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18/06/2020 | FRANCE | N°18BX02014

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 18 juin 2020, 18BX02014


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Galbar a demandé au tribunal de Poitiers de prononcer la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2011.

Par un jugement n° 1600969 du 20 mars 2018 le tribunal administratif de Poitiers a rejeté la demande présentée par la société Galbar.



Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 mai 2018, la société Galbar, re...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Galbar a demandé au tribunal de Poitiers de prononcer la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2011.

Par un jugement n° 1600969 du 20 mars 2018 le tribunal administratif de Poitiers a rejeté la demande présentée par la société Galbar.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 mai 2018, la société Galbar, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 20 mars 2018 ;

2°) de prononcer la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2011 ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés pour l'instance.

Elle soutient que :

- le document intitulé " conséquences financières à l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos le 31/12/2011 ", qui lui a été notifié le 15 novembre 2013, n'est pas motivé et que l'administration n'a pas fait suite à sa demande de motivation du 25 novembre suivant ;

- elle n'a pas commis d'acte anormal de gestion en cédant certains terrains à ses associés et ces cessions ne pouvaient, en tout état de cause, faire l'objet de rappels de TVA à ce titre ;

- elle ne s'est pas délibérément soustraite à ses obligations fiscales.

Par des mémoires, enregistrés les 28 novembre 2018 et 7 mai 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Éric Rey-Bèthbéder, président-rapporteur,

- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Galbar, dont l'activité est la vente de terrains à bâtir, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012. L'administration fiscale a considéré que les ventes, par cette société, de six terrains à ses trois associés et gérants, au cours des années 2011 et 2012, avaient été effectuées à des prix inférieurs à la valeur vénale de ces biens, sans contrepartie pour la société. En conséquence, elle a notifié à cette société une proposition de rectification l'informant de son intention de mettre à sa charge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et un complément de taxe sur la valeur ajoutée (TVA). La société Galbar demande à la cour d'annuler le jugement du 20 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2011.

2. En premier lieu, l'administration fiscale a adressé à la société Galbar une proposition de rectification le 28 juin 2013 dont la motivation n'est pas critiquable et n'est au demeurant pas critiquée par la société Galbar. Aux termes d'un document adressé à cette société le 15 novembre 2013, en application des dispositions de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales, et intitulé " conséquences financières d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos le 31/12/2011 ", l'administration a modifié le montant mentionné dans cette proposition de rectification, lequel était entaché d'une erreur matérielle. Le 7 février 2014, à la suite de l'avis rendu par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffres d'affaires, l'administration, conformément à cet avis, dans le délai de reprise et avant la mise en recouvrement des impositions concernées, a adressé à la société appelante un nouveau document, dont la motivation n'est pas davantage contestée, qui arrête les conséquences financières définitives du contrôle et se substitue, par suite, au document adressé à la société le 15 novembre 2013. Dans ces conditions, la société Galbar n'ayant été privée d'aucune garantie, elle ne peut utilement faire valoir que ce dernier document n'était pas suffisamment motivé.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 17 du livre des procédures fiscales : " En ce qui concerne les droits d'enregistrement et la taxe de publicité foncière ou la taxe sur la valeur ajoutée lorsqu'elle est due au lieu et place de ces droits ou taxe, l'administration des impôts peut rectifier le prix ou l'évaluation d'un bien ayant servi de base à la perception d'une imposition lorsque ce prix ou cette évaluation parait inférieur à la valeur vénale réelle des biens transmis ou désignés dans les actes ou déclarations ".

4. La société appelante ne peut pas utilement faire valoir que l'administration ne pouvait l'assujettir à un complément de TVA en se fondant sur l'existence d'un acte anormal de gestion dès lors que ce complément n'est pas fondé sur la notion d'acte anormal de gestion mais sur les dispositions précitées de l'article L. 17 du livre des procédures fiscales.

5. En troisième lieu et en vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale. Il appartient à l'administration, qui entend se prévaloir de l'existence d'un acte anormal de gestion procédant de la cession, à un prix minoré, d'un élément d'actif appartenant à une société, d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer qu'il existe une insuffisance du prix stipulé dans l'acte de cession et que l'avantage ainsi consenti constitue un acte anormal de gestion.

