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29/07/2020 | FRANCE | N°18BX03308

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 29 juillet 2020, 18BX03308


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme K... H... a demandé au tribunal administratif de Pau la décharge de l'obligation solidaire de payer les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie avec M. I... au titre des années 2001 à 2003.

Par un jugement n° 1601612 du 5 juillet 2018, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 août 2018, Mme H..., représentée par Me A..., demande

à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 5 juillet 2018 ;

2°...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme K... H... a demandé au tribunal administratif de Pau la décharge de l'obligation solidaire de payer les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie avec M. I... au titre des années 2001 à 2003.

Par un jugement n° 1601612 du 5 juillet 2018, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 août 2018, Mme H..., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 5 juillet 2018 ;

2°) de prononcer la décharge de responsabilité solidaire à hauteur de

357 565,24 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Mme H... soutient que :

- M. I... a quitté le domicile conjugal le 12 septembre 2012 et le divorce a été prononcé par consentement mutuel le 14 novembre 2014, et c'est à tort que le service a estimé qu'il s'agissait d'un divorce de convenance constitutif de manoeuvres au sens de l'article

1691 bis du code général des impôts ;

- la disproportion entre le montant de la dette fiscale et sa situation financière et patrimoniale est avérée dès lors que ses revenus de 2015 étaient d'environ 24 000 euros, issus de la location des immeubles qu'elle détient en usufruit et de son salaire mensuel de

595,09 euros, et qu'elle a assuré l'ensemble des charges liées à l'usufruit et à sa résidence principale, pour un montant de 23 531 euros ; s'agissant de son patrimoine, elle est usufruitière de trois appartements, situés à Gabarret et Biscarrosse et elle produit en annexe l'ensemble des crédits en cours pour ces appartements ainsi que les justificatifs de charges.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 février 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête, et fait valoir que les moyens ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 30 septembre 2019, la clôture d'instruction a été fixée au

31 octobre 2019 à 12 heures.

Par lettre du 24 juin 2020, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de relever d'office le moyen tiré de ce que, les dispositions de l'article 1691 bis du code général des impôts n'instituant pas de solidarité de paiement s'agissant des contributions sociales, Mme H... ne peut être poursuivie en paiement de ces contributions.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme L...,

- et les conclusions de M. D... E....

Considérant ce qui suit :

1. Mme H... et son ex-époux, M. B... I..., ont fait l'objet d'une imposition commune pour un montant de trois cent quarante-huit mille quarante-six euros (348 046 €) en matière d'impôt sur le revenu au titre des années 2001 à 2003, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, à la suite du redressement d'impôt sur les sociétés de la SARL Espaces Affaires dont M. I... était le gérant. Mme H... relève appel du jugement du 5 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'obligation solidaire de payer, à concurrence de la somme de 357 565,24 euros, les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, qui lui sont réclamées au titre des années 2001 à 2003.

2. Aux termes de l'article 1691 bis du code général des impôts : " I. Les époux et les partenaires liés par un pacte civil de solidarité sont tenus solidairement au paiement : / 1° De l'impôt sur le revenu lorsqu'ils font l'objet d'une imposition commune (...) II. 1. Les personnes divorcées ou séparées peuvent demander à être déchargées des obligations de paiement prévues au I (...) lorsque, à la date de la demande : a) Le jugement de divorce ou de séparation de corps a été prononcé (...) 2. La décharge de l'obligation de paiement est accordée en cas de disproportion marquée entre le montant de la dette fiscale et, à la date de la demande, la situation financière et patrimoniale, nette de charges, du demandeur. (...) 3. Le bénéfice de la décharge de l'obligation de paiement est subordonné au respect des obligations déclaratives du demandeur prévues par les articles 170 et 885 W à compter de la date de la fin de la période d'imposition commune. (...) La décharge de l'obligation de paiement ne peut pas être accordée lorsque le demandeur et son conjoint ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité se sont frauduleusement soustraits, ou ont tenté de se soustraire frauduleusement, au paiement des impositions mentionnées aux 1° et 2° du I ainsi qu'à l'article 1723 ter-00 B, soit en organisant leur insolvabilité, soit en faisant obstacle, par d'autres manoeuvres, au paiement de l'impôt ".

3. À la suite de la vérification de comptabilité de la SARL Espaces Affaires dont M. I... était le gérant, M. I... et Mme H..., alors mariés et soumis à une imposition commune, se sont vu notifier des suppléments d'impôt sur le revenu, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, au titre des années 2001 à 2003.

4. Les époux ont divorcé le 14 novembre 2014. Par un avis à tiers détenteur du

6 août 2015, Mme H... s'est vu réclamer le paiement de la somme de 366 832,54 euros, au titre de l'impôt sur le revenu et des prélèvement sociaux des années 2001 à 2003. Elle a alors sollicité, par courrier du 9 octobre 2015, la décharge de l'obligation solidaire de payer, sur le fondement du II de l'article 1691 bis du code général des impôts. Par décision du 21 juin 2016, l'administrateur général des finances publiques de Mont-de-Marsan a rejeté sa demande, au motif que le couple avait, dans le but de faire obstacle au paiement de l'impôt, organisé un divorce de convenance constitutif d'une manoeuvre au sens de l'article 1691 bis du code général des impôts.

