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11/06/2020 | FRANCE | N°18BX03164

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 11 juin 2020, 18BX03164


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... B... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler la décision du 17 mai 2016 par laquelle la directrice générale de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) a prononcé le retrait et le reversement de la subvention qui lui avait été versée le 24 juillet 2013.

Par un jugement n° 1601202 du 21 juin 2018, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 9 août 2018 et

21 octobre 2019, Mme B..., représentée par Me C..., conteste ce jugement et demande à la cour :...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... B... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler la décision du 17 mai 2016 par laquelle la directrice générale de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) a prononcé le retrait et le reversement de la subvention qui lui avait été versée le 24 juillet 2013.

Par un jugement n° 1601202 du 21 juin 2018, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 9 août 2018 et 21 octobre 2019, Mme B..., représentée par Me C..., conteste ce jugement et demande à la cour :

1°) d'annuler la décision du 17 mai 2016 par laquelle l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) a retiré la subvention accordée d'un montant de 10 788 euros ;

2°) de mettre à la charge de l'ANAH une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la notification d'octroi de subvention par courrier du 14 décembre 2009 à la seule Mme G... F... veuve B... H... était irrégulière au regard de la dévolution successorale de M. H... B... décédé le 11 avril 1991, dès lors qu'un acte notarié du 23 juin 2010 indiquait ses enfants en tant qu'héritiers ;

- l'ANAH ne pouvait régulièrement lui demander de rembourser alors même qu'elle affirme ne lui avoir accordé à titre personnel aucune subvention ;

- plusieurs demandes de remboursement ont été présentées par l'ANAH, 31 749 euros le 19 mai 2016 et 42 537 euros le 12 juillet 2018, instaurant une confusion quant au montant réellement dû ;

- le chantier s'inscrivait dans les " opérations programmées d'amélioration de l'habitat " du renouvellement urbain du centre-ville de Pointe-à-Pitre ; les intervenants sur ce chantier n'ont pas rempli leur mission et elle a été contrainte d'engager une procédure judiciaire pour voir définir les responsabilités de chacun ; cette situation d'arrêt du chantier doit être regardée comme un cas de force majeure lui permettant de bénéficier des délais prévus à l'article R. 321-19 du code de la construction.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 septembre 2019, l'Agence nationale de l'habitat (ANAH), représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la requérante d'une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conclusions tendant à la constatation de nullité de la décision d'octroi de la subvention du 14 décembre 2009 sont nouvelles en appel et, par suite, irrecevables ;

- les moyens développés par Mme B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 14 mai 2020 :

- le rapport de Mme Nathalie Gay-Sabourdy, premier conseiller ;

- et les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme G... F... veuve I... B... a bénéficié, par une décision du 14 décembre 2009, de l'allocation d'une subvention de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) d'un montant de 21 364 euros pour la rénovation d'un immeuble situé 4 bis rue Abbé D... à Pointe à Pitre. A la suite du décès de Mme G... B..., le 13 janvier 2010, une de ses filles, Mme E... B... a acquis l'immeuble en pleine propriété le 28 mars 2013. Par un courrier du 17 mai 2016, le délégué de l'ANAH dans le département de la Guadeloupe a décidé du retrait de la subvention et du reversement des sommes perçues pour un montant de 10 788 euros, somme correspondant à un acompte de 10 682 euros versé le 24 juillet 2013 multiplié par un coefficient de majoration basé sur l'indice de référence des loyers. Mme B... relève appel du jugement du 21 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de l'ANAH du 17 mai 2016.

Sur la légalité de la décision du 17 mai 2016 :

2. L'appelante fait valoir que la décision du 14 décembre 2009 accordant la subvention litigieuse serait illégale à défaut d'avoir été notifiée à l'ensemble des indivisaires de l'immeuble situé au 4 bis de la rue D... à Pointe-à-Pitre. Toutefois, le moyen ainsi soulevé par Mme B..., qui a bien bénéficié de la subvention versée par l'ANAH au titre des travaux de rénovation de l'immeuble dont elle est devenue propriétaire, est inopérant à l'encontre de la décision du 17 mai 2016 par laquelle l'ANAH a réclamé le remboursement d'une partie de la subvention versée. Au demeurant, les conditions de la notification de la décision du 14 décembre 2009 sont sans incidence sur sa légalité. Par suite, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision du 14 décembre 2009 d'octroi de la subvention doit être écarté.

