exposé dans cette affaire, les conclusions y étant relatives ne peuvent qu'être rejetées. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de Mme G... la somme de 750 euros à verser à la commune de Portet-sur-Garonne au titre de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1601292 du 30 mars 2018 du tribunal administratif de Toulouse est annulé

Article 2 : La demande présentée par Mme G... devant le tribunal administratif de Toulouse et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : Mme G... versera à la commune de Portet-sur-Garonne la somme de 750 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... G... et à la commune de Portet-sur-Garonne.

Délibéré après l'audience du 11 mai 2020 à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

Mme C... B..., présidente-assesseure,

Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 juin 2020.

Le président,

Pierre Larroumec

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 18BX02151 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX02151
Date de la décision : 08/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Comptabilité publique et budget - Créances des collectivités publiques - Existence.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Responsabilité et illégalité.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: Mme Karine BUTERI
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : PETIOT

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-06-08;18bx02151 ?
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