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09/07/2020 | FRANCE | N°19BX04791

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 09 juillet 2020, 19BX04791


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 3 mai 2019, par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un certificat de résidence algérien, l'a obligé à quitter le territoire sans délai et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1900877 du 12 juillet 2019, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 3 mai 2019, par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un certificat de résidence algérien, l'a obligé à quitter le territoire sans délai et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1900877 du 12 juillet 2019, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 décembre 2019, M. A..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 12 juillet 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 3 mai 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne de lui délivrer un certificat de résidence algérien dans le délai de quinze jours suivant la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'expiration de ce délai en application de l'article L. 911-3 du code de justice administrative ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il est arrivé en France en 2013 où vivaient déjà trois de ses enfants qui avaient été confiés par acte de kafala à leurs grands-parents mais avec lesquels il avait maintenu les liens affectifs ; il est à la charge de son fils aîné ; un grand nombre de membres de sa famille vit en France ; l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 s'applique donc à sa situation ;

- le recours à la kafala a été pour lui une contrainte, compte tenu des menaces pesant sur sa famille du fait du statut d'ancien combattant de son père à qui était reprochée son alliance avec la France ;

- il ne dispose d'aucun lien avec l'Algérie, son mariage sans le consentement de ses beaux-parents ayant causé une rupture des liens avec la famille de son épouse ;

- ainsi, la décision portant obligation de quitter le territoire français et la désignation de l'Algérie comme pays de renvoi auront des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la situation de ses enfants qui seraient privés d'éducation et seraient mis en danger ; il a produit des éléments concernant les menaces et persécutions subies en Algérie ;

- le préfet ne justifie pas avoir examiné sa situation au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- au regard de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les décisions contestées entraîneront des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur ses relations familiales et sa situation en cas de retour en Algérie ;

- il n'a jamais été une charge pour l'Etat français ; il est pris en charge par ses enfants et il a travaillé, ce qui démontre ses capacités d'insertion ;

- lui et son épouse ont suivi des cours et ont pu apprendre le français ;

- leurs enfants mineurs sont scolarisés en France depuis 4 ans ; la décision portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français auront donc des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la situation de ces enfants et les priveraient de relations avec leurs parents.

Par une décision du 14 novembre 2019, M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Par un mémoire enregistré le 4 mars 2020, le préfet de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par M. A... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 21 février 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 3 avril 2020 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant algérien né en 1971, est entré en France accompagné de son épouse et de leurs deux enfants mineurs nés en 1998 et 2004, le 11 juin 2013, muni d'un visa Schengen de court séjour de 30 jours, valable du 2 avril 2013 au 2 juillet 2013. Le 17 septembre 2013, il a demandé la délivrance d'un certificat de résidence qui lui a été refusée par décision du préfet de la Haute-Vienne du 22 mai 2004 assortie d'une obligation de quitter le territoire français. Le recours de M. A... contre cet arrêté préfectoral a été rejeté par jugement du tribunal administratif de Limoges du 22 janvier 2015 et sa requête d'appel a été rejetée par ordonnance du 11 mai 2015. Le 22 octobre 2015, il a présenté une nouvelle demande de titre de séjour, en invoquant son état de santé et celui de l'un de ses enfants, et le 12 décembre 2016, le préfet de la Haute-Vienne lui a opposé un nouveau refus assorti d'une obligation de quitter le territoire français. Son recours contre ces décisions a également été rejeté par jugement du tribunal administratif du 16 novembre 2017 et par ordonnance de la cour du 9 avril 2018. Le 19 février 2019, il a de nouveau sollicité la délivrance d'un certificat de résidence, en invoquant le 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Le 3 mai 2019, le préfet de la Haute-Vienne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire pour une durée de deux ans. Par arrêté du 8 juillet 2019, le préfet a par ailleurs fixé le pays à destination duquel il serait renvoyé à défaut de départ volontaire. Par jugements des 12 juillet 2019 et 6 février 2020, le tribunal administratif de Limoges a rejeté ses recours dirigés contre, respectivement, les arrêtés des 3 mai et 8 juillet 2019. Il fait appel, dans la présente instance, du jugement du 12 juillet 2019.

