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09/07/2020 | FRANCE | N°19BX04140

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 09 juillet 2020, 19BX04140


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 1er avril 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a décidé son transfert aux autorités autrichiennes responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1902457 du 24 mai 2019, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 octobre 2019, M. D..., représenté par M

e B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 1er avril 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a décidé son transfert aux autorités autrichiennes responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1902457 du 24 mai 2019, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 octobre 2019, M. D..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 24 mai 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 1er avril 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne d'examiner sa demande d'asile dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour le temps de l'instruction de sa demande dans le délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'État les dépens ainsi qu'une somme de 1 800 euros, à verser à son conseil, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le premier juge n'a pas suffisamment examiné les moyens tirés du défaut d'examen de sa situation personnelle et de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet ;

- le signataire de l'arrêté en litige ne disposait pas de délégation régulière pour ce faire ;

- la décision de transfert est insuffisamment motivée et témoigne d'un défaut d'examen de sa situation et de celle de ses enfants ;

- il s'oppose à son transfert aux autorités autrichiennes dès lors que celles-ci ont déjà rejeté sa demande d'asile et sont dans l'incapacité d'assurer sa protection ;

- la décision en litige porte atteinte au droit constitutionnel d'asile ;

- la décision en litige méconnaît les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

- sa situation justifiait que le préfet mette en oeuvre la procédure prévue par l'article 17 du règlement 604/2013 ;

- la décision en litige aura des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa situation personnelle et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire, enregistré le 14 novembre 2019, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés et produit notamment des pièces indiquant que M. D... a été déclaré comme étant en fuite et que le délai de transfert a été en conséquence prolongé.

Par ordonnance du 8 novembre 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 8 janvier 2020 à 12 heures.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 septembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Romain Roussel, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., né le 3 juillet 1994, de nationalité russe, est entré en France le 8 novembre 2018 selon ses déclarations et a déposé une demande d'asile. Par arrêté du 1er avril 2019, le préfet de la Haute-Garonne a prononcé son transfert aux autorités autrichiennes responsables de l'examen de sa demande d'asile. M. D... relève appel du jugement du 24 mai 2019 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Le premier juge a examiné les moyens tirés du défaut d'examen de la situation personnelle de M. D... et de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise le préfet. La circonstance qu'il n'aurait pas correctement répondu à ces moyens est sans incidence sur la régularité du jugement attaqué mais relève de son bien-fondé.

Sur la légalité de la décision de transfert aux autorités autrichiennes :

3. En premier lieu, au soutien du moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige, le requérant ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance et ne critique pas la réponse apportée par le tribunal administratif. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge.

4. En deuxième lieu, l'arrêté en litige comporte l'énoncé des motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement. Il vise notamment la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 3 et 8, ainsi que le règlement UE n° 604/2013 et notamment son article 3.2. L'arrêté précise les conditions d'entrée en France de M. D..., en particulier la circonstance qu'il a déposé une demande d'asile en préfecture alors qu'il avait déjà déposé une telle demande auprès des autorités autrichiennes. Par ailleurs, le préfet précise que, compte tenu de ses observations, l'intéressé ne peut se prévaloir d'une vie privée et familiale en France. Dès lors, le préfet de la Haute-Garonne a suffisamment motivé en droit et en fait la décision par laquelle il a décidé son transfert aux autorités autrichiennes. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté. En outre, il ressort de cette motivation que le préfet de la Haute-Garonne s'est livré à un examen complet de la situation personnelle de M. D....

5. En troisième lieu, aux termes du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement UE n° 604/2013 : " Lorsque aucun État membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans le présent règlement, le premier État membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l'examen ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 18 du même règlement : " L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : (...) b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre (...) d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l'apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre (...) ".

6. Il ressort des observations faites par l'intéressé lors de son entretien individuel que M. D... est entré en France après que la demande d'asile qu'il avait déposée en Autriche a été rejetée. Dans ces conditions, compte tenu des dispositions citées au point précédent du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement UE n° 604/2013, la circonstance que la demande d'asile qu'il a déposée en Autriche aurait été rejetée ne fait pas obstacle à la désignation de l'Autriche comme pays responsable de l'examen de sa demande d'asile.

7. En troisième lieu, alors que M. D... a déclaré lors de son entretien individuel ne pas avoir de membres de sa famille en France, il soutient sans toutefois l'établir qu'un oncle, une tante et des cousins vivent en France. Dès lors, il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'en prenant la décision en litige, le préfet aurait porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

8. En quatrième lieu, aux termes du 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. Le cas échéant, il en informe, au moyen du réseau de communication électronique " DubliNet " établi au titre de l'article 18 du règlement (CE) n° 1560/2003, l'État membre antérieurement responsable, l'État membre menant une procédure de détermination de l'État membre responsable ou celui qui a été requis aux fins de prise en charge ou de reprise en charge. L'État membre qui devient responsable en application du présent paragraphe l'indique immédiatement dans Eurodac conformément au règlement (UE) n° 603/2013 en ajoutant la date à laquelle la décision d'examiner la demande a été prise. " Il résulte de ces dispositions que la faculté laissée à chaque Etat membre de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.

9. M. D... se borne à alléguer que les autorités autrichiennes sont dans l'incapacité d'assurer sa protection. Il n'établit ni même n'allègue être exposé à des traitements inhumains ou dégradants en Autriche. Dès lors, le préfet n'a pas entaché la décision en litige d'une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas application des dispositions précitées de l'article 17-1 du règlement (UE) n° 604/2013 et n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.

10. Enfin, compte tenu des circonstances exposées précédemment, les moyens tirés de ce que la décision en litige porte atteinte au droit d'asile et aura des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la situation personnelle du requérant ne peuvent qu'être écartés.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D..., à Me B... et au ministre de l'intérieur. Copie sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 30 juin 2020 à laquelle siégeaient :

Mme C... A..., présidente,

M. Frédéric Faïck, président assesseur,

M. Romain Roussel, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 9 juillet 2020.

La présidente,

Elisabeth A... La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

5

N° 19BX04140


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX04140
Date de la décision : 09/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Romain ROUSSEL
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : CANADAS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-07-09;19bx04140 ?
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