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24/09/2020 | FRANCE | N°20BX00603

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 24 septembre 2020, 20BX00603


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 18 avril 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite.

Par un jugement n° 1902666 du 30 janvier 2020, le tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de la Haute-Garonne de délivrer à Mme A...

un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un dé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 18 avril 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite.

Par un jugement n° 1902666 du 30 janvier 2020, le tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de la Haute-Garonne de délivrer à Mme A... un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 février 2020, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 30 janvier 2020 ;

2°) de rejeter les demandes présentées par Mme A... devant le tribunal administratif de Toulouse.

Il soutient que :

- il n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de Mme A... au respect de sa vie privée et familiale, de sorte que c'est à tort que le tribunal a retenu qu'il avait méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- Mme A... ne remplissait pas les conditions pour être admise exceptionnellement au séjour en France.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 avril 2020, Mme E... A..., représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de 30 jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, en outre, à ce qu'il soit mis à la charge de l'État le paiement de la somme de 4 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par le préfet de la Haute-Garonne ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C... B...,

- et les observations de Me D..., représentant Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante djiboutienne née le 28 juillet 1962, est entrée en France le 28 août 2016 sous couvert d'un visa d'une durée de quatre-vingt-dix jours. Elle a demandé, le 18 avril 2018, la délivrance d'un titre de séjour temporaire sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313 14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi qu'en qualité de visiteur sur le fondement de l'article L. 313-16 du même code. Par un arrêté du 18 avril 2019, le préfet de la Haute-Garonne a refusé son admission au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite à l'issue de ce délai. Le préfet relève appel du jugement du 30 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté et l'a enjoint à délivrer à Mme A... un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ".

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif de Toulouse :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° À l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... est entrée en dernier lieu en France à l'âge de 54 ans et s'y est maintenue irrégulièrement au-delà de la durée de validité de son visa. Ses deux fils majeurs qui résident en France bénéficient d'un titre de séjour en qualité d'étudiant qui ne leur donne pas vocation à y rester durablement. En outre, il ne ressort pas des attestations médicales produites par Mme A... que l'état de santé de son fils ainé rendrait indispensable sa présence auprès de lui à la date de la décision litigieuse. Si elle vit également avec son fils mineur qui est scolarisé en classe de quatrième, rien ne fait obstacle à ce que celui-ci continue sa scolarité ailleurs qu'en France, notamment à Djibouti, en particulier au lycée français où ses frères ainés ont été précédemment scolarisés. Enfin, si elle fait valoir qu'une de ses soeurs réside à Marseille, elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales à Djibouti où réside et travaille son conjoint. Dans ces conditions et alors même que Mme A... parle français, qu'elle est venue antérieurement en France à plusieurs reprises et que le couple est propriétaire d'un logement à Toulouse, le préfet n'a pas, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus. Par suite, c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur le motif tiré de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour annuler le refus de titre opposé à Mme A... et, par voie de conséquence, l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi prises à son encontre.

4. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A... devant le tribunal administratif de Toulouse.

Sur les autres moyens invoqués par Mme A... :

En ce qui concerne le moyen commun aux différentes décisions :

5. Par un arrêté du 17 janvier 2019, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Haute-Garonne, le préfet de ce département a donné délégation à Mme G... F..., directrice des migrations et de l'intégration, pour signer les décisions, arrêtés, conventions, mémoires, requêtes, documents administratifs, avis, télégrammes officiels et correspondances courantes établies dans le champ de compétence de sa direction en ce qui concerne les matières relevant du ministère de l'intérieur. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions litigieuses doit être écarté.

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

6. La décision litigieuse vise les conventions internationales et les dispositions légales dont il est fait application, comporte des éléments de faits relatifs à la situation de Mme A... et expose avec précision les raisons pour lesquelles le préfet a refusé de lui délivrer un titre de séjour. Ces indications étaient suffisantes pour permettre à l'intéressée de comprendre et de contester la mesure prise à son encontre. Par suite, le moyen tiré d'une insuffisante motivation doit être écarté.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

7. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger (...) ".

8. La motivation de l'obligation de quitter le territoire français se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas, par conséquent, dès lors que ce refus est lui-même motivé, ainsi qu'il a été dit au point 6 ci-dessus, et que les dispositions législatives qui permettent d'assortir le refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire français ont été rappelées, de mention spécifique. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision doit être écarté.

9. En l'absence d'illégalité du refus de titre de séjour, le moyen soulevé par Mme A..., tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français serait privée de base légale, doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant octroi d'un délai de départ volontaire :

10. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) II. - L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. (...) ".

11. Lorsque l'autorité administrative accorde un délai de trente jours, elle n'est pas tenue de motiver sa décision sur ce point si l'étranger, comme en l'espèce, n'a présenté aucune demande tendant à l'octroi d'un délai de départ plus long. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.

12. Contrairement à ce que soutient Mme A..., il ne ressort pas des pièces du dossier que l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre l'obligerait à vendre l'appartement occupé par ses enfants. Si elle fait valoir que son dernier fils est en cours de scolarité en classe de quatrième, cette seule circonstance ne peut suffire à caractériser une erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet à ne pas avoir assorti, à titre exceptionnel, la mesure d'éloignement litigieuse d'un délai d'exécution supérieur à trente jours.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

13. La décision fixant le pays de renvoi est régulièrement motivée en droit, notamment par le visa des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et par celui de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cette décision est également suffisamment motivée en fait par l'indication que l'intéressée, qui ne démontre pas être exposée personnellement à des peines ou traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine, peut être éloignée à destination du pays dont elle a la nationalité ou qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ou encore à destination de tout autre pays où elle établit être légalement admissible. Il suit de là que le moyen tiré d'un défaut de motivation doit être écarté.

14. Ainsi qu'il a déjà été dit au point 3 ci-dessus, Mme A... n'est pas dépourvue d'attaches familiales à Djibouti où réside et travaille son conjoint et où son dernier fils pourra poursuivre sa scolarité. Ainsi, la décision fixant comme pays de destination celui dont Mme A... a la nationalité ou tout autre pays dans lequel elle serait légalement admissible n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et, par suite, n'a pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

15. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté du 18 avril 2019. Les conclusions présentées par Mme A... aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent par voie de conséquence être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Toulouse ainsi que ses conclusions présentées par voie d'appel incident et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme E... A....

Copie en sera transmise, pour information, au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 27 août 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, président,

M. C... B..., président-assesseur,

Mme Nathalie Gay-Sabourdy, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 septembre 2020.

Le rapporteur,

Didier B...

Le président,

Marianne HardyLe greffier,

Sophie Lecarpentier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

6

N° 20BX00603


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20BX00603
Date de la décision : 24/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: M. Didier SALVI
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : FALACHO

Origine de la décision
Date de l'import : 06/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-09-24;20bx00603 ?
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