La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/07/2020 | FRANCE | N°18BX02835,18BX03032

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 10 juillet 2020, 18BX02835,18BX03032


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... F... a demandé au tribunal administratif de Toulouse, d'une part, d'annuler la décision du 20 mai 2016 par laquelle le centre hospitalier de Muret a procédé

à son licenciement et d'enjoindre à l'établissement de procéder à sa réintégration rétroactive, d'autre part, d'annuler la décision née du silence gardé par le centre hospitalier de Muret sur sa réclamation préalable du 20 août 2016, de condamner le centre hospitalier de Muret à lui verser son salaire sur la période entre la

date de son licenciement et à la date à laquelle une nouvelle décision de licenciement a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... F... a demandé au tribunal administratif de Toulouse, d'une part, d'annuler la décision du 20 mai 2016 par laquelle le centre hospitalier de Muret a procédé

à son licenciement et d'enjoindre à l'établissement de procéder à sa réintégration rétroactive, d'autre part, d'annuler la décision née du silence gardé par le centre hospitalier de Muret sur sa réclamation préalable du 20 août 2016, de condamner le centre hospitalier de Muret à lui verser son salaire sur la période entre la date de son licenciement et à la date à laquelle une nouvelle décision de licenciement a été prise, et de faire injonction à l'établissement de procéder à sa titularisation, au paiement des cotisations sociales et à la reconstitution de sa carrière.

Par un jugement n° 1603345 du 18 mai 2018, le tribunal administratif de Toulouse

a annulé la décision du 20 mai 2016 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Muret

a procédé au licenciement de M. F... sans préavis ni indemnité en tant qu'elle ne procède pas à sa réintégration préalable à compter du 22 novembre 2013, et a enjoint à l'établissement

de procéder à cette réintégration sur la période du 22 novembre 2013 au 20 mai 2016.

Par un jugement n° 1604977 du 1er juin 2018, le tribunal administratif de Toulouse

a annulé la décision née du silence gardé par le centre hospitalier de Muret sur la réclamation

de M. F... du 20 août 2016 en tant qu'elle refuse de le réintégrer sur la période

du 12 novembre 2013 au 20 mai 2016 et de régulariser ses droits sociaux au titre de la même période, et a enjoint à l'établissement d'y procéder.

Procédure devant la cour :

I-) Par une requête, enregistrée le 18 juillet 2018 sous le n° 18BX02835 et un mémoire enregistré le 26 juin 2020, le centre hospitalier de Muret, représenté par Me G..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse n° 1603345

du 18 mai 2018 ;

2°) de rejeter la demande de M. F... ;

3°) de mettre à la charge de M. F... le paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Le centre hospitalier soutient que :

- le jugement du 18 mai 2018 est irrégulier dès lors que le motif retenu pour annuler partiellement la décision du 20 mai 2016 correspond à un moyen relevé d'office

en méconnaissance du principe du contradictoire ;

- le motif retenu par les premiers juges pour annuler la décision litigieuse en tant qu'elle n'a pas procédé à la réintégration préalable de M. F... à compter du 22 novembre 2013 ne peut qu'être écarté dès lors que, par un arrêt du 10 juillet 2018, sous le n° 16BX02274, la cour de céans a annulé le jugement du tribunal du 18 mai 2016 annulant la décision de licenciement du 12 novembre 2013 et enjoignant au directeur du centre hospitalier de procéder à la réintégration de M. F... à compter du 22 novembre 2013 ;

- au surplus, le défaut d'exécution d'une injonction ne constitue pas un moyen d'annulation d'une décision et concerne uniquement l'exécution du jugement d'annulation ;

- en tout état de cause, les autres moyens de la demande de M. F... devront être écartés par adoption des motifs développés par les premiers juges.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 janvier 2019, M. F..., représenté

par Me C..., conclut au rejet de la requête du centre hospitalier de Muret et à ce que soit mis

à la charge du centre hospitalier le paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement

de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;

- son licenciement était illégal ;

- l'arrêt de la cour administrative d'appel n'est pas définitif dès lors qu'un pourvoi en cassation a été introduit.