2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". L'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Si M. A... est arrivé en France en 2013, ainsi qu'il a été dit, il s'est maintenu sur le territoire français en situation irrégulière après l'expiration de son visa de court séjour, malgré deux mesures d'éloignement auxquelles il n'a pas déféré. Il a quatre enfants majeurs vivant en France et bénéficiant de certificats de résidence valables dix ans mais il ressort des pièces du dossier qu'ils résident depuis 1998 ou, s'agissant de son fils d'un premier mariage, depuis 1999, en France où ils ont été confiés par acte de kafala au père de M. A..., lequel vit régulièrement en France depuis 1969 avec son épouse qui y réside depuis 1990, également en situation régulière. Les attestations produites au dossier selon lesquels M. A... accompagne ses parents dans les actes de la vie quotidienne ne traduisent pas un état de dépendance qui rendrait indispensable la présence de M. A... auprès d'eux. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que la fille de M. A..., arrivée mineure en France avec ses parents, était devenue majeure à la date de l'arrêté contesté et ne vivait plus avec ses parents. Si le fils mineur de M. A... est scolarisé en France, le requérant ne fait état d'aucune circonstance qui ferait obstacle à ce qu'il poursuive sa scolarité en Algérie. Son épouse fait également l'objet d'une mesure d'éloignement. Rien ne fait donc obstacle à ce que la cellule familiale de M. A..., composée de lui-même, de son épouse et de son plus jeune fils, se reconstitue en Algérie, où il a vécu jusqu'à l'âge de 42 ans, tout en maintenant les relations affectives qui la lient à ses parents et à ses quatre enfants qui vivent en France depuis de nombreuses années. Si sa fille arrivée mineure en France et devenue majeure en 2016, qui a obtenu un titre de séjour, a vocation à séjourner en France, le refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire français ne font pas davantage obstacle au maintien des liens familiaux avec elle. Dans ces conditions, et alors même que l'intéressé a participé à des cours d'apprentissage du français, qu'il est à la charge de l'un de ses fils aînés, qu'il a travaillé du 7 au 21 décembre 2016 et qu'avec son épouse, ils ont engagé des démarches en vue de trouver un emploi et à supposer même qu'il n'ait plus de liens avec sa belle-famille qui vit en Algérie, M. A..., qui, ainsi qu'il a été dit, a vécu dans ce pays jusqu'à l'âge de 42 ans, n'est pas fondé à soutenir que la décision de refus de titre de séjour et la décision portant obligation de quitter le territoire français ont été prises en méconnaissance des stipulations précitées de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Dans ces circonstances, ces décisions ne portent pas au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elles ont été prises. Enfin, compte tenu de ce qui vient d'être dit, le préfet en prenant ces deux décisions, de refus de séjour et d'obligation de quitter le territoire français, n'a pas entaché d'erreur manifeste son appréciation des conséquences de ces décisions sur la situation personnelle de M. A....

4. Le moyen tiré de ce que la décision fixant l'Algérie comme pays de destination serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation est inopérant, dès lors que, comme il a été dit au point 1 ci-dessus, l'arrêté du 3 mai 2019, en litige dans la présente instance, ne fixe pas le pays de destination.

5. Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaire prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre d'une activité salariée, soit au titre de la vie familiale. Dès lors que ces conditions sont régies de manière exclusive par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, un ressortissant algérien ne peut utilement invoquer les dispositions de cet article à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national. Par suite, M. A... ne peut utilement soutenir que le préfet aurait omis d'examiner sa situation au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande. Sa requête doit, par suite, être rejetée y compris ses conclusions en injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A..., à Me C... et au ministre de l'intérieur. Une copie en sera adressée au préfet de la Haute-Vienne.

Délibéré après l'audience du 30 juin 2020 à laquelle siégeaient :

Mme D... B..., président,

M. Frédéric Faïck, président assesseur,

Mme Caroline Gaillard, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 9 juillet 2020

Le président-rapporteur,

Elisabeth B... La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

N° 19BX04791


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX04791
Date de la décision : 09/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Elisabeth JAYAT
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : KARAKUS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-07-09;19bx04791 ?
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