3. Aux termes de l'article R. 321-19 du code de la construction et de l'habitation, en vigueur à la date de la décision d'octroi de la subvention : " (...) Dans un délai de trois ans à compter de la même notification, qui est porté à cinq ans lorsque les travaux portent sur les immeubles mentionnés au deuxième alinéa de l'article R. 321-14, le bénéficiaire de la subvention est tenu de justifier de l'achèvement des travaux sous peine d'annulation de la décision d'octroi de la subvention et du remboursement des sommes déjà perçues. / Une prolongation de ces délais peut, selon des critères, et dans des limites et des conditions fixés par le règlement général de l'agence, être accordée par la commission d'amélioration de l'habitat ou par le président de l'établissement public de coopération intercommunale ou du conseil général ayant conclu la convention mentionnée à l'article L. 321-1-1 sur demande dûment motivée du bénéficiaire de la subvention, notamment lorsque des circonstances extérieures à la volonté de l'intéressé ont fait obstacle à la réalisation des travaux ". Aux termes de l'article 14 du règlement général de l'ANAH approuvé par arrêté du 1er août 2014, applicable à la date de la décision attaquée : " (...) II. L'achèvement des travaux doit être justifié par le bénéficiaire de la subvention sous peine de retrait de la décision d'octroi de la subvention et du remboursement des sommes déjà perçues, dans un délai de trois ans, ou de cinq ans lorsque les travaux portent sur les immeubles faisant l'objet d'un Plan de sauvegarde des copropriétés en difficulté, à compter de la notification de la décision attributive de la subvention. Sur demande motivée du bénéficiaire de la subvention, une prorogation de ces délais, de deux ans maximum, peut être accordée par le délégué de l'agence dans le département ou le délégataire, notamment lorsque des circonstances extérieures à la volonté du demandeur ont fait obstacle à la réalisation des travaux, telles que: / - un motif d'ordre familial ou de santé; - une défaillance d'entreprise ; / - des difficultés importantes d'exécution ".

4. Les subventions conditionnelles ainsi accordées par l'ANAH ne créent de droits au profit de leurs bénéficiaires que pour autant que ceux-ci justifient, après l'achèvement des travaux, que les conditions imposées lors de l'attribution de l'aide se trouvent effectivement réalisées. Si les bénéficiaires de ces subventions sont placés vis-à-vis de cet établissement public dans une situation réglementaire et non contractuelle, cette situation ne fait pas obstacle à ce qu'ils puissent, le cas échéant, invoquer un cas de force majeure ayant rendu impossible l'exécution des engagements auxquels était subordonné le versement de l'aide financière de l'agence.

5. Il ressort des pièces du dossier que le délai de trois ans imparti à Mme G... B..., mère de l'appelante et bénéficiaire de la subvention, pour réaliser les travaux projetés a été prorogé, par une décision du 12 décembre 2012, jusqu'au 14 décembre 2014. Contrairement à ce que soutient Mme E... B..., la décision du 24 juin 2013 qui lui a été adressée après qu'elle ait acquis en pleine propriété l'immeuble situé au 4 bis de la rue Abbé D..., dont l'objet précise qu'il s'agit d'un " engagement rectificatif ", qui mentionne le numéro de dossier initial déposé par Mme G... B... et qui indique expressément la date d'expiration du dossier, soit le 14 décembre 2014, ne peut être regardée, ainsi que l'ont jugé à bon droit les premiers juges, comme une nouvelle décision d'attribution de subvention, alors même qu'elle comporte les termes de " décision d'octroi de la subvention ". Cette décision n'a donc pas été de nature à lui ouvrir droit au bénéfice d'un nouveau délai de prorogation en application de l'article R. 321-19 du code de la construction et de l'habitation et de l'article 14 du règlement de l'ANAH. L'appelante ne conteste pas que les travaux n'étaient pas achevés au 14 décembre 2014, date d'expiration du nouveau délai de deux ans accordé pour effectuer les travaux de rénovation. Si Mme B... se prévaut de la défaillance de l'architecte, du maître d'oeuvre et de l'entrepreneur, à l'égard desquels elle a engagé une procédure judiciaire, cette circonstance ne revêt pas, en l'espèce, un caractère imprévisible, irrésistible et extérieur relevant de la force majeure qui aurait rendu impossible, après la première prolongation déjà accordée en décembre 2012, l'exécution des engagements auxquels était subordonné le versement de l'aide financière accordée par l'agence. Par suite, dès lors que Mme B... ne peut justifier de l'exécution des travaux dans les délais auxquels la bénéficiaire s'était engagée, l'ANAH était fondée, conformément aux dispositions précitées de l'article R. 321-19 du code de la construction et de l'habitation, à prononcer le retrait de la subvention accordée le 14 décembre 2009 et à demander à l'intéressée le remboursement des sommes déjà versées au titre de cette subvention, soit la somme de 10 788 euros. La circonstance que par une décision postérieure à la décision attaquée, un autre remboursement de subvention a été réclamé à Mme B... pour la réhabilitation d'un autre immeuble situé 4 rue D..., est sans incidence sur le bien-fondé de la somme qui lui a été réclamée par la décision attaquée du 17 mai 2016.

6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de l'ANAH du 17 mai 2016.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'ANAH, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que l'appelante demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de Mme B... une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par l'ANAH.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Mme B... versera à l'ANAH une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... B... et à l'Agence nationale de l'habitat.

Délibéré après l'audience du 14 mai 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme Nathalie Gay-Sabourdy, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 juin 2020.

Le président,

Marianne Hardy

La République mande et ordonne au ministre chargé de la ville et du logement en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX03164


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18BX03164
Date de la décision : 11/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

38-03-03-01 Logement. Aides financières au logement. Amélioration de l'habitat. Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Nathalie GAY-SABOURDY
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : LISETTE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-06-11;18bx03164 ?
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