La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/07/2020 | FRANCE | N°19BX04639

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 29 juillet 2020, 19BX04639


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 16 juillet 2018 par lequel le préfet de la Haute Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite.

Par un jugement n° 1805505 du 28 mai 2019, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour administrative d'appel :r>
Par une requête, enregistrée le 9 décembre 2019, Mme A..., représentée par Me B..., demande...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 16 juillet 2018 par lequel le préfet de la Haute Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite.

Par un jugement n° 1805505 du 28 mai 2019, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour administrative d'appel :

Par une requête, enregistrée le 9 décembre 2019, Mme A..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 28 mai 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 16 juillet 2018 par lequel le préfet de la Haute Garonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute Garonne de réexaminer sa situation administrative, de lui accorder le statut de parent accompagnant et de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour et la décision l'obligeant à quitter le territoire français méconnaissent les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- ces décisions méconnaissent les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et le 2° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- ces décisions méconnaissent les stipulations de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 octobre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... D... A..., née le 4 juin 1971 à Matadi, de nationalité congolaise (République démocratique du Congo), est entrée en France, selon ses déclarations le 3 octobre 2016, à l'âge de 45 ans, avec sa plus jeune fille mineure, sous le couvert d'un passeport muni d'un visa Schengen émis par le consulat de Belgique à Kinshasa d'une durée de validité de trente-quatre jours. Elle a sollicité son admission au bénéfice de l'asile le 15 novembre 2016, dont elle a été déboutée le 6 avril 2017 par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), décision confirmée, le 21 juillet 2017, par un arrêt de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). L'intéressée a sollicité, le 26 décembre 2017, son admission au séjour en France en qualité d'étranger malade sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le 16 juillet 2018, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite. Mme A... relève appel du jugement du 28 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. Chaque année, un rapport présente au Parlement l'activité réalisée au titre du présent 11° par le service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ainsi que les données générales en matière de santé publique recueillies dans ce cadre ".

3. Il ressort des pièces du dossier que, le 26 décembre 2017, Mme A... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le seul fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Aux termes de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 26 mai 2018, l'état de santé de Mme A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité. La circonstance que le dernier examen périodique effectué le 19 juin 2018 par la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne a montré des anomalies pour lesquelles elle l'a invitée à consulter son médecin traitant ne suffit pas à remettre en cause l'avis du collège de médecins. En conséquence, Mme A... ne peut utilement se prévaloir de l'absence alléguée de structures de santé en République démocratique du Congo lui permettant de bénéficier d'un traitement approprié à ses pathologies. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont écarté le moyen tiré de la méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

4. Mme A..., qui n'a demandé la délivrance d'un titre de séjour ni sur le fondement de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relatif à la situation des parents étrangers d'un enfant malade, ni sur celui du 2° de l'article L. 314-11 du même code, relatif à la situation de l'enfant étranger d'un ressortissant français, ne peut utilement invoquer le bénéfice de ces dispositions à l'encontre de l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 16 juillet 2018.

5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bienêtre économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 31311 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 3132 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".

6. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... est entrée sur le territoire national, selon ses déclarations, le 3 octobre 2016, à l'âge de 45 ans. Elle n'a été admise à séjourner en France que le temps de l'instruction de sa demande d'asile, rejetée définitivement le 21 juillet 2017 par la CNDA, et de sa demande de titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, il ressort notamment de sa demande de titre de séjour que Mme A... n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident son mari, quatre de ses enfants, ses parents et sa soeur. La circonstance que Mme A... a présenté, le 15 novembre 2018, postérieurement à l'arrêté attaqué du 16 juillet 2018, une demande de titre de séjour en évoquant l'état de santé de sa fille porteuse d'une surdité profonde bilatérale, n'a pas d'incidence sur la légalité de l'arrêté contesté. Dans ces conditions, cet arrêté ne peut être regardé comme portant à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée eu égard aux motifs de ce refus de titre de séjour et au regard des buts en vue desquels la décision d'éloignement a été prise. Par suite, le préfet de la Haute-Garonne n'a méconnu ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. Aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions concernant les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquée à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

8. A la date à laquelle l'arrêté a été pris, rien ne faisait obstacle à ce que la cellule familiale de Mme A... se reconstitue en République démocratique du Congo où sa plus jeune fille, eu égard à son jeune âge, a vocation à l'accompagner. La circonstance qu'un avis du collège de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 29 janvier 2019, postérieur à la décision attaquée, indique qu'à cette date l'état de santé de la fille mineure de Mme A..., qui souffre d'une surdité profonde bilatérale, nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut peut entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, elle ne pouvait y bénéficier d'un traitement approprié et que les soins nécessités par son état de santé devaient être poursuivis pendant une durée de douze mois, n'a pas d'influence sur la légalité de l'arrêté contesté qui s'apprécie à la date à laquelle cet arrêté a été pris. Par suite, les décisions attaquées ne peuvent être regardées comme ayant été prises en méconnaissance de l'intérêt supérieur de la fille de Mme A.... Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ne peut qu'être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 juillet 2018. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute Garonne.

Délibéré après l'audience du 9 juillet 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme Nathalie Gay-Sabourdy, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 juillet 2020.

Le rapporteur,

Nathalie Gay-Sabourdy Le président,

Marianne Hardy

Le greffier,

Stéphan Triquet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX04639


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19BX04639
Date de la décision : 29/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Nathalie GAY-SABOURDY
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : MANKOU

Origine de la décision
Date de l'import : 15/08/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-07-29;19bx04639 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award