5. En premier lieu, les dispositions de l'article 1691 bis du code général des impôts ne prévoient pas de solidarité de paiement s'agissant des contributions sociales. Dès lors, Mme H... ne peut être poursuivie en paiement des prélèvements sociaux dont le recouvrement est poursuivi par l'administration au titre des années 2001 à 2003.

6. En second lieu, il résulte de l'instruction que les époux I..., mariés sous le régime de la séparation de biens, détenaient en indivision un appartement à Biscarrosse, ainsi qu'une maison individuelle et des terrains à Gabarret. Postérieurement à la mise en recouvrement des impositions dont le paiement est réclamé à l'appelante, ils ont cédé, le 17 décembre 2009, une partie des parcelles à la société familiale " GFA de Clavé ", créée le 27 novembre 2009, dont M. I... est gérant associé, les autres associés étant Mme H... et trois de leurs enfants, et, le 23 décembre 2011, ils ont fait donation à leur fils F... de la nue-propriété des parcelles restantes. Le 6 mars 2013, M. et Mme I... ont constitué avec leurs enfants une société civile immobilière familiale, la SCI Roquaupe, dont les statuts ont été enregistrés au service des impôts des entreprises de Tarbes le

6 mars 2013, et qui, suivant compromis de vente des 7 et 13 octobre 2015, devait procéder à l'acquisition de la maison de Gabarret et de l'appartement de Biscarrosse pour, respectivement, 35 000 euros et 80 000 euros, prix inférieurs à leur valeur d'achat douze ans auparavant, alors que l'hypothèque légale du Trésor public sur ces biens était de

389 742 euros en principal. Le 14 novembre 2014, le jugement de divorce et d'homologation de la convention de règlement des effets définitifs du divorce a attribué à Mme H... l'usufruit des biens situés à Gabarret et Biscarrosse. Finalement, l'appartement de Biscarrosse a été cédé, le 4 avril 2018, à un autre acquéreur pour 190 000 euros, alors que la valeur initialement fixée pour la cession à la SCI familiale était de 80 000 euros. Il résulte de ces constatations que M. I... et Mme H... ont ainsi tenté de procéder, après la mise en recouvrement des impositions en cause, au démembrement de certains de leurs droits patrimoniaux, ont transféré une partie de leur patrimoine à une société détenue par eux, la société GFA de Clavé, et ont tenté un transfert de patrimoine à un prix qui apparaît minoré au profit de la SCI familiale Roquaupe.

7. De surcroit, il résulte également de l'instruction que, postérieurement au divorce, Mme H... et M. I... ont continué de se présenter comme mariés et domiciliés à la même adresse. Ainsi, le courrier de Me C..., notaire, adressé au service de recouvrement du centre des finances publiques de Mont-de-Marsan le 6 janvier 2016, dans le cadre du projet de vente des biens leur appartenant à la SCI Roquaupe, précise que M. I... et Mme H... " demeurent ensemble à Gabarret, 269 chemin Clavé ". De même, la déclaration d'intention d'aliéner signée par le même notaire le 19 octobre 2015, mentionne dans la rubrique propriétaire " M. et Mme I... B... " domiciliés au 269 chemin Clavé à Gabarret.

8. Il résulte de ce qui a été exposé aux points 6 et 7 que Mme H... et M. I... ont tenté de se soustraire frauduleusement au paiement des impositions concernées en organisant leur insolvabilité et en faisant obstacle, par d'autres manoeuvres, au paiement de l'impôt. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner l'existence d'une disproportion marquée entre le montant de la dette fiscale et la situation financière et patrimoniale de l'appelante, c'est à bon droit que l'administrateur des finances a rejeté la demande de Mme H... sur le fondement de l'article 1691 bis du code général des impôts.

9. Il résulte de tout ce qui précède que le jugement attaqué du tribunal administratif de Pau doit être annulé en ce qu'il a rejeté la demande de Mme H... portant sur les prélèvements sociaux et que Mme H... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort qu'il a rejeté sa demande s'agissant des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Mme H... est déchargée de l'obligation de payer la somme due au titre des suppléments de prélèvements sociaux auxquels elle a été assujettie avec M. I... au titre des années 2001 à 2003 et dont le paiement a été poursuivi par avis à tiers détenteurs du 6 août 2015.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Pau est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme H... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme K... H... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 2 juillet 2020 à laquelle siégeaient :

Mme G... J..., présidente de la cour,

M. Éric Rey-Bèthbéder, président de chambre,

Mme L..., présidente-assesseure.

Lu en audience publique, le 29 juillet 2020.

La rapporteure,

L... La présidente,

Brigitte J...

La greffière,

Caroline Brunier

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 18BX03308 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 18BX03308
Date de la décision : 29/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-05-02-01 Contributions et taxes. Généralités. Recouvrement. Paiement de l'impôt. Solidarité entre époux.


Composition du Tribunal
Président : Mme PHEMOLANT
Rapporteur ?: Mme Frédérique MUNOZ-PAUZIES
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : SCP DELTA AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/08/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-07-29;18bx03308 ?
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