6. D'une part, l'administration a considéré que la société Galbar a cédé trois lots, qui n'étaient pas réservés à la construction de logements sociaux, à ses trois associés au prix unique de 160 euros par m². L'administration soutient que ce prix est inférieur à la valeur vénale de ces lots dès lors que les autres lots ont été cédés, en moyenne, au prix de 229 euros le m² en 2011 et à celui de 218 euros le m² en 2012. La société soutient qu'à la suite de la crise économique de 2008, les lots concernés ne pouvaient plus être vendus, compte tenu de leur emplacement et de leur surface, et que ses associés en ont, chacun, acquis un afin de relancer la commercialisation des autres terrains. Toutefois, elle ne l'établit pas en se bornant à soutenir que ces lots étaient d'une surface, respectivement, trois, deux et une fois et demi plus importante que la surface moyenne des autres terrains, que l'un de ces lots, en forme de poire, n'était pas entièrement constructible et en faisant valoir que l'encours des comptes courants d'associé dans sa comptabilité était supérieur à sa trésorerie à l'issue de l'exercice clos le 31 décembre 2012 alors qu'il résulte, au contraire, de l'instruction que ces lots ont été cédés aux associés de la société au prix unique de 160 euros par m², lequel ne tient donc pas compte des différences importantes de taille et d'attractivité alléguées, que, lors des opérations de vérification sur place, la société a soutenu que les prix de cession de ces lots se justifiaient par l'absence de rémunération des dirigeants pour les démarches accomplies dans la réalisation du projet immobilier, enfin qu'une construction a été édifiée par la fille de l'un des associés dès 2010 sur l'un de ces lots, que cet associé a acquis le lot concerné en mars 2012 et en a fait donation à sa fille en juillet 2012, de sorte que la société ne peut pas utilement soutenir que l'achat des lots concernés n'avait pas été prévu lors de la genèse de l'opération mais procédait des difficultés de commercialisation qu'elle aurait rencontrées.

7. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme établissant que les lots dont s'agit ont été cédés aux associés de la société appelante à un prix inférieur à leur valeur vénale, et que cette cession n'est pas rattachable à la gestion normale de la société.

8. D'autre part, l'administration a également considéré que la cession par la société à ses trois associés des lots n° 28, n° 29 et n° 30, affectés à la construction de logements sociaux avait, de même, été réalisée à une valeur inférieure à leur valeur vénale. Toutefois, elle ne l'établit pas en se bornant à prendre comme terme de comparaison le prix de vente des terrains qui n'étaient pas affectés à la construction de tels logements puis à retenir l'évaluation réalisée par la commission départementale des impôts, laquelle correspond seulement au prix de revient moyen des terrains lotis. En outre, l'administration ne conteste pas les allégations de la société selon lesquelles, tout d'abord, ni les organismes sociaux ni les collectivités territoriales n'étaient susceptibles de se porter acquéreurs de trois terrains sur lesquels ne pouvaient être bâtis que des maisons individuelles, de sorte qu'il n'existait pas d'acheteurs pour de tels terrains, ensuite, qu'en l'absence de terme de comparaison pertinent, elle a retenu le prix de vente qui avait été proposé à la commune de Saint-Rogatien pour l'extension de son complexe sportif, puis qu'aux termes des articles 2 et 3 de l'autorisation de lotir du 8 janvier 2008, l'édification de trois logements sociaux sur ces trois lots devait avoir commencée, à peine de caducité de cette autorisation, dans le délai de deux ans prévu à l'article R. 424-20 du code de l'urbanisme, motif pour lequel les associés de la société ont dû acquérir ces trois lots et y faire construire des logements sociaux, enfin, que la rentabilité brute de ces logements est inférieure à 4 % et serait encore plus faible si ces associés avaient dû acquérir ces terrains à un prix supérieur.

9. Dans ces conditions, la société Galbar est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont considéré que l'administration établissait que les lots n° 28, n° 29 et n° 30 ont été cédés à un prix inférieur à leur valeur vénale.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la société appelante est seulement fondée à demander la réformation de ce jugement en tant qu'il n'a pas prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et du complément de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la cession de ces lots.

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La société Galbar est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la cession des lots n° 28, n° 29 et n° 30.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 20 mars 2018 est reformé en tant qu'il est contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'État versera une somme de 1 500 euros à la société Galbar sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Galbar et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Ouest.

Délibéré après l'audience du 20 mai 2020 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme B..., présidente-assesseure,

Mme Florence Madelaigue, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 juin 2020.

Le président,

Éric Rey-Bèthbéder

La République mande et ordonne au le ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

5

N°18BX02014


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 18BX02014
Date de la décision : 18/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Détermination du bénéfice net - Acte anormal de gestion.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Revenus des capitaux mobiliers et assimilables - Revenus distribués.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: M. Eric REY-BETHBEDER
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : SELARL THOMAS et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 27/06/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-06-18;18bx02014 ?
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