II-) Par une requête, enregistrée le 1er août 2018 sous le n° 18BX03032 et un mémoire enregistré le 26 juin 2020, le centre hospitalier de Muret, représenté par Me G..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse n° 1604977 du

1er juin 2018 ;

2°) de rejeter la demande de M. F... ;

3°) de mettre à la charge de M. F... le paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Le centre hospitalier soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que le tribunal s'est mépris sur l'exception d'incompétence qu'il avait soulevée, tirée de ce que le juge de première instance n'était pas compétent pour connaître de l'exécution d'un jugement frappé d'appel ; le tribunal a ainsi dénaturé ses écritures ;

- c'est à tort que le tribunal a estimé que la décision en litige méconnaissait l'autorité de la chose jugée, dès lors que le jugement du 18 mai 2016 a été annulé par la cour administrative d'appel le 10 juillet 2018 ;

- au surplus le défaut d'exécution d'une injonction ne constitue pas un moyen d'annulation d'une décision et concerne uniquement l'exécution du jugement d'annulation ;

- en tout état de cause, les conclusions indemnitaires de M. F... étaient irrecevables soit pour défaut de liaison du contentieux, soit pour défaut de fondement juridique et de moyens, soit pour incompétence de la juridiction de première instance ;

- les autres moyens de la demande de M. F... devront être écartés par adoption des motifs développés par les premiers juges.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 janvier 2019, M. F..., représenté

par Me C..., conclut :

- 1°) au rejet de la requête du centre hospitalier de Muret ;

- 2°) à la condamnation du centre hospitalier de Muret à lui verser son salaire depuis la date de son licenciement jusqu'au 5 juillet 2016 et à l'indemniser de son préjudice moral et de la perte de chance de progresser dans la carrière à hauteur de 16 000 euros, à défaut à la condamnation du centre hospitalier à réparer le préjudice tiré de la perte du salaire, des cotisations sociales et de la chance de progresser dans la carrière, soit 16 024 euros à parfaire ;

- 3°) à ce qu'il soit enjoint au centre hospitalier de Muret de le titulariser et de procéder à une reconstitution de sa carrière et, en conséquence, de régulariser les cotisations sociales afférentes ;

- 4°) à ce que soit mis à la charge du centre hospitalier de Muret le paiement

de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- les moyens de la requête du centre hospitalier ne sont pas fondés ;

- il est fondé à demander la condamnation de l'établissement à l'indemniser des pertes de salaire depuis la date de son licenciement, de son préjudice moral et de la perte de chance de progresser dans la carrière ;

- il est également fondé à demander à ce qu'il soit enjoint à l'établissement de le réintégrer et de reconstituer sa carrière.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu l'arrêt de la cour administrative d'appel du 10 juillet 2018 sous le n° 16BX02274 ;

Vu la décision du Conseil d'Etat du 6 mai 2019 sous le n° 423868 ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le décret n° 91-155 du 6 février 1991 ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. H... E...,

- les conclusions de Mme Aurélie Chauvin, rapporteur public ;

- et les observations de Me G... pour le centre hospitalier de Muret.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... F... a été recruté par le centre hospitalier de Muret en qualité de psychologue clinicien à compter du 15 septembre 2008 sous contrat à durée indéterminée.

Le 12 novembre 2013, il a fait l'objet d'une décision de licenciement pour motif disciplinaire sans préavis ni indemnité, avec effet à compter du 22 novembre suivant. Par un jugement

du 18 mai 2016, le tribunal administratif de Toulouse a annulé cette décision pour insuffisance de motivation et a enjoint au centre hospitalier de Muret de procéder à la réintégration

de l'intéressé à compter du 12 novembre 2013. Par une décision du 20 mai 2016, le directeur

du centre hospitalier de Muret a, de nouveau, procédé au licenciement de M. F... pour faute, sans préavis ni indemnité. Par un jugement n° 1603345 du 18 mai 2018, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision du 20 mai 2016 du directeur du centre hospitalier de Muret,

en tant qu'elle ne procède pas à la réintégration préalable de M. F... à compter

du 22 novembre 2013, et a enjoint au centre hospitalier de Muret de procéder à la réintégration administrative de l'intéressé sur la période du 22 novembre 2013 au 20 mai 2016, dans un délai de deux mois suivant la notification du jugement.

2. Par ailleurs, par une lettre du 20 août 2016, M. F... a demandé au centre hospitalier de Muret de procéder à sa réintégration à compter du 12 novembre 2013, de lui verser son salaire pour la période du 12 novembre 2013 au 20 mai 2016, de procéder au versement des cotisations sociales auprès des organismes compétents et de réparer les préjudices qu'il estimait avoir subis. En l'absence de réponse, il a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision née du silence gardé par son employeur et de condamner ce dernier à lui verser son salaire au titre de la période en cause ou, subsidiairement, de lui verser une somme totale de 32 024 euros à parfaire en réparation des préjudices subis. Par un jugement n° 1604977 du 1er juin 2018, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision née du silence gardé par le centre hospitalier de Muret à la suite de la réclamation de M. F... en date

du 20 août 2016 en tant qu'elle refusait de le réintégrer et de régulariser ses droits sociaux

sur la période du 12 novembre 2013 au 20 mai 2016, a enjoint au centre hospitalier de Muret

de procéder, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, à la réintégration administrative de M. F... au titre de cette période et de régulariser ses droits sociaux, et a rejeté le surplus des conclusions de M. F....

