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11/06/2020 | FRANCE | N°19BX04347

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 11 juin 2020, 19BX04347


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 11 février 2019 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1902180 du 8 juillet 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 novembre 2019, M. B..., repré

senté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bor...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 11 février 2019 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1902180 du 8 juillet 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 novembre 2019, M. B..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 8 juillet 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 11 février 2019 du préfet de la Gironde ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, dans le même délai sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

S'agissant du refus de séjour :

- il est insuffisamment motivé dès lors qu'il ne fait aucune mention de sa durée de séjour en France ;

- la décision a été prise à la suite d'une procédure irrégulière dès lors que le préfet était tenu de saisir la commission de titre de séjour ;

- le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision méconnait les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

- cette décision est illégale en raison de l'illégalité du refus de séjour ;

- elle méconnait les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 février 2020, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 octobre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale de New-York relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-62 du 10 juillet 1991 ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D... ;

- et les observations de Me A... représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. C... B..., ressortissant turc, déclare être entré en France en 2006 afin d'y solliciter l'asile. Sa demande a été rejetée le 6 juin 2006 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et le 12 décembre suivant par la Cour nationale du droit d'asile. A la suite de ce refus, il a fait l'objet de mesures d'éloignement les 6 février et 15 octobre 2007 et a demandé à plusieurs reprises son admission au séjour, demandes qui ont donné lieu à des refus de titre de séjour assortis de décisions d'obligation de quitter le territoire français les 11 avril 2011 et 2 septembre 2013 auxquelles il n'a pas déféré. En 2012, son épouse est arrivée en France avec deux de ses enfants mineurs, âgés de 5 et 8 ans. En juillet 2015, M. B... est retourné en Turquie et est revenu en France en septembre de cette même année avec deux autres filles mineures, âgées de 11 et 12 ans. Il a présenté une nouvelle demande d'asile qui a été définitivement rejetée par la Cour nationale du droit d'asile le 2 mai 2017. Le 8 juin 2017, M. B... a sollicité son admission au séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 11 février 2019, le préfet de la Gironde a refusé de faire droit à sa demande et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. M. B... relève appel du jugement du 8 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :

2. En premier lieu, si M. B... soutient que le préfet de la Gironde a omis de mentionner sa durée de présence en France, il ressort des termes mêmes de l'arrêté attaqué que le préfet fait état de son entrée sur le territoire français en septembre 2015 ainsi que de précédents séjours en France. De plus, l'arrêté précise les textes et les motifs qui fondent le refus de séjour. Ces indications ont permis à M. B... de comprendre et de contester la mesure prise à son encontre. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code : " La carte de séjour temporaire (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. (....) ".

4. D'une part, si M. B... se prévaut de sa présence en France depuis 2006, le caractère habituel de son séjour sur le territoire n'est pas établi pour la période comprise entre 2006 et 2011. En effet, pour prouver sa présence en France durant cette période, l'intéressé se borne à produire une lettre d'un laboratoire médical datée de décembre 2006, des ordonnances datées des 28 février 2008, 22 août 2008, 5 février 2009 et 1er juin 2010, un accusé de réception du 22 septembre 2008, une lettre de la préfecture d'octobre 2008, une attestation de l'assurance maladie du 18 février 2010, un bulletin de paye pour les mois de mars et avril 2011, un accusé de réception d'une demande d'aide médicale d'état du 11 août 2011 et une déclaration de mise en opposition auprès d'une banque le 25 novembre 2011. Ces éléments, qui n'attestent que d'une présence ponctuelle de l'intéressé en France sur cette période, ne permettent pas de justifier qu'à la date de l'arrêté contesté, M. B... résidait depuis plus de dix en en France. Dès lors, le préfet de la Gironde n'était pas tenu de consulter la commission du titre de séjour sur la situation de M. B....

5. D'autre part, pour justifier son droit au séjour, M. B... se prévaut de l'ancienneté de sa résidence sur le territoire, de la présence en France de son épouse et de leurs six enfants et d'une promesse d'embauche. Toutefois, ces éléments ne constituent pas des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels au sens des dispositions précitées justifiant son admission exceptionnelle au séjour. Par suite, la décision attaquée n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré en France pour y demander l'asile dont il a été débouté à deux reprises les 12 décembre 2006 et 2 mai 2017 et se maintient en situation irrégulière depuis lors. Par ailleurs, l'intéressé a déjà fait l'objet de quatre mesures d'éloignement auxquelles il n'a pas déféré. En outre, son épouse, de nationalité turque, fait également l'objet d'un refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français, de sorte qu'il n'est fait état d'aucun obstacle avéré à une reconstitution de la cellule familiale hors de France, ni à une poursuite de la scolarité des enfants dans leur pays d'origine. Par ailleurs, l'intéressé ne démontre pas avoir tissé, en France, des liens en dehors de sa cellule familiale. Enfin, la seule circonstance qu'il soit titulaire d'une promesse d'embauche n'est pas de nature à lui conférer un quelconque droit au séjour. Dans ces conditions, le refus de séjour contesté ne peut être regardé comme portant à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de refus qui lui ont été opposés. Le préfet de la Gironde n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

8. En quatrième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

9. Ainsi qu'il a été dit au point 7, l'épouse de M. B... fait également l'objet d'une mesure d'éloignement et l'appelant ne fait état d'aucune circonstance qui empêcherait la reconstitution de la cellule familiale en Turquie où les enfants pourront poursuivre leur scolarité. Ainsi, et alors même qu'ils ont été scolarisés en France, la décision portant refus de séjour ne peut être regardée comme portant atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.

10. En cinquième et dernier lieu, le moyen tiré de ce que le refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre d'une décision qui, par

elle-même, n'implique pas le retour de l'intéressé dans son pays d'origine.

En que qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

11. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant refus de séjour ne peut qu'être écarté.

12. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7, la mesure d'éloignement n'est pas entachée d'une méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

13. Le moyen tiré de ce que la mesure d'éloignement méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre d'une décision qui, par elle-même, n'implique pas le retour de l'intéressé dans son pays d'origine.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 février 2019. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 14 mai 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme D..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 juin 2020.

Le président,

Marianne Hardy

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 19BX04347 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19BX04347
Date de la décision : 11/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Nathalie GAY-SABOURDY
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : DA ROS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-06-11;19bx04347 ?
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