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01/10/2020 | FRANCE | N°20BX00392

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 01 octobre 2020, 20BX00392


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme I... A... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 28 octobre 2019 par lequel le préfet du Gers lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et l'a astreinte à se présenter une fois par semaine au commissariat de police d'Auch.

Par un jugement n° 1902601 du 27 décembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la co

ur :

Par une requête, enregistrée le 3 février 2020, Mme A..., représentée par Me B..., d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme I... A... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 28 octobre 2019 par lequel le préfet du Gers lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et l'a astreinte à se présenter une fois par semaine au commissariat de police d'Auch.

Par un jugement n° 1902601 du 27 décembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 février 2020, Mme A..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 27 décembre 2019 ;

3°) d'annuler l'arrêté du préfet du Gers du 28 octobre 2019 ;

4°) d'enjoindre au préfet du Gers de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des dispositions desarticles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- le préfet n'a pas justifié de la compétence du signataire de la décision attaquée devant le tribunal administratif ; ce dernier ne pouvait donc juger que M. D... disposait d'une délégation de signature régulière ; depuis le 16 octobre 2019, M. D... n'était plus secrétaire général de la préfecture ;

- la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée faute de comporter l'énoncé exhaustif des éléments relatifs à sa situation personnelle en France et en Serbie ;

- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

- la décision de refus de titre de séjour porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale ;

- l'obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale dans la mesure où elle est justifiée par la décision du même jour portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; en effet, elle est menacée de mort et sa famille l'a rejetée violemment ; elle partage sa vie avec un Français et s'occupe de ses enfants issus d'une première union ;

- cette décision porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 avril 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale des droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme F... G... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante serbe, est entrée en France le 22 mai 2019, selon ses déclarations. Sa demande d'asile a été rejetée selon la procédure accélérée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 25 septembre 2019. Par arrêté du 28 octobre 2019, le préfet du Gers a fait obligation à Mme A... de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et l'a astreinte à se présenter une fois par semaine au commissariat de police d'Auch. Mme A... relève appel du jugement du 27 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la légalité externe :

2. En premier lieu, par arrêté du 17 décembre 2018, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du Gers, la préfète de ce département a donné délégation à M. Guy D..., secrétaire général de la préfecture, à l'effet de signer toutes décisions relevant des attributions de l'État dans le département et donc à ce titre, notamment toutes les décisions relatives au séjour et à la police des étrangers.

3. Si Mme A... fait valoir qu'à la date de la décision, M. D... n'était plus secrétaire général de la préfecture du Gers dès lors qu'il avait été mis fin à ses fonctions par décret du 16 octobre 2019, il résulte de l'instruction que son successeur, Mme C... E..., nommée dans ses nouvelles fonctions par décret en date du 16 octobre 2019, n'a été installée que le 29 octobre 2019. Jusqu'à cette date, alors qu'il n'avait été lui-même installé dans ses nouvelles fonctions que le 4 novembre 2019, M. D... était compétent pour prendre toute mesure entrant dans les attributions pour lesquelles il avait reçu délégation de signature du préfet. Dès lors, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté attaqué du 28 octobre 2019 aurait été pris par une autorité incompétente.

4. En second lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. _ L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. Lorsque, dans l'hypothèse mentionnée à l'article L. 311-6, un refus de séjour a été opposé à l'étranger, la mesure peut être prise sur le seul fondement du présent 6° ; (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. (...) ".

5. L'arrêté attaqué, qui rappelle la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, du 25 juin 2019, expose notamment que l'intéressée ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français, qu'après examen particulier de sa situation, elle n'entre dans aucun cas d'attribution de plein droit d'un titre de séjour compte tenu, notamment, de la durée de sa présence en France, que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne sont pas méconnues dès lors qu'elle est célibataire et sans enfant et qu'elle n'établit pas avoir tissé des liens personnels et familiaux au caractère stable, ancien et intense. Par suite, la décision attaquée satisfait à l'exigence de motivation en fait prescrite par les dispositions précitées de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne la légalité interne :

6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... n'est entrée en France que le 22 mai 2019. Elle ne démontre pas avoir tissé sur le territoire national des liens personnels et familiaux présentant un caractère intense, ancien et stable. Elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où elle a vécu vingt-neuf ans et il n'est pas établi que sa famille l'aurait rejetée, ainsi qu'elle l'allègue. Dès lors, et nonobstant la circonstance qu'elle partagerait depuis quelques mois sa vie avec un Français et s'occuperait de ses enfants issus d'une première union, il n'est pas établi que la décision en litige porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, les moyens tirés de ce que la décision en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

8. Il n'est pas établi que la décision attaquée serait contraire à l'intérêt supérieur des enfants de son compagnon. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée méconnaîtrait l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté.

9. Si Mme A... soutient qu'en cas de retour dans son pays d'origine elle s'exposerait à des risques de traitements inhumains et dégradants au motif que l'ensemble de sa famille l'a rejetée et qu'elle y serait menacée de mort, elle ne produit aucune pièce au soutien de ces allégations. Par suite, la décision attaquée ne peut être regardée comme ayant été prise en méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

10. Il résulte de ce qui est exposé au point 5 du présent arrêt que la décision portant refus de titre de séjour ne saurait être regardée comme constituant le fondement de l'obligation de quitter le territoire. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision en litige serait dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour doit être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme I... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Gers.

Délibéré après l'audience du 3 septembre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme H..., présidente-assesseure,

Mme F... G..., premier conseiller,

Lu en audience publique, le 1er octobre 2020.

Le rapporteur,

Florence G...

Le président,

Éric Rey-Bèthbéder

La greffière,

Angélique Bonkoungou

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°20BX00392


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 20BX00392
Date de la décision : 01/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Florence MADELAIGUE
Rapporteur public ?: Mme CHAUVIN
Avocat(s) : SCP MORANT - DUBOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-10-01;20bx00392 ?
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