3. Le centre hospitalier de Muret relève appel, par deux requêtes distinctes, des jugements n° 1603345 du 18 mai 2018 et n° 1604977 du 1er juin 2018 du tribunal administratif de Toulouse. Ces deux demandes ayant trait à une même situation, il y a eu lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur le bien-fondé du jugement du tribunal administratif de Toulouse n° 1603345 du 18 mai 2018 :

4. Par un arrêt du 10 juillet 2018, sous le n° 16BX02274, devenu définitif à la suite

du rejet du pourvoi de M. F... par une décision du Conseil d'Etat du 6 mai 2019,

la cour administrative d'appel a annulé le jugement du 18 mai 2016 du tribunal administratif

de Toulouse en tant qu'il avait annulé la décision de licenciement de M. F... du 12 novembre 2013 et enjoint au directeur du centre hospitalier de Muret de procéder à la réintégration

de l'intéressé. Il suit de là que M. F... doit être regardé comme ayant été légalement licencié par la décision du directeur du centre hospitalier de Muret 12 novembre 2013, avec effet

au 22 novembre 2013, cet acte administratif se trouvant rétroactivement rétabli dans tous ses effets juridiques. Dès lors, le centre hospitalier est fondé à soutenir que la décision

du 20 mai 2016 n'étant pas illégale en tant qu'elle ne procède pas à la réintégration préalable de M. F... à compter du 22 novembre 2013, le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 18 mai 2018 doit être annulé. En outre, et ainsi qu'en a d'ailleurs jugé la cour dans les motifs de son arrêt du 10 juillet 2018 devenu définitif, la décision du 12 novembre 2013 étant légale,

M. F... n'était pas fondé à demander l'annulation de la décision du 20 mai 2016, qui n'a au demeurant qu'un caractère superfétatoire et confirmatif de la décision du 22 novembre 2013.

Sur le bien-fondé du jugement du tribunal administratif de Toulouse n° 1604977 du 1er juin 2018 :

5. Ainsi qu'il vient d'être dit, le licenciement pour faute de M. F... a pu légalement être prononcé par la décision du directeur du centre hospitalier du 12 novembre 2013. Il s'en suit que le jugement du 1er juin 2018 du tribunal administratif de Toulouse qui, d'une part, annule la décision née du silence gardé par le centre hospitalier de Muret à la suite de la réclamation

de M. F... du 20 août 2016 en tant qu'elle refuse de réintégrer l'intéressé sur la période

du 12 novembre 2013 au 20 mai 2016 et de régulariser ses droits sociaux au titre de la même période et, d'autre part, enjoint au centre hospitalier de procéder à cette réintégration administrative au titre de la période du 12 novembre 2013 au 20 mai 2016 et de régulariser

les droits sociaux au titre de la même période, au motif de la méconnaissance de l'autorité

de la chose jugée par le jugement du 18 mai 2016 précité, doit être annulé par voie de conséquence de l'annulation devenue définitive de ce dernier jugement. En outre, la décision

du 12 novembre 2013 n'étant pas illégale, la décision par laquelle le centre hospitalier a implicitement refusé de réintégrer M. F... à compter du 12 novembre 2013 n'a pas méconnu l'autorité de la chose jugée et, par voie de conséquence, les conclusions que M. F... a présentées, tant en première instance qu'en appel, à fin d'annulation de cette décision, à fin de condamnation de l'établissement à lui verser son salaire depuis la date de son licenciement et à réparer les préjudices subis du fait de son licenciement, et à fin d'injonction de le titulariser, de reconstituer sa carrière et de procéder au paiement des cotisations sociales, ne peuvent qu'être rejetées.

6. Il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier de Muret est fondé à demander l'annulation des jugements attaqués, et que les demandes de M. F... doivent être rejetées.

Sur les frais relatifs au litige :

7. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des parties présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse n° 1603345 du 18 mai 2018

est annulé

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse n° 1604977 du 1er juin 2018

est annulé.

Article 3 : Les demandes de M. F... présentées devant le tribunal administratif de Toulouse sont rejetées.

Article 4 : Les conclusions présentées par les parties sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier de Muret et à M. B... F....

Délibéré après l'audience du 7 juillet 2020 à laquelle siégeaient :

Mme A... D..., présidente,

M. H... E..., premier conseiller,

Mme I..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 juillet 2020.

La présidente,

Anne D...

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

Nos 18BX02835, 18BX03032


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX02835,18BX03032
Date de la décision : 10/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Agents contractuels et temporaires - Fin du contrat - Licenciement.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'annulation.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : Mme MEYER
Rapporteur ?: M. Thierry SORIN
Rapporteur public ?: Mme CHAUVIN
Avocat(s) : GEORGE JULIEN

Origine de la décision
Date de l'import : 13/09/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-07-10;18bx02835.18bx03032 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award