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09/07/2020 | FRANCE | N°19BX04668

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 09 juillet 2020, 19BX04668


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... F... veuve E... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 16 juillet 2019 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle sera renvoyée.

Par un jugement n° 1901427 du 31 octobre 2019, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 novemb

re 2019, Mme F..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... F... veuve E... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 16 juillet 2019 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle sera renvoyée.

Par un jugement n° 1901427 du 31 octobre 2019, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 novembre 2019, Mme F..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 31 octobre 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Vienne du 16 juillet 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation, dans le délai de sept jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 15 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros, à verser à son conseil, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision de refus de séjour est insuffisamment motivée et témoigne d'un défaut d'examen complet de sa situation ;

- le préfet s'est estimé à tort lié par l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;

- la décision de refus de séjour méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision de refus de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.

Par un mémoire, enregistré le 12 mars 2020, le préfet de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 13 mars 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 27 mars 2020 à 12 heures.

Mme F... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 mars 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Romain Roussel, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme F..., ressortissante géorgienne née le 15 janvier 1958, est entrée sur le territoire français pour la dernière fois le 18 octobre 2018. Le 26 mars 2019, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Par arrêté du 16 juillet 2019, le préfet de la Haute-Vienne a rejeté sa demande de de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle sera renvoyée. Mme F... relève appel du jugement du 31 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Sur la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour :

2. En premier lieu, l'arrêté en litige comporte l'énoncé des motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement. Il vise notamment la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 3 et 8, ainsi que ceux du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicables à la situation de Mme F..., en particulier les 7° et 11° de l'article L. 313-11. L'arrêté précise les conditions de son entrée et de son séjour en France, le fait que sa demande d'asile a été rejetée et qu'elle a par le passé bénéficié d'un titre de séjour en raison de son état de santé puis fait l'objet de deux arrêtés refusant de renouveler son titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français. Il fait également état de l'avis rendu sur son état de santé par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Par ailleurs, le préfet de la Haute-Vienne précise que l'intéressée se prévaut de la présence en France de sa fille, elle-même mère de deux enfants, et de son fils et qu'elle n'est pas dépourvue d'attaches privées et familiales dans son pays d'origine. Dès lors, le préfet de la Haute-Vienne a suffisamment motivé en droit et en fait la décision par laquelle il a refusé de lui délivrer un titre de séjour. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.

3. En deuxième lieu, il ressort de la motivation de l'arrêté en litige que le préfet de la Haute-Vienne s'est livré à un examen complet de la situation personnelle de Mme F..., en particulier de son état de santé et de sa situation privée et familiale. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier que le préfet se serait estimé lié par la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou par l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Enfin, dès lors qu'il a estimé que le défaut de prise en charge médicale de l'intéressée ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, le préfet, comme le collège, n'était pas tenu de se prononcer sur la possibilité pour Mme F... de bénéficier d'un accès effectif à un traitement approprié dans son pays d'origine.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".

5. Pour refuser de délivrer à Mme F... un titre de séjour, le préfet, s'appuyant sur l'avis rendu le 5 juin 2019 par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, a estimé que si l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale, le défaut de prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Mme F... produit des attestations, postérieures à l'arrêté en litige, établies par son médecin généraliste et par le médecin psychiatre qui la suit depuis dix ans, selon lesquelles, outre des problèmes rhumatologiques, l'intéressée présente un syndrome dépressif. Toutefois, la seule déclaration faite par l'intéressée à son médecin sur l'impossibilité de se procurer les molécules nécessaires lors de son retour en Géorgie n'est corroborée par aucun autre élément du dossier et n'est pas assortie de précisions sur les molécules concernées ni sur les démarches faites par l'intéressée pour se les procurer. En outre, si les certificats médicaux font état " d'exactions politiques et économiques " à la suite desquelles l'intéressée aurait fui son pays, ces affirmations ne sont pas assorties de précisions suffisantes quant aux événements relatés et ne sont étayées par aucun élément qui permette de les tenir pour exactes et d'estimer que le lien entre sa pathologie et des événements traumatisants vécus en Géorgie ne permettrait pas d'envisager un traitement effectivement approprié dans ce pays. Ainsi, les documents produits par Mme F... ne permettent pas de remettre en cause l'appréciation portée par le préfet. Enfin, la circonstance qu'elle a par le passé bénéficié d'un titre de séjour en raison de son état de santé est sans incidence sur la légalité de l'arrêté en litige. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l'arrêté en litige méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée (...) ".

7. Mme F... est entrée en France une première fois le 16 novembre 2009 selon ses déclarations. Après le rejet de sa demande d'asile, elle a obtenu, en 2012, un titre de séjour en raison de son état de santé, renouvelé jusqu'en 2016. Après avoir fait l'objet, en 2016 puis en 2018, de deux arrêtés préfectoraux lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français, elle a quitté le territoire le 11 août 2018 et y est entrée à nouveau le 18 octobre 2018, à l'âge de 60 ans. Si elle se prévaut de la présence en France de sa fille, elle-même mère de deux enfants, elle n'établit pas la réalité des liens qu'elle entretiendrait avec elle. Si elle se prévaut également de la présence en France de son fils, il ressort des pièces du dossier que celui-ci fait également l'objet d'une mesure d'éloignement et que le recours contre celle-ci a été rejeté. Si elle fait valoir que son époux et ses parents sont décédés, elle n'établit pas pour autant être dépourvue de toute attache dans son pays d'origine où elle a vécu la majeure partie de sa vie. Dans ces conditions, le préfet n'a pas porté au droit de Mme F... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le préfet n'a pas méconnu les stipulations et dispositions précitées. Il n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.

Sur la décision faisant obligation de quitter le territoire français :

8. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme F... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision portant refus de séjour à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

9. En second lieu, eu égard aux circonstances exposées au point 7, en faisant obligation à Mme F... de quitter le territoire français, le préfet n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Il n'a pas davantage commis d'erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de la requérante.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme F... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... F... veuve E..., au ministre de l'intérieur et à Me B.... Copie sera adressée au préfet de la Haute-Vienne.

Délibéré après l'audience du 30 juin 2020 à laquelle siégeaient :

Mme D... A..., présidente,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

M. Romain Roussel, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 9 juillet 2020.

Le président,

Elisabeth A... La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX04668


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX04668
Date de la décision : 09/07/2020
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. FAÏCK
Rapporteur ?: M. Romain ROUSSEL
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : BENAIM

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-07-09;19bx04668